1945 |
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! LA LUTTE DE CLASSES Organe de l'Union Communiste (IVème Internationale). |
LA LUTTE DE CLASSES nº 47
21 mai 1945
Quand il y a quatre mois le C.N.R., ornement démocratique de la "IVème République", faisait la demande – aussitôt repoussée – d'une "commission d'information" sur la situation en Afrique du Nord, notre journal écrivait (n° 42) : "Seule la politique des colons est approuvée par le gouvernement : REPRESSION COLONIALISTE SANS PHRASES. Ici il n'y a pas de place pour les balivernes du C.N.R."
L'aggravation constante de la situation en Afrique du Nord, où les masses en proie à la famine et aux maladies en étaient arrivées à se nourrir d'herbes, l'attitude de l'administration coloniale qui, sur l'ordre des colons, ne trouvait d'autre remède à cette situation que les brimades, les emprisonnements et les provocations, devait aboutir à un conflit sanglant.
Ce conflit que les hypocrites de la Métropole voulaient éviter au moyen de phrases "démocratiques", le gouvernement le prévoyait et s'y préparait de longue date. L'artillerie lourde, les tanks, les avions, dont on poussait la production "parce qu'on en manquait pour vider les poches de l'Atlantique", il les avait mobilisés pour sa besogne réactionnaire. Avec une férocité toute capitaliste la répression s'est abattue sur les masses nord-africaines et a transformé le pays en un vaste ORADOUR-SUR-GLANE.
Cependant que l'impérialisme répondait par les bombardements, les tortures, les viols et les pillages aux manifestations des masses nord-africaines pour le pain et pour la liberté, dans la presse bourgeoise et social-chauvine, ce ne fut qu'un cri pour condamner les indigènes et leur reprocher de s'être laissés guider par les provocateurs de la 5ème colonne.
Mais la lutte a pris une telle envergure et une telle profondeur populaire, que l'Humanité s'est vue obligée d'admettre le 15 mai que la cause des événements était une situation où "on affame les masses musulmanes, on les prive de tout tissu, au point que les femmes de l'intérieur ne peuvent sortir, car elles sont pratiquement nues", comme le disait notre journal dès janvier.
Y a-t-il un remède à cette situation ? L'Humanité demande au gouvernement et notamment au ministère de l'intérieur, de "châtier les traîtres et les provocateurs et pratiquer à l'égard des populations musulmanes une politique d'humanité et de démocratie dans notre intérêt commun" (12 mai).
Cela revient à demander au gouvernement réactionnaire et colonialiste, protecteur des colons et ennemi des fellahs, de se transformer en ami des fellahs et ennemi des colons, de même qu'ici l'Humanité ne cesse de "demander" au gouvernement des trusts de se transformer en gouvernement du peuple. Comme le disait Trotsky, "autant demander du lait à un bouc".
Mais même si le gouvernement, qui a montré qu'il n'était capable que de répression, pouvait prendre quelques mesures économiques en faveur des populations nord-africaines, "à notre époque on ne peut plus maintenir assujetti un peuple qui veut sa liberté et son indépendance".
Si les travailleurs français ne veulent pas apparaître aux yeux des masses nord-africaines comme les soutiens des entreprises coloniales du capitalisme, ils doivent rejeter cette politique et reconnaître sans conditions le droit à l'indépendance totale des peuples arabes de l'Afrique du Nord.
De même que, pour permettre les échanges économiques avec l'Afrique du Nord et combattre la famine, ils doivent soutenir la lutte des masses indigènes pour l'expropriation des colons monopoleurs et l'expulsion de l'administration coloniale au service des trusts.
Le PC, quand il était encore fidèle au communisme, a soutenu Abd-el-Krim dans sa lutte armée contre l'impérialisme français Aujourd'hui l'Humanité demande au gouvernement de "punir comme ils le méritent les chefs pseudo-nationalistes" (19-5).
La IVème Internationale, porte-drapeau de la lutte anti-impérialiste, assure les peuples de l'Afrique du Nord et leurs leaders de toute sa sympathie et de tout son soutien, et leur crie avec tous les ouvriers conscients de France : VIVE L'INDEPENDANCE DE L'AFRIQUE DU NORD !
LA LUTTE DE CLASSES
Le fait qu'aux élections municipales du 29 avril les classes laborieuses, malgré la confusion et l'unanimité démagogique des programmes électoraux, ont porté leur choix non pas sur ces programmes, mais sur les Partis qui traditionnellement représentent à leurs yeux un programme fondamental de renversement de la bourgeoisie et de refonte de la société (communiste et socialiste), ce fait démontre leur volonté d'aller de l'avant, sans s'arrêter aux demi-mesures.
Le fait que pour la manifestation du Premier mai des millions d'ouvriers dans tout le pays se sont rassemblés dans la rue, démontre que non seulement par le vote, mais aussi par l'action directe et sur la base de leurs traditions de classe, les travailleurs entendent mener le combat.
Nous sommes arrivés à une véritable épreuve de forces d'une part entre les Partis (à l'occasion des élections) et d'autre part entre le prolétariat et la bourgeoisie (à l'occasion du 1er mai) malgré toutes les proclamations des chefs conciliateurs sur "l'unité de la résistance" et l'union entre les classes.
En effet, au sujet des élections, l'Humanité écrivait le 30 décembre dernier : "Nous proposons à tous les partis et groupements de la résistance, sans exception, de constituer partout des listes uniques de la résistance comprenant autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir. Pour la constitution des listes uniques il faudra... tenir compte de l'orientation politique générale de la localité lors des dernières élections municipales et législatives". Et ce que l'Humanité entendait par la "résistance", Cachin le spécifiait le 10 janvier : "...toutes les tendances, sans exception, de l'opinion française... des chrétiens, des socialistes, des communistes, des républicains-radicaux, des modérés, des syndicalistes, d'anciens PSF.".
Mais la bourgeoisie, rassurée par l'attitude servile des Thorez et Cie, a préféré un dénombrement des forces. Les élections qui par la volonté du PCF devaient empêcher toute délimitation politique et rester par conséquent insignifiantes, ont reçu une signification d'épreuve de forces par la volonté des partis bourgeois et réactionnaires, qui n'ont pas accepté l'union proposée par les bureaucrates ouvriers.
Si les listes uniques proposées par le PCF avaient été réalisées, les masses populaires se seraient trouvées dans l'impossibilité de voter "communiste". Mais la bourgeoisie, en n'acceptant pas la "ronde de paix" proposée par les bureaucrates ouvriers, a permis aux travailleurs d'intervenir dans la lutte et de remporter un succès malgré les craintes des chefs. D'ailleurs, dans les grandes villes (comme Bordeaux) où des listes uniques ont été présentées, les abstentions furent massives (Le Monde 6 mai).
Par leur politique "d'union" les bureaucrates ont démontré qu'ils ne voyaient pas plus loin que leur nez ; ce sont les travailleurs qui, par leur volonté, ont fait des élections une victoire de gauche.
Il en a été de même à l'occasion du 1er mai.
La première décision des dirigeants de la CGT avait été d'abandonner le 1er mai traditionnel. Tollet, secrétaire de l'U.D. des Syndicats de la Région parisienne et membre du PCF avait même proposé de faire du 1er mai une journée de "travail de choc". Mais les ouvriers dans les usines et les cadres syndicaux de la base ont opposé une énergique résistance à cette décision. Sous peine de se voir discrédités et aussi pour ne pas perdre le contrôle d'un mouvement qui se préparait malgré eux, les dirigeants de la CGT sont revenus sur leur décision.
Dans tout le pays les ouvriers ont répondu en masse à l'appel de manifester. La mobilisation des forces a dépassé l'attente. Et voici l'enseignement qu'en tire un journal d'usine : "les dirigeants syndicaux peuvent voir maintenant... que lorsqu'on propose aux ouvriers de travailler un 1er mai... ils protestent, désertent les réunions syndicales et menacent de déchirer leur carte. Mais lorsqu'on les convie à la lutte, ils sont présents."
A chaque pas, à chaque expérience l'on voit que l'union entre les classes, préconisée par les social-chauvins, est irréalisable.
Rejetant tous les fardeaux de la situation économique sur les classes laborieuses, la bourgeoisie sait qu'elle les pousse à bout et les oblige à se défendre. C'est pourquoi elle prépare ses bandes armées spécialement dressées contre les ouvriers "comme certaines races de chiens sont dressées contre le gibier". Les social-chauvins ont beau parler d'"union". Mais en vérité il est plus facile de concilier les contradictions de classe dans des articles de journaux que dans la réalité politique !
Pour l'action directe !
Les élections municipales et le Premier mai ont fourni l'occasion d'un dénombrement des forces.
MAIS EN LUI-MEME CE DENOMBREMENT NE DECIDE RIEN. Des élections et des manifestations sont un moyen de consultation de la volonté des masses et de leur degré de préparation. Mais après la consultation doit suivre L'ACTION.
Sans l'action directe, tous les votes du monde ne changeront en rien le caractère réactionnaire du gouvernement actuel qui s'appuie directement sur l'appareil bureaucratique, sur la police et l'armée, et non sur des majorités démocratiquement "élues".
"Une police politique redoutable", écrit l'Humanité du 5 mai, "fonctionne aux côtés et au-dessus de la police ordinaire. Ses chefs sont pourvus de moyens considérables ; le personnel qu'ils ont recruté avec l'argent du peuple français est celui des vieilles équipes du P.P.F.; et du fascisme français des Deloncle; et autres hommes de main." Quel effet les bulletins de vote auront-ils sur cette police ?
Comment les bulletins de vote influeront-ils sur la politique des Bureaux du ministère des finances, sur le blocage des salaires et la hausse des prix ?
En quoi les bulletins de vote changeront-ils la politique de M. Teitgen dont l'Humanité dit, après les élections, qu'il est "sur la pente d'interdire les réunions publiques".
Si le gouvernement bourgeois n'est pas contraint à céder par l'action directe, il mènera la même politique que jusqu'à maintenant, celle des bas salaires, de l'inflation, du marché noir, de la mobilisation, des mesures anti-démocratiques et réactionnaires ; car cette politique lui est dictée par les intérêts de la bourgeoisie et la décomposition du régime.
Mais au lieu d'envisager et de préparer cette action directe, Thorez dit (l'Humanité du 8 mai) "...le peuple compte sur le gouvernement provisoire éclairé par le suffrage universel".
En votant "communiste", les masses travailleuses entendaient voir les partis se réclamant de la classe ouvrière prendre la situation en main, parce qu'elles n'ont justement aucune confiance dans les ministres capitalistes et les partis de la bourgeoisie. Mais cette confiance les partis ouvriers la reportent sur les ministres capitalistes...
Thorez et ses pareils sont restés les défenseurs de la politique de collaboration avec le gouvernement et d'union avec la bourgeoisie, politique de trahison des masses laborieuses.
Malgré la volonté de lutte clairement exprimée par les ouvriers dans leur manifestation du 1er mai, les dirigeants n'adoptent pas un programme d'action capable de mener à la victoire les mouvements ouvriers.
Le gouvernement mène une politique d'arbitrage en faveur du patronat par le blocage des salaires quand les prix ne cessent de monter. Quelle issue y a-t-il à cette situation, sinon d'organiser l'action directe pour l'ECHELLE MOBILE ?
Les partis ont inscrit sur leur programme les nationalisations. Mais il n'y a pas d'autre moyen d'y arriver que d'organiser les ouvriers, surtout là où ils sont en lutte ouverte pour leurs revendications, en COMITES D'ACTION pour le contrôle de la production et l'abolition du secret commercial, qui sert à cacher les spéculations capitalistes.
Le gouvernement est absolument incapable de combattre le marché noir, dont il est le "régulateur". Seule l'action directe pour le contrôle sur le ravitaillement par des comités d'ouvriers et de paysans et la liaison directe entre la ville et la campagne par l'entremise des organisations syndicales, permettra la réalisation des revendications concernant le ravitaillement.
Avec la complicité gouvernementale, la bourgeoisie fait prospérer ses bandes fascistes. Tous les jours aussi, la presse ouvrière explique que tous les postes de l'Etat, les ministères, la police, l'armée, sont envahis d'éléments réactionnaires qui mènent leur offensive contre le peuple. Dans ces conditions, ne pas organiser les MILICES OUVRIERES, ne pas démontrer par la propagande leur nécessité aux classes laborieuses, c'est laisser les ouvriers à la merci de l'offensive de la bourgeoisie.
La situation économique est telle que, malgré les appels au calme, des grèves surgissent de partout. Au lieu de faire la politique de l'autruche, ignorer ces grèves (comme le fit l'Humanité) et laisser les forces se disperser, il faut préparer une grève générale comme en 1936, de protestation contre le gouvernement affameur, pour briser les mesures réactionnaires qu'il prend sur les ordres du Grand Capital.
De même que les chefs ont pris l'habitude de se promener interminablement dans des "délégations" il ne faut pas qu'ils promènent les ouvriers dans des manifestations où ceux-ci ne trouvent ni mots-d'ordre ni directives. Des manifestations de ce genre fatiguent à la longue les masses et les rejettent dans l'indifférence. Il ne s'agit pas de transformer chacune d'elles en conflit ouvert, sans tenir compte du rapport de forces. Mais il faut en faire une école révolutionnaire pour les masses, afin qu'elles ne restent pas sans lendemain.
Il faut obliger les chefs à passer de la parole aux actes. C'est en premier lieu aux ouvriers conscients qu'incombe la tâche, de même qu'ils ont fait échec au boycottage du 1er mai, de prendre des initiatives de plus en plus nombreuses pour guider l'action de la classe ouvrière et suppléer à la carence des chefs qui sont les stratèges de la défaite. Dans cette voie ils se trouvent la main dans la main avec les militants de la IVème Internationale qui, elle, représente le drapeau de la victoire définitive des travailleurs.
"Informé" qu'une manifestation devait avoir lieu le 3 mai au soir à Montrouge pour protester contre le traitement de faveur accordé à Pétain, le CC du PCF a publié aussitôt (et diffusé par radio) une mise en garde déclarant qu'il "juge inopportune" cette démonstration dont on ne sait pas qui en a décidé l'organisation". Le CC du PCF "met en garde la population contre DES PROVOCATIONS qui n'auraient d'autre but que d'affaiblir la politique du scrutin du 29 avril et des grandioses manifestations du 1er mai" (l'Humanité 4-5-45).
Or, voici les faits :
L'initiative de cette manifestation a été prise par la cellule Politzer du PCF de Montrouge, et reprise par le Comité de Libération et le "Groupe d'union patriotique et antifasciste" qui signe le tract appelant à la manifestation : c'est une honte pour Montrouge d'abriter Pétain, il faut manifester contre, et pour cela, que tous se rendent devant le fort.
Les préparatifs pour la manifestation avaient été poussés très loin. Chez Panhard, les ouvriers devaient y aller en bloc. A Issy-les-Moulineaux, la population était conviée par les membres du PC, à s'y joindre.
A la suite de la condamnation de cette manifestation par le Comité Central du PCF, les travailleurs ont reçu l'explication suivante de la part des staliniens : "la manifestation que nous avons prévue était une manifestation locale, mais des "tracts" ont circulé dont le but était de la transformer en une manifestation contre le gouvernement et provoquer ainsi une effusion de sang (le gouvernement avait effectivement massé des forces considérables de Mobiles, avec des mitrailleuses, pour défendre Pétain). Plus les ouvriers sont éloignés de Montrouge, plus ils ont accordé créance à cette version. Mais personne n'a vu ces "tracts" et chez Panhard un ouvrier résume la situation : "ils se sont dégonflés".
A la place de la manifestation au fort, réunion devant la mairie : la plupart des gars de chez Politzer n'y participaient pas. Les fascistes profitent de la confusion semée par les revirements staliniens pour répandre le bruit : "C'est les juifs qui voulaient manifester contre Pétain"...
Ne pouvant avouer qu'ils participent à un gouvernement capable de canonner une manifestation pacifique devant le fort qui abrite Pétain, les chefs du Parti Communiste sont obligés de présenter comme des provocations les initiatives de leurs propres organisations locales quand celles-ci essaient de transformer en actes leurs discours et articles de journaux. Mais si les membres du PC eux-mêmes sont des "provocateurs", faut-il s'étonner que les bureaucrates staliniens traitent les Trotskistes d'"agents de la 5ème colonne" ?
Pour celui qui contemple aujourd'hui le monceau de ruines de ce qui fut autrefois la civilisation capitaliste européenne, la bourgeoisie n'a d'autre explication que la "barbarie teutonne". Mais les vainqueurs "démocratiques" eux-mêmes, dans la pratique, n'ont pu montrer par un seul exemple la différence entre leurs méthodes et celles du 3ème Reich. La plus grande "émulation" règne parmi tous les Etats-majors et tous les Gouvernements pour, à chaque coup d'en face, non seulement rattraper, mais dépasser la barbarie de l'adversaire.
Aux "V1" répondirent les "tremblements de terre" et le "liquide brûlant" alliés, la destruction de villes européennes par l'aviation allemande fut suivie de la destruction totale des villes allemandes, à la terreur de la Gestapo dans les pays occupés (et en Allemagne) a succédé la terreur alliée en Allemagne (avec le concours des nazis !) et dans les pays "libérés" : répression et terreur blanche en Grèce.
Et si Hitler, conformément aux intérêts des capitalistes allemands, en découpant l'Europe avait dépassé même les folies du traité de Versailles, la victoire de la coalition "démocratique" a livré l'Europe au chaos : d'après M. Grew, secrétaire d'Etat américain, plus de 30 questions territoriales en Europe réclament un examen "approfondi" avant qu'une solution puisse intervenir ; et une seule d'entre elles, celle de Trieste, a déjà provoqué une tension armée entre Tito (c'est-à-dire l'URSS) et les Anglo-américains...
Le capitalisme pourrissant a consommé la ruine du Continent. Le niveau de vie des masses est descendu (tant que le capitalisme subsistera) à un niveau misérable, l'Etat capitaliste s'est définitivement émancipé de tout contrôle parlementaire pour ne plus sortir du régime d'oppression militaire et policière, la ville et la campagne s'éloignent de plus en plus l'une de l'autre, la culture et les mœurs sont complètement perverties ; voilà la barbarie, malgré une technique de plus en plus élevée.
Mais le recul historique de l'Europe n'est que la préface du recul du monde entier.
Smuts, Stettinius, et d'autres politiques bourgeois alliés ont reconnu "qu'une troisième guerre mondiale provoquerait la ruine des Etats-Unis eux-mêmes", c'est-à-dire du niveau de vie des masses.
Or, de cette troisième guerre mondiale il ne faut pas parler au futur, mais dans le présent, car le monde, en premier lieu les Etats-Unis (dont les capitalistes ont besoin de l'hégémonie mondiale), ne sortira plus jamais de la guerre. Nulle part il n'est question d'un arrêt des fabrications de guerre : les Etats-Unis ont déjà dépensé 275 milliards de dollars pour cette guerre, c'est-à-dire dix fois plus que dans celle de 14-18. Le 7ème emprunt de guerre vient d'être lancé. Même le pays le plus riche du monde est en voie de se ruiner.
La bourgeoisie, fossoyeur de la civilisation.
Au moment même où la guerre était sur le point d'éclater, les hommes d'état capitalistes "essayaient" encore d'ajourner le conflit. Car ils éprouvaient des craintes quant aux conséquences de cette guerre, non pas tant en ce qui concerne la ruine de la société, qu'ils prévoyaient, mais en ce qui concerne le sort de la domination de leur classe.
Le 25-8-1939, dans une entrevue entre Hitler et l'Ambassadeur français en Allemagne, ce dernier répondit aux inquiétudes de Hitler au sujet d'une guerre franco-allemande : "...si le sang français et le sang allemand doivent couler, il n'y aurait pas à payer que cet impôt de sang si fort qu'il fût ; les ravages d'une guerre certainement longue, entraîneraient un cortège d'atroces misères. Si je pensais effectivement, ai-je remarqué, que nous serions victorieux, j'avais aussi la crainte qu'à l'issue d'une guerre, il n'y eût qu'un vainqueur réel, M. Trotsky". (Livre jaune 1939, page 259).
La bourgeoisie était consciente que la guerre serait longue et qu'elle coûterait aux masses un lourd impôt de sang et d'atroces misères. Mais le seul obstacle qui la faisait hésiter à déclencher le massacre, c'était la crainte de la révolution prolétarienne. L'exemple de la guerre de 1870 finissant par la Commune, et de la guerre mondiale de 14-18 finissant par la révolution victorieuse d'Octobre 17, lui faisait craindre qu'en fin de compte les masses lui fassent payer sa barbarie.
Aucune peur ne pouvait cependant arrêter la bourgeoisie sur la voie où la poussaient les contradictions de son régime : déclencher la guerre pour vaincre ses concurrents capitalistes.
Classe historiquement condamnée et destinée à être enterrée par le prolétariat pour que l'humanité puisse vivre, elle comptait néanmoins se sauver et éviter la révolution prolétarienne, en écrasant sous les ruines de la civilisation la classe ouvrière elle-même.
Déjà en 1921, au IIIème Congrès de l'Internationale Communiste, Trotsky lançait l'avertissement suivant à la classe ouvrière de tous les pays :
"Au moment où les forces productives du capitalisme butent contre un mur, ne peuvent plus progresser, nous voyons la bourgeoisie réunir entre ses mains l'armée, la police, la science, l'école, l'église, le parlement, la presse, les gardes-blancs, tirer fortement sur les rênes et dire en pensée à la classe ouvrière : "...Je vois un abîme s'ouvrir sous mes pieds. Mais nous allons voir qui tombera le premier dans cet abîme. Peut-être avant ma mort, si vraiment je dois mourir, réussirai-je à te pousser dans le précipice, O classe ouvrière !"... Si la bourgeoisie, condamnée à mort au point de vue historique trouvait en elle-même assez de force, d'énergie, de puissance pour vaincre la classe ouvrière dans le combat terrible qui approche, cela signifierait que l'Europe est vouée à une décomposition économique et culturelle... Autrement dit, l'histoire nous a amenés à un moment où une révolution prolétarienne est devenue absolument indispensable pour le salut de l'Europe et du monde... L'histoire dit à la classe ouvrière "il faut que tu saches que tu périras sous les ruines de la civilisation, si tu ne renverses pas la bourgeoisie. Essaye, résous le problème !"
Le prolétariat d'Europe, malgré ses années de luttes et d'expériences, a été devancé par la bourgeoisie dans ce combat.
La catastrophe du Continent a été consommée. Une des forces essentielles de la lutte socialiste en Europe, le prolétariat allemand, a été enseveli sous les ruines causées par la bourgeoisie.
Mais malgré les terribles ravages et le recul de la civilisation, il reste au prolétariat assez de forces vives capables de prendre le dessus.
Sur les ruines accumulées, la bourgeoisie n'est pas arrivée à un équilibre capitaliste lui permettant de conjurer le péril de la révolution prolétarienne. La classe ouvrière européenne affaiblie ne se trouve pas seule en face de son ennemi. L'impérialisme a des tâches réactionnaires gigantesques à accomplir et des ennemis redoutables non encore abattus : c'est l'économie planifiée de l'URSS qu'il veut détruire, c'est l'éveil des peuples coloniaux qu'il veut continuer à asservir, c'est ses propres contradictions et rivalités. Et il suffit à l'heure actuelle de considérer la lutte du prolétariat français belge, italien, espagnol, de connaître l'hostilité grandissante du prolétariat anglais et américain vis-à-vis de sa propre bourgeoisie pour dire que LA CLASSE OUVRIERE PEUT ENCORE EMPECHER LES MORTS D'ENSEVELIR LES VIVANTS, c'est-à-dire que la classe condamnée par l'histoire, la bourgeoisie impérialiste consomme définitivement la ruine de l'humanité entière.
Mais pour cela il faut que l'avant-garde de la classe ouvrière prenne entièrement conscience des conditions de sa victoire : rompre politiquement avec la bourgeoisie et ses valets social-chauvins, dénoncer devant le peuple travailleur les guerres, les mensonges et les violences de la classe capitaliste, enseigner à la classe ouvrière non la conciliation, mais la nécessité du renversement de la bourgeoisie par une guerre civile sans merci, car :
"Une guerre plus
légitime
c'est la guerre
à qui nous opprime :
CELLE QUE NOUS
NE FAISONS PAS".
AU MUR DES FEDERES, le 27 mai
Les travailleurs se souviendront que la bourgeoisie française a été la première dans l'histoire, en juin 1848 et surtout en mai 1871, à massacrer en masse et avec des scènes de sadisme, racontées par Lissagaray l'historien de la Commune, des prisonniers désarmés qui n'avaient commis d'autre crime que d'être des prolétaires ayant réclamé leur droit à la vie !
Le Bureau politique de l'UNION COMMUNISTE