1947 |
"L'Ecole �mancip�e" du 1er juin 1947. |
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Notre position syndicaliste r�volutionnaire
Depuis sa naissance le syndicalisme universitaire comme le syndicalisme ouvrier, est partag� en deux courants prin�cipaux : le courant r�formiste et le courant r�volutionnaire. L'histoire du syndicalisme est faite en partie de ces deux courants dans le cadre mouvant de l'�volution �conomique et sociale.
Le d�saccord ne porte pas en principe sur le but final du syndicalisme qui est et demeure inscrit dans les statuts de la CGT : la suppression du salariat et du patronat, mais sur les m�thodes d'action. Pratique�ment il en est autrement. L'activit� des dirigeants conf�d�raux comme des responsables f�d�raux depuis des dizaines d'ann�es montre bien, � qui veut voir, que c'est l� simple cause de style et qu'en v�rit� il y a bien longtemps que ceux-l� ont renonc� au but profond du syndicalisme pour se limiter � des r�formes qui se pla�cent dans le cadre m�me du sys�t�me capitaliste ou qui, dans le meilleur des cas, ne visent qu'� un repl�trage de ce dernier. L'exp�rience a montr� bien des fois la vanit� ou le danger de ce r�for�misme sans r�formes. Et depuis la Lib�ration notamment les preuves se sont accumul�es du caract�re n�faste de cette politique syndica�le � la petite semaine, qui d�laisse les causes v�ritables du mal pour s'attaquer (et avec quelle ti�deur !) seulement � ses effets et qui aboutit au marasme actuel de la CGT et de tout le mouvement ouvrier. Qu'on le veuille ou non le syndicalisme pratiqu� tant par Frachon que par Jouhaux constitue un abandon des int�r�ts vitaux de la classe ouvri�re et � l'Ecole Emancip�e nous ne faisons aucu�ne diff�rence essentielle entre ces deux fr�res ennemis puisque leurs conceptions de l'activit� revendi�cative sont sensiblement les m�mes et qu'entre le n�o-r�for�misme stalinien du premier et le r�formisme classique du second les nuances sont insignifiantes.
Les amis de l'EE se r�clament de tout autres conceptions que notre revue d�fend sans faibles�se depuis sa fondation.
A la base de notre orientation particuli�re, il y a une constatation de fait que nous ne perdons jamais de vue. Nous vivons dans une soci�t� de classes. D'un c�t�, les capitalistes qui ont monopolis� tous les moyens de production ; de l'autre, les ouvriers qui ne pos�s�dent rien que leur force de tra�vail. Bourgeoisie et prol�tariat ont des int�r�ts contradictoires car profit national et salaire ouvrier sont antagoniques. Dans ces conditions parler d'int�r�t g�n�ral constitue une duperie flagrante � laquelle nous nous sommes tou�jours oppos�s. II y a des int�r�ts de classes et "l'int�r�t g�n�ral" n'est en d�finitive que celui de la classe dominante : la bourgeoisie. Nous nous r�clamons de la classe ouvri�re et c'est pourquoi, syst�matiquement et par principe, tous les probl�mes sociaux sont exami�n�s � l'EE sous l'angle exclusif des int�r�ts ouvriers. C'est l� l'ori�gine du "sectarisme" que certains nous reprochent dans le mouve�ment syndical.
C'est dire que nous nous r�clamons du principe de la lutte de classe. Nous ne perdons pas notre temps � d�plorer cette derni�re car nous estimons qu'elle est en d�finitive le moteur de l'his�toire et le seul moyen pour le pro�l�tariat, classe exploit�e, de mettre fin � son exploitation.
Mais la reconnaissance de la lutte de classe pour �tre cons�quente entra�ne la n�cessit� de d�velopper � chaque occasion la conscience de classe des tra�vailleurs et leur volont� de lutte. Trop d'illusions, entretenues d'ailleurs par les directions ouvri�res, r�gnent encore dans les rangs des exploit�s et leur font croire � une solidarit� nationale avec leurs exploiteurs. Erreur mor�telle qui a entra�n� cette trahison qu'a �t� "l'union sacr�e" de 1914�-1918 et qui a enfant� le mythe de la R�sistance - CNR (Conseil national de la r�sistance) de 1940-�45 dont les n�fastes effets se res�sentent encore.
La d�nonciation inlassable de tout ce qui tend � obscurcir le sens de classe s'impose donc. Et en premier lieu la d�nonciation des m�thodes de travail pratiqu�es par les directions r�formistes. Aux par�lotes dans les antichambres des ministres, aux multiples commis�sions et innombrables sous-com�missions o� s'enterrent les reven�dications les plus l�gitimes, aux pourparlers exclusifs des sommets syndicaux avec l'administration ou les pouvoirs publics, � la diploma�tie secr�te en usage dans les milieux f�d�raux et conf�d�raux, � ce collaborationnisme syst�ma�tique dont l'inefficacit� s'�tale, qui tend � faire de l'action syndicale le monopole exclusif de quelques dizaines de militants et qui en �carte la masse innombrable des int�ress�s, nous opposons un syn�dicalisme qui fait confiance aux syndiqu�s eux-m�mes, qui compte avant tout sur leur action propre, sur leur potentiel de lutte pour assurer le succ�s de leur cause, un syndicalisme dans lequel le r�le des dirigeants consiste � s'appuyer sur l'action de masse, � informer au maximum les adh�rents, � les faire juges des difficul�t�s rencontr�es, � les int�resser directement aux probl�mes au lieu de transiger en vase clos et de mettre les syndiqu�s devant le fait accompli. L'�mancipation des tra�vailleurs sera l'œuvre des tra�vailleurs eux-m�mes. C'est vrai �galement pour le succ�s des revendications imm�diates. Un meeting, une manifestation de rue, une campagne de r�unions ou de presse, une cessation collective du travail, sont cent fois plus effi�caces que dix d�marches aupr�s de n'importe quel ministre d'une d�l�gation syndicale si bien inten�tionn�e qu'elle soit. Une d�marche pour �tre efficace doit �tre la conclusion d'une agitation de masse. Ce n'est pas ce qui se passe au SN � la FEN, � l'UGFF, � la CGT o� se pratique un syndica�lisme de sommets. Comment s'�tonner alors du peu de r�sultats obtenus ?
L'action directe, sous ses mul�tiples formes, en faisant intervenir la base, renforce l'organisation et fait des adh�rents des syndica�listes conscients.
Elle suppose une d�mocratie int�rieure r�elle, c'est-�-dire la libre expression des opinions, le respect des minorit�s dans l'action.
Elle suppose l'ind�pendance du mouvement syndical, la libre d�termination des organisations syndicales. Elle exclut l'inf�odation � tout parti m�me ouvrier, � tout gouvernement m�me ouvrier. Le cumul d'un mandat politique avec un mandat syndical nous para�t infiniment dangereux, car maints pr�c�dents nous prouvent que la discipline du parti passe avant l'int�r�t syndical.
Nous ne saurions oublier que l'exploitation capitaliste est une r�alit� internationale et qu'il ne saurait �tre question de solution r�elle de la question sociale dans le cadre national.
La m�me solidarit� de classe qui nous lie indissolublement au prol�tariat fran�ais nous lie non moins �troitement aux travailleurs de tous les pays sans exception. Par-del� les fronti�res, par-del� les diff�rences de langage nous nous sentons fr�res du mineur de la Ruhr en lutte pour son pain, du mineur de Bilbao se dressant contre le r�gime de Franco. Lyau�tey se d�clarait plus pr�s d'un hobereau prussien que d'un ouvrier fran�ais. A l'EE nous nous sentons plus pr�s d'un prol�taire allemand que d'un de Wendel m�me fran�ais. Les �v�nements des derni�res ann�es ont obscurci ces notions de solidarit� de classe et le poison chauvin a fait des ravages � l'int�rieur de toutes les fronti�res. Et pourtant, l'internatio�nalisme prol�tarien est une condi�tion indispensable pour assurer la fin de l'exploitation de l'homme par l'homme. Langage qui choquera certains ; il n'est pourtant pas nou�veau et nous avons la conviction absolue que c'est dans ce sens qu'est la bonne voie. On ne fera rien de progressif tant que l'on dressera les travailleurs d'un pays "vainqueur" contre les travailleurs d'un pays "vaincu". En agissant ainsi on fait le jeu des bourgeoi�sies des deux pays. Le r�le d'une Internationale syndicale ouvri�re doit �tre avant tout de donner aux travailleurs du monde entier, vic�times du m�me exploiteur, conscience des liens qui les unis�sent et de leur solidarit� de classe.
Telles sont, rapidement esquiss�es, les caract�ristiques de l'orientation des amis de l'EE. C'est � une rude t�che qu'ils se sont attel�s avec des moyens extr�mement limit�s. Leur tort est d'avoir souvent rai�son trop t�t parce qu'aucune pr�occupation partisane ne les emp�che de chercher la v�rit� et de la dire, m�me si elle ne doit pas plaire � tout le monde. Leur force r�side essentielle�ment dans la nettet� de leurs positions, dans la franchise et le d�sint�ressement de leurs mili�tants, dans la continuit� de leurs efforts patients et obsti�n�s. Mais ils ne seront jamais trop nombreux pour atteindre les buts qu'ils se sont assign�s.
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