1922 |
Un article sur le bilan du troisi�me congr�s de l'internationale communiste, centré sur le combat contre la théorie gauchiste dite "de l'offensive". |
Œuvres - janvier 1922
Le flot monte
On commence � distinguer dans le mouvement ouvrier d'Europe les sympt�mes d'un flux r�volutionnaire. On ne peut encore pr�dire l'approche de la derni�re et de la plus haute vague. Mais il est certain que la courbe r�volutionnaire accuse une tendance ascendante.
C'est dans la premi�re ann�e de l'apr�s-guerre, en 1919, que le capitalisme europ�en se trouva dans la situation la plus critique. La lutte atteignit sont point culminant en Italie, en septembre 1920, � un moment o� l'Allemagne, l'Angleterre, la France avaient d�j� surmont� les plus grandes difficult�s de la crise politique. Les �v�nements de mars 1921 ne furent, en Allemagne, qu'un �cho attard� d'une �poque r�volutionnaire �puis�e et non le commencement d'une nouvelle �re de combats. D�s le d�but de 1920 le Capital et l'Etat capitaliste, leurs positions fortifi�es, passent � l'offensive. Les masses laborieuses de plus en plus, sont r�duites � la d�fensive. Les partis communistes constatent qu'ils ne forment encore qu'une minorit�. A certains moments on peut m�me avoir la sensation qu'ils sont isol�s de la grande majorit� de la classe ouvri�re. Mais � l'heure actuelle le revirement est manifeste. L'offensive r�volutionnaire de la classe ouvri�re va en croissant. Les horizons du champ de bataille s'�largissent.
Ce changement d'�tape r�sulte de causes assez complexes : mais la cause primordiale en est dans les tr�s capricieux contours en zig-zag d'une �volution qui r�fl�chit exactement le d�veloppement du capitalisme d'apr�s-guerre.
Le moment le plus critique pour la bourgeoisie europ�enne, ce fut la p�riode de d�mobilisation, le retour du front des soldats et leur rentr�e dans la production. Les premiers mois de l'apr�s-guerre furent remplis d'�normes difficult�s qui amen�rent une accentuation de la lutte r�volutionnaire. Mais les coteries bourgeoises au pouvoir se ressaisirent tout de suite et inaugur�rent une politique financi�re et sociale assez large, de nature � pallier aux effets de la d�mobilisation. Le budget des Etats resta aussi consid�rables que pendant les hostilit�s. Un grand nombre d'exploitations industrielles superflues furent maintenues en activit�. Des commandes qui auraient d� l'�tre ne furent pas annul�es, par crainte du ch�mage. Les logements furent souvent laiss�s � des prix ne couvrant pas m�me les frais des r�parations. Les gouvernements continu�rent de d�grever � leurs frais le prix des viandes et des c�r�ales import�es. En d'autres termes les dettes publiques s'accrurent, le change se d�pr�cia, les rouages de l'�conomie se d�t�rior�rent � seule fin de prolonger, dans le commerce et l'industrie, la prosp�rit� fictive du temps de guerre. Cela mit les magnats de l'industrie en �tat de renouveler l'appareil technique des principales industries et de l'adopter au temps de paix.
Mais cette prosp�rit� fictive ne devait pas tarder � se heurter � l'appauvrissement g�n�ral. L'industrie des articles de consommation quotidienne se trouva en pr�sence d'un march� extr�mement r�tr�ci.
Elle forma par la surproduction une premi�re barri�re, qui devint bient�t un obstacle au d�veloppement de la grande industrie. La crise prit une extension et rev�tit des formes inou�es. D�clench�e au printemps de l'autre c�t� de l'oc�an, elle gagna l'Europe en 1920, et atteignit son apog�e en mai 1921.
Il arriva donc qu'au moment o� la crise industrielle et commerciale d'apr�s-guerre commen�a de s'�tendre apr�s une ann�e de prosp�rit� fictive, le premier assaut spontan� de la classe ouvri�re contre la soci�t� bourgeoise tirait � sa fin. La bourgeoisie l'avait soutenu en tergiversant, en faisant des concessions, en r�sistant par les armes. Ce premier assaut prol�tarien avait aussi �t� tr�s chaotique. Les id�es et les buts pr�cis, les plans et la direction lui faisaient d�faut. Son d�veloppement et son issue prouv�rent � la classe ouvri�re que la modification de la situation et la transformation de la soci�t� bourgeoise constituent une t�che autrement difficile qu'on ne le pr�voyait d'abord. Relativement homog�ne dans l'expression impr�cise de ses sentiments r�volutionnaires la classe ouvri�re ne tarda pas � perdre son homog�n�it� et � se diff�rencier int�rieurement. Sa fraction la plus active et la moins li�e par les traditions, apr�s avoir reconnu la n�cessit� de buts clairs et pr�cis et de l'unit� organisatrice, se forma en partis communistes. Ses �l�ments conservateurs et peu conscients s'�cart�rent temporairement des buts et des m�thodes r�volutionnaires. La bureaucratie ouvri�re n'eut qu'� exploiter ces divisions pour r�tablir sa position �branl�e.
La crise commerciale et industrielle printemps et de l'�t� 1920 �clata, je le r�p�te, � une �poque o� la r�action politique et psychologique s'�tait d�j� produite au sein de la classe ouvri�re et provoqua �a et l� des manifestations houleuses. Apr�s l'offensive avort�e de 1919 et la diff�renciation int�rieure de la classe ouvri�re, issue de la d�faite, la crise �conomique ne pouvait plus conf�rer elle-m�me au mouvement ouvrier l'unit� indispensable et le transformer en un assaut r�volutionnaire d�cisif. Ce qui nous confirme dans la conviction que l'influence de la crise �conomique sur le mouvement ouvrier est loin d'�tre aussi �gale que des esprits simplistes sont enclins � l'admettre. L'effet politique — et non seulement sa profondeur mais aussi la tendance — est d�termin� par l'ensemble de la situation politique et par les �v�nements qui la pr�c�d�rent et l'accompagnent. Mais surtout par les luttes, les succ�s et les insucc�s de la classe ouvri�re � la veille de la crise. En certains cas une crise peut donner une impulsion extraordinaire � l'action r�volutionnaire prol�tarienne ; en d'autres elle peut le paralyser compl�tement ; en se prolongeant, en imposant trop de sacrifices aux travailleurs, elle peut m�me le d�biliter profond�ment.
On pourrait aujourd'hui compl�ter ces id�es par l'hypoth�se suivante : si la crise �conomique, accompagn�e du ch�mage et de l'ins�curit� du lendemain, s'�tait produite imm�diatement apr�s la cessation des hostilit�s, la crise r�volutionnaire de la soci�t� bourgeoise aurait rev�tu un caract�re autrement grave. C'est justement pour emp�cher ce r�sultat que les gouvernements bourgeois se sont �vertu�s � affaiblir la crise r�volutionnaire en cr�ant une prosp�rit� financi�re fond�e sur la sp�culation. Cela veut dire qu'ils ont retard� de dix-huit mois l'in�vitable crise industrielle et commerciale, au prix de la d�sagr�gation ult�rieure de leur m�canisme �conomique et financier. La crise qui en r�sulta fut d'autant plus profonde et plus aigu�. Mais au lieu de co�ncider avec l'effervescence de la p�riode de d�mobilisation, elle co�ncida avec la d�pression morale de la d�faite, la r��ducation des uns, la d�ception des autres et les scissions qui en d�coulaient par voie de cons�quence.
L'�nergie r�volutionnaire de la classe ouvri�re se concentrait et s'exprimait surtout par la formation des partis communistes. En Allemagne et en France ces partis devinrent tout de suite puissants. Le capital qui, en 1921, avait prolong� artificiellement une p�riode de prosp�rit� apparente, n'h�sita pas, apr�s avoir �cart� le p�ril imm�diat, � exploiter la crise dans le but de d�rober � la classe ouvri�re ses conqu�tes ; journ�e de 8 heures, majorations de salaires, etc, toutes concessions octroy�es dans la p�riode ant�rieure pour des raisons de tactique et de s�curit�. La classe ouvri�re r�sista mais dut c�der. A une �poque o� elle se vit contrainte de lutter — et cela tr�s souvent sans succ�s — contre des r�ductions de salaire, les id�es de conqu�te du pouvoir de r�publique des soviets et de r�solution sociale devaient p�lir dans sa conscience.
Dans les pays o� la crise �conomique ne rev�tit pas les formes de la surproduction et du ch�mage, mais celles plus graves encore de la vente au rabais et de l'avilissement des conditions d'existence de la classe ouvri�re, comme en Allemagne, l'�nergie que le prol�tariat d�ploie � poursuivre des augmentations de salaires ressemble � celle d'un homme qui poursuivrait sa propre ombre. Le capital allemand, comme celui des autres pays, a pass� � l'offensive. Et les masses ouvri�res r�sistent mais doivent se retirer en d�sordre.
C'est dans ces conditions que se d�roul�rent en Allemagne les �v�nements de mars 1921. Effray� par le reflux des forces r�volutionnaires le jeune parti communiste allemand tenta un effort d�sesp�r� pour tirer parti de l'action d'un contingent ouvrier d'esprit combatif dans le but d'�lectriser l'ensemble du prol�tariat et de provoquer un combat d�cisif.
Le III� Congr�s de l'Internationale Communiste se r�unit sous l'impression toute fra�che des �v�nements de mars en Allemagne. Apr�s un examen approfondi il reconnut l'�tendue du p�ril qui pouvait r�sulter du d�saccord entre la �m�thode d'offensive�, d' ��lectrisation� r�volutionnaire et les proc�s d'�volution bien plus profonds en voie d'accomplissement au sein des masses ouvri�res, en relations avec les variations de la situation �conomique et politique.
Si en 1918 en 1919 l'Allemagne avait un parti communiste aussi fort qu'en mars 1921, le prol�tariat aurait tr�s probablement conquis le pouvoir d�s janvier ou mars 1919. Mais � cette �poque il n'�tait pas question d'un semblable parti. Le prol�tariat essuya une d�faite. Et la croissance ult�rieure du parti communiste fut le r�sultat de ces exp�riences. Mais le parti se serait suicid� s'il avait voulu agir en 1921 comme un parti communiste aurait d� agir en 1919.
C'est ce qu'a �tabli le dernier congr�s. Les d�bats sur la th�orie de l'offensive se rattachaient �troitement � l'appr�ciation de la conjoncture �conomique et de son d�veloppement futur. Les d�fenseurs les plus cons�quents de la th�orie de l'offensive d�velopp�rent le point de vue suivant.
La crise qui s�vit dans le monde entier signifie la d�sagr�gation de la soci�t� bourgeoise. Cette crise doit s'accentuer de plus en plus pour finir par rendre la classe ouvri�re r�volutionnaire. Le parti communiste n'a donc nulle raison de se retourner pour apercevoir ses r�serves. Son devoir est de s'attaquer � la soci�t� capitaliste. T�t ou tard le prol�tariat fouett� par le besoin le soutiendra.
Ce point de vue ne s'est pas maintenu jusqu'au congr�s sous une forme aussi prononc�e. La commission charg�e d'�tudier la question �conomique en avait d�j� adouci les contours. Mais l'id�e seule qu'une crise industrielle et commerciale put �tre suivie d'une relative prosp�rit� �conomique appar�t aux d�fenseurs conscients et � demi-conscients de la th�orie de l'offensive � peu pr�s comme une id�e �centriste�. Et l'id�e qu'un regain de vie �conomique capitaliste, loin d'�tre un obstacle � la r�volution pourrait lui insuffler une force nouvelle leur par�t �tre �pur mench�visme�. Le radicalisme inopportun des �gauches� s'exprima avec innocence au dernier congr�s du parti communiste allemand, dont la r�solution me fait entre autres l'honneur d'une critique personnelle, bien que je n'aie fait qu'�noncer l'opinion du Comit� Central de notre parti. Mais j'admets d'autant plus volontiers cette petite �revanche� des �gauches�, inoffensive pour notre cause, que les le�ons du III� Congr�s de l'Internationale n'ont laiss� personne indiff�rent — et moins que personne nos camarades allemands.
Les sympt�mes d'un revirement de situation �conomique sont sans contredit manifestes. Il reste entendu que les g�n�ralit�s faciles sur la derni�re crise de d�sagr�gation capitaliste base d'une �poque r�volutionnaire qui ne peut se terminer que par la victoire du prol�tariat, ne peuvent suppl�er � une analyse concr�te du d�veloppement �conomique et aux conclusions tactiques qui en d�coulent.
Comme nous l'avons d�j� remarqu� la crise mondiale s'est arr�t�e en fait dans son d�veloppement en mai dernier. L'industrie des articles de consommation quotidienne attesta la premi�re une certaine am�lioration. La grande industrie suivit. Aujourd'hui ces faits sont incontestables ; on peut les r�sumer en chiffres. Mais nous renon�ons � produire des chiffres pour ne pas alourdir cet expos� d'id�es. Le lecteur peut se reporter aux chiffres publi�s par le camarade Pavlovsky dans le N�19 de l'Internationale Communiste et aux articles du camarade Falkner, parus dans la Vie Economique (en russe) Nos 281-2, 285-6.
La d�sagr�gation de l'�conomie bourgeoise est-elle donc arr�t�e ? La soci�t� capitaliste a-t-elle retrouv� son �quilibre ? L'�poque r�volutionnaire est-elle close ? Point. Le revirement de la situation industrielle signifie seulement que la d�sagr�gation de l'�conomie capitaliste et le cours de l'�poque r�volutionnaire sont ph�nom�nes beaucoup plus complexes que les esprits simplistes ne voulaient l'admettre.
L'�volution �conomique est caract�ris�e par deux courbes diff�rentes. La premi�re — et elle est fondamentale — d�finit la croissance g�n�rale des forces de la production, du trafic, du commerce ext�rieur, des op�rations financi�res. Cette courbe accuse, en g�n�ral, � travers l'ensemble du d�veloppement capitaliste, une direction ascendante, mais qui est loin d'�tre �gale. Pendant des d�cades elle ne monte gu�re ; � d'autres moments sa mont�e est rapide, apr�s quoi il lui arrive de demeurer invariable pendant un temps assez long. En d'autres termes l'histoire constate que le d�veloppement du r�gime capitaliste est tour � tour lent et rapide. Si nous consid�rons, par exemple, la courbe du commerce de la Grande-Bretagne, nous constatons un d�veloppement tr�s lent qui va de la fin du XVIII� jusqu'au milieu du XIXe si�cle. Puis, en vingt ans, de 1851 � 1873 un d�veloppement tr�s rapide suivi d'une p�riode de stabilit� de 1873 � 1894, moment o� le d�veloppement reprend et dure jusqu'� la guerre mondiale.
Mais nous savons que le d�veloppement capitaliste s'accomplit par cycles industriels form�s de plusieurs phases �conomiques : prosp�rit�, arr�t, crise, stagnation, am�lioration, prosp�rit�, arr�t... etc. L'histoire montre que ce cycle recommence tous les huit ou dix ans. En le repr�sentant par un graphique nous obtenons un sch�ma caract�risant le d�veloppement du capitalisme, avec ses flux et ses reflux p�riodiques. Les oscillations �conomiques de ce genre constituent une propri�t� aussi immanente de l'�conomie capitaliste que le battement du c�ur d'un organisme vivant. La crise est suivie d'une p�riode de prosp�rit� qui est � son tour suivie d'une crise. Pourtant la courbe du capitalisme accuse en g�n�ral, au cours des temps, une direction ascendante, la somme des mont�es �tant �videmment plus grande que celle des chutes. Mais cette courbe varie avec les �poques. En des p�riodes de stagnation ses oscillations n'ont pas cess�. La lenteur g�n�rale du d�veloppement capitaliste montre que les crises balan�aient � peu pr�s les rel�vements. Mais chaque rel�vement faisait n�anmoins progresser l'�conomie davantage qu'elle ne devait reculer au cours de la crise subs�quente. Les oscillations des cycles industriels sont comparables aux vibrations des cordes d'un instrument de musique. Mais loin d'en avoir la rectitude de tension elles repr�sentent plut�t une courbe tr�s complexe.
Ce seul m�canisme du d�veloppement capitaliste qui passe sans cesse de p�riodes de crises aux p�riodes de prosp�rit� et ainsi de suite, montre combien l'opinion selon laquelle la crise actuelle ne peut que s'aggraver jusqu'au moment de la dictature prol�tarienne — que celle-ci surgisse dans un, deux , trois ans ou plus — est fausse, superficielle, antiscientifique.
Les oscillations cycliques — disions-nous dans notre rapport au III� Congr�s — accompagnent le d�veloppement du capitalisme dans sa jeunesse, sa maturit� et sa d�cadence comme le tic-tac du c�ur dure chez un homme dans son agonie m�me. Quelles que soient les conditions g�n�rales et quelle que soit la gravit� de la d�sagr�gation �conomique, toute crise commerciale et industrielle fait cesser la surproduction, r�tablit l'�quilibre entre la production et la vente et ranime par cons�quent l'industrie
Quant � l'allure, � la constance, � la dur�e de cette animation elles d�pendent de l'ensemble des conditions caract�risant la viabilit� du capitalisme. On peut maintenant dire avec certitude — on l'a d�j� dit au III� Congr�s mondial — que sit�t les �normes majorations des prix att�nu�es par la crise, la reviviscence de l'industrie dans les cadres de la soci�t� actuelle, se heurtera � d'autres obstacles : � la rupture de l'�quilibre �conomique entre l'Europe et l'Am�rique, � l'appauvrissement de l'Europe orientale et centrale, � la profonde et durable d�sagr�gation de l'appareil financier. En d'autres termes : la prochaine p�riode de prosp�rit� industrielle ne pourra pas r�tablir m�me approximativement la situation d'avant-guerre. Il est au contraire fort probable que cette prosp�rit� au lendemain de ses premiers succ�s se fourvoiera bient�t dans une impasse �conomique.
Mais une p�riode de prosp�rit� reste n�anmoins une p�riode de prosp�rit�. Elle signifie une augmentation des demandes de marchandises, un �largissement de la production, une diminution du ch�mage, une majoration des prix des articles, une possibilit� de majoration de salaires. Et, dans les conditions historiques donn�es, loin d'affaiblir l'action r�volutionnaire de la classe ouvri�re, elle la fortifie. Cela r�sulte de toute l'�volution ant�rieure. Apr�s la guerre, le mouvement ouvrier a atteint dans tous les pays son apog�e qui, c'est l'�vidence, l'a conduit � une d�faite plus ou moins marqu�e, � la retraite ou au d�chirement. Dans ces conditions politiques et psychologiques, une crise, prolong�e augmenterait sans doute l'effervescence des masses ouvri�res et surtout des ch�meurs complets ou partiels ; mais ce ne serait pas sans diminuer d'autre part leur activit�, celle-ci �tant indissolublement li�e � la conscience qu'elles ont d'�tre n�cessaires � la production. Un ch�mage prolong� au lendemain d'une bataille r�volutionnaire et d'une retraite politique est loin d'�tre favorable au d�veloppement des partis communistes. En se prolongeant la crise menace de susciter � la fois des tendances anarchistes et des tendances r�formistes. Ces faits se sont traduits par la s�paration des groupes anarchistes syndicalistes de la III� Internationale, par une certaine collaboration entre la F�d�ration Syndicale d'Amsterdam et l'Internationale 2� , par une concentration momentan�e des serratistes, par la scission du groupe L�vi.
Au contraire une nouvelle animation de l'industrie pourra fortifier en premier lieu la conscience de la classe ouvri�re affaiblie par ses d�faites et par ses divisions, lui rendre sa coh�sion dans les fabriques et les usines, approfondir ses aspirations � des actions unitaires. Nous apercevons d�j� les premiers indices de ces faits. Sentant sous ses pieds un sol plus solide, la classe ouvri�re cherche � rallier ses rangs. Les scissions lui paraissent des obstacles � l'action. Elle voudrait non seulement opposer un front uni � l'offensive du capital n�e de la crise �conomique, mais encore pr�parer sa contre-offensive en tirant parti de l'am�lioration de la situation industrielle. La crise fut une p�riode d'esp�rances d��ues et d'irritation, r�sultant en grande partie, pour les travailleurs, de la conscience de leur propre impuissance. La prosp�rit� capitaliste, pourvu qu'elle s'�tende, offrira, par l'action, un exutoire � ses sentiments. C'est ce que disait aussi la r�solution du III� Congr�s, que nous avons appuy�e.
"Si l'allure de l'�volution venait � se ralentir et qu'une p�riode de prosp�rit� vint � suivre la crise �conomique actuelle, dans un nombre plus ou moins grand de pays, ce fait ne signifierait aucunement le d�but d'une �poque �organique�. Tant que subsistera le capitalisme les oscillations cycliques seront in�vitables. Elles l'accompagneront dans son agonie apr�s l'avoir accompagn� dans sa jeunesse et dans son �ge m�r.
En admettant que l'offensive du capital fasse reculer le prol�tariat, ce dernier ne manquera pas de passer � son tour � l'offensive au d�but d'une meilleure conjoncture. Son offensive �conomique qui, dans ce cas, serait conduite sous le mot d'ordre de la revanche pour toutes les duperies de la guerre ainsi que pour toutes les spoliations et les humiliations du temps de crise, aurait de ce chef autant de tendance � se transformer en guerre civile ouverte que la d�fensive actuelle
L' �assainissement� �conomique et la perspective d'une nouvelle p�riode de consolidation capitaliste plongent dans une vive all�gresse toute la presse bourgeoise. Cette all�gresse est aussi peu fond�e que ne l'�taient les esp�rances de la �gauche� communiste attendant la r�volution d'une aggravation incessante de la crise. Si la prochaine p�riode de prosp�rit� commerciale et industrielle devait procurer � la bourgeoisie des richesses nouvelles, ce ne serait que favorable � notre politique. Les tendances � l'unit� de la classe ouvri�re expriment seulement une volont� d'action affermie. Si le prol�tariat exige aujourd'hui pour la lutte contre la classe poss�dante, que les communistes entrent en pourparlers avec les social-d�mocrates et avec les socialistes ind�pendants, il ne tardera pas � se convaincre par l'exp�rience que seul le parti communiste est capable de prendre la direction de l'action r�volutionnaire. La premi�re vague d'action entra�nera toutes les organisations ouvri�res et les poussera � l'unification. Quant aux social-d�mocrates et aux ind�pendants, les uns et les autres sont guett�s par le m�me destin ; ils seront les uns et les autres emport�s et noy�s par les vagues r�volutionnaires.
Cela signifie-t-il, par opposition � la th�orie de l'offensive, que ce n'est pas la crise mais le renouveau �conomique du capitalisme qui doit aboutir imm�diatement � la victoire du capitalisme ? Nous avons d�j� indiqu� plus haut qu'il n'y a pas entre la conjoncture �conomique et la lutte des classes corr�lation simplement m�canique, mais plut�t dialectique et tr�s complexe. Pour �tre en mesure de remplir nos devoirs de l'avenir prochain, il nous suffit d'�tre mieux arm�s pour la p�riode de prosp�rit� capitaliste que nous ne le f�mes pendant la p�riode de crise. Il y a aujourd'hui, dans les plus importants du continent europ�en, de forts partis communistes. La nouvelle conjoncture leur offrira sans nulle doute des possibilit�s nouvelles d'offensives �conomiques et politiques. Il serait vain de vouloir pr�voir aujourd'hui leurs p�rip�ties �ventuelles. L'offensive ne fait que commencer ou plut�t nous n'en voyons encore que les signes pr�curseurs.
Mais, nous objecteront de bons dialecticiens, en admettant que le prochain renouveau industriel ne nous am�ne pas � la victoire imm�diate, un nouveau cycle constituera un nouveau pas dans la voie de la restauration du capital ?
A quoi l'on peut r�pondre ce qui suit :
Si le parti communiste ne se d�veloppait pas, si le prol�tariat ne s'enrichissait pas tous les jours d'exp�riences nouvelles, s'il ne livrait pas � la bourgeoisie des combats de plus en plus implacables, s'il ne tentait pas de saisir la premi�re offensive pour passer de la d�fensive � l'offensive, le d�veloppement capitaliste, habilement dirig� par les gouvernements bourgeois, atteindrait certainement son but. Des pays entiers seraient vou�s � la barbarie. Des dizaines de millions d'hommes seraient condamn�s � la famine et au d�sespoir, avant qu'un nouvel �quilibre capitaliste stable se r�tablisse sur leurs ossements. Mais une semblable perspective est abstraction pure. Dans sa voie vers l'�quilibre le capitalisme se heurterait � bien des obstacles consid�rables : chaos du march� mondial, annulation de la valuta, militarisme, dangers de guerre, incertitude du lendemain. Les forces primordiales du capitalisme cherchent une issue dans ce labyrinthe. Mais ce sont elles aussi qui frappent la classe ouvri�re et la poussent � l'action. La classe ouvri�re elle aussi est un facteur du d�veloppement capitaliste et m�me le plus important car elle incarne l'avenir.
Ainsi la courbe de l'�volution capitaliste tend � monter. Son mouvement est entrav� par des oscillations cycliques qui, depuis la guerre, sont devenues convulsives. Dans quelle phrase verrons-nous se produire la co�ncidence des conditions objectives et subjectives dont r�sultera n�cessairement un revirement r�volutionnaire ? On ne peut assur�ment pr�voir si ce sera au commencement, au cours ou � la fin d'une p�riode de prosp�rit� ou au commencement d'un cycle nouveau. Contentons-nous de savoir que cela d�pendra en grande partie de nous-m�mes, de notre parti et de sa tactique. Il est d'une importance capitale de se rendre nettement compte des aspects de la nouvelle p�riode �conomique, qui ouvrira peut-�tre une nouvelle �re dans la concentration de nos forces pour une offensive victorieuse. La connaissance des situations et des faits est d�j� par elle-m�me, pour un parti r�volutionnaire, une abrogation des d�lais et un rapprochement du but final.
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