1944

LA LUTTE de CLASSES  – n° 28
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Organe du Groupe Communiste (IVème Internationale)


LA LUTTE de CLASSES  – n° 28

Barta

6 avril 1944


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"Le 1er mai est une fête nationale" (PETAIN)
"Le 1er mai doit être une grande journée nationale" WALDEK ROCHET (député communiste)
NON, le 1er MAI C'EST LA JOURNEE INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS !

 

POUR UN PREMIER MAI ROUGE DE LUTTE DES TRAVAILLEURS !

Comme les années précédentes, les pires ennemis de la classe ouvrière veulent ravir aux travailleurs leur journée traditionnelle de lutte du 1er mai, en leur "accordant" une quelconque "fête du travail" pour le 30 avril. La bourgeoisie et ses serviteurs honorent le travail en affamant les travailleurs par les bas salaires et le manque de vivres, par la terreur policière, par le travail forcé des femmes et des enfants, par les déportations incessantes, dans les pires conditions, de travailleurs pour l'Allemagne, où ils font la relève de leurs frères de classe allemands envoyés à la boucherie. Les travailleurs exècrent ceux qui leur "accordent" cette fête, les Pétain, les Laval, les Déat, infâmes serviteurs d'une bourgeoisie que la classe ouvrière doit renverser.

Le Premier Mai a toujours été la journée internationale des travailleurs, pendant laquelle les ouvriers manifestaient, dans tous les pays, leur force et leur union dans la volonté d'abattre l'ennemi commun, le capitalisme.

Aujourd'hui, malgré tous les malheurs infligés à la classe ouvrière à la faveur de la guerre, les ouvriers se relèvent et reprennent la lutte contre leurs exploiteurs dans tous les pays (Angleterre, Allemagne, Italie, Balkans). Seule cette lutte peut mettre fin à la guerre.

En ce 1er mai, les ouvriers français doivent montrer au pays entier qu'ils n'ont pas perdu courage et qu'ils ont toujours confiance dans la victoire des opprimés.

Ils manifesteront dans les usines leur volonté de lutter par la grève (arrêt partiel ou total du travail), par des rassemblements, en arborant le drapeau ou l'insigne rouge. Ils manifesteront leur volonté de mettre fin à la misère et à la guerre, par la lutte contre la bourgeoisie et l'union avec les ouvriers de tous les pays.

Pour le relèvement des salaires et le contrôle ouvrier sur le ravitaillement !

CONTRE LES DEPORTATIONS ! CONTRE LES BOMBARDEMENTS !

CONTRE LE REGIME ACTUEL D'OPPRESSION, DE FAMINE ET DE TERREUR !
A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE !
VIVE LE PREMIER MAI ROUGE D'UNION DES TRAVAILLEURS
POUR LE PAIN LA PAIX ET LA LIBERTE !


CLASSE CONTRE CLASSE

Si les travailleurs français n'avaient pas été bercés par l'attente de la victoire alliée libératrice qui, depuis 2 ans, doit toujours venir, ils se seraient certes davantage opposés aux entreprises patronales contre eux.

Mais l'espoir trompeur qu'un "2ème front" allié compléterait heureusement les victoires de l'Armée Rouge et délivrerait le pays des maux qui se sont abattus sur lui avec la guerre et l'occupation, a laissé les ouvriers sans défense contre la bourgeoisie. Il fallait faire "front" contre l'envahisseur avec les "bons" patrons, les mauvais n'étant que des traîtres et ne constituant qu'une exception dans la classe capitaliste.

Quoique la collaboration ait été le fait de toute la bourgeoisie française après juin 1940 (les travailleurs se souviennent de l'isolement complet des émigrés pro-alliés à Londres avant le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord le 6 novembre 1942), l'essentiel n'est pas de savoir comment la bourgeoisie entend défendre ses intérêts sur le terrain international. L'essentiel c'est que "bons" et mauvais patrons (sous Daladier comme sous Pétain) ont tous travaillé et travaillent pour la guerre et tirent des super-bénéfices du sang et de la misère des masses travailleuses. LA GUERRE EST LEUR AFFAIRE A EUX TOUS.

La politique préconisée par les dirigeants opportunistes de la classe ouvrière ("ne bougez pas, les alliés vont nous délivrer, que seulement les plus courageux d'entre vous deviennent les soldats de la France en abattant le plus de Boches qui occupent notre territoire"), a amené la classe ouvrière dans une situation extrêmement grave.

D'un côté l'activité chauvine anti-boche des partis français pro-alliés a aidé l'impérialisme allemand à maintenir les ouvriers et paysans allemands sous l'uniforme dans une stricte discipline militaire et lui a permis de poursuivre sans risques révolutionnaires toutes ses ignobles entreprises contre les masses travailleuses françaises.

D'un autre côté les impérialistes alliés, sous prétexte de "libération", sont en train de détruire "la substance vitale du peuple français" (De Gaulle), par les bombardements et la guerre déchaînée sur le sol français

La substance de la France ce sont les masses travailleuses. Ce sont elles que nous défendons. Mais la classe ouvrière ne peut lutter pour son existence menacée que par une politique intérieure et extérieure indépendante, opposée à la politique bourgeoise.

L'union avec les Daladier, les Sarraut, les Herriot, etc... en 1934 pour "lutter" contre le fascisme et la guerre (Front Populaire) n'a mené et ne pouvait mener qu'à la victoire de la bourgeoisie sur le peuple et à la guerre. En 1939 ce fut précisément Daladier qui conduisit la guerre à l'extérieur et la guerre à l'intérieur contre les travailleurs (dissolution du PC et mise au pas des syndicats, emprisonnements et camps de concentration, etc...).

L'union sacrée réalisée à Alger par les chefs staliniens avec les politiciens tarés de la IIIème République et les généraux réactionnaires et fascistes est toute en faveur de la bourgeoisie. Car la collaboration totale que les chefs staliniens prétendent imposer aux masses prolétariennes en faveur de la bourgeoisie ne comporte pas la moindre contre-partie. Comme tous les valets "réformistes" de la bourgeoisie qui les ont précédés, les chefs staliniens n'ont mis aucune condition à leur collaboration. Pourquoi n'ont-ils pas obtenu au moins un engagement formel et public du Comité d'Alger concernant les conquêtes ouvrières de juin 1936 ? C'est parce que dans l'union avec la bourgeoisie il en est comme de l'union de l'âne avec son maître : l'un porte le bât, l'autre le stimule avec la trique.

En France également les travailleurs font les frais de l'opération patriotique. Les travailleurs, eux, qui font tous les sacrifices, ne reçoivent aucune aide d'aucun côté. Mais avec les super-bénéfices fabuleux prélevés sur leur dos, le Comité des Forges aide les organisations militaires patriotiques, dont le rôle sera de défendre demain, quand la Gestapo ne sera plus là, la domination du Comité des Forges contre les travailleurs.


La classe ouvrière doit abandonner cette voie. Elle doit renouer avec les traditions et les moyens de lutte qui lui sont propres, et qui sont le fruit de longues souffrances que la bourgeoisie a infligées aux travailleurs depuis 150 ans.

L'union sacrée de 14-18 a été fatale aux travailleurs, qui ont définitivement perdu dans le premier conflit impérialiste mondial leur niveau de vie et la sécurité (toute relative) de leur existence.

Si la bourgeoisie réussissait une fois de plus par l'union sacrée, à maintenir sa domination au-delà du conflit actuel, une chaîne sans fin de souffrances et de misère, de chômage et de guerres serait le lot des masses laborieuses pour de longues années.

A bas le front national, à bas l'union sacrée, vive la lutte de classe pour le pain, pour la paix et la liberté ! Vive la fraternité internationale des travailleurs contre la bourgeoisie !

Le 1er mai 1944 doit marquer le tournant politique de la classe ouvrière VERS SES PROPRES LUTTES ET SA VICTOIRE !


A BAS LES ASSASSINS

Les aboyeurs payés de Londres nous avaient expliqué pendant des mois que seule la démoralisation du peuple allemand par le bombardement systématique des villes industrielles pouvait mettre fin à la guerre et aux maux du peuple français Aujourd'hui les bombes de 2000 kg, les bombes au phosphore et à retardement s'acharnent sur Paris et d'autres villes françaises, tuant et mutilant en une ou deux heures des centaines d'ouvriers et détruisant des quartiers entiers ; et les mêmes pensent atténuer notre indignation et nous consoler en nous disant qu'il faut en passer par là si l'on veut en finir. En attendant, ajoutent-ils, "Nous ne pouvons rien pour vous" ! Bien sûr les démagogues à la Paqui, Déat ou Henriot ont beau jeu pour crier à la sauvagerie et à la terreur judéo-anglo-saxonne, comme si leurs maîtres n'avaient pas à leur actif les bombardements de Rotterdam, de France et de Londres en 1940, et comme si les SS ne venaient pas d'exécuter froidement un village entier près de Lille.

La nouvelle leçon sanglante que nous venons de recevoir doit dissiper toutes les illusions : Quels qu'en soient les prétextes ou les raisons, les coups que les impérialistes échangent entre eux au cours de cette guerre pour le partage des richesses du globe entre quelques milliardaires, retombent toujours directement sur les peuples. Les impérialistes alliés lancent aujourd'hui leurs bombes sur nos quartiers ouvriers sous prétexte de "libération", bientôt, sous prétexte de nous défendre et de se défendre, les impérialistes allemands mettront le même acharnement à détruire tout ce que les premiers auront laissé debout.

Le débarquement anglo-américain, en rapprochant de nous le théâtre des opérations militaires, constitue une menace terrible. Les bombardements, et autres massacres, vont se multiplier et se précipiter. Ceux d'entre nous qui ont échappé jusqu'ici,  nous-mêmes, nos familles, nos camarades, nous pouvons tous être victimes demain.

SEULE UNE ACTION DES MASSES OUVRIERES PEUT METTRE FIN A LA GUERRE IMPERIALISTE ET AUX MAUX DONT ELLE NOUS ACCABLE. Il faut protester énergiquement contre ces bombardements sauvages. Nous devons réclamer des abris, le paiement intégral et sans récupération des heures d'alertes. Il faut exiger le contrôle ouvrier des services d'aide aux sinistrés et la réquisition pour eux des vastes appartements et des hôtels particuliers inhabités.

Ne nous laissons prendre ni aux consolations ou promesses de Londres ni à la démagogie de Vichy ou de Paris, mais répondons coup pour coup si nous ne voulons pas être écrasés.


PROPOS DE L'OUVRIER

La presse bourgeoise écrit souvent sur les avantages de la Charte du Travail et de la nouvelle législation sociale. Sur le papier tout est prévu, chaque cas particulier est analysé ; mais lorsqu'elle vérifie l'application de la loi cette même presse constate que rien ne marche. Les cantines sont à un prix trop élevé, les repas insuffisants, les coopératives vendent aux prix du marché noir. Les assurances, les mutuelles, les services d'hygiène fonctionnent très mal. Quelle est la cause de cette mauvaise organisation ? (Sans parler de l'anarchie totale qui règne dans la production, certaines usines faisant 11 heures par jour alors que les ouvriers de certaines autres sont mis à pied). L'Etat fait tout ce qu'il peut, disent les journaux, mais il y a encore des patrons anti-sociaux qui s'acharnent à ne pas vouloir comprendre qu'ils doivent collaborer avec leur personnel : et ceux qui collaborent le font avec un air de "paternalisme" qui offense les ouvriers dans leur dignité.

En réalité l'Etat n'est qu'un instrument au service de la classe dominante, la bourgeoisie, et ne peut rien faire dans l'intérêt des ouvriers, car tout avantage accordé aux ouvriers diminue les profits des capitalistes, dont l'Etat n'est que le fidèle valet. Les ouvriers ne peuvent pas attendre que les patrons comprennent que la classe ouvrière souffre et qu'elle a besoin d'amélioration de son sort, car jamais les patrons ne comprendront ces souffrances ; par contre ils comprennent très bien lorsqu'on touche à leurs coffres-forts.

Ceux qui font marcher les usines ne peuvent pas se résoudre à attendre que ceux qui les exploitent comprennent la situation sans issue où se trouve la classe ouvrière, car ceux-ci ne comprendront jamais, ou plutôt ils comprennent très bien, que plus les ouvriers souffrent, plus leurs coffres-forts se remplissent.

Les ouvriers ne peuvent pas collaborer avec les patrons, ils doivent les obliger par leur lutte à rendre gorge. Ils doivent viser à renverser la bourgeoisie et, pour commencer, s'unir et réclamer par l'action le contrôle ouvrier effectif (et non pas fictif comme l'autorise (sic) la Charte du Travail) sur tous les organismes de l'usine : contrôle de la cantine, de la coopérative, de la production, de la répartition des matières premières, des bénéfices (car si les ouvriers crèvent de plus en plus de faim il y a toujours des bénéfices pour les patrons). A la collaboration des classes, nous, ouvriers, opposons une implacable LUTTE DE CLASSES.


PREMIER MAI OU MI-CAREME

Voici, en substance, les extraits les plus significatifs des consignes données pour le 1er mai par les chefs syndicaux à Alger, territoire "libéré" et "démocratique" !

  1. On travaillera le jour du Premier mai. Les syndicats renoncent librement au chômage traditionnel. (En France occupée aussi, Pétain a imposé la suppression du chômage traditionnel du 1er mai).
  2. Le Dimanche 30 avril de grandes manifestations seront organisées, sans chants ni cris, pour ne pas troubler l'union de toutes les forces françaises. Hitler,  Pétain et Déat qui ne se prétendent pas des démocrates, organisent eux aussi une parodie de fête le 30 avril. Drôle d'union, où la classe ouvrière se voit fixer par les généraux le jour de sa fête traditionnelle, et obligée à respecter les susceptibilités de la canaille réactionnaire !
  3. En ce qui concerne la solidarité avec l'armée à l'occasion du 1er mai : entrée en contact avec les généraux ou les préfets maritimes. Un quart de vin supplémentaire sera offert aux soldats le 30 avril, ainsi que des cigarettes et des cadeaux aux blessés. DANS CES RENCONTRES IL FAUDRA EVITER TOUTE ALLUSION DE CARACTERE POLITIQUE. Ainsi, le sou du soldat et les manifestations de solidarité de classe entre prolétaires en uniforme et ouvriers font place aux embrassades avec les généraux et les préfets ! Ils doivent tous jubiler, depuis les généraux jusqu'aux "juteux" qui n'ont jamais cessé de crier "pas de politique à l'armée".
  4. Le jour du 1er mai, à l'entrée ou à la sortie du travail, les cahiers établis par les délégués seront remis à la direction, contenant des propositions... pour intensifier l'effort de guerre ! Sans commentaires !

Sont révolus les temps funestes ou les Français luttaient entre eux. (Mais les temps funestes où Schneider et autres des 200 familles empochent des milliards ne sont pas encore révolus !)

Quand on a décidé de ne plus se déchirer autour de petites choses (le pain et le sang des travailleurs !) il est facile de s'entendre sur les grandes (c'est-à-dire l'asservissement total des ouvriers pour le plus grand profit des capitalistes : Hitler n'en demande pas plus).


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