1971

"Nous prions le lecteur de n’y point chercher ce qui ne saurait s’y trouver : ni une histoire politique de la dernière République espagnole, ni une histoire de la guerre civile. Nous avons seulement tenté de serrer au plus grès notre sujet, la révolution, c’est-à-dire la lutte des ouvriers et des paysans espagnols pour leurs droits et libertés d’abord, pour les usines et les terres, pour le pouvoir politique enfin."

P. Broué

La Révolution Espagnole - 1931-1939

Problèmes et querelles d'interprétation - III. Communistes

Le lecteur de la tribune libre d’Avance aura d’ailleurs beaucoup de mal à distinguer entre la pensée politique de ces hommes ou celle du mineur Benjamin Escobar, un des premiers communistes aux Asturies, qui ont milité à la Gauche communiste avant de rallier le Bloc ouvrier et paysan, et que l’on retrouvera au P.O.U.M. Et ce fait pose le problème du mouvement communiste à cette époque, si on entend bien par là à la fois les communistes officiels du P.C.E. et les groupes d’opposition dont l’origine a été dans de véritables pans du parti, détachés de sa direction.

La clandestinité rigoureuse à laquelle les communistes ont été réduits sous la dictature de Primo de Rivera a, comme nous l’avons noté, coïncidé avec la « bolchevisation » de l’Internationale et de ses partis, et ces deux facteurs expliquent la faiblesse numérique et l’importance politique du parti officiel comme le morcellement du mouvement communiste proprement dit. Mais il nous paraît évident que les nécessités de l’exposition ont conduit bien des historiens, y compris nous-mêmes, à simplifier à l’excès, pour ne pas dire à schématiser les oppositions et les courants qui divisent ce mouvement depuis la proclamation de la République. Il serait nécessaire d’étudier à fond le mouvement « mauriniste », ses liens avec le catalanisme et notamment l’Esquera de Companys : ce n’est pas un hasard si l’ancien anarchiste Jaime Miravitlles est à cette époque « bloquiste » alors qu’il sera en 36 le bras droit du président de la Généralité. Il faudrait étudier le développement du P.C. espagnol dans l’émigration, sa réorganisation - par Nín - à Paris en 1925, le développement de son organisation parmi les travailleurs émigrés de la Belgique et du Luxembourg, par exemple, d’où est sorti, avec Francisco Garcia Lavid - Henri Lacroix - le noyau de ce qui deviendra la Gauche communiste. Il faudrait disposer de documents d’archives pour retrouver les traces des conflits au sein de l’appareil dans la période de la dictature et comprendre pourquoi l’ancien trotskyste José Bullejos est devenu, en qualité de dirigeant du P.C.E. jusqu’en 1932, le champion de la lutte contre le « trotskisme », avant de servir de bouc émissaire pour la politique ultra-gauchiste des années trente. Il faudra étudier avec soin les archives à paraître de Jules Humbert-Droz [1] pour y relever notamment ses tentatives de délégué de l’I.C. en Espagne pour réconcilier Maurín et son groupe avec Moscou et les arracher à l’influence de Nín et des trotskistes.

La période qui précède la guerre civile est caractérisée par un reclassement très rapide des organisations et des militants à l’intérieur d’un champ qui recouvre l’ensemble des partis ouvriers et touche même les organisations républicaines. La revue trotskyste La Lutte de Classes publie, sans formuler de réserve majeure, le programme du Bloc ouvrier et paysan que Trotsky va soumettre à une critique acerbe. Nín envisage, contre Trotsky d’adhérer à la Fédération catalane, mais en est tenu à l’écart dans des conditions qui le surprennent [2]. L’histoire du B.O.C. reste à faire. Non seulement parce que l’étiquette de « boukharinien » que nous lui avons nous-mêmes accolée est sommaire, mais parce qu’entre 1932 et 1935 il a évolué sur un certain nombre de points et publié dans sa presse nombre d’articles de Trotsky en venant à souscrire à certaines des analyses qu’il refusait en 1930. Arlandis, un des dirigeants de la C.N.T. gagnés au communisme pendant le « triennat bolchevique » rompt avec Maurín en 1932, peu avant que ce dernier reçoive le renfort de Portela, autre vétéran du communisme en Espagne. L’ancien anarchiste Ramón Casanellas, un des auteurs du célèbre attentat contre Dato, tenu pour responsable du terrorisme anti-ouvrier à Barcelone, s’est réfugié en U.R.S.S. : il en revient stalinien fervent et, à la même époque, c’est le député socialiste Balbontin qui rejoint le P.C. officiel. Le confit entre Trotsky et les trotskistes espagnols est bien antérieur à la question de l’entrée dans le Parti socialiste. Dès 1932, la majorité de l’organisation espagnole désire une rupture avec la politique qui consiste à lutter pour le « redressement » des P.C., la politique dite « d’opposition », et souhaite un travail militant « indépendant ». L’explosion, retardée par la victoire hitlérienne en 1933 et le tournant de l’opposition de gauche internationale, aura lieu cependant, et tous les éléments de la polémique entre Trotsky et le P.O.U.M. étaient déjà en germe dans le confit de 1932-1933. I1 semble en outre que Nín ait conservé des contacts avec Kurt Landau, communiste autrichien qui a dirigé l’opposition allemande et fait partie du Secrétariat international de l’opposition de gauche, avant de rompre et de manifester une hostilité tenace à Trotsky et aux trotskistes. Sous le nom de Wolf Bertram, on le retrouve dans les années 1934-1935 avec le groupe Que faire ? d’opposition interne pour le redressement du P.C.F. Or il rejoint Barcelone et le P.O.U.M. en 1936. La majorité de la Gauche communiste refuse en 1934 l’entrée dans le Parti socialiste, proposée par Trotsky, et que soutiennent deux des dirigeants du groupe, L. Fersen - Enrique Fernández - et Esteban Bilbao, ainsi que Munis - Manuel Fernández Grandizo - mexicain d’origine, qui milite à Madrid. Mais ce dernier - et c’est plausible - laissee entendre que Trotsky, dans son analyse, s’inspirait de celle qui avait été faite auparavant par Esteban Bilbao [3]. Or, à cette date, Fersen, Bilbao et Munis ne sont soutenus que par une poignée de jeunes militants de Madrid : l’un d’entre eux, Jesús Blanco, rejoindra pourtant le P.O.U.M., sera membre du Comité central de la J.C.I. et son principal dirigeant à Madrid, avant d’être tué à Pozoblanco où il commandait un bataillon. Au moment où se produit à l’intérieur du groupe trotskyste la rupture sur la question de l’adhésion au Parti socialiste, au moins deux des dirigeants trotskiste espagnols, Henri Lacroix et Loredo Aparicio ont déjà adhéré - individuellement, semble-t-il - au Parti socialiste. Dans la préface qu’il a rédigée pour le livre d’Andrés Nín, Juan Andrade, témoin précieux de cette période, souligne au pesage l’existence à cette époque d’une crise grave au sein du Bloc ouvrier et paysan [4]. Cette crise est générale, vérifiée également au sein de la Gauche communiste comme des Partis socialiste et communiste. Elle résulte du choc entre les organisations telles qu’elles sont et l’aspiration de la classe ouvrière à l’unité de front comme une nécessité vitale pour combattre et survivre face à une contre-révolution bien décidée à extirper par la terreur toute conquête ouvrière et détruire tout mouvement ouvrier organisé. Seule une étude poussée des mouvements grévistes, des tentatives de riposte ouvrière face aux manifestations spectaculaires de la droite, rassemblement des jeunes d’Action populaire, à Covadonga en 1934, à Tolède, puis à l’Escorial en 1935, permettrait à notre sens d’analyser la réalité de ce mouvement en quelque sorte naturel de la classe ouvrière et de l’obstacle que constitue pour lui la division du mouvement politique et syndical organisé.

Il faut, certes : manifester la plus bande méfiance pour tout ce qui est histoire « policière » de l’Internationale communiste. Néanmoins il apparaît nécessaire d’éclairer dans cette période, le rôle du groupe dirigeant au sein du P.C.E., et en particulier de Codovilla, véritable dirigeant de ce parti comme Fried-Clément l’était à la même époque, du P.C.F. Avant de souscrire à l’opinion d Araquistáin qui voit en lui le « deus ex machina » du ralliement au stalinisme de l’équipe dirigeante des J.S. autour de Santiago Carrillo, il faudrait étudier à la fois la façon dont, en 1935-36, la révolution d’octobre 1917 était connue, ressentie et comprise en Espagne, l’influence de la propagande communiste soviétique au sujet des plans quinquennaux, de l’industrialisation de la construction du socialisme etc., et la possible corruption exercée sur de tout jeunes hommes à l’expérience politique limitée : il serait utile notamment d’étudier de façon détaillée les variations des thèmes politiques d’un Carrillo et d’un Melchor avant et après leur séjour en Union soviétique.

Les polémiques entre partisans de Nín-Andrade et partisans de Trotsky au sujet du P.O.U.M. gagneraient à être éclairées en profondeur par des études du type de celles que nous venons de suggérer. Le problème décisif historiquement, celui de 1934-35, « entrisme » dans le Parti socialiste ou fusion avec le Bloc dans le P.O.U.M., peut être réduit à une divergence dans la méthode de construction du Parti révolutionnaire. Les partisans de 1’« union des révolutionnaires » dans le P.O.U.M. ont beau jeu de souligner la rapide décomposition de l’aile gauche socialiste, le rôle joué par la direction de la J.S. dans la stalinisation du Parti socialiste espagnol. Les mêmes tirent un argument évident de la rapide liquidation politique des trotskistes « entrés » dans le Parti socialiste espagnol sur les conseils de Trotsky, qu’il s’agisse de Fersen ou d’Estebán Bilbao, ou encore de la médiocrité des « groupes » trotskistes mis sur pied à partir de 1936. Mais il est Incontestable que la décision de la Gauche communiste de ne pas entrer dans le P.S. a pesé sur le destin de l’aile gauche de ce parti livrée à elle-même, car il est impossible de comparer ce que n’ont pas réalisé ensemble Fersen, Bilbao, Munis et six jeunes militants madrilènes, avec ce qu’auraient pu réaliser la pléiade de brillants militants trotskistes qui ont préféré prendre part à la fondation du P.O.U.M.

Le parti ainsi constitué par la fusion du Bloc et de la Gauche communiste était-il un parti de caractère national comme l’écrit aujourd’hui encore Juan Andrade [5] ? On peut légitimement en douter. Les arguments en faveur d’une fusion avec le Bloc sont très forts en ce qui concerne la Catalogne où ce dernier regroupe incontestablement une avant-garde ouvrière qui a une réelle influent parmi les travailleurs : l’entrée des trotskistes dans le petit Parti socialiste catalan de Vidiella - qui constituera le noyau du P.S.U.C. - risquait en effet de placer les trotskistes en position d’infériorité par rapport aux maurinistes. En fait, aucun des protagonistes ne semble avoir envisagé à cette date la possibilité d’une montée foudroyante de l’influence stalinienne, facteur qui allait se révéler décisif pour l’existence même du P.O.U.M.

Mais la situation n’est pas identique, il s’en faut, dans les autres régions d’Espagne. Là encore, les Asturies suggèrent une tout autre interprétation des virtualités ouvertes à l’époque. Car là, Bloc ouvrier et paysan et Gauche communiste constituent des minorités dont la présence au sein du P.S.O.E. aurait pu, comme le pensait Trotsky, féconder l’aile gauche groupée autour d’Avance et, du coup, peut-être empêcher le retour en force des anti-alliancistes de la C.N.T. au lendemain de la mort de José Maria Martinez puis d’Orobón Fernández avant la guerre civile. L’étude du Parti socialiste dans les Asturies au cours de la guerre civile démontrerait la remarquable résistance offerte par l’aile gauche socialiste à l’influence stalinienne, ce que la presse du P.O.U.M. souligne en mettant en relief, au printemps de 1937, les prises de position d’un Javier Bueno [6] et l’organisation par Rafael Fernández - comme lui dirigeant de l’insurrection asturienne et de l’Alliance ouvrière de 1934 - de l’opposition révolutionnaire à la politique de Carrillo à la tête de la J.S.U. [7]. A cette date, le porte-drapeau du trotskysme aux Asturies après la défection de Loredo Aparicio, Emiliano Garcia, ouvrier du bâtiment, ancien secrétaire de l’Ateneo ouvrier de Gijon, est tombé dans les rangs des milices. L’implantation du P.O.U.M. semble avoir été plus importante au Levant, à Valence et à Castellon, où il est représenté dans les comités formés en juillet 1936, mais elle est mineure dans tout le reste de l’Espagne [8], particulièrement à Madrid où les progrès réalisés dans les premières semaines de la guerre civile ne permettront jamais au P.O.U.M. d’être « reconnu » par les autres organisations et n’empêcheront pas que les poumistes de la capitale soient les premiers frappés. Si, comme nous le pensons sur la base d’une étude de la presse du P.O.U.M. à partir de sa fondation, une étude plus poussée confirmait que l’essentiel des forces du nouveau parti se trouvait bien en Catalogne, il serait effectivement possible de conclure que, lors de sa constitution les préoccupations « catalanistes » qui avaient toujours été celles de Maurín - et lui avaient valu d’acerbes critiques de Nín - avaient prévalu dans le choix de la méthode de construction du parti qui avait abouti à « l’unification des révolutionnaires » à travers le P.O.U.M.

Il en est de même pour la question de l’adhésion du P.O.U.M. à l’alliance électorale qui préfigurait le Front populaire. Juan Andrade écrit en 1970 qu’elle ne rencontra « aucune opposition » dans ses rangs [9], ce qui peut surprendre même si l’on se contente de constater les précautions prises sur ce point par le manifeste du P.O.U.M. publié après les élections [10]. Le même dirigeant parle longuement, dans le même texte, d’une « gauche » du P.O.U.M. à laquelle il s’identifie, sans jamais parler pour autant des points sur lesquels elle s’opposait à une direction qu’il devait qualifier en 1939 de « fraction réactionnaire ». Une intervention de l’actuel secrétaire général du P.O.U.M., secrétaire en 1936 de son organisation de jeunesse, la J.C.I., Wilebaldo Solano, au cours d’un débat public sur la révolution espagnole [11] a en revanche admis la « résistance » opposée à l’intérieur du P.O.U.M. par certains militants à l’entrée d’un représentant dans le gouvernement de la Généralité. Le même Solano, dans une introduction au livre d’Andrés Nin sur les mouvements d’émancipation nationale, a mentionné un texte de Landau théorisant la position de Nín sur cette question [12]. I1 faut espérer la publication intégrale de la brochure de Landau et que Solano, dans la biographie de Nín qu’il prépare, fournisse tous les documents susceptibles d’éclairer les débats internes de ce parti dont Andrade défend en bloc la politique alors qu’il informe son lecteur qu’il a vécu « depuis le commencement de la révolution dans une crise interne permanente et occulte. » [13] Les militants du P.O.U.M. ne doivent pas refuser aux historiens du mouvement ouvrier espagnol et, du même coup, aux jeunes générations qui cherchent à comprendre, les éléments qui permettraient d’éclairer en même temps que l’histoire du P.O.U.M. celle de la révolution espagnole.

Il sera peut-être plus difficile, au moins avant l’ouverture aux chercheurs des archives de Trotsky à Harvard, d’établir avec précision ce qui fut la réalité de l’intervention des trotskistes dans la Révolution espagnole. Paolo Spriano a récemment découvert dans les archives de la police italienne le texte, intercepté en 1936, d’une lettre de Trotsky à Jean Rous et ses camarades espagnols concernant l’attitude à observer à l’égard du P.O.U.M. dans les premiers jours de la guerre civile, dans une évidente tentative de « réconciliation » et de collaboration politique [14]. Mais les indications fournies sur cette « mission » par Jean Rous lui-même [15] demeurent légères, surtout si l’on tient compte de la violence des critiques dirigées contre lui, à propos de cette mission, de différents horizons du mouvement révolutionnaire et de l’intérieur même des rangs trotskistes : il semble au moins que cet échec d’un rapprochement pour un travail commun entre « bolcheviks-léninistes » et « poumistes » ait été vivement ressenti par des militants comme Andrade, malheureusement muet sur ce point [16]. La presse trotskyste de l’époque s’est fait également l’écho des rivalités entre les deux groupes de Barcelone, celui d’El Soviet, soutenu par le P.C.I. en France, et Voz Leninista que soutenaient le secrétariat international et le P.O.I. et qu’animaient Munis et l’Italien Carlini. Le procès pour « l’assassinat » de l’officier russe Léon Narvitch intenté à ces deux derniers en 1938 mériterait également d’être éclairci, ce qui permettrait peut-être de mettre en relief le rôle d’agents provocateurs que dénonce si fréquemment la presse trotskyste de toutes tendances. Enfin, l’étude attentive des archives - encore closes - de Trotsky, permettra peut-être, quand le moment sera venu, d’étayer ou d’abandonner l’hypothèse émise par W. Solano selon laquelle l’agent personnel de Staline au sein de l’organisation trotskyste, Marc Zborowski, le célèbre « Etienne », se serait employé avec succès à envenimer les divergences entre Trotsky et les principaux dirigeants de la Gauche communiste, puis du P.O.U.M., notamment Nín et Andrade [17].

L’un des principaux griefs de Trotsky contre le P.O.U.M. a été sa politique internationale. Le P.O.U.M. jugeait en effet prématurée l’orientation vers la construction de la IVe Internationale et fut allié aux partis et groupes que Trotsky qualifiait de « centristes » qui constituaient le « bureau de Londres ». Des communistes étrangers antistaliniens, mais non trotskistes, ont joué un rôle important non seulement dans les colonnes du P.O.U.M. ou dans ses bureaux, mais à sa direction. Ainsi le jeune militant de I’I.L.P. Bob Smilie, qui devait mourir en prison en 37 dans des conditions suspectes. Nous avons mentionné le rôle joué par l’Autrichien Kurt Landau. Il faut rapprocher de lui l’Argentin Etchebehere - Hippo - qui avait été, comme lui, en France, avec Georges Kagan et André Ferrat, l’un des dirigeants de la fraction du P.C.F. groupée autour de la revue Que faire ?. Landau fut assassiné par les hommes de la N.K.V.D. en 1937, et Etchebehere trouva la mort au front.

Les groupes alliés au P.O.U.M. dans le bureau de Londres ont eu des destinées politiques diverses. Trotsky s’acharnait particulièrement contre le S.A.P. allemand - dont le représentant des Jeunesses fut en Espagne le futur Willi Brandt - dont le principal dirigeant, l’ex-dirigeant du K.P.D. Jakob Walcher - qui militait sous le pseudonyme de Schwab - s’orientait à cette époque vers l’adhésion au Front populaire. I1 voyait évidemment un lien entre cette alliance et la politique du P.O.U.M. lui-même dans son refus de rompre de façon décisive avec le Front populaire. La présence au sein du bureau de Londres d’organisations comme le S.A.P. ou le R.S.A.P. hollandais de Sneevliet, qui avaient été auparavant, en 1934, parmi les signataires du premier appel à la IVe e Internationale, renforçait sa méfiance, nourrissait la vigueur de ses démonstrations. Les articles du responsable du P.O.U.M. aux questions internationales, Julían Gorkin, ne pouvaient guère atténuer, sur ces problèmes, des divergences qui étaient en réalité réelles et profondes. Il reste à étudier cependant dans le détail cette politique internationale du P.O.U.M., ses objectifs et ses moyens - bulletins en langue étrangères, agence de presse -, le rôle qu’il a joué à la conférence de Bruxelles en 1936, et le projet - finalement avorté - de tenir à Barcelone une autre conférence internationale à laquelle les trotskistes avaient d’ailleurs décidé de participer. Les relations avec le courant divertisse, la Gauche révolutionnaire de la S.F.I.O. s’inscrivent dans ce cadre, entre deux pôles : la collaboration technique - sur le plan des informations et des fournitures d’armes - en 1936 entre le comité central des milices et Pivert, chargé de l’information au cabinet de Blum, et, d’autre part, la condamnation en termes extrêmement sévères de la « capitulation » de Marceau Pivert acceptant de s’incliner devant la dissolution de sa tendance au sein du Parti socialiste en avril 1937 [18].

Notes

[1] Particulièrement le tome III de l’édition actuellement en préparation sous la direction de Siegfried Bahne ; quelques lettres de cette période figurent dans le tome III de ses Mémoires, De Lénine à Staline.

[2] Voir des extraits de cette correspondance entre Nín et Trotsky dans « La Révolution espagnole (1936-1939) », Etudes marxistes n° 7-8, 1969, pp. 79-83

[3] Munis, op.cit. p. 179

[4] Préface à Nin, op. cit. p. 6-7

[5] Ibidem, p. 7

[6] Article de Javier Bueno dans Claridad du 6 avril 1937, reproduit dans La Batalla du 10 avril 1937

[7] Ibidem, 1er avril 1937

[8] En février 1946, Julian Gorkin écrivait dans un débat interne : « Malgré sa volonté et ses aspirations le P.O.U.M. n’est jamais arrivé à être véritablement un parti péninsulaire. Le fait de compter quelques douzaines de groupes à travers toute l’Espagne - et un ou deux au plus dans la majorité des régions et provinces - et que ces groupes aient toujours fait leur devoir jusqu’à l’héroïsme, n’a pas suffi pour faire du P.O.U.M. un parti effectivement péninsulaire. » Et il parle de «  forces très réduites en dehors de la Catalogne, Castellon et Valence » (El P.O.U.M. ante el reagrupamiento socialiste, p. 16).

[9] Préface à Nín, op. cit. p. 28.

[10] Voir Document n° 26.

[11] « La Révolution espagnole », Etudes Marxistes, n° 7/8, 1969, p. 40.

[12] W. Solano, « Assaig biografico », p. 51, Andrés Nín, Els movimients d’emancipacio national.

[13] Préface à Nín, op. cit. p. 8.

[14] Texte français original dans Le Monde, 5 décembre 1970.

[15] Voir notamment J. Rous, « Notes d’un militant », Esprit, n° 5, mai 1956 pp. 797-798.

[16] Un témoignage, malheureusement incontrôlable, sur ce point d’E. Vigo (« Espagne mai 36-janvier 38 », La Vérité, n° 2, (Nouvelle série, juin 1938 pp. 43-44) affirme qu’Andrade qualifiait de « centriste » la position de Nín à cette époque, et cherchait pour sa part un accord avec les trotskistes.

[17] « La révolution espagnole », op. cit., p. 66.

[18] La Batalla, 16 avril 1937

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