1937 |
Une lettre � la r�daction de Socialist Appeal, revue du Socialist Workers Party am�ricain sur les question du "r�gime" de parti. |
�uvres - d�cembre 1937
Le centralisme d�mocratique.
Quelques mots sur le r�gime du Parti.
J'ai re�u, au cours des derniers mois, d'un certain nombre de camarades qui semblent �tre jeunes et que je ne connais pas, des lettres concernant le r�gime int�rieur d'un parti r�volutionnaire. Certaines se plaignent du � manque de d�mocratie � dans votre organisation, de l'autoritarisme des � chefs � et d'autres choses de ce genre [1]. Des camarades, individuellement, m'ont demand� de leur donner � une formule claire et pr�cise du centralisme d�mocratique � qui emp�cherait des interpr�tations erron�es.
Il n'est pas facile de r�pondre � ces lettres. Aucun de mes correspondants n'essaie seulement de d�montrer clairement et concr�tement, sur des exemples, en quoi r�side exactement le viol de la d�mocratie. Par ailleurs, dans la mesure o� moi, � l'ext�rieur, je puis en juger sur la base de votre journal et de vos bulletins, la discussion dans votre organisation a �t� conduite avec une libert� totale. Les bulletins contiennent surtout des textes qui �manent des dirigeants d'une toute petite minorit� [2]. On m'a dit la m�me chose de vos assembl�es de discussion. Les d�cisions ne sont pas encore prises. Elles le seront �videmment par une conf�rence librement �lue. En quoi se sont manifest�s des viols de la d�mocratie ? C'est difficile � comprendre. Parfois, si j'en juge par le ton des lettres, c'est‑�‑dire surtout par le caract�re informel des griefs, il me semble que ceux qui se plaignent sont surtout m�contents du fait qu'en d�pit de la d�mocratie existante, ils se soient r�v�l�s n'�tre qu'une toute petite minorit�. Je sais par ma propre exp�rience que c'est d�sagr�able. Mais y-a‑t‑il l� un viol quelconque de la d�mocratie ?
Et je ne pense pas non plus qu'il me soit possible de donner sur le centralisme d�mocratique une formule qui, � une fois pour toutes �, �liminerait malentendus et interpr�tations erron�es. Un parti est un organisme actif. Il se d�veloppe au cours d'une lutte contre des obstacles ext�rieurs et des contradictions internes. La d�composition maligne de la II� et de la III� Internationale, dans les s�v�res conditions de l'�poque imp�rialiste, cr�e pour la IV� Internationale des difficult�s sans pr�c�dent dans l'Histoire. On ne peut les surmonter par une quelconque formule magique. Le r�gime d'un parti ne tombe pas tout cuit du ciel, mais se constitue progressivement au cours de la lutte. Une ligne politique prime sur le r�gime. Il faut d'abord d�finir correctement les probl�mes strat�giques et les m�thodes tactiques afin de pouvoir les r�soudre. Les formes d'organisation devraient correspondre � la strat�gie et � la tactique. Seule une politique juste peut garantir un r�gime sain dans le parti. Mais cela ne signifie pas, bien entendu, que le d�veloppement du parti ne pose pas pour autant de probl�mes d'organisation. Mais cela signifie que la formule du centralisme d�mocratique doit finalement trouver une expression diff�rente dans les partis des diff�rents pays et � des �tapes diff�rentes du d�veloppement d'un seul et m�me parti.
La d�mocratie et le centralisme ne sont pas dans un rapport constant l'une vis-�-vis de l'autre. Tout d�pend des circonstances concr�tes, de la situation politique du pays, de la force du parti et de son exp�rience, du niveau g�n�ral de ses membres, de l'autorit� que la direction a r�ussi � s'assurer. Avant une conf�rence, quand il s'agit de formuler une ligne politique pour la prochaine p�riode, la d�mocratie l'emporte toujours sur le centralisme. Quand le probl�me est l'action politique, le centralisme se subordonne la d�mocratie. La d�mocratie r�affirme ses droits quand le parti sent le besoin d'examiner de fa�on critique sa propre activit�. L'�quilibre entre d�mocratie et centralisme s'�tablit dans la lutte r�elle, est viol� � certains moments, r�tabli de nouveau ensuite. La maturit� de chaque membre du parti s'exprime particuli�rement dans le fait qu'il n'exige pas du r�gime du parti plus qu'il ne peut donner. Celui qui d�finit son attitude � l'�gard du parti � travers les tapes qu'il a personnellement re�ues sur le nez est un pi�tre r�volutionnaire. Il faut, bien entendu, lutter contre toutes les erreurs individuelles de la direction, les injustices et le reste. Mais il faut �valuer ces � erreurs � et ces � injustices �, non en elles-m�mes mais par rapport au d�veloppement du parti � l' �chelle nationale et internationale. Un jugement correct et le sens des proportions sont quelque chose de tr�s important en politique. Celui qui a tendance � faire d'une taupini�re une montagne peut faire bien du mal, � lui�-m�me comme au parti. Le malheur de gens comme Oehler, Field, Weisbord et autres, c'est pr�cis�ment qu'ils n'ont pas le sens des proportions.
Il ne manque pas en ce moment de demi‑r�volutionnaires, �puis�s par les d�faites, redoutant les difficult�s, de jeunes vieillards qui ont plus de doutes et de pr�tention que de volont� de se battre. Au lieu d'analyser s�rieusement les questions politiques dans leur essence, ces gens‑l� cherchent des panac�es, se plaignent du � r�gime � � toute occasion, r�clament � la direction des miracles ou essaient de dissimuler leur scepticisme intime sous les caquetages ultra�-gauchistes. Je crains que nous ne puissions pas en faire des r�volutionnaires. � moins qu'ils ne se prennent eux-m�mes en main. Je ne doute pas, par ailleurs, que la jeune g�n�ration ouvri�re sera capable d'appr�cier comme ils le m�ritent le programme et le contenu strat�gique de la IV� Internationale et qu'elle se ralliera � son drapeau en rangs toujours plus nombreux. Tout v�ritable r�volutionnaire qui r�v�le les erreurs du r�gime de son parti devrait se dire d'abord : � Il nous faut recruter au parti une douzaine d'ouvriers nouveaux. � Les jeunes travailleurs rappelleront � l'ordre messieurs les sceptiques et marchands de griefs, les pessimistes. C'est seulement sur cette voie qu'un r�gime du parti solide et sain pourra �tre �tabli dans les sections de la IV� Internationale.
[1] De son arriv�e � Coyoac�n � sa mort, Trotsky re�ut de nombreuses lettres de militants nord‑am�ricains sur le th�me du � r�gime � � l'int�rieur de la section des Etats‑Unis.
[2] Il ne s'agit pas de la minorit� Burnham‑Carter mais de la minorit� gauchiste qu'animait Attilo Salemme.
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