1988 |
" Pendant 43 ans, de ma vie consciente, je suis rest� un r�volutionnaire; pendant 42 de ces ann�es, j'ai lutt� sous la banni�re du marxisme. Si j'avais � recommencer tout, j'essaierai certes d'�viter telle ou telle erreur, mais le cours g�n�ral de ma vie resterait inchang� " - L. Trotsky. |
La mort de L�nine, le 21 janvier 1924, est un �v�nement capital dans l'histoire du mouvement communiste international et de l'U.R.S.S. Elle ne fut pas moins d�terminante pour la destin�e personnelle de Trotsky. Au terme de son ouvrage Le Dernier Combat de L�nine, Mosh� Lewin assure que, celui-ci � disparu, Staline �tait s�r de vaincre [2] � – un jugement peut-�tre exag�r�ment cat�gorique, mais qui a le m�rite de souligner la d�t�rioration profonde de la position de Trotsky dans le parti avec la mort de L�nine.
Trotsky s'en �tait all�, sans attendre la fin de la XIIIe conf�rence, pour la cure de repos prescrite, dans le Caucase. D'abondantes chutes de neige avaient prolong� ce voyage. C'est � la gare de Tiflis, le 22 janvier 1924, que son secr�taire, Sermouks, bl�me, p�n�tra dans son wagon-bureau, avec, � la main, le t�l�gramme chiffr� qui apportait la fatale nouvelle [3]. La premi�re r�action de Trotsky fut de rebrousser chemin pour assister � la c�r�monie fun�bre. Mais il ne le fit pas, � la grande surprise des siens et de nombreux observateurs : des millions de Sovi�tiques d�couvrirent cette absence inexpliqu�e et inexplicable, et ses adversaires surent en tirer le parti que l'on devine.
Il a donn� de son absence une explication identique dans Ma Vie en 1930 et dans un article de 1939, reproduit ensuite dans son Staline. Apprenant la nouvelle de la mort de L�nine, il avait imm�diatement t�l�graphi� � Moscou annon�ant son intention de revenir et demandant la date des fun�railles. La r�ponse, qui lui parvint une heure plus tard, �tait sign�e de Staline, de toute �vidence au nom du bureau politique :
� Les fun�railles auront lieu samedi, vous ne pourriez revenir � temps. Le bureau politique estime qu'� cause de votre �tat de sant� vous devez poursuivre votre voyage � Soukhoum [4]. �
Il crut sur parole ce message qui tenait compte de toute �vidence, pour lui, de la neige tomb�e dans la partie nord du pays. De toute fa�on, il n'avait pas � discuter une d�cision du bureau politique concernant sa cure, analogue � celles que cet organisme avait prises concernant le repos et les soins pour L�nine pendant la maladie de ce dernier. C'est pour toutes ces raisons qu'il continua son voyage en direction de Soukhoum. Il devait, peu apr�s son arriv�e, s'apercevoir qu'il avait �t� tromp� par le t�l�gramme de Staline, puisque, sans qu'aucune nouvelle information lui soit parvenue, les fun�railles se d�roul�rent, en r�alit�, non le dimanche 26 mais le lundi 27 janvier [5], ce qui lui aurait, incontestablement et dans tous les cas d'enneigement, permis d'y assister, s'il l'avait su � Tiflis.
Dans une pol�mique indirecte contre le journaliste am�ricain Walter Duranty en octobre et novembre 1939, dans des lettres adress�es � son traducteur Charles Malamuth, il devait nuancer ces affirmations: la machination de Staline �tait en r�alit� plus complexe qu'il ne l'avait cru tout d'abord, et ne pouvait se r�duire � un simple mensonge sur la date r�elle de la c�r�monie. Staline, en effet, donna bel et bien initialement des instructions, notamment � l'Arm�e rouge, pour la journ�e du 26, mais de toute �vidence n'eut jamais l'intention de c�l�brer la c�r�monie ce jour-l� [6]. Trotsky se souvenait alors qu'un de ses amis – I.N. Smirnov ou N.I. Mouralov – lui avait assur� que le t�l�gramme de Staline �tait la pi�ce ma�tresse d'une manœuvre destin�e � le tenir � l'�cart du dernier hommage � L�nine [7].
Deux faits �mergent clairement de cet �pisode. D'abord, c'est pendant sa cure de l'apr�s-midi, emmitoufl� sous des couvertures, au soleil sur le balcon de sa chambre que Trotsky, alert� par les salves tir�es par les canons de la garnison, apprit, le 27, que la c�r�monie se d�roulait et qu'il aurait pu y �tre pr�sent sans le t�l�gramme de Staline [8]. L'autre est que Trotsky fit sur ce point � Staline une confiance aveugle [9], ne v�rifia aupr�s de personne la date qu'il lui donnait dans son second t�l�gramme – une �ventualit� peut-�tre pr�vue d'avance si l'on se souvient que les chefs militaires aussi avaient �t� avis�s pour le 26.
Pour les Mouralov et les I.N. Smirnov, comme pour le jeune Ljova Sedov [10], les amis et partisans de Trotsky qui se trouv�rent alors � Moscou, le drame n'�tait peut-�tre pas tant son absence que le fait que Staline ait pu le rouler aussi facilement : Trotsky avait fait confiance, dans une question capitale, � un homme qu'il connaissait comme un fourbe et un ennemi jur�. Il en fut, pourtant, semble-t-il, peu question � son retour � Moscou, au printemps [11], car beaucoup d'eau avait coul� sous les ponts, et de nouveaux probl�mes se posaient.
L'absence de Trotsky des fun�railles de L�nine ne put �tre comprise des millions de gens qui en prirent conscience et en furent inform�s, et a fortiori de ses proches. Natalia Ivanovna a not� :
� Les amis attendaient L.D. � Moscou, pensant qu'il reviendrait sur ses pas. Il ne vint � l'id�e de personne que Staline, par son t�l�gramme, lui avait coup� le chemin du retour. Je me souviens d'une lettre de mon fils [...], il avait attendu, attendu sans fin, dans l'impatience de nous voir arriver. On sentait dans sa lettre de l'�tonnement, de l'amertume et un certain ton de reproche [12]. �
A Tiflis m�me, sur les instances des autorit�s locales, Trotsky avait �crit un texte bref, tr�s �motionnel – � L�nine est mort, L�nine n'est plus � – sur cette mort, � caprice invraisemblable, impossible, monstrueux, de la nature [13] �.
Dans Ma Vie, il avoue qu'il fut incapable, apr�s la nouvelle, d'�crire � Kroupskaia le mot affectueux qui s'imposait, tant toute parole lui paraissait d�risoire [14]. C'est avec d'autant plus de gratitude qu'il accueillit, quelques jours plus tard, une lettre de la veuve de L�nine : elle lui racontait comment il s'�tait fait lire et relire un passage d'un travail dans lequel Trotsky le comparait � Marx. Elle ajoute ces lignes pr�cieuses pour l'homme qui se reposait � Soukhoum :
� Les sentiments que Vladimir Ilyitch a con�us pour vous lorsque vous �tes venu chez nous, arrivant de Sib�rie, n'ont pas chang� jusqu'� sa mort [15]. �
En 1939, �crivant pour la revue am�ricaine Life, Trotsky, apr�s avoir reconsid�r� les circonstances de la mort de Frounz�, son successeur � la Guerre, mort d'une op�ration qu'il ne voulait pas et dans des circonstances qui aliment�rent des rumeurs sur son assassinat, allait revenir sur la mort de L�nine. Staline n'�tait-il pas capable d'avoir h�t� sa mort, comme L�nine lui-m�me l'avait demand� � plusieurs reprises [16] ? L'hypoth�se n'a rien d'invraisemblable, mais elle demeure gratuite – et nous ne la commenterons pas. Il a soulign� �galement la fa�on dont Staline traita L�nine malade – un fait confirm� avec �clat, � l'�poque de la d�stalinisation, par le Journal des secr�taires de L�nine [17].
L'oraison fun�bre en forme de litanie sur les enseignements de L�nine prononc�e par Staline devant le cadavre embaum� [18] �tait, bien s�r, d'une certaine fa�on, l'h�ritage des ann�es d'enseignement religieux qu'il avait suivi dans sa jeunesse au s�minaire de Tiflis. Mais ce pr�che de pope prononc� au nom du � l�ninisme � signalait surtout l'apparition d'un ph�nom�ne nouveau, inconcevable du vivant de L�nine, le culte v�ritablement religieux de ce dernier et la transformation de sa pens�e vivante et combien contradictoire en un dogme baptis� � l�ninisme �. Le congr�s des soviets, r�uni imm�diatement apr�s sa mort, adopte toute une s�rie de mesures allant dans le m�me sens : le 21 janvier devient jour anniversaire de deuil, l'ancien Petersbourg, devenu Petrograd, est rebaptis� Leningrad, le cadavre de L�nine est embaum� et va �tre plac� dans un mausol�e sous les murs du Kremlin et devenir l'objet de pieuses visites et de p�lerinages.
Trotsky s'indigne dans Ma Vie, parle de � mausol�e indigne de la conscience r�volutionnaire et offensant pour elle � :
� On cessa de consid�rer L�nine comme un dirigeant r�volutionnaire pour ne plus voir en lui que le chef d'une hi�rarchie eccl�siastique [19]. �
A-t-il protest� comme il l'assure ? Valentinov le confirme sur la base du t�moignage de Boukharine donn� en confidence. Dans les derniers jours d'octobre, au cours d'une r�union � laquelle assistaient six membres du bureau politique, Staline a propos� d'� enterrer L�nine � la russe �, en d'autres termes de l'embaumer pour en faire une relique. Trotsky, Boukharine, Kamenev protestent tous avec indignation, ce dernier parlant de � cl�ricalisme [20] �. Mais Staline tient bon, soutenu par Kalinine et... Rykov. C'est la position de ce dernier groupe qui pr�vaut et qui est annonc�e par la Pravda du 26 janvier, sous pr�texte d' � acc�der au d�sir et aux nombreux appels � re�us.
L'unique protestation publique – un cri dans le d�sert – fut celle de Kroupskaia. Ecrivant dans la Pravda, elle s'opposa � � toutes les formes de r�v�rence externe � – c�r�monies, bapt�mes de villes et monuments –, affirmant que la seule fa�on d'honorer sa m�moire �tait de construire � des cr�ches, des jardins d'enfants, des maisons, des �coles, des biblioth�ques, des centres m�dicaux, des h�pitaux, des hospices � et de mettre ses principes en pratique [21].
Ce n'est pas la voie dans laquelle s'engage le comit� central. Dans le sillage de Zinoviev pour qui, L�nine mort, le � l�ninisme � vit, il cr�e une revue th�orique, Bolchevik, et d�cide de recruter, sous le nom de � promotion L�nine �, plus de 200 000 nouveaux membres : ces nouveaux, en majorit� des ouvriers rest�s � l'�cart pendant la r�volution, souvent illettr�s, inexp�riment�s, manipulables, sont dispens�s de tout stage pr�alable, admissibles � toutes les fonctions, �lecteurs et �ligibles, m�me au congr�s [22]. Dans le m�me temps, une �puration s�v�re frappe les oppositionnels : de vieux militants exclus se suicident. Les �tudiants membres de l'Opposition sont exclus en masse.
Trotsky ne peut pas ne pas avoir compris la signification de la � promotion L�nine � qui, en apparence, fait la concession � l'Opposition de renforcer la base ouvri�re du parti, mais seulement pour mieux l'�touffer. Mais il ne le reconna�tra que beaucoup plus tard, dans La R�volution trahie [23]. Maria Joff�, elle, a entendu � Vorkouta le trotskyste Andr�i Konstantinov – sans doute l'ancien journaliste de la Pravda r�voqu� en 1923 – expliquer � ses camarades que le parti a �t� tu� par � "la promotion L�nine", destin�e � �touffer ses rangs r�volutionnaires sous le poids de ce mat�riau humain brut, ni tremp� dans la bataille, ni exp�riment�, ni ind�pendant d'esprit, mais poss�dant certainement cette ancienne habitude russe, bien cultiv�e maintenant, de craindre les autorit�s et de leur ob�ir aveugl�ment [24] �. Le 11 avril 1924, Trotsky avait assur� que � l'entr�e d'ouvriers d'usine dans le parti constituait un facteur politique de grande importance, la fa�on dont la classe ouvri�re exprimait sa confiance, un signe v�ridique et infaillible [25] �...
Trotsky ne r�agit pas non plus aux changements de personnel qui ont pour objectif de consolider la position des � trois � et de renforcer leur contr�le sur le parti, donc sur l'Etat. Vice-pr�sident du conseil des commissaires du peuple, Rykov a normalement remplac� L�nine � la pr�sidence. Dzerjinski le remplace � la t�te du conseil sup�rieur de l'Economie nationale. Mais le commissariat du peuple � la Guerre n'est pas une chasse gard�e. E.M. Skliansky, vice-commissaire depuis le d�but de la guerre civile, jouit, sur tous les plans, de la confiance totale de Trotsky. Il est mut� dans l'appareil �conomique et remplac� par M.V. Frounz�, qui est un homme de Zinoviev. Le bureau politique met les formes et envoie � Soukhoum une d�l�gation pour obtenir l'assentiment de Trotsky. Celui-ci ne bronche pas. Il �crira plus tard : � Le renouvellement du personnel de la Guerre s'�tait fait depuis longtemps, � toute vapeur, derri�re moi [26]. �
Bien que nous n'ayons de son �tat d'esprit de l'�poque aucune trace �crite, il semble bien que son analyse de la situation en Union sovi�tique, ne le conduise pas � faire preuve d'optimisme. Ce n'est pas en un mois, ni en une ou plusieurs ann�es, qu'il va gagner la bataille qu'il n'a pas livr�e avec L�nine et qu'il a perdue sans lui. Il faudra du temps et beaucoup d'efforts pour redresser le parti, et ce ne sera possible qu'avec l'appui d'une jeune g�n�ration qu'il faut informer, former et tremper. Refusant d'engager le combat pour la direction du parti, il se refuse en m�me temps � toute concession de principe, � tout recul sur les id�es qu'il a d�fendues avec l'Opposition et qui, selon lui, constituent une partie indissociable du tout qu'est le bolchevisme.
On va le voir tr�s clairement lors de son retour de Soukhoum au printemps, sa sant� r�tablie, � temps pour qu'il puisse participer � une importante r�union du comit� central, le 22 mai, puis, � partir du 23, au XIIIe congr�s du parti russe, auquel Pr�obrajensky et lui-m�me participent sans avoir le droit de voter.
Il ne manquerait pas d'armes s'il voulait vraiment engager le combat – et notamment contre Staline. Kroupskaia avait tenu secr�te en 1923 l'existence de la � Lettre au congr�s �, connue sous le nom de � Testament de L�nine �. L�nine vivait encore, et les instructions qu'il lui avait donn�es n'�taient valables qu'apr�s sa mort. A l'approche du XIIIe congr�s, elle r�v�le � Kamenev l'existence de cette lettre et demande que, conform�ment � la volont� de L�nine, elle soit communiqu�e au parti en son congr�s [27].
La situation est difficile pour les � trois �, puisque L�nine recommande dans ce texte l'�limination de Staline du poste de secr�taire g�n�ral. Les � trois � ne se r�solvent pas � faire conna�tre la lettre au parti, mais il leur est difficile de s'y opposer de front et tout seuls. Selon un historien contemporain, le Dr lou. Borissov,
� la d�cision de ne pas tenir compte de la volont� de L�nine fut prise par les membres de l'�poque du Politburo et de la commission du C.C. pour adoption des documents de L�nine : Kamenev, Zinoviev et Staline lui-m�me [28] �.
Il fallait une d�cision formelle d'un organisme plus large. On r�unit donc pour la circonstance un comit� central �largi aux responsables des d�l�gations au congr�s. Selon un r�cit d�j� ancien fait par un ancien collaborateur de Staline, le texte du � testament � y est lu par Kamenev, personne n'�tant autoris� � prendre des notes, et aucun exemplaire n'�tant distribu� [29]. lou. Borissov a r�cemment confirm� cette version. L'impression est �norme : dans l'atmosph�re de d�votion religieuse cr��e autour de la personnalit� de L�nine, est-il concevable de d�sob�ir � sa derni�re volont� [30] ?
C'est Zinoviev qui sauve Staline. Apr�s avoir rappel� que les volont�s de L�nine sont, pour tous, la � loi supr�me �, il sugg�re que, sur un point au moins, les � craintes du chef � ont �t� � vaines � et qu'en ce qui concerne Staline, on peut d�cider de ne pas tenir compte d'un texte �crit, apr�s tout, dans des circonstances bien diff�rentes :
� Je veux parler de celui de notre secr�taire g�n�ral. Vous avez tous �t� t�moins de notre travail en commun de ces derni�res ann�es et, comme moi, vous avez �t� heureux de confirmer que les craintes d'Ilyitch ne s'�taient pas r�alis�es [31]. �
Kamenev soutient Zinoviev. Trotsky, pour qui la publication du testament pourrait �tre un atout formidable, se tait. Staline offre de d�missionner et demande un vote sur cette question. Zinoviev propose alors un vote � main lev�e sur l'�ventualit� de faire conna�tre le testament, d�l�gation par d�l�gation, aux d�l�gu�s du congr�s, et ne pas le rendre public [32]. Il l'emporte largement : les � trois � sont suivis par leurs fid�les : Ordjonikidz�, Molotov, Kirov, Frounz�, Rykov, Boukharine, Dzerjinski, Kalinine ... Pendant la lecture du texte, Radek, qui en d�couvrait le contenu, s'est tourn� vers Trotsky pour lui dire qu'� son avis, d�sormais, � ils � n'oseront rien faire, contre lui. Trotsky r�plique : � Au contraire, ils devront aller jusqu'au bout et m�me le plus vite possible [33]. �
Cet �pisode est rest� dissimul� aux yeux du public sovi�tique pendant plus de soixante ans. L'historien lou. Borissov le r�sume en 1987 en disant qu'il s'agit d'une d�cision � autoritairement impos�e aux d�l�gu�s �, � lue s�par�ment sans concertation �. Il �crit :
� Par ses r�sultats, ce fut un crime qui surpassa "l'�pisode d'Octobre" de Zinoviev et de Kamenev (c'est-�-dire leur opposition � l'insurrection arm�e du 25 octobre/7 novembre 1917), que L�nine �voque aussi dans son testament [34]. �
Dans � Le Jugement de l'Histoire n'�pargne personne �, commentaire de la pi�ce de Mikhail Chatrov, Plus loin, encore plus loin, Dmitri Kazoutine �crit, en 1988 : � Sur le plan moral, c'est une apostasie [35]. �
Reste � expliquer l'attitude de Trotsky, son silence obstin� pendant la discussion de la question du � testament � dont, en toute logique – ne f�t-ce que par respect pour la m�moire de L�nine – il e�t d� revendiquer la publication imm�diate. Il n'y a pas d'explication d'un comportement que l'on peut estimer suicidaire sur le plan politique, l'abandon d'un de ses principaux atouts dans la lutte au sein du parti. A la diff�rence de ce qui s'�tait pass� lors du XIIe congr�s, il n'a en effet rien � attendre d'un avenir proche et de d�veloppements qui, avec l'�touffement du � testament �, ne peuvent �tre positifs pour lui et pour sa cause, cette � d�mocratie du parti � qu'il a d�fendue dans le Cours nouveau. Ayant jet� ses armes, il ne sera pourtant pas dispens� de se battre, mais les mains nues.
Le d�roulement du XIIIe congr�s, � la fin de mai 1924, qui se pr�sente comme une r�p�tition aggrav�e de la XIIIe conf�rence, confirme en tout cas l'appr�ciation pessimiste qu'il porte sur le rapport des forces et qui explique probablement son refus de s'engager pour une relance du d�bat sur le � cours nouveau �. Le rapport politique du comit� central est pr�sent� par Zinoviev. Il consiste en une charge � fond contre l'Opposition, une d�nonciation de ses � attentats � contre le parti, sur la question des groupements et des fractions, la question des g�n�rations, celle de la d�claration de guerre � l'appareil qu'elle a appel�e � lutte pour la d�mocratie �. Zinoviev �voque en termes dramatiques la discussion de la fin de 1923, le parti �branl�, selon lui, jusque dans ses fondations, les discussions de nuits enti�res, les militants d�sorient�s, bref, � le parti en danger �. C'est, assure-t-il, le devoir de chacun de tout faire pour apaiser sa fi�vre et le gu�rir. Tourn� vers Trotsky et Pr�obrajensky, il leur dit:
� Le plus sage et le plus digne d'un bolchevik que l'Opposition pourrait faire serait de faire ce qu'un bolchevik doit faire quand il a commis une erreur, venir � la tribune du congr�s du parti, se tourner vers lui et lui dire: "Je me suis tromp�. C'est le parti qui avait raison" [36]. �
Une telle invite est sans pr�c�dent dans le parti, o� personne n'a jusqu'� pr�sent os� demander – voire seulement song� � demander – � quiconque de condamner ses propres convictions et renoncer publiquement et par discipline � ses propres id�es. Jamais encore ne s'�tait produite, consciemment ou non, semblable confusion, m�me involontaire, entre soumission � la discipline et capitulation pure et simple, � discipline de pens�e �. Il n'est pas �tonnant que la protestation la plus vive ait �t� �mise � la tribune par Kroupskaia : la veuve de L�nine estime qu'une telle exigence est � psychologiquement inacceptable [37] �.
Dans ses M�moires, Love and Revolution (Amour et R�volution), l'�crivain am�ricain Max Eastman – qui assista � ce congr�s et y apprit dans un couloir, de la bouche de Trotsky, l'existence du � testament � et les grandes lignes de son contenu – raconte qu'il donn� � Trotsky � le petit conseil 100 % am�ricain � de � tomber la veste et retrousser les manches � et d'attaquer les conspirateurs en lisant � la tribune le texte du testament [38]… On se doute aussi que Trotsky ne r�pondit � cette invite que par une ironie aimable...
Le visage crisp�, marqu�, �crit Eastman, � de signes de souffrance jamais vus [39] �, il intervient sur un ton calme et mesur�, �cout� par une salle tendue, mais attentive et applaudi � plusieurs reprises. D�s sa premi�re phrase, il explique qu'il d�sire � laisser de c�t� tout ce qui pourrait envenimer la question, lui donner une empreinte personnelle, rendre plus difficile encore la liquidation des difficult�s � du parti. Il ne traitera donc pas de certains � sujets �pineux �, s'engageant cependant � r�pondre � toute question qui leur serait pos�e � ce sujet [40].
Il traite ensuite, l'un apr�s l'autre, les points soulev�s par Zinoviev et lui r�pond qu'il n'a fait que poser les probl�mes �voqu�s dans les termes m�mes o� ils ont �t� pos�s par la r�solution du bureau politique du 5 d�cembre. M�thodiquement, il r�fute les accusations une � une. Il salue au passage le succ�s de la � promotion L�nine � comme un vote de confiance en faveur du parti, puis en arrive � la � reconnaissance de ses erreurs � qui lui a �t� demand�e par Zinoviev :
� Il n'y a rien de plus simple, de plus facile, moralement et politiquement, que de venir dire � son parti qu'on s'est tromp� sur telle ou telle question [41].�
Mais ce n'est pas cela qui lui est demand� par Zinoviev ; c'est en r�alit� de renier l'esprit m�me de la r�solution du 5 d�cembre – et cela, il n'est pas dispos� � le faire :
� Aucun de nous, camarades, ne peut ni ne veut avoir raison contre son parti. En derni�re analyse, c'est toujours le parti qui a raison, parce qu'il est l'unique instrument historique dont la classe ouvri�re dispose pour r�gler ses probl�mes fondamentaux. J'ai d�j� dit qu'il n'est rien de plus facile que de venir dire au parti que toutes ces critiques, toutes ces d�clarations, ces avertissements, ces protestations, constituaient une seule et m�me erreur. Mais, camarades, je ne peux pas le dire, parce que je ne le pense pas. Je sais qu'on ne peut pas avoir raison contre son parti. On ne peut avoir raison qu'avec son parti et � travers son parti, parce que l'Histoire n'a pas encore construit d'autre route pour v�rifier qu'on a eu raison. Il existe chez les Anglais une formule historique : " Qu'il ait tort ou raison, c'est mon pays" (Right or wrong, my country).
� C'est avec une bien plus grande justification historique que nous disons : de la m�me fa�on, m�me s'il se trompe sur telle ou telle question pratique, � un moment ou � un autre, c'est mon parti […]. Je crois pour ma part que j'ai rempli mon devoir de membre du parti qui doit pr�venir son parti de ce qu'il consid�re comme un danger [42]. �
Peut-�tre h�site-t-il un instant avant d'exprimer, sous une forme un peu rh�torique, sa d�termination de demeurer jusqu'au bout dans le parti :
� Il est ridicule et peut-�tre un peu d�plac� de faire ici des d�clarations personnelles, mais j'esp�re que, s'il le fallait, je ne serais par le dernier soldat sur la derni�re barricade bolchevique [43] ! �
Ayant reconnu qu'il n'est pas possible d'op�rer une distinction entre � fractions � et � groupements � – la seule concession qu'il ait consenti � faire –, il termine cette intervention par une affirmation trop souvent n�glig�e par les historiens :
� Il n'y a pas que des membres individuels du parti qui commettent des erreurs. Le parti aussi peut en commettre. C'est le cas par exemple de certaines r�solutions de la [XIIIe] conf�rence dont je consid�re que d'importants passages sont aussi faux qu'injustes […]. Mais, si le parti adopte une r�solution que l'un d'entre nous tient pour injuste, il dit :
"Qu'elle soit juste ou injuste, c'est de mon parti qu'il s'agit et j'endosse jusqu'au bout les cons�quences de sa r�solution" [44]. �
Pr�obrajensky, sur la m�me ligne, est plus pr�cis et plus pol�mique. Saluant, lui aussi, comme une manifestation de la confiance ouvri�re le succ�s du recrutement dans la promotion L�nine, il assure cependant :
� Ce serait d'un optimisme tout � fait excessif que de pr�tendre qu'en entrant dans le parti, les ouvriers confirment et approuvent tout ce que nous avons fait en mati�re de politique interne au parti, y compris les perversions bureaucratiques [45]. �
Il s'�l�ve contre la fa�on dont la purge a �t� men�e sans que le parti ait �t� � m�me de la contr�ler et contre le fait que nombre d'erreurs aient �t� commises. Il demande enfin au congr�s de reconsid�rer la r�solution de la XIIIe conf�rence qui qualifie l'Opposition de � d�viation petite-bourgeoise �.
Mais le XIIIe congr�s n'a �t� que la manifestation de la puissance de l'appareil, la n�gation des id�es et des d�bats d'id�es. Aucun d�l�gu� ne pose � Trotsky de question sur les � sujets �pineux �, mais valets et b�ni-oui-oui se succ�dent � la tribune pour parler de son intervention � incompr�hensible �, � diplomatique �. Staline et Zinoviev font semblant d'avoir compris qu'il d�fend l'id�e d'une infaillibilit� du parti du type de celle du pape. Staline s'indigne lourdement :
� Trotsky dit que le parti ne peut pas faire d'erreurs. C'est faux. Le parti en commet souvent. […] C'est une flatterie et […] une tentative pour nous ridiculiser [46]. �
Ouglanov ironise pesamment : Trotsky r�ve d'�tre un soldat alors qu'on attend de lui qu'il soit un � commandant � disciplin�. Zinoviev en rajoute sur ses � flatteries aigres-douces � � l'�gard du parti [47].
Les r�solutions finales du XIIIe congr�s approuvent les r�solutions de la XIIIe conf�rence, renouvellent la condamnation de l'Opposition dans les m�mes termes. Quelques jours plus tard, le Bolchevik du 5 juin 1924 la qualifie de � demi-menchevisme int�rieur, quart de menchevisme, mille fois plus dangereux que le menchevisme cent pour cent...�.
L'une des cons�quences de plus longue port�e du XIIIe congr�s du parti russe se trouve dans la profonde transformation de l'Internationale et de ses partis, connue sous le nom de � bolchevisation �. Trotsky, pour les communistes �trangers, est un dirigeant prestigieux, beaucoup plus que Zinoviev, pourtant pr�sident de l'Internationale – pour ne pas parler de Staline, pratiquement inconnu dans tous les partis communistes de l'�poque.
Il semble que l'�ventualit� d'une � mutinerie �, voire d'une simple fronde de la part de partis �trangers, prenant parti pour Trotsky contre les autres dirigeants russes, ait � l'�poque terroris� Zinoviev et ses alli�s. Leur charge se d�cha�ne aussit�t contre tout dirigeant d'une section de l'I.C. soup�onn� de sympathie, m�me platonique, pour Trotsky et l'Opposition.
Au cours de l'assembl�e g�n�rale des militants de Moscou du 11 d�cembre 1923, Karl Radek mentionne au passage le fait que les directions des partis fran�ais, allemand et polonais ont manifest� de la sympathie pour Trotsky et les Quarante-six [48].
Dans un premier temps, la direction zinovi�viste de l'Internationale se d�cha�ne contre Brandler, qu'elle associe � Radek pour en faire le bouc �missaire du fiasco allemand d'octobre 1923. Au pr�sidium de l'I.C., le 12 janvier 1924, Zinoviev prononce un v�ritable r�quisitoire contre Brandler et Radek, qu'il r�p�te � la XIIIe conf�rence du parti russe [49]. Les deux hommes sont, selon lui, coupables d'� opportunisme de droite � et ont tent� d'introduire dans l'Internationale les luttes fractionnelles, d�figurant et d�naturant dans son application la politique r�volutionnaire d�cid�e par l'Internationale. Effray�s, Brandler et son conseiller Thalheimer se d�marquent publiquement de Trotsky, clament leur accord avec Zinoviev : il n'y aura pratiquement pas un seul partisan de l'Opposition de 1923 dans le K.P.D...
La direction du parti polonais est d'une autre trempe. Au d�but de d�cembre 1923, son comit� central vote un texte qui d�clare notamment :
� Le point central dans la crise actuelle � l'int�rieur du parti communiste russe consiste dans les divergences d'opinion entre sa majorit� et le camarade Trotsky. Nous savons que ces divergences sont li�es � des probl�mes complexes de la construction du socialisme, et nous ne sommes pas en mesure de juger de ce qui concerne la politique �conomique. Une seule chose est claire pour nous : le nom du camarade Trotsky est pour notre parti, pour toute l'Internationale, pour l'ensemble du prol�tariat r�volutionnaire mondial, indissolublement li� � la r�volution d'Octobre victorieuse, l'Arm�e rouge, le communisme et la r�volution mondiale.
� Nous ne pouvons admettre la possibilit� que le camarade Trotsky puisse se trouver hors des rangs de la direction du parti communiste russe et de l'Internationale. Nous sommes cependant inquiets � l'id�e que les discussions puissent d�passer le cadre des probl�mes concrets en discussion et quelques d�clarations publiques de dirigeants responsables du parti justifient les pires inqui�tudes [50]. �
Au pr�sidium de l'I.C., en janvier, le repr�sentant du Parti communiste polonais, Edward Prochniak regrette le mutisme de l'ex�cutif dans la question de ses propres responsabilit�s dans la d�faite allemande. Il lance un avertissement :
� Depuis que L�nine, le dirigeant le plus important du prol�tariat r�volutionnaire mondial ne prend plus part � la direction de l'Internationale, et depuis que l'autorit� de Trotsky, dirigeant reconnu du prol�tariat r�volutionnaire mondial, a �t� mise en question par le parti communiste russe, il existe le danger que l'autorit� de la direction de l'Internationale communiste soit �branl�e [...]. Nous consid�rons que l'accusation d'opportunisme port�e contre Radek, un des dirigeants les plus �minents, est non seulement injuste, mais au plus haut degr� dommageable pour l'autorit� des dirigeants de l'Internationale [...]. Les divergences entre les dirigeants les plus connus de l'Internationale communiste dans l'appr�ciation de la question allemande sont du type de celles qui sont in�vitables dans un parti r�volutionnaire vivant [51]. �
Au Ve congr�s de l'Internationale communiste, les dirigeants du parti communiste russe, Staline en t�te, d�barquent dans la � commission polonaise � et y imposent la d�cision de r�vocation de l'ancienne direction, form�e de Warski, Walecki et Wera Kostrzewa � qui Zinoviev s'est jur� de �casser les reins�. Wera Kostrzewa, qui s'incline, comme les autres, parce qu'elle sait que les ouvriers polonais choisiraient l'Internationale contre leurs propres dirigeants, lance, elle aussi, un avertissement qui lui co�tera la vie :
� Nous sommes contre la cr�ation � l'int�rieur du parti d'une atmosph�re de lutte permanente, de tension, d'acharnement les uns contre les autres [...]. Je suis persuad�e qu'avec votre syst�me, vous allez discr�diter tous les dirigeants du parti, les uns apr�s les autres, et j'ai peur qu'au moment d�cisif, le prol�tariat n'ait plus � sa t�te d'hommes �prouv�s. La direction de la r�volution pourrait tomber entre les mains de carri�ristes, de "chefs saisonniers" et d'aventuriers [52]. �
Alfred Rosmer d�crit l'activit� d�ploy�e par Zinoviev et son appareil sous le couvert de la � bolchevisation � d�cid�e par le Ve congr�s :
� Au moyen d'�missaires qu'il d�p�chait dans toutes les sections, il supprimait d�s avant le congr�s toute opposition. Partout o� des r�sistances se manifestaient, les moyens les plus vari�s �taient employ�s pour les r�duire : c'�tait une guerre d'usure o� les ouvriers �taient battus d'avance par les fonctionnaires qui, ayant tout loisir, imposaient d'interminables d�bats: de guerre lasse, tous ceux qui s'�taient permis une critique et qu'on accablait du poids de l'Internationale c�daient provisoirement ou s'en allaient [53]. �
Boris Souvarine, l'ancien repr�sentant � Moscou du P.C.F., a publi� en France une traduction du Cours nouveau et a d�fendu Trotsky et l'opposition au XIIIe congr�s du parti russe : il est exclu. Apr�s lui, Pierre Monatte et Alfred Rosmer, les deux anciens du noyau de la Vie ouvri�re pendant la guerre sont exclus pour avoir protest� contre les cons�quences de la politique de � bolchevisation � dans leur parti...
L'un des r�sultats de la pr�tendue � bolchevisation � est qu'il n'y eut aucune discussion sur le � fiasco � d'octobre 1923 en Allemagne dont il faut pourtant bien admettre qu'il posait � l'Internationale communiste les questions les plus fondamentales. L'Allemagne avait-elle connu une situation r�volutionnaire � partir d'ao�t 1923 ? Le bureau politique du parti russe et l'ex�cutif de l'Internationale avaient-ils eu raison de pr�voir et de pr�parer l'insurrection en octobre ? La d�cision de battre en retraite apr�s la conf�rence de Chemnitz �tait-elle fond�e ?
La r�ponse, du fait de l'imbrication avec les luttes de tendance, ne pouvait gu�re �maner d'un tribunal objectif. Radek et Piatakov, partisans de Trotsky et des Quarante-six en Russie, avaient d'abord �t� sceptiques sur les chances de la r�volution allemande, bien qu'ils n'aient pas �t� � au moins aussi sceptiques que Staline �, comme l'assure Deutscher … Mais ils avaient pr�par� l'insurrection et aussi lanc� le mot d'ordre de la retraite. Zinoviev, d'abord h�sitant, avait approuv� le plan de marche �labor� par Trotsky mais aussi l'ordre de battre en retraite lanc� par Brandler et Radek. Trotsky pensait au fond que les deux derniers n'avaient fait que boire le vin tir� par Staline et Zinoviev. Ces deux derniers, faisant de Radek et de Brandler des � trotskystes �, firent d'une pierre deux coups en attribuant, en derni�re analyse, � Trotsky l'�chec d'une avanc�e r�volutionnaire dont il avait �t� l'inspirateur et dont ils l'avaient emp�ch� d'�tre l'ex�cutant. La � r�volution allemande � de 1923 – dont l'id�e m�me a �t� tourn�e en d�rision par nombre d'historiens – est ainsi devenue un non-�v�nement...
Les d�bats que nous venons de d�crire avaient un go�t de cendre pour les militants communistes – et il n'en manquait pas alors – aux yeux de qui la r�volution allemande �tait un enjeu pour l'humanit� enti�re, plus que pour les objectifs de boutique de l'appareil du P.C. russe. Pour Trotsky, ils avaient d�j� un go�t de mort.
Il �tait de nouveau � Soukhoum depuis quelques jours quand il re�ut le 3 septembre 1924, par t�l�gramme, l'annonce du suicide de son collaborateur Mikhail Salomonovitch Glazman, qui s'�tait tir� un coup de revolver en apprenant son exclusion du parti. Glazman �tait entr� au Parti bolchevique en 1918. Secr�taire-st�nographe de profession, il avait �t� l'un des hommes du train, des combattants au blouson de cuir. Militant r�volutionnaire, travailleur infatigable, il avait pratiquement v�cu trois ans aupr�s de Trotsky, n'abandonnant la plume du st�nographe que pour empoigner le fusil. Il avait �t� �galement secr�taire du conseil militaire r�volutionnaire.
Que lui reprochait-on qui ait pu expliquer une telle mesure ? Son travail aupr�s de Trotsky, la collaboration qu'il venait de lui donner pour l'�dition de ses œuvres sur 1917, expliquaient qu'il f�t pers�cut�, mais ne pouvaient � cette date constituer un motif avouable d'exclusion. Il est probable que la cl� de cette �nigme se trouve dans les archives du G.P.U. Des ann�es plus tard, Trotsky �voque, � propos de Glazman, les jeunes r�volutionnaires qui avaient eu une d�faillance devant la police tsariste et que Staline et les siens, alors qu'ils avaient �t� blanchis, faisaient chanter : Glazman se serait donc suicid� pour �chapper � un chantage qui exigeait de lui des accusations contre Trotsky. Nous ne savons rien de plus pr�cis. Inform� de son exclusion le 1er septembre 1924 en tout cas, Glazman se suicida le 2 septembre. Quand Trotsky signa sa n�crologie, le 6 septembre, le mort avait d�j� �t� r�int�gr�, et l'organisme qui avait prononc� l'exclusion avait re�u un bl�me de la commission centrale de contr�le...
Glazman n'�tait que la premi�re victime. A cet �gard, l'abstention de Trotsky et des siens dans la bataille autour du � testament � a pes� tr�s lourd, et c'est probablement au moment de la discussion de cette question au sommet, en mai, que s'est jou� son destin personnel. Trotsky en a conscience puisqu'il �crit, dans un hommage au jeune mort que la Pravda va refuser de publier, l'expression pudique de ce qui est probablement pour lui un regret poignant : � Pardonnez-moi, mon jeune ami, de ne vous avoir pas prot�g� ni sauv�. �
R�f�rences
[1] Il n'y a pas d'�tude d'ensemble sur les questions trait�es dans ce chapitre.
[2] Mosh� Lewin, Dernier combat, p. 142.
[4] M.V., III, p. 240 ; Staline, p. 524.
[5] Ibidem, p. 241.
[6] Trotsky, Œuvres, 22, p. 115. Lettre � Malamuth (21 octobre 1939).
[7] Ibidem, p. 155.
[8] M.V., III, p. 241.
[9] Œuvres, 22, pp. 115-116.
[10] M.V., III, p. 243.
[11] Lettre � Malamuth (19 novembre 1939), Œuvres. 22, p. 154.
[12] M.V., III, p. 243.
[14] Deutscher, op. cit., II, p. 189 ne donne pas de r�f�rence pour cette lettre qui n'est pas dans les archives.
[15] Ibidem. p. 242.
[16] � Le Super-Borgia du Kremlin. � Œuvres, 22, pp. 66-84
[17] Publi� dans Voprosy Istorii KPSS, n� 2, 1963, traduction fran�aise Cahiers du Monde russe et sovi�tique n� 2, 1967, pp. 264-328.
[18] Staline, Sotch., VI, pp. 46-51.
[19] M.V., III, p. 248.
[20] Valentinov � Le Mausol�e de L�nine � Le Contrat social n� 5, I, novembre 1957.
[21] Pravda, 30 janvier 1924.
[22] Compte-rendu de la XIIIe conf�rence, pp. 516 sq.
[23] � La R�volution trahie � in De la R�volution, pp. 586-587.
[24] M. Joff�, One Long Night, Londres, 1978, pp. 71-72.
[25] Zapad i Vostok, Moscou, 1924, p. 27.
[26] M.V., III, p 244.
[27] Note du D�partement d'Etat, 3 septembre 1956, p. 3.
[28] Borissov, � Homme et symbole. � Naouka i Jizn. septembre 1987.
[29] Note absente de l'original. (NdE).
[30] Note absente de l'original. (NdE).
[31] Note absente de l'original. (NdE).
[32] Note absente de l'original. (NdE).
[33] Note absente de l'original. (NdE).
[34] Note absente de l'original. (NdE).
[35] Note absente de l'original. (NdE).
[36] Note absente de l'original. (NdE).
[37] Note absente de l'original. (NdE).
[38] Note absente de l'original. (NdE).
[39] Note absente de l'original. (NdE).
[40] Note absente de l'original. (NdE).
[41] Note absente de l'original. (NdE).
[42] Note absente de l'original. (NdE).
[43] Note absente de l'original. (NdE).
[44] Note absente de l'original. (NdE).
[45] Note absente de l'original. (NdE).
[46] Note absente de l'original. (NdE).
[47] Note absente de l'original. (NdE).
[48] Note absente de l'original. (NdE).
[49] Note absente de l'original. (NdE).
[50] Note absente de l'original. (NdE).
[51] Note absente de l'original. (NdE).
[52] Note absente de l'original. (NdE).
[53] Note absente de l'original. (NdE).