1923 |
Ce texte comprend deux extraits du discours prononc� par Trotsky � Kharkov lors de la conf�rence du Parti Communiste Ukrainien. Premi�re parution compl�te en fran�ais dans les n�s 16 et 17 (4e ann�e) de La Correspondance Internationale. Les deux textes sont ici juxtapos�s afin de r�tablir le discours dans sa quasi-int�gralit�. Le titre est celui de la La Correspondance Internationale |
�uvres - avril 1923
Convictions et forces r�elles
Discours prononc� devant la Conf�rence du PC ukrainien
Les t�ches du XIIe congr�s
Citation extraite de L'Internationale Communiste apr�s L�nine : D�j�, � l'�poque du XIIe Congr�s du Parti communiste de l'Union sovi�tique, au printemps de 1923, deux positions se manifest�rent nettement � propos des questions �conomiques de l'Union sovi�tique; elles se d�velopp�rent durant les cinq ann�es suivantes et on put proc�der � leur v�rification � propos de la crise du stockage des bl�s en 1921-1928. Le Comit� central consid�rait que le principal danger mena�ant l'alliance avec la paysannerie venait d'un d�veloppement pr�matur� de l'industrie, et il en voyait la confirmation dans la pr�tendue �crise de vente� de l'automne de 1923. Au contraire, j'avais soutenu au XIIe Congr�s l'id�e que le danger principal mena�ant la �smytchka� [coh�sion] et la dictature du prol�tariat �tait repr�sent� par les �ciseaux� qui symbolisent l'�cart entre les prix agricoles et les prix industriels, �cart refl�tant le retard de l'industrie ; le maintien et, � plus forte raison, l'accroissement de cette disproportion devaient in�luctablement entra�ner une diff�renciation dans l'�conomie agricole et la production artisanale, et la croissance g�n�rale des forces capitalistes. J'ai d�velopp� clairement cette analyse lors du XIIe Congr�s. C'est � ce moment que j'ai aussi formul� l'id�e que, si l'industrie retardait, les bonnes r�coltes deviendraient une source alimentant non pas le d�veloppement socialiste mais les tendances capitalistes et qu'elles fourniraient ainsi aux �l�ments capitalistes un outil de d�sorganisation de l'�conomie socialiste.
Extrait du Bulletin Communiste n� 17 du
26/04/1923.
Depuis le 15 avril se tient a Moscou le XIIe Congr�s du Parti
Communiste russe (bolchevik). L'Humanit� a publi� sur
les questions d�battues une s�rie d'articles de Boris Souvarine. Nous
donnons ici d'importants extraits d'un discours prononc� � Kharkov par
L�on Trotsky, devant la Conf�rence du Parti Communiste ukrainien.
Le prol�tariat d'Europe qui, en 1918-19 se jetait spontan�ment � l'assaut de la bourgeoisie a commenc�, dans ses grandes masses, � s'interroger sur ce qui lui manque pour la conqu�te du pouvoir et la transformation sociale. Deux vagues se sont crois�es. La bourgeoisie s'est sentie politiquement affermie, la classe ouvri�re a �prouv� un mouvernent de reflux visible au cours des trois derni�res ann�es
Ce sont l� deux faits de la plus haute importance.
Marx nous a enseign� qu'une classe ne sait pas toujours ce qu'elle est. Une classe peut �tre puissante sur sa situation dans la production et ne pas le savoir ; une classe peut d�j� avoir perdu la moiti� ou les trois-quarts de sa puissance �conomiqne, mais tenir encore, par son exp�rience, par l'inertie des autres, par ses habituelles m�thodes de gouvernement. Telle est la situation que nous constatons en Europe.
Apr�s l'exp�rience de 1918-19, la bourgeoisie se croit beaucoup plus forte quelle ne l'est en r�alit�, puisqu'elle ne peut restaurer la vie �conomique, puisque le d�clin du capitalisme continue, puisque les classes poss�dantes n'ont pas trouv� d'autres m�thodes que celles de la violence, de la conqu�te, de la destruction : voir la Rhur. [1] Or, une classe qui ne sait pas diriger la production est condamn�e.
Apr�s l'exp�rience de 1918-19, le prol�tariat, au contraire, dans son �crasante majorit�, se sent beaucoup plus faible qu'il ne l'est en r�alit�. Comme la Russie a travers�, avant d'arriver au k�renskisme chancelant, la p�riode de vigueur apparente de l'autocratie incarn�e par Stolypine, l'Europe bourgeoise conna�t aujourd'hui des illusions semblables. La clef de toute la situation politique actuelle est l� : dans la diff�rence entre la situation, la force objective des classes et la conscience qu'elles en ont.
Les �v�nements. qui s'accomplissent en Europe peuvent encore orienter � droite la politique officielle des Etats, vers le monopole imp�rialiste de quelques coteries extr�mes de la bourgeoisie ; .mais ce mouvement approfondira encore le foss� entre la bourgeoisie et le prol�tariat, entre l'Etat bourgeois et les besoins �l�mentaires, fondamentaux, de la vie �conomique des nations, pr�parant ainsi l'in�vitable catastrophe r�volutionnaire.
Cette catastrophe se rapproche en Occident et en Orient, plus lenternent, il est vrai, que nous ne l'esp�rions en 1918. Le temps joue en politique un r�le �norme. Il s'av�re que les peuples arri�r�s de l'Asie et le prol�tariat avanc� de l'Europe ont besoin de plus de temps pour pr�parer la r�volution que nous ne le croyions. De l� la n�cessit� de reviser nos t�ches et nos m�thodes comme nons l'avons fait au 10e Congr�s du P. C. russe et au 3e Congr�s de l'Internationale Communiste.
Mais si nous ne pouvons recevoir bient�t en Russie, l'aide de la technique fran�aise et allemande, il faut bien que nous consacrions la plus grande attention aux rapports des forces dans notre pays, � l'�tat de l'agriculture � l'endurance et � la solvabilit� du paysan. De l� la nouvelle politique. L'ann�e �coul�e nous induit-elle � la reviser ? Non, le d�placement des forces � qui a commenc� par la d�faite des ouvriers italiens en septembre : 1919 et continu� en 1920 par notre retraite sous Varsovie, puis en 1921 par la d�faite de l'offensive pr�matur�e du prol�tariat allemand, �. ce d�placement des forces qui a mis fin au premier �lan spontan� de la r�volution ne s'est pas modifi�.
Nous avons souvent appel�, nous servant d'un mot de L�nine, la p�riode qui suit celle du communisme de guerre, une �tr�ve�. Cette tr�ve, que nons esp�rions courte semble devoir �tre une pause de l'Histoire, et nous. ne savons pas encore si des mois ou des ann�es se passeront avant qu'elle finisse. Mais, ind�niablernent, ce n'est plus d'un simple r�pit, c'est d'une �poque historique qu'il s'agit.
Nous devons, le long au sentier russe, accomplir encore un grand voyage dans notre pauvre carrriole paysanne. Est-elle en bon �tat ? Tiendra-t-elle ? Voil� la question essentielle. Nos armes, nos proc�d�s, nos m�thodes, tiendront-ils pendant toute cette �poque ? Examinons d'abord les relations entre la classe ouvri�re et la classe paysanne. Elles embrassent la question de la production, car notre industrie repose sur notre �conomie rurale ; examinons les rapports de la classe ouvri�re et des nationalit�s jadis opprim�es (ce n'est, en r�alit�, qu'une question d�rivee de la premi�re), puis les rapports entre le Parti et la classe ouvri�re et, enfin, entre le parti et le m�canisme de l'Etat qui, chez nous, est particuli�rement d�fectueux. En r�alit�, tout absolument se rattache aux rapports entre le prol�tariat et la paysannerie.
Si l'�poqne de la Nep se prolonge, il en resulte que ses dangers se multiplient et que ses probl�mes exigent des solutions plus ad�quates. Nous devons desormais parler non des nouvelles mesures pr�ventives contre des dangers possibles, mais de la r�gularisation et de la syst�matisation des m�thodes appropri�es � la solution des difficult�s de l'�poque.
Dans ses r�cents articles consacr�s � l'Inspection Ouvri�re, L�nine conclut en somme ainsi : �Allez de l'avant, mais ne vous emballez pas, rappelez-vous que dans la nouvelle �tape mondiale, en pr�sence de la Nep � l'int�rieur, notre industrie et notre Etat n'ont d'autre appui que 1'�conomie rurale arri�r�e � laquelle ils ne peuvent demander que des ressources limit�es�. Lesquelles ? Il faut ici un calcul attentif. Et les camarades qui comme Larine, soutiennent que nous demandons trop peu aux masses paysannes, se trompent certainement. Nous ne devons rien demander de plus au paysan que ce qu'il peut r�ellement nous donner. Nous devons faire en sorte qu'il soit l'ann�e prochaine plus riche que cette ann�e. C'est une formule qu'il comprendra et qui doit �tre pour cela m�me � la base de notre politique int�rieure. Elle est profond�ment diff�rente de celle du communisme de guerre. Nous demandions alors au paysan tout l'exc�dent du n�cessaire ; or sans exc�dent, une entreprise p�riclite et tombe. Nous lui disons aujourd'hui : l'exc�dent est indispensable au rel�vement de ton entreprise. Garde-le. Car sans rel�vement de l'agriculture nous n'aurons pas d'industrie.
Oui, nous sommes ici des �conciliateurs�. Nous voulons absolument que le prol�tariat s'entende avec la paysannerie. Ainsi est r�solue en principe la question quantitative de l'imp�t. Reste celle des modalit�s de pr�l�vement. L'agriculteur vit avec les saisons, son travail a besoin d'�tre calcul�, pr�vu. S'il se trouve en pr�sence d'une fiscalit� instable ou compliqu�e il en souffre. Il faut donc ramener a l'unit� les taxes et les imp�ts infiniment vari�s. Simplifier l'imp�t. Le rendre intelligible au paysan et facile � verser. Etablir l'�quivalent en argent de l'imp�t en nature.
Notre politique fiscale est un des aspects les plus importants des rapports entre le prol�tariat et la paysannerie. Mais a cette question se rattache celle de l'exportation. Si nous sommes tous d'accord pour laisser au paysan l'exc�dent de sa production, nous devons lui donner les moyens de le r�aliser. Il ne le peut pas uniquement sur le march� int�rieur, car il en r�sulte une effrayante disproportion des prix entre les produits de l'agriculture et ceux de l'industrie. Ce n'est pas une cons�quence de l'�tat de notre industrie mais plut�t celle de l'isolement de notre agriculture coup�e du march� mondial. Ce qu'il faut donc, c'est donner au paysan la possibitit� de vendre sur le march� mondial une partie de sa production.
Entre notre paysan et le march� �tranger, il n'y a plus de sp�culateurs il y a d�sormais l'Etat sovi�tiste assumant le r�le d'interm�diaire. La simplification et la r�gularisation de notre politique fiscale tient de pr�s � l'exportatton des bl�s russes. Et le monopole du commerce ext�rieur, condition vitale de la dictature du prol�tariat nous impose ici la nationalisation, le plan unique. On ne peut vendre et acheter au hasard. Notre commerce ext�rieur doit s'accorder avec le d�veloppement de notre �conomie rurale et tenir compte des possibilit�s croissantes d'exportation de bl�, comme de la n�cessit� de d�fendre notre industrie. Car nous sommes r�solument partisans du protectionnisme socialiste, sans lequel le capital �tranger pillerait notre industrie.
Vladimir Illitch a derni�rement parl�, dans ses articles, de notre Etat. Reconnaissons-le, personne n'aurait eu le courage d'en parler en ces termes, en des termes que l'on ne r�p�te m�me pas volontiers Vladimir Illitch �crit de notre m�canisme gouvernemental qu'il est tr�s voisin de celui du tsarisme � ni plus ni moins. Repeint, aux couleurs sovi�tistes, c'est toujours, dit-il, le m�me m�canisme bureaucratique. � Et voil� un �uf de P�ques offert au menchevisme international ! Quels sont les coupables ? Cet Etat, les Soviets l'ont form�, les Soviets dirig�s par le Parti. D'o� viennent ses d�fauts ? Comme il y a une foule de choses que nous ne savons pas faire et comme pourtant il faut les faire, force nous est d'employer des gens ayant des comp�tences ou des demi-comp�tences, et qui n'ont souvent que peu de bonne volont� ou pas du tout. Nous avons construit notre Etat avec des jeunes communistes d'une abn�gation compl�te, mais �gal�e par leur inexp�rience, avec des fonctionnaires indiff�rents, avec des sp�cialistes chevronn�s, sachant parfois saboter d'une fa�on irr�prochable. Pouvons-nous renoncer � leur collaboration ? Certes non. Tenons compte du temps, comprenons qu'il est difficile de remplacer en cinq ans une soci�t� par une autre, et que les grandes t�ches doivent �tre abord�es avec syst�me. Le plan de L�nine, en ce moment accept� par l'immense majorit� du Parti, consiste � aborder syst�matiquement la transformation de notre Etat. Comment ? Par le Parti qui l'a cr��. Le Parti a donc besoin d'un m�canisme appropri� � la surveillance de l'Etat, qui le palpe et le sonde, et qui soit � la fois moral, politique et pratique. Telle doit �tre la nouvelle Inspection Ouvri�re combin�e avec notre Commission Centrale de Contr�le.
Notre Parti doit exiger de plus en plus �nergiquement de l'Etat et de toutes ses organisations qu'ils apprennent � travailler syst�matiquement selon un plan �tabli, qu'ils apprennent � arr�ter un plan, � pr�voir l'avenir, � ne plus marcher au hasard, � former leurs collaborateurs dans les cadres de ce plan et � les enrichir d'exp�rience. Dans le but de transformer notre Etat formons de toutes nos institutions des �tablissements d'�ducation communiste-sovi�tiste dont sortiront les nouvelles g�n�rations de techniciens ouvriers et paysans qui sauront incarner les int�r�ts de l'Etat ouvrier et paysans et marcher vers son but.
La psychologie nationale est une explosif r�volutionnaire dans certains cas, et une force explosive, contre-r�volutionnaire dans d'autres, �norme toujours. Rappelons-nous l'usage que la bourgeoisie a su faire, pendant la guerre, de cette dynamite. Rappelons-nous comment la bourgeoisie � mobilit� le prol�tariat pour la d�fense de ses int�r�ts nationaux. L'exp�rience diabolique a r�ussi contre nous. La bourgeoisie a su employer l'explosif nationaliste pour les fins de l'imp�rialisme. Mais elle a suscit� en Orient, aux Indes en Chine, de vastes mouvements qui se dressent maintenant contre elle et accumulent des explosifs r�volutionnaires d'une puissance formidable.
Dans notre �dification sovi�tiste les forces du nationalisme peuvent �tre dirig�es pour ou contre la r�volution. Si nous ne savons pas approcher le paysans ukrainien, comprendre sa mentalit�, conna�tre sa langue, nous susciterons peut-�tre des mouvements tels que ceux de Petlioura, [2] mais plus dangereux, parce que plus profonds. Mais si le paysan ukrainien se voit et sent que le Parti Communiste et le pouvoir des Soviets l'abordent avec bonne volont�, le comprennent et lui disent : �Nous te donnons tout ce que nous pouvons te donner, nous voulons t'aider � monter, nous voulons t'aider � acc�der dans ta propre langue maternelle aux bienfaits de la culture. Toutes les administrations de l'Etat, la Poste et les Chemins de Fer doivent parler la langue, parce tu es chez toi, dans ton Etat� � le paysan comprendra.
Nous n'avons pas encore r�solu la question nationale comme nous n'avons pas encore r�solu d�finitivement aucune question ni �conomique, ni de culture intellectuelle. Nous avons seulement r�alis� les conditions pr�alables, r�volutionnaires, des solutions voulues. Nous avons d�truit le tsarisme, prison des nationalit�s. Il nous appartient maintenant de faire de l'�galit� des peuples lib�r�s la r�alit� pratique quotidienne.
[fin premi�re partie]
L'ann�e �coul�e a fortifi� le Parti qui s'est �pur� d'�l�ments �trangers et enrichi d'�l�ments prol�tariens. Le Parti, en pr�sence de la Nep, a trop bien barricad� ses portes. Il peut offrir plus de facilit�s d'acc�s aux travailleurs de l'usine. La pr�pond�rance de plus en plus manifeste des �l�ments prol�tariens dans le Parti est pour lui une garantie de vigueur. Nous en voyons une autre dans son influence grandissante sur la jeunesse ouvri�re.
[3] Quant � la clart� de pens�e et la fermet� de volont�, notre Parti a travers� cette ann�e une �preuve de plus, une lourde �preuve qui p�se encore sur tous les esprits. Je veux parler de la maladie de Vladimir Illitch. Au d�but de mars, elle s'aggrava. Le Bureau Politique se r�unit afin d'en informer le Parti et le pays. Je vous laisse � penser ce que nous �prouvions � ce moment l� ! Nous pensions non seulement � L�nine, dont chaque battement de c�ur nous est pr�cieux mais � l'impression que produirait sur la classe ouvri�re et le parti la mauvaise nouvelle. Nul d'entre nous ne doutait qu'elle serait largement utilis�e par nos ennemis mais nul d'entre nous ne doutait qu'il fallait, n�anmoins, dire toute la v�rit�. Dans notre Parti, collectivit� d'un demi-million d'hommes, pourvue d'une grande exp�rience, L�nine occupe une place � part. Il n'y a pas encore eu dans l'histoire de personnalit� dont l'importance ait �t� aussi grande pour un pays ou pour l'humanit�. Le fait qu'il ne puisse plus travailler et que son �tat de sant� fut grave ne pouvait pas ne pas nous inspirer de grandes anxi�t�s politiques. Certes nous avons dit qu'il n'y a pas �... de sauveur supr�me, Ni Dieu, ni C�sar, ni tribun...� mais cela n'est vrai qu'en fin de compte. S'il n'y avait eu ni Marx ni L�nine la classe ouvri�re eut con�u ses m�thodes, formul� sa pens�e, lutt� et vaincu, tout de m�me, mais, avec plus de lenteur. Le fait qu'elle a form� Marx et L�nine lui conf�re un immense avantage. Or, cette ann�e L�nine n'a pu nous pr�ter, au travail, qu'un concours partiel. Tout derni�rement il nous a donn� quelques rappels et quelques directives � sur la paysannerie, l'Etat, la question nationale, � qui nous suffiront pour quelques ann�es. Il fallait pourtant publier l'aggravation de son �tat de sant�. Comment r�agirait les masses paysannes pour qui L�nine repr�sente un inappr�ciable capital moral. C'est dans ces heures de crise qu'on juge la valeur morale d'un parti, la force de son unit�, et de sa discipline en pr�sence m�me de l'�l�ment humain, trop humain... Depuis un moment d�j� L�nine a quitt� le travail. Le Parti a serr� les rangs, �cart� tout ce qui pouvait le diviser, diminuer la clart� de sa pens�e, diminuer sa combativit�.
Le probl�me du r�le de l'individualit� dans l'histoire, que nous �tudiions jadis en prison et en exil se pose ainsi pratiquement devant le soldat rouge, l'ouvrier, le paysan. Nos militants le posent et y r�pondent : �Un g�nie na�t par si�cle et l'histoire n'en que deux qui se soient mis � la t�te du prol�tariat : Marx et L�nine.� Le Parti le plus puissant et le plus unanime ne peut pas cr�er un homme de g�nie, mais il peut s'efforcer de le remplacer en redoublant l'effort collectif. Telle est la th�orie du r�le de l'individualit� et de l'effort collectif que nos Commissaires politiques exposent aux soldats rouges. Elle est juste. L�nine en ce moment ne travaille plus. Du premier au dernier travaillons double !
A notre XIIe congr�s, notre premier congr�s sans L�nine depuis la
R�volution d'Octobre, r�p�tons-nous les r�gles essentielles qu'il faut
graver dans notre conscience :
Ne nous immobilisons pas ; souvenons-nous de l'art des mouvements
brusques, man�uvrons, mais ne nous d�sagr�geons pas ; concluons
des alliances temporaires ou durables, mais ne permettons pas � nos
alli�s de s'introduire dans notre Parti, restons nous-m�mes, restons
l'avant-garde de la r�volution mondiale.
Et lorsque le tocsin retentira en Occident � il y retentira
infailliblement � si m�me nous sommes compl�tement absorb�s,
semble-t-il, dans les calculs, les bilans et la Nep, nous r�pondrons �
l'appel sans d�lai, ni h�sitation : Nous sommes des
r�volutionnaires de la t�te aux pieds, nous l'avons toujours �t� et
nous le resterons jusqu'� la fin !
Kharkov, le 5 avril 1923
Notes
[1] Il s'agit de l'occupation par l'arm�e fran�aise de la r�gion frontali�re industrielle de l'Allemagne : la Rhur. Cette occupation provoqua en Allemagne et en France de forts mouvements de protestations.
[2] Nationaliste ukrainien qui, sous la conduite des imp�rialistes, s'est violemment oppos� aux Soviets.
[3] Cf. une autre traduction de la partie finale de ce texte (� propos de la maladie de L�nine) dans l'ouvrage �L�nine�.
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