Citoyens, camarades, fr�res !

Le nom de Kronstadt [1], inscrit dans les pages glorieuses de l'histoire de la r�volution russe, est maintenant calomni� et diffam� dans les pages de tous les journaux bourgeois. Les mots malveillants des calomniateurs contre-r�volutionnaires sont �crits comme si nous, les Kronstadtiens, invitions le peuple au despotisme, au lynchage et � l'anarchie, comme si nous pratiquions la torture des tyrans et des serviteurs du tsarisme que nous arr�tons, et enfin, comme si nous avions refus� de reconna�tre l'autorit� du gouvernement provisoire, nous �tions s�par� de la Russie et avions cr�� la r�publique ind�pendante de Kronstadt.

Quel mensonge insens�, cette calomnie si pitoyable et si honteuse !

� Kronstadt, ne r�gne pas l�anarchie, mais un ordre r�volutionnaire sinc�re et ferme. Notre Soviet des d�put�s ouvriers et soldats a pris le contr�le de toutes les affaires locales de Kronstadt.

Nous sommes contre le lynchage, contre toutes les formes de vengeance injustifi�e inflig�e aux serviteurs du tsarisme captifs. Mais nous sommes pour une justice r�volutionnaire honn�te, libre et organis�e impartialement pour les ennemis criminels du peuple. Les officiers, gendarmes et policiers arr�t�s par nous � l'�poque de la r�volution ont eux-m�mes d�clar� aux repr�sentants du gouvernement qu'ils ne pouvaient s'opposer � ce qu'ils soient trait�s par notre syst�me p�nitentiaire. Il est vrai que les b�timents de la prison de Kronstadt sont affreux. Mais ce sont ces m�mes prisons qui ont �t� construites pour nous par le tsarisme. Nous n'en avons pas d'autres. Et si nous avons d�tenu des ennemis du peuple dans ces prisons, ce n�est pas par vengeance, mais bien par souci du sort de la r�volution. Nous sommes parvenus avec les repr�sentants du gouvernement provisoire, les ministres Tsereteli et Skobelev, � un accord sur un proc�s relativement rapide et impartial des prisonniers de Kronstadt. Et cet accord reste en vigueur.

Dire que nous ne reconnaissons pas l'autorit� du gouvernement provisoire est une mensonge pitoyable! Jusqu'ici, alors que la reconnaissance de ce gouvernement correspond � la volont� du peuple r�volutionnaire organis�, nous, Kronstadtiens, sommes incapables de ne pas reconna�tre l'autorit� du gouvernement provisoire dans toutes les affaires de l'�tat en g�n�ral. Nous l'avons dit clairement et clairement dans nos r�solutions, dans des articles de nos principales publications et, enfin, par l'accord avec les repr�sentants des minist�res. Cet accord est toujours en vigueur, nous y avons obtenu d'importantes concessions dans le sens des principes de la d�mocratie et de l'autonomie populaire (�lection des repr�sentants locaux de l'autorit� civique et du contr�le des chefs militaires).

Avons-nous fait s�cession de la Russie ? Voil� la calomnie la plus cruelle et la plus vile.

Au nom de la Russie, nous, Kronstadtiens, ne nous sommes-nous pas r�volt�s contre l'ancienne autorit� ?

Les combattants de Kronstadt ainsi que les combattants de P�trograd et de toute la Russie n'ont-ils pas vers� leur sang au nom de la libert� et du bonheur de tout le peuple russe ? Et maintenant, alors que nous avons renvers� le pouvoir du tsar et pris le chemin du renversement de toute oppression et de toute forme de violence, le lien fraternel entre tous les peuples et toutes les masses laborieuses de Russie est de plus en plus cher et proche au c�ur des Kronstadtiens qu�il n�a jamais �t�.

Nous sommes pour l'unit� de la Russie r�volutionnaire, pour l'unit� des travailleurs dans la lutte avec ses oppresseurs. Cependant, nous pensons, et c�est la ferme conviction de notre conscience r�volutionnaire, que le gouvernement provisoire actuel, compos� majoritairement de repr�sentants des propri�taires terriens, des propri�taires d�usines et des banquiers, ne veut pas et ne peut pas �tre un v�ritable repr�sentant de la d�mocratie et de la volont� forte de la r�volution populaire et que, si dans le pays on observe effectivement des signes d'anarchie, la faute en incombe � la politique bourgeoise du gouvernement provisoire qui, dans les questions de production, de terre, d'ouvriers, de diplomatie et de guerre ne servent pas les int�r�ts authentiques du peuple, mais la cause des classes poss�dantes et exploiteuses. Nous pensons que les Soviets de d�put�s ouvriers et soldats de Petrograd et de plusieurs autres provinces se trompent en soutenant le gouvernement.

Nous nous battons pour d�fendre notre conviction, avec les armes honn�tes des appels r�volutionnaires. Et les cliques bourgeoises, sentant que le sol leur �chappe de plus en plus, pr�voyant que le pouvoir devra passer des mains des propri�taires terriens et des capitalistes aux mains du peuple, ces cliques m�nent une agitation contre-r�volutionnaire malhonn�te dans le pays, abusant, pi�tinant et diffamant toutes les forces dirigeantes de la r�volution et, en particulier, notre Kronstadt rouge. � ces cliques, va notre m�pris r�volutionnaire. Nous opposons � leurs appels empoisonn�s nos appels fid�les � la v�rit�. Mais nous exprimons en m�me temps notre profond regret que les ministres socialistes, et avec eux la majorit� du Soviet des d�put�s de soldats et de soldats de P�trograd, soient tomb�s sous l�influence de ceux qui nous diffament. Ils ont d�clar�, dans leur r�solution injuste et insultante, que nous aurions rompu avec la r�volution russe. Non, camarades, les Kronstadtiens n'ont pas trahi et ne trahissent pas les banni�res qui flottent sur leurs casernes et dans leurs tribunaux. Ils nous accusent de violer l'accord que nous avons conclu avec des repr�sentants du gouvernement provisoire. Nous ne pouvons expliquer un malentendu aussi monstrueux que comme n��tant le produit d�une atmosph�re artificiellement cr��e d��paisses calomnies et de suspicion malveillante.

Nous avons pr�cis� dans la presse que l'accord conclu le 24 mai n'�tait pas pour nous un rejet des principes de l'auto-administration r�volutionnaire, mais au contraire un pas d�cisif sur la voie de la victoire. Mais cette clarification, de notre point de vue, n�a rien � voir avec un renoncement aux obligations que nous avons contract�es. Seuls les fauteurs de troubles, qui pourraient tirer profit de l'accord conclu avec les repr�sentants de l'autorit� centrale pour d�truire Kronstadt en tant que si�ge r�volutionnaire et faciliter le travail de la contre-r�volution, peuvent nous accuser de tra�trise. Camarades et fr�res, personne n'ose lancer contre les Kronstadtiens l�accusation insultante qu�ils auraient perp�trer des actes d�shonorants. Nous ne violons pas notre parole. Nous, r�volutionnaires, sommes des personnes honorables et nous sommes fermement convaincus que notre appel actuel dissipera compl�tement les mensonges, les calomnies et les soup�ons et r�tablira entre nous un lien indestructible de confiance mutuelle.

Nous, Kronstadtiens, restons � notre poste, sur le flanc gauche de la grande arm�e de la r�volution russe. Nous esp�rons, nous croyons, nous sommes convaincus que chaque nouvelle journ�e ouvrira de plus en plus les yeux des couches les plus arri�r�es du peuple russe, les plus plong�es dans les t�n�bres, et que l�heure est proche, lorsque les masses laborieuses seront unies, o� le pouvoir dans le pays passera aux mains du Soviet des d�put�s ouvriers et soldats. � vous, fr�res de la r�volution � Petrograd et dans toute la Russie, nous tendons la main, nous, marins, soldats et travailleurs de Kronstadt. Notre lien est indissoluble. Notre unit� est indestructible. Notre fid�lit� est in�branlable. A bas les calomniateurs et les diviseurs du peuple r�volutionnaire ! Vive la r�volution russe !

Pr�sident du Comit� ex�cutif du Soviet des d�put�s ouvriers et soldats, D. Lomanov.
Secr�taire Priselkov.
9 juin (27 mai) 1917.
Forteresse de Kronstadt