Kadiköy, le 21 novembre 1931
Cher camarade Salus
Non, je n'ai pas voulu vous suggérer de chanter le plan quinquennal. Mais je ne crois pas non plus que la poésie exprime des " contradictions éternelles ", car cette métaphysique des contradictions éternelles est absolument opposée à mes conceptions dialectiques. Votre poésie exprime vos propres contradictions, c'est-à-dire celles d'un intellectuel praguois de l'après-guerre, d'origine petite-bourgeoise, et désirant lier son destin à celui de l'avant-garde prolétarienne. Vous avez tout-à-fait raison de dire qu'on ne fait pas de poésie à la commande. Il faut qu'elle exprime l'intériorité du poète. Mais je crois que pour un poète comme Heine, une rose dans le cimetière de la prison n'aurait jamais donné naissance à des accents conciliateurs, mais plutôt à un mélange d'imprécations et d'ironie. Ceci n'est pas une critique mais une constatation et une tentative pour caractériser l'élément personnel qui s'exprime dans votre poésie.
Il est vraiment inquiétant qu'à propos de la fusion vous mettiez en avant des divergences nettement cristallisées sur la question sino-japonaise. C'est ainsi que l'on s'y prend quand on ne veut pas de fusion. Car le camarade Zvon, de même d'ailleurs que les camarades de l'autre côté, n'a guère de positions très arrêtés sur cette question. En tout cas, cette question présente pour moi de grandes difficultés. La seule chose qu'il faut dire, c'est que la façon dont le groupe " Jiskra " a végété jusqu'à présent ne laisse aucun espoir et aucune perspective. Il faut que la fusion ait lieu, soit dit tout à fait franchement et honnêtement.
Tout mes vux pour votre poésie et votre politique.