1930

Juillet 1930 : le combat pour unifier et souder l'Opposition de Gauche Internationale face à la tourmente qui s'annonce.


Œuvres - juillet 1930

Léon Trotsky

Pas d’illusion sur le visa

17 juillet 1930

Chère Madame,

Je vous écris en français, assez imparfait, pour ne pas écrire en anglais tout à fait lamentable.

Je vous remercie chaleureusement pour votre lettre si amicale. J'apprécie hautement l'initiative prise par les personnages énumérés dans votre lettre. Je dois vous avouer que je n'ai aucune illusion sur le résultat pratique de cette initiative désintéressée (puisqu'elle concerne un adversaire). Au moment de l’avènement du gouvernement travailliste, on a encore pu envisager un résultat favorable. Mais maintenant après le laps de temps écoulé, si lourd d'événements, je ne crois pas que le gouvernement trouverait nécessaire de désavouer un de ses premiers gestes. Quant à moi, je suis tout à fait prêt, aujourd'hui comme hier, à m'engager à ne pas intervenir dans les affaires intérieures du pays et je le respecterai à l'égard du gouvernement et de l'ordre britannique avec la même sévérité qu'ici en Turquie. J'espère que l'ambassade britannique à Constantinople peut informer le gouvernement britannique que je ne trouble d'aucune façon l’ordre de ce pays.

Je puis espérer que le gouvernement turc m'autoriserait à revenir à Prinkipo au cas où mon séjour en Angleterre serait devenu inopportun. Mais je ne puis malheureusement ni exiger ni donner une garantie formelle sur ce point. Je crois d'ailleurs que la question serait simplifiée si le gouvernement anglais ne me donne le visa que pour une durée limitée, admettons pour six mois ou même pour trois mois de cure: dans ces conditions, je pourrais plus facilement arranger l'affaire avec les autorités turques.

Quant à la situation de ma santé, je ne peux que confirmer ce que vous a communiqué M. Ivor Montagu: je ne suis pas moribond, comme l'assure de temps en temps la presse trop aimable, mais il m'est absolument indispensable de recevoir un traitement médical compétent et suivi pendant quelques mois. Ma femme en a besoin peut-être plus que moi encore.

Si l'on interroge les représentants soviétiques à Londres sur mon admission éventuelle en Angleterre, on recevra, je le suppose, une réponse évasive.

Voilà, ma chère madame, mes réponses tout à fait franches. Mon appréciation plutôt pessimiste du résultat à envisager - et c'est aussi la vôtre, comme je le vois par votre lettre -n'amoindrit aucunement à mes yeux la valeur de cette initiative. Je vous prie de transmettre aux initiateurs mes remerciements les plus sincères et les plus dévoués.

Je serais très heureux si je pouvais quelque jour vous être utile, chère madame, ou rendre un service à quelqu'un de vos amis.


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