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Les lettres que nous publions ici ont été écrites par Trotsky dans les derniers mois de 1916, peu après son expulsion de France par M. Malvy.
Deux policiers l'avait accompagné jusqu'à la frontière et il s'imaginait, bien qu'il ne fut pas précisément novice en ces matières, qu'une fois en Espagne il serait libre, libre comme on l'est dans la société présente.
Il n'en fut rien. La police de Malvy s'était empressé de le recommander à la sûreté espagnole, le signalant comme un redoutable terroriste, et il était à peine arrivé à Madrid qu'on l'arrêtait, l'incarcérait à la prison modèle et qu'on l'avisait qu'il serait expédié par le premier bateau à La Havane.
Nous avions heureusement pu donner à Trotsky l'adresse d'un de nos amis espagnol à Madrid. Trotsky l'avisa aussitôt de son aventure et l'aide qu'il en reçut lui fut d'un grand secours. C'est à cet ami qu'on été écrites les lettres que nous publions aujourd'hui.
Les Socialistes espagnols, et notamment Anguiano, secrétaire du Parti, multiplièrent de leur côté les démarches pour faire rapporter des mesures du plus pur arbitraire. Pro-allié pour la plupart, ils étaient gênés par cette mesure brutale et révoltante du gouvernement français. A ce moment Guesde et Sembat étaient encore ministres. Ils avaient laissé faire, et il est bien certain que beaucoup de Socialistes furent au fond bien contents d'être débarrassé d'un fameux gêneur.
Dans ces lettres, on verra Trotsky se débattre contre trois polices – Russe, Française, Espagnole. Ce qu'il redoute à ce moment, c'est que toutes ces manuvres aboutissent à le livrer à la police du Tsar. Cela pouvait suffire à absorber ses efforts et ses pensées. Il garde néanmoins sa pleine liberté d'esprit, sa bonne humeur, le sens du comique, et on trouvera dans cette correspondance plus d'une remarque savoureuse sur cet extraordinaire pays qu'est l'Espagne.
On verra aussi – je veux le noter en passant parce que cela a son intérêt – quel bon compagnon affectueux il est pour sa femme et ses deux grands garçons qu'il avait dû laisser à Paris.
Sur la guerre et sur la situation politique, il y a une lettre très importante. Trotsky prend la défense de la brochure intitulée : "Les Socialistes de Zimmerwald & la Guerre" et publiée par le comité pour la reprise des relations internationales. Il détermine qu'elle doit être, à son sens, l'attitude des Zimmerwaldiens à l'égard des diverses tendances du Parti Socialiste, cela est encore d'actualité.
Nous publierons prochainement une autre brochure de Trotsky à Paris, dans laquelle nous montrerons notre camarade au milieu de ses amis de "Nache Slovo" (Notre Parole) et la traduction des deux études écrites par Trotsky durant la guerre : "La Guerre et l'Internationale"; "De la Révolution d'Octobre à la paix de Brest-Litovsk", février 1918.
La carte postale dont le fac-similé est reproduit ci-dessous est le dernier écrit que j'ai reçu de Trotsky. Le contrôle postal a, par la suite, admirablement fonctionné.
Alfred ROSMER