1848-49

Marx et Engels journalistes au coeur de la r�volution...

Une publication effectuée en collaboration avec la biblioth�que de sciences sociales de l'Universit� de Qu�bec.


La Nouvelle Gazette Rhénane

K. Marx

La R�forme et l’insurrection de juin

n� 123, 22 octobre 1848


Paris. Lorsque le 29 juin la Nouvelle Gazette rh�nane fut le seul journal europ�en, � l'exception du Northern Star anglais, � avoir le courage et la lucidit� de rendre un juste hommage � la r�volution de juin, on ne la r�futa pas, on la d�non�a.

Les faits confirment apr�s coup notre interpr�tation, m�me pour la vue la plus basse, dans la mesure o� son propre int�r�t ne lui �te pas toute vision.

� cette �poque, la presse fran�aise s'est discr�dit�e. Les journaux parisiens aux prises de position radicales �taient r�prim�s. La R�forme, le seul journal radical � qui Cavaignac permit de survivre, balbutiait des excuses pour les nobles combattants de juin et mendiait, aupr�s du vainqueur, l'aum�ne d'un peu d'humanit� pour les vaincus. Il fallut que la victoire de juin ait suivi son cours jusqu'au bout, il fallut, � longueur de mois, les critiques des journaux de province que ne ligotait pas l'�tat de si�ge, il fallut la r�surrection �vidente du parti de Thiers pour que La R�forme reprenne ses esprits.

� l'occasion du d�p�t par l'extr�me-gauche du projet d'amnistie [1], elle fait dans son num�ro du 18 octobre les remarques suivantes :

� Le peuple en descendant des barricades n'a puni personne ! Le peuple ! Le peuple alors �tait le ma�tre, le sou�verain, le victorieux; on baisait ses pieds, ses mains, on saluait ses blouses, on applaudissait � ses g�n�reux sentiments, et c'�tait bien justice, il �tait magnanime.
Aujourd'hui le peuple a des enfants, a des fr�res dans les cachots, aux gal�res et devant les conseils de guerre. Apr�s avoir �puis� toute la patience de la faim, apr�s avoir vu passer et monter dans les palais tout un peuple d'ambitieux qu'il avait tir�s de la rue ; apr�s avoir fait trois longs mois cr�dit � la R�publique entre ses enfants affam�s et son p�re � l'agonie, le peuple un jour a perdu la t�te et s'est jet� dans la bataille.
Cet �cart funeste, il l'a pay� durement. Ses fils sont tomb�s sous les balles, et de ceux qui restaient on a fait deux parts, l'une pour les conseils de guerre, o� l'on vous juge comme au pays des Kabyles, l'autre pour la d�portation sans enqu�te, sans contradiction, sans jugement ! Et cette m�thode-l� n'est d'aucun pays, m�me pas du pays des Kabyles ! �

Jamais pendant ses vingt ans de r�gne la monarchie n'avait os� rien de semblable.

Mais les journaux, sp�culateurs en dynastie, gris�s par l'odeur des cadavres, hardis et prompts � insulter les morts (cf. la K�lnische Zeitung du 29 juin) vomirent alors toutes les calomnies de la haine, ils supplici�rent le peuple dans son honneur, avant l'enqu�te, et ils tra�n�rent les vaincus vivants ou tomb�s devant les tribunaux d'exception; ils les d�nonc�rent aux fureurs de la garde nationale et de la troupe; ils se firent courtiers du bourreau, valets de pilori. Serviteurs des vengeances folles, ils invent�rent des crimes; ils empoisonn�rent nos d�sastres et raffin�rent l'outrage et le mensonge ! (cf. la Nouvelle Gazette rh�nane du I� juillet sur Le Constitutionnel fran�ais. L'Ind�pendance belge et la K�lnische Zeitung).

Le Constitutionnel tint boutique ouverte de mutilations horribles et d'atrocit�s inf�mes. Il savait tr�s bien qu'il mentait, mais cela faisait aller son commerce et sa politique, et le marchand-diplomate vendait au crime comme les commis � l'aune. Cette belle sp�culation devait avoir son terme. Les contradictions pleuvaient : pas un nom de for�at sur les registres des conseils de guerre, sur les bulletins de la d�portation; il n'y avait plus moyen de d�grader le d�sespoir et l'on garda le silence apr�s avoir encaiss� les b�n�fices.


Notes

[1] Au cours de la s�ance de l'Assembl�e nationale fran�aise du 16 octobre, des d�put�s d'extr�me-gauche d�pos�rent un projet de loi d'amnistie des intern�s politiques; on y pr�voyait la suppression de toute peine d'emprisonnement et d'amende et le remboursement des amendes d�j� vers�es.


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