1922 | Ce discours de Trotsky � �t� prononc� lors des d�bats concernant le Parti Communiste de France au Congr�s de l'I.C. � Moscou en 1922. Premi�re parution fran�aise en mai 1922 dans le Bulletin Communiste. A la diff�rence d'autres interventions, de Trotsky, celui-ci n'est pas "un compte-rendu st�nographique am�lior�", mais le discours publi� par l'auteur. |
Œuvres - mai 1922
Un discours sur la crise du P.C.F.
TROTSKY. — Camarades, j'ai l'impression que la situation du Parti fran�ais se complique toujours davantage dans la mauvaise voie.
J'�tais beaucoup plus optimiste pendant le troisi�me Congr�s, un peu optimiste pendant la s�ance pl�ni�re de l'Ex�cutif et, si vous me permettez l'expression, un peu pessimiste maintenant, �tant donn� la situation expos�e par notre camarade Leiciagu�.
Ce qui est tr�s int�ressant, c'est le mode de groupement dans le Parti. Nous voyons comme opposants les plus d�cisifs, comme d�fenseurs de la tactique la plus r�volutionnaire, les camarades Renaud Jean et Victor M�ric, c'est-�-dire des �l�ments tendant vers l'opportunisme assez clairement. J'ai suivi avec int�r�ts les articles et les discours du camarade Renaud Jean, qui occupe maintenant dans le Parti une fonction tr�s importante, et j'ai remarqu�, j'ai m�me exprim� cette opinion tout � fait d�termin�e dans le journal central du Parti, dans le Pravda, que Renaud Jean se trouve sur la voie dangereuse d'un opportunisme d�clar� dans le sens de celui de nos socialistes r�volutionnaires. Il fait la politique d'une nouvelle classe ouvri�re, d'un nouveau prol�tariat qu'il appelle "le prol�tariat et les paysans". Il dit qu'il ne s'agit pas de faire le front unique des ouvriers conduits par nous et par les autres, que la seule revendication qui vaille, c'est celle du prol�tariat tout entier, c'est-�-dire des paysans et des ouvriers : l'antimilitarisme. Or, Renaud Jean fait une politique antimilitarisme assez vulgaire, dans un sens �quivoque ; il la conforme au cerveau paysan, et pour cela il charge tout � fait la doctrine marxiste, la notion de classe ouvri�re, de prol�tariat. Il nous oppose au front unique et au programme ouvrier de revendications imm�diates un antimilitarisme tout � fait vulgaire, et c'est lui, n'est-ce pas, qui est l'accusateur le plus d�cisif de la tactique adopt�e par la 3e Internationale ?
Victor M�ric, nous connaissons sa tendance, qui n'est pas la n�tre.
Or, voyons comment les tendances se groupent.
Les �l�ments de droite, de tendance prononc�e, sont contre le front unique, parce que ce n'est pas une tactique r�volutionnaire.
Les �l�ments qui se sont montr�s h�sitants dans diff�rents cas ne se sont pas prononc�s aussi dans la situation actuelle et restent dans l'expectative.
Enfin, les �l�ments que nous connaissons comme les d�fenseurs des conceptions de l'Internationale, comme Loriot, comme Souvarine et Treint, comme Am�d�e Dunois, sont partisans de la tactique du front unique.
C'est une situation singuli�re, qui donne la m�me impression qu'un corps renvers�, t�te en bas et jambes en l'air.
Les �l�ments opportunistes disent : "Nous n'acceptons pas." Les �l�ments r�volutionnaires disent : "Nous acceptons la tactique de l'Internationale." Puis, quand la d�cision est vot�e apr�s une discussion assez large, on se trouve dans l'Humanit� que des articles de t�te d'un ton tout � fait hostile, dans un sens tout � fait oppos�, c'est-�-dire qu'on bl�me chaque jour l'Internationale Communiste et les Partis adh�rents. Or, pour les partis adh�rents � l'Internationale, ce n'est plus une question de th�orie, c'est maintenant une question d'action.
J'aurais compris qu'on dise : "Nous avons chez nous des pr�jug�s, des opinions obscures � ce sujet ; nous voulons ouvrir une tribune libre, en laissant ceux qui comprennent et qui partagent la tactique de l'Internationale la d�fendre et en accordant une tribune libre, par exemple en troisi�me page, � ceux qui ont des doutes." Mais on fait le contraire : on attaque l'Internationale Communiste dans les articles officiels du Parti et on ne laisse pas place aux d�fenseurs, ou bien on leur laisse une place assez insignifiante.
Qu'est-ce que la discipline ainsi comprise et mise en pratique ? Si c'est cela la discipline, qu'appellera-t-on indiscipline ?
Je n'ai consult� personne, mais, pour ma part, quand on me demande : "Que faut-il faire ?", je r�ponds : "Il faut inviter le Parti fran�ais � la discipline, et si le Parti ne s'y soumet pas, tous les partis communistes doivent le bl�mer dans leurs journaux."
On ne peut admettre, dans une question si importante, des choses �quivoques. Nous sommes tout � fait engag�s dans la voie du front unique, apr�s des mois et des mois de discussions, et un parti des plus importants, dans son organe central, nous attaque, nous bl�me, nous d�savoue chaque jour. C'est une situation intol�rable.
On nous donne comme argument : "Nous perdrions la C.G.T.U. si l'on s'engageait dans cette voie." Mais, la C.G.T.U., vous l'avez d�j� perdue par votre tactique �quivoque, par votre tactique pusillanime - je dis le mot ouvertement - � l'�gard des libertaires, des anarchistes. Votre attitude, toujours l'�quivoque, toujours l'expectative, c'est une tactique qui n'a jamais donn� de victoire, jamais, jamais, jamais.
Vous avez perdu la C.G.T.U., malgr� que vos adversaires soient des �l�ments confusionnistes. Ceux-ci ne doivent leur succ�s qu'� notre Parti, car si, par leur mentalit�, par leurs id�es, ils n'�taient pas capables de l'emporter dans cette lutte contre nous, le Parti, gr�ce � son attitude leur a donn� la victoire.
Et � pr�sent, on nous dit : "Nous ne pouvons pas avoir une attitude nette parce que nous perdrions la C.G.T.U."
Vous l'avez perdue.
Est-ce que la situation �tait meilleure il y a quelques mois ? Oui, Maintenant elle est pire et plus tard elle sera pire encore. Et si vous restez dans l'expectative c'est-�-dire si vous laissez faire librement les anarchisants, qui ont du moins le courage de dire leurs b�tises, vous laisserez un vide dans les cerveaux, dans la mentalit� des ouvriers. Par une sorte de loi physique, la b�tise des anarchisants p�n�tre dans ce vide que vous laissez se cr�er, du fait de votre attitude d'expectative.
On nous parle d'action pr�matur�e. Qu'est-ce que cela veut dire ? Pr�matur�e pour la masse ouvri�re, ou pour le Comit� Directeur du Parti ? Pour qui ? On nous dit : "Il y a dans tel ou tel coin des ouvriers qui n'ont pas compris." Mais, naturellement ! C'est une chose tout � fait compr�hensible ! Alors, il faut leur expliquer. Mais si vous les intimidez par le danger d'une liaison organique avec les social-patriotes et les Longuettistes, naturellement l'action para�tra toujours pr�matur�e.
Parlons des r�int�grations. La question a �t� pr�sent�e aussi d'une mani�re tr�s �quivoque.
J'ai eu l'impression d'une chose jou�e, comme si l'on avait dit : Les autres l�-bas nous ont impos� la r�int�gration ; alors il ne reste qu'� l'accepter, avec une d�monstration hostile. Nous partageons les voix. Nous leur donnerons � peu pr�s la moiti� plus un, et la moiti� moins un votera contre, il n'y a pas eu de discussion. On dirait qu'il y avait obligation de r�int�grer. Il semblerait que le Parti ait vot� sous la violence de l'Internationale.
Est-ce que l'Humanit� a d�fendu avec acharnement le point de vue de la d�l�gation fran�aise � l'Ex�cutif �largi et de l'Internationale ? Non.
Pourtant, nous avons tous entendu notre camarade Daniel Renoult. Il n'a pas dit : "Vos propositions sont nuisibles." Le camarade Cachin ne l'a pas dit non plus. Ils nous dit : "Oui, c'est une base de r�conciliation pour l'action commune, et elle est tellement raisonnable que nous prenons l'obligation, au nom du Comit� Directeur, de r�aliser ces propositions." Voil� ce qu'ils ont dit. Alors, s'ils avaient voulu r�ussir, ils auraient, � leur arriv�e, d�fendu avec �nergie leur point de vue. Mais ils n'ont pas fait cela. Ils ont fait une politique qui n'est pas comprise des masses, parce que les masses ne savent rien. Ainsi, on construit un vote tr�s �quivoque et tr�s nuisible pour l'autorit� du Parti fran�ais comme pour celle de l'Internationale.
Avec Fabre.
J'ai lu dans l'Humanit� le texte de la r�solution, mais un peu chang� ! Il y est dit : le journal de Fabre sera mis "hors du contr�le du Parti". Or, j'ai demand� tout de suite, je ne sais plus � qui, je ne me souviens pas si c'est Rosmer, � Souvarine ou � Sellier, ou � un camarade russe : Qu'est-ce que cela veut dire : "Hors du contr�le du Parti ?" Il s'agit de chasser Fabre, de le chasser comme une canaille parce que c'est une canaille politique, telle est mon opinion, et non pas pour le mettre "hors du contr�le du Parti". On a chang� le texte de la r�solution. Je demande aux camarades du Parti fran�ais, comme aux autres : Est-ce que l'Internationale a le droit de dire : nous voulons ou nous ne voulons pas collaborer avec un Fabre et ceux qui se solidarisent avec lui ?. Maintenant, c'est dans un d�lai bien d�termin�, et c'est l'Internationale qui doit exclure Fabre. Nous n'avons rien � faire avec cet agent de la bourgeoisie. Son journal, il existe seulement pour corrompre le Parti. Fabre est un "marchand de papier", comme l'a bien caract�ris� Rappoport devant la Commission des R�solutions du Congr�s de Marseille. C'est un marchand de papier, pas plus, mais un marchand de papier g�t� par des articles venimeux.
Est-ce que l'Humanit� a publi� un article contre lui, pour le d�noncer � la masse, pour expliquer ce que c'est que Fabre ? Non, jamais. Parce qu'elle �tait tr�s occup�e � d�noncer l'opportunisme de la III� Internationale.
Revenons � la C.G.T.U. il ne s'agit pas de ne pas la perdre, il s'agit de la gagner, parce qu'elle est actuellement perdue pour vous.
Est-ce que vous faites la tactique de conqu�te de la C.G.T.U. ? Maintenant il s'agit de faire cette conqu�te, et, pour faire cela (je parle � titre personnel, parce que je n'ai encore consult� ni mon Parti, ni le camarade Zinoviev, ni l'Ex�cutif). Il s'agit d'abord de ne pas laisser librement agir comme "briseurs de communisme", comme anarchistes, des membres de notre Parti.
Comment pouvons-nous nous adresser aux ouvriers dans les syndicats si des membres en vue de notre Parti font une politique dirig�e contre nous ? Or, on demande qu'il n'y ait plus de relations organiques entre les deux Internationales, c'est-�-dire d'�change de repr�sentants. C'est une question qu'on peut discuter. Les communistes peuvent se dire entre eux : "Il y a encore beaucoup de pr�jug�s dans certains cerveaux ouvriers, influenc�s par les anarchisants", etc. Faisons cette concession. Ces choses-l� peuvent �tre dites dans notre milieu. Mais, en m�me temps, chassons, chassons imm�diatement les faux communistes, parce que ce sont les ennemis de notre citadelle. Quelle raison avons-nous d'avoir des ennemis dans la garnison de notre citadelle ?
Je propose de discuter ces questions :
I. - Proposer � l'Humanit�, au Parti, de cesser les attaques venimeuses contre la tactique adopt�e par l'Internationale Communiste et ne pas ajourner sa d�cision d�finitive jusqu'au mois d'octobre ; de s'incliner devant l'Internationale, non en paroles, mais en fait, et dans l'action. Et les discussions, les transporter dans une tribune libre, dans le Bulletin Communiste, ou � la troisi�me page de l'Humanit� ou de l'Internationale
II. - Inviter l'Humanit� � donner une interpr�tation authentique aux d�cisions de l'Internationale aux engagements pris par la d�l�gation du Parti fran�ais, en tant qu'engagements pris consciemment dans l'int�r�t du Parti et non pas impos�s formellement. Il s'agit ici aussi des r�int�grations.
III. - Expulser Fabre dans un certain d�lai, et bien court. Exclure tous ces "Communistes" qui continueront leurs attaques contre les principes, d�cisions et statuts de l'Internationale.
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