1867 |
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Le Capital - Livre premier
Le développement de la production capitaliste
I� section : la marchandise et la monnaie
Jusqu'ici nous avons consid�r� le m�tal pr�cieux sous le double aspect de mesure des valeurs et d'instrument de circulation. Il remplit la premi�re fonction comme monnaie id�ale, il peut �tre repr�sent� dans la deuxi�me par des symboles. Mais il y a des fonctions o� il doit se pr�senter dans son corps m�tallique comme �quivalent r�el des marchandises ou comme marchandise-monnaie. Il y a une autre fonction encore qu'il peut remplir ou en personne ou par des suppl�ants, mais o� il se dresse toujours en face des marchandises usuelles comme l'unique incarnation ad�quate de leur valeur. Dans tous ces cas, nous dirons qu'il fonctionne comme monnaie ou argent proprement dit par opposition � ses fonctions de mesure des valeurs et de num�raire.
Le mouvement circulatoire des deux m�tamorphoses inverses des marchandises ou l'alternation continue de vente et d'achat se manifeste par le cours infatigable de la monnaie ou dans sa fonction de perpetuum mobile, de moteur perp�tuel de la circulation. Il s'immobilise ou se transforme, comme dit Boisguillebert, de meuble en immeuble, de num�raire en monnaie ou argent, d�s que la s�rie des m�tamorphoses est interrompue, d�s qu'une vente n'est pas suivie d'un achat subs�quent.
D�s que se d�veloppe la circulation des marchandises, se d�veloppent aussi la n�cessit� et le d�sir de fixer et de conserver le produit de la premi�re m�tamorphose, la marchandise chang�e en chrysalide d'or ou d'argent [1]. On vend d�s lors des marchandises non seulement pour en acheter d'autres, mais aussi pour remplacer la forme marchandise par la forme argent. La monnaie arr�t�e � dessein dans sa circulation se p�trifie, pour ainsi dire, en devenant tr�sor, et le vendeur se change en th�sauriseur.
C'est surtout dans l'enfance de la circulation qu'on n'�change que le superflu en valeurs d'usage contre la marchandise-monnaie. L'or et l'argent deviennent ainsi d'eux-m�mes l'expression sociale du superflu et de la richesse. Cette forme na�ve de th�saurisation s'�ternise chez les peuples dont le mode traditionnel de production satisfait directement un cercle �troit de besoins stationnaires. Il y a peu de circulation et beaucoup de tr�sors. C'est ce qui a lieu chez les Asiatiques, notamment chez les Indiens. Le vieux Vanderlint, qui s'imagine que le taux des prix d�pend de l'abondance des m�taux pr�cieux dans un pays, se demande pourquoi les marchandises indiennes sont � si bon march� ? Parce que les Indiens, dit-il, enfouissent l'argent. Il remarque que de 1602 � 1734 ils enfouirent ainsi cent cinquante millions de livres sterling en argent, qui �taient venues d'abord d'Am�rique en Europe [2]. De 1856 � 1866, dans une p�riode de dix ans, l'Angleterre exporta dans l'Inde et dans la Chine (et le m�tal import� en Chine tenue en grande partie dans l'Inde), cent vingt millions de livres sterling en argent qui avaient �t� auparavant �chang�es contre de l'or australien.
D�s que la production marchande a atteint un certain d�veloppement, chaque producteur doit faire provision d'argent. C'est alors le � gage social �, le nervus rerum, le nerf des choses [3]. En effet, les besoins du producteur se renouvellent sans cesse et lui imposent sans cesse l'achat de marchandises �trang�res, tandis que la production et la vente des siennes exigent plus ou moins de temps et d�pendent de mille hasards. Pour acheter sans vendre, il doit d'abord avoir vendu sans acheter. Il semble contradictoire que cette op�ration puisse s'accomplir d'une mani�re g�n�rale. Cependant les m�taux pr�cieux se troquent � leur source de production contre d'autres marchandises. Ici la vente a lieu (du c�t� du possesseur de marchandises) sans achat (du c�t� du possesseur d'or et d'argent) [4]. Et des ventes post�rieures qui ne sont pas compl�t�es par des achats subs�quents ne font que distribuer les m�taux pr�cieux entre tous les �changistes. Il se forme ainsi sur tous les points en relation d'affaires des r�serves d'or et d'argent dans les proportions les plus diverses. La possibilit� de retenir et de conserver la marchandise comme valeur d'�change ou la valeur d'�change comme marchandise �veille la passion de l'or. A mesure que s'�tend la circulation des marchandises grandit aussi la puissance de la monnaie, forme absolue et toujours disponible de la richesse sociale. � L'or est une chose merveilleuse! Qui le poss�de est ma�tre de tout ce qu'il d�sire. Au moyen de l'or on peut m�me ouvrir aux �mes les portes du Paradis. � (Colomb, lettre de la Jama�que, 1503.)
L'aspect de la monnaie ne trahissant point ce qui a �t� transform� en elle, tout, marchandise ou non, se transforme en monnaie. Rien qui ne devienne v�nal, qui ne se fasse vendre et acheter ! La circulation devient la grande cornue sociale o� tout se pr�cipite pour en sortir transform� en cristal monnaie. Rien ne r�siste � cette alchimie, pas m�me les os des saints et encore moins des choses sacrosaintes, plus d�licates, res sacrosanctoe, extra commercium hominum [5]. De m�me que toute diff�rence de qualit� entre les marchandises s'efface dans l'argent, de m�me lui, niveleur radical, efface toutes les distinctions [6]. Mais l'argent est lui-m�me marchandise, une chose qui peut tomber sous les mains de qui que ce soit. La puissance sociale devient ainsi puissance priv�e des particuliers. Aussi la soci�t� antique le d�nonce-t-elle comme l'agent subversif, comme le dissolvant le plus actif de son organisation �conomique et de ses m�urs populaires [7].
La soci�t� moderne qui, � peine n�e encore, tire d�j� par les cheveux le dieu Plutus des entrailles de la terre, salue dans l'or, son saint Graal, l'incarnation �blouissante du principe m�me de sa vie.
La marchandise, en tant que valeur d'usage, satisfait un besoin particulier et forme un �l�ment particulier de la richesse mat�rielle. Mais la valeur de la marchandise mesure le degr� de sa force d'attraction sur tous les �l�ments de cette richesse, et par cons�quent la richesse sociale de celui qui la poss�de. L'�changiste plus ou moins barbare, m�me le paysan de l'Europe occidentale, ne sait point s�parer la valeur de sa forme. Pour lui, accroissement de sa r�serve d'or et d'argent veut dire accroissement de valeur. Assur�ment la valeur du m�tal pr�cieux change par suite des variations survenues soit dans sa propre valeur soit dans celle des marchandises. Mais cela n'emp�che pas d'un c�t�, que deux cents onces d'or contiennent apr�s comme avant plus de valeur que cent, trois cents plus que deux cents, etc., ni d'un autre c�t�, que la forme m�tallique de la monnaie reste la forme �quivalente g�n�rale de toutes les marchandises, l'incarnation sociale de tout travail humain. Le penchant � th�sauriser n'a, de sa nature, ni r�gle ni mesure. Consid�r� au point de vue de la qualit� ou de la forme, comme repr�sentant universel de la richesse mat�rielle, l'argent est sans limite parce qu'il est imm�diatement transformable en toute sorte de marchandise. Mais chaque somme d'argent r�elle a sa limite quantitative et n'a donc qu'une puissance d'achat restreinte. Cette contradiction entre la quantit� toujours d�finie et la qualit� de puissance infinie de l'argent ram�ne sans cesse le th�sauriseur au travail de Sisyphe. Il en est de lui comme du conqu�rant que chaque conqu�te nouvelle ne m�ne qu'� une nouvelle fronti�re.
Pour retenir et conserver le m�tal pr�cieux en qualit� de monnaie, et par suite d'�l�ment de la th�saurisation, il faut qu'on l'emp�che de circuler ou de se r�soudre comme moyen d'achat en moyens de jouissance. Le th�sauriseur sacrifie donc � ce f�tiche tous les penchants de sa chair. Personne plus que lui ne prend au s�rieux l'�vangile du renoncement. D'un autre c�t�, il ne peut d�rober en monnaie � la, circulation que ce qu'il lui donne en marchandises. Plus il produit, plus il peut vendre. Industrie, �conomie, avarice, telles sont ses vertus cardinales; beaucoup vendre, peu acheter, telle est la somme de son �conomie politique [8].
Le tr�sor n'a pas seulement une forme brute : il a aussi une forme esth�tique. C'est l'accumulation d'ouvrages d'orf�vrerie qui se d�veloppe avec l'accroissement de la richesse sociale. � Soyons riches ou paraissons riches. � (Diderot.) Il se forme ainsi d'une part un march� toujours plus �tendu pour les m�taux pr�cieux, de l'autre une source latente d'approvisionnement � laquelle on puise dans les p�riodes de crise sociale.
Dans l'�conomie de la circulation m�tallique, les tr�sors remplissent des fonctions diverses. La premi�re tire son origine des conditions qui pr�sident au cours de la monnaie. On a vu comment la masse courante du num�raire s'�l�ve ou s'abaisse avec les fluctuations constantes qu'�prouve la circulation des marchandises sous le rapport de l'�tendue, des prix et de la vitesse. Il faut donc que cette masse soit capable de contraction et d'expansion.
Tant�t une partie de la monnaie doit sortir de la circulation, tant�t elle y doit rentrer. Pour que la masse d'argent courante corresponde toujours au degr� o� la sph�re de la circulation se trouve satur�e, ta quantit� d'or ou d'argent qui r�ellement circule ne doit former qu'une partie du m�tal pr�cieux existant dans un pays. C'est par la forme tr�sor de l'argent que cette condition se trouve remplie. Les r�servoirs des tr�sors servent � la fois de canaux de d�charge et d'irrigation, de fa�on que les canaux de circulation ne d�bordent jamais [9].
Dans la forme imm�diate de la circulation des marchandises examin�e jusqu'ici, la m�me valeur se pr�sente toujours double, marchandise � un p�le, monnaie � l'autre. Les producteurs-�changistes entrent en rapport comme repr�sentants d'�quivalents qui se trouvent d�j� en face les uns des autres. A mesure cependant que se d�veloppe la circulation, se d�veloppent aussi des circonstances tendant � s�parer par un intervalle de temps l'ali�nation de la marchandise et la r�alisation de son prix. Les exemples les plus simples nous suffisent ici. Telle esp�ce de marchandise exige plus de temps pour sa production, telle autre en exige moins. Les saisons de production ne sont pas les m�mes pour des marchandises diff�rentes. Si une marchandise prend naissance sur le lieu m�me de son march�, une autre doit voyager et se rendre � un march� lointain. Il se peut donc que l'un des �changistes soit pr�t � vendre, tandis que l'autre n'est pas encore � m�me d'acheter. Quand les m�mes transactions se renouvellent constamment entre les m�mes personnes les conditions de la vente et de l'achat des marchandises se r�gleront peu � peu d'apr�s les conditions de leur production. D'un autre c�t�, l'usage de certaines esp�ces de marchandise, d'une maison, par exemple, est ali�n� pour une certaine p�riode, et ce n'est qu'apr�s l'expiration du terme que l'acheteur a r�ellement obtenu la valeur d'usage stipul�e. Il ach�te donc avant de payer. L'un des �changistes vend une marchandise pr�sente, l'autre ach�te comme repr�sentant d'argent � venir. Le vendeur devient cr�ancier, l'acheteur d�biteur. Comme la m�tamorphose de la marchandise prend ici un nouvel aspect, l'argent lui aussi acquiert une nouvelle fonction. Il devient moyen de payement.
Les caract�res de cr�ancier et de d�biteur proviennent ici de la circulation simple. Le changement de sa forme imprime au vendeur et � l'acheteur leurs cachets nouveaux. Tout d'abord, ces nouveaux r�les sont donc aussi passagers que les anciens et jou�s tour � tour par les m�mes acteurs, mais ils n'ont plus un aspect aussi d�bonnaire, et leur opposition devient plus susceptible de se solidifier [10]. Les m�mes caract�res peuvent aussi se pr�senter ind�pendamment de la circulation des marchandises. Dans le monde antique, le mouvement de la lutte des classes a surtout la forme d'un combat, toujours renouvel� entre cr�anciers et d�biteurs, et se termine � Rome par la d�faite et la ruine du d�biteur pl�b�ien qui est remplac� par l'esclave. Au moyen �ge, la lutte se termine par la ruine du d�biteur f�odal. Celui-l� perd la puissance politique d�s que croule la base �conomique qui en faisait le soutien. Cependant ce rapport mon�taire de cr�ancier � d�biteur ne fait � ces deux �poques que r�fl�chir � la surface des antagonismes plus profonds.
Revenons � la circulation des marchandises. L'apparition simultan�e des �quivalents marchandise et argent aux deux p�les de la vente a cess�. Maintenant l'argent fonctionne en premier lieu comme mesure de valeur dans la fixation du prix de la marchandise vendue. Ce prix �tabli par contrat, mesure l'obligation de l'acheteur, c'est-�-dire la somme d'argent dont il est redevable � terme fixe.
Puis il fonctionne comme moyen d'achat id�al. Bien qu'il n'existe que dans la promesse de l'acheteur, il op�re cependant le d�placement de la marchandise. Ce n'est qu'� l'�ch�ance du terme qu'il entre, comme moyen de payement, dans la circulation, c'est-�-dire qu'il passe de la main de l'acheteur dans celle du vendeur. Le moyen de circulation s'�tait transform� en tr�sor, parce que le mouvement de la circulation s'�tait arr�t� � sa premi�re moiti�. Le moyen de payement entre dans la circulation, mais seulement apr�s que la marchandise en est sortie. Le vendeur transformait la marchandise en argent pour satisfaire ses besoins, le th�sauriseur pour la conserver sous forme d'�quivalent g�n�ral, l'acheteur-d�biteur enfin pour pouvoir payer. S'il ne paye pas, une vente forc�e de son avoir a lieu. La conversion de la marchandise en sa figure valeur, en monnaie, devient ainsi une n�cessit� sociale qui s'impose au producteur-�changiste ind�pendamment de ses besoins et de ses fantaisies personnelles.
Supposons que le paysan ach�te du tisserand vingt m�tres de toile au prix de deux livres sterling, qui est aussi le prix d'un quart de froment, et qu'il les paye un mois apr�s. Le paysan transforme son froment en toile avant de l'avoir transform� en monnaie. Il accomplit donc la derni�re m�tamorphose de sa marchandise avant la premi�re. Ensuite il vend du froment pour deux livres sterling, qu'il fait passer au tisserand au terme convenu. La monnaie r�elle ne lui sert plus ici d'interm�diaire pour substituer la toile au froment. C'est d�j� fait. Pour lui la monnaie est au contraire le dernier mot de la transaction en tant qu'elle est la forme absolue de la valeur qu'il doit fournir, la marchandise universelle. Quant au tisserand, sa marchandise a circul� et a r�alis� son prix, mais seulement au moyen d'un titre qui ressortit du droit civil. Elle est entr�e dans la consommation d'autrui avant d'�tre transform�e en monnaie. La premi�re m�tamorphose de sa toile reste donc suspendue et ne s'accomplit que plus tard, au terme d'�ch�ance de la dette du paysan [11].
Les obligations �chues dans une p�riode d�termin�e repr�sentent le prix total des marchandises vendues. La quantit� de monnaie exig�e pour la r�alisation de cette somme d�pend d'abord de la vitesse du cours des moyens de payement. Deux circonstances la r�glent :
1. l'encha�nement des rapports de cr�ancier � d�biteur, comme lorsque A, par exemple, qui re�oit de l'argent de son d�biteur B, le fait passer � son cr�ancier C, et ainsi de suite;
2. l'intervalle de temps qui s�pare les divers termes auxquels les payements s'effectuent.
La s�rie des payements cons�cutifs ou des premi�res m�tamorphoses suppl�mentaires se distingue tout � fait de l'entrecroisement des s�ries de m�tamorphoses que nous avons d'abord analys�.
Non seulement la connexion entre vendeurs et acheteurs s'exprime dans le mouvement des moyens de circulation. Mais cette connexion na�t dans le cours m�me de la monnaie. Le mouvement du moyen de payement au contraire exprime un ensemble de rapports sociaux pr�existants.
La simultan�it� et contigu�t� des ventes (ou achats), qui fait que la quantit� des moyens de circulation ne peut plus �tre compens�e par la vitesse de leur cours, forme un nouveau levier dans l'�conomie des moyens de payement. Avec la concentration des payements sur une m�me place se d�veloppent spontan�ment des institutions et des m�thodes pour les balancer les uns par les autres. Tels �taient, par exemple, � Lyon, au moyen �ge, les virements. Les cr�ances de A sur B, de B sur C, de C sur A, et ainsi de suite, n'ont besoin que d'�tre confront�es pour s'annuler r�ciproquement, dans une certaine mesure, comme quantit�s positives et n�gatives. Il ne reste plus ainsi qu'une balance de compte � solder. Plus est grande la concentration des payements, plus est relativement petite leur balance, et par cela m�me la masse des moyens de payement en circulation.
La fonction de la monnaie comme moyen de payement implique une contradiction sans moyen terme. Tant que les payements se balancent, elle fonctionne seulement d'une mani�re id�ale, comme monnaie de compte et mesure des valeurs. D�s que les payements doivent s'effectuer r�ellement, elle ne se pr�sente plus comme simple moyen de circulation, comme forme transitive servant d'interm�diaire au d�placement des produits, mais elle intervient comme incarnation individuelle du travail social, seule r�alisation de la valeur d'�change, marchandise absolue. Cette contradiction �clate dans le moment des crises industrielles ou commerciales auquel on a donn� le nom de crise mon�taire [12].
Elle ne se produit que l� o� l'encha�nement des payements et un syst�me artificiel destin� � les compenser r�ciproquement se sont d�velopp�s. Ce m�canisme vient-il, par une cause quelconque, � �tre d�rang�, aussit�t la monnaie, par un revirement brusque et sans transition, ne fonctionne plus sous sa forme purement id�ale de monnaie de compte. Elle est r�clam�e comme argent comptant et ne peut plus �tre remplac�e par des marchandises profanes. L'utilit� de la marchandise ne compte pour rien et sa valeur dispara�t devant ce qui n'en est que la forme. La veille encore, le bourgeois, avec la suffisance pr�somptueuse que lui donne la prosp�rit�, d�clarait que l'argent est une vaine illusion. La marchandise seule est argent, s'�criait-il. L'argent seul est marchandise! Tel est maintenant le cri qui retentit sur le march� du monde. Comme le cerf alt�r� brame apr�s la source d'eau vive, ainsi son �me appelle � grands cris l'argent, la seule et unique richesse [13]. L'opposition qui existe entre la marchandise et sa forme valeur est, pendant la crise, pouss�e � l'outrance. Le genre particulier de la monnaie n'y fait rien. La disette mon�taire reste la m�me, qu'il faille payer en or ou en monnaie de cr�dit, en billets de banque, par exemple [14].
Si nous examinons maintenant la somme totale de la monnaie qui circule dans un temps d�termin�, nous trouverons qu'�tant donn� la vitesse du cours des moyens de circulation et des moyens de payement, elle est �gale � la somme des prix des marchandises � r�aliser, plus la somme des payements �chus, moins celle des payements qui se balancent, moins enfin l'emploi double ou plus fr�quent des m�mes pi�ces pour la double fonction de moyen de circulation et de moyen de payement. Par exemple, le paysan a vendu son froment moyennant deux livres sterling qui op�rent comme moyen de circulation. Au terme d'�ch�ance, il les fait passer au tisserand. Maintenant elles fonctionnent comme moyen de payement. Le tisserand ach�te avec elles une bible, et dans cet achat elles fonctionnent de nouveau comme moyen de circulation, et ainsi de suite.
Etant donn� la vitesse du cours de la monnaie, l'�conomie des payements et les prix des marchandises, on voit que la masse des marchandises en circulation ne correspond plus � la masse de la monnaie courante dans une certaine p�riode, un jour, par exemple. Il court de la monnaie qui repr�sente des marchandises depuis longtemps d�rob�es � la circulation. Il court des marchandises dont l'�quivalent en monnaie ne se pr�sentera que bien plus tard. D'un autre c�t�, les dettes contract�es et les dettes �chues chaque jour sont des grandeurs tout � fait incommensurables [15].
La monnaie de cr�dit a sa source imm�diate dans la fonction de l'argent comme moyen de payement. Des certificats constatant les dettes contract�es pour des marchandises vendues circulent eux-m�mes � leur tour pour transf�rer � d'autres personnes les cr�ances. A mesure que s'�tend le syst�me de cr�dit, se d�veloppe de plus en plus la fonction que la monnaie remplit comme moyen de payement. Comme tel, elle rev�t des formes d'existence particuli�res dans lesquelles elle hante la sph�re des grandes transactions commerciales, tandis que les esp�ces d'or et d'argent sont refoul�es principalement dans la sph�re du commerce de d�tail [16].
Plus la production marchande se d�veloppe et s'�tend, moins la fonction de la monnaie comme moyen de payement est restreinte � la sph�re de la circulation des produits. La monnaie devient la marchandise g�n�rale des contrats [17]. Les rentes, les imp�ts, etc., pay�s jusqu'alors en nature, se payent d�sormais en argent. Un fait qui d�montre, entre autres, combien ce changement d�pend des conditions g�n�rales de la production, c'est que I�empire romain �choua par deux fois dans sa tentative de lever toutes les contributions en argent. La mis�re �norme de la population agricole en France sous Louis XIV, d�nonc�e avec tant d'�loquence par Boisguillebert, le mar�chal Vauban, etc., ne provenait pas seulement de l'�l�vation de l'imp�t, mais aussi de la substitution de sa forme mon�taire � sa forme naturelle [18]. En Asie, la rente fonci�re constitue l'�l�ment principal des imp�ts et se paye en nature. Cette forme de la rente, qui repose l� sur des rapports de production stationnaires, entretient par contrecoup l'ancien mode de production. C'est un des secrets de la conservation de l'empire turc. Que le libre commerce, octroy� par l'Europe au Japon, am�ne dans ce pays la conversion de la rente-nature en rente-argent, et c'en est fait de son agriculture mod�le, soumise � des conditions �conomiques trop �troites pour r�sister � une telle r�volution.
Il s'�tablit dans chaque pays certains termes g�n�raux o� les payements se font sur une grande �chelle. Si quelques-uns de ces termes sont de pure convention, ils reposent en g�n�ral sur les mouvements p�riodiques et circulatoires de la reproduction li�s aux changements p�riodiques des saisons, etc. Ces termes g�n�raux r�glent �galement l'�poque des payements qui ne r�sultent pas directement de la circulation des marchandises, tels que ceux de la rente, du loyer, des imp�ts, etc. La quantit� de monnaie qu'exigent � certains jours de l'ann�e ces payements diss�min�s sur toute la p�riph�rie d'un pays occasionne des perturbations p�riodiques, mais tout � fait superficielles [19].
Il r�sulte de la loi sur la vitesse du cours des moyens de payement, que pour tous les payements p�riodiques, quelle qu'en soit la source, la masse des moyens de payement n�cessaire est en raison inverse de la longueur des p�riodes [20].
La fonction que l'argent remplit comme moyen de payement n�cessite l'accumulation des sommes exig�es pour les dates d'�ch�ance. Tout en �liminant la th�saurisation comme forme propre d'enrichissement, le progr�s de la soci�t� bourgeoise la d�veloppe sous la forme de r�serve des moyens de payement.
A sa sortie de la sph�re int�rieure de la circulation, l'argent d�pouille les formes locales qu'il y avait rev�tues, forme de num�raire, de monnaie d'appoint, d'�talon des prix, de signe de valeur, pour retourner � sa forme primitive de barre ou lingot. C'est dans le commerce entre nations que la valeur des marchandises se r�alise universellement. C'est l� aussi que leur figurevaleur leur fait vis-�-vis, sous l'aspect de monnaie universelle monnaie du monde (money of the world), comme l'appelle James Steuart, monnaie de la grande r�publique commer�ante, comme disait apr�s lui Adam Smith. C'est sur le march� du monde et l� seulement que la monnaie fonctionne dans toute la force du terme, comme la marchandise dont la forme naturelle est en m�me temps l'incarnation sociale du travail humain en g�n�ral. Sa mani�re d'�tre y devient ad�quate � son id�e. Dans l'enceinte nationale de la circulation, ce n'est qu'une seule marchandise qui peut servir de mesure de valeur et par suite de monnaie. Sur le march� du monde r�gne une double mesure de valeur, l'or et l'argent [21].
La monnaie universelle remplit les trois fonctions de moyen de payement, de moyen d'achat et de mati�re sociale de la richesse, en g�n�ral (universal wealth). Quand il s'agit de solder les balances internationales, la premi�re fonction pr�domine. De l� le mot d'ordre du syst�me mercantile - balance de commerce [22]. L'or et l'argent servent essentiellement de moyen d'achat international toutes les fois que l'�quilibre ordinaire dans l'�change des mati�res entre diverses nations se d�range. Enfin, ils fonctionnent comme forme absolue de la richesse, quand il ne s'agit plus ni d'achat ni de payement, mais d'un transfert de richesse d'un pays � un autre, et que ce transfert, sous forme de marchandise, est emp�ch�, soit par les �ventualit�s du march�, soit par le but m�me qu'on veut atteindre [23].
Chaque pays a besoin d'un fonds de r�serve pour son commerce �tranger, aussi bien que pour sa circulation int�rieure. Les fonctions de ces r�serves se rattachent donc en partie � la fonction de la monnaie comme moyen de circulation et de payement � l'int�rieur, et en partie � sa fonction de monnaie universelle [24]. Dans cette derni�re fonction, la monnaie mat�rielle, c'est-�-dire l'or et l'argent, est toujours exig�e; c'est pourquoi James Steuart, pour distinguer l'or et l'argent de leurs rempla�ants purement locaux, les d�signe express�ment sous le nom de money of the world.
Le fleuve aux vagues d'argent et d'or poss�de un double courant. D'un c�t�, il se r�pand � partir de sa source sur tout le march� du monde o� les diff�rentes enceintes nationales le d�tournent en proportions diverses, pour qu'il p�n�tre leurs canaux de circulation int�rieure, remplace leurs monnaies us�es, fournisse la mati�re des articles de luxe, et enfin se p�trifie sous forme de tr�sor [25]. Cette premi�re direction lui est imprim�e par les pays dont les marchandises s'�changent directement avec l'or et l'argent aux sources de leur production. En m�me temps, les m�taux pr�cieux courent de c�t� et d'autre, sans fin ni tr�ve, entre les sph�res de circulation des diff�rents pays, et ce mouvement suit les oscillations incessantes du cours du changes [26].
Les pays dans lesquels la production a atteint un haut degr� de d�veloppement restreignent au minimum exig� par leurs fonctions sp�cifiques les tr�sors entass�s dans les r�servoirs de banque [27]. A part certaines exceptions, le d�bordement de ces r�servoirs par trop au-dessus de leur niveau moyen est un signe de stagnation dans la circulation des marchandises ou d'une interruption dans le cours de leurs m�tamorphoses [28].
Notes
[1] � Une richesse en argent n'est que... richesse en productions, converties en argent. � (Mercier de la Rivi�re, l. c., p. 557.) � Une valeur en productions n'a fait que changer de forme. � (Id., p. 485.)
[2] � C'est gr�ce � cet usage qu'ils maintiennent leurs articles et leurs manufactures � des taux aussi bas. � (Vanderlint, l. c., p. 95, 96.)
[3] � Money is a pledge. � (John Bellers, Essay about the Poor, manufactures, trade, plantations and immorality, London, 1699, p. 13.)
[4] Achat, dans le sens cat�gorique, suppose en effet que l'or ou l'argent dans les mains de l'�changiste proviennent, non pas directement de son industrie, mais de la vente de sa marchandise.
[5] Henri III, roi tr�s-chr�tien de France, d�pouille les clo�tres, les monast�res, etc., de leurs reliques pour en faire de l'argent. On sait quel r�le a jou� dans l'histoire grecque le pillage des tr�sors du temple de Delphes par les Phoc�ens. Les temples, chez les anciens, servaient de demeure au dieu des marchandises. C'�taient des � banques sacr�es �. Pour les Ph�niciens, peuple marchand par excellence, l'argent �tait l'aspect transfigur� de toutes choses. Il �tait donc dans l'ordre que les jeunes filles qui se livraient aux �trangers pour de l'argent dans les f�tes d'Astart� offrissent � la d�esse les pi�ces d'argent re�ues comme embl�me de leur virginit� immol�e sur son autel.
[6] Gold, yellow, glittering precious
Gold !
Thus much of this will make black white; foul, fair;
Wrong, right; base, noble; old, young; coward, valiant
...What this, you Gods! why ibis
Will lug your priests and servants front your sides;
This yellow slave
Will knit and break religions; bless the accursed;
Make the hoar leprosy adored; place thieves
And give them, title, knee and approbation,
With senators of the bench; this is it,
That makes, the wappend widow wed again
...Come damned earth,
Thou common whore of mankind
� Or pr�cieux, or jaune et luisant' en voici assez pour rendre le noir blanc, le laid beau, l'injuste juste, le vil noble, le vieux jeune, le l�che vaillant !... Qu'est-ce, cela, � dieux immortels ? Cela, c'est ce qui d�tourne de vos autels vos pr�tres et leurs acolytes Cet esclave jaune b�tit et d�molit vos religions, fait b�nir les maudits, adorer la l�pre blanche; place les voleurs au banc des s�nateurs et leur donne titres, hommages et g�nuflexions. C'est lui qui fait une nouvelle mari�e de la veuve vieille et us�e. Allons, argile damn�e, catin du genre humain... � (Shakespeare, Timon of Athens.)
[7] � Rien n'a, comme l'argent, suscit� parmi les hommes de mauvaises lois et tic mauvaises moeurs; c'est lui qui met la discussion dans les villes et chasse les habitants de leurs demeures; c'est lui qui d�tourne les �mes les plus belles vers tout ce qu'il y a de honteux et de funeste � l'homme et leur apprend � e xtraire de chaque chose le mal et l'impi�t�. � (Sophocle, Antigone.)
[8] � Accro�tre autant que possible le nombre des vendeurs de toute marchandise, diminuer autant que possible le nombre des acheteurs, tel est le r�sum� des op�rations de l'�conomie politique. � (Verri, l. c., p. 52.)
[9] � Pour faire marcher le commerce d'une nation, il faut une somme de monnaie d�termin�e, qui varie et se trouve tant�t plus grande, tant�t plus petite... Ce flux et reflux de la monnaie s'�quilibre de lui-m�me, sans le secours des politiques... Les pistons travaillent alternativement; si la monnaie est rare, on monnaye les lingots; si les lingots sont rares, on fond la monnaie. � (Sir D. North, l. c., p. 22.) John Stuart Mill, longtemps fonctionnaire de la Compagnie des Indes, confirme ce fait que les ornements et bijoux en argent sont encore employ�s dans l'Inde comme r�serves. � On sort les ornements d'argent et on les monnaye quand le taux de l'int�r�t est �lev�, et ils retournent � leurs possesseurs quand le taux de l'int�r�t baisse. � (J. St. Mill, Evidence, Reports on Bankacts, 1857, n� 2084). D'apr�s un document parlementaire de 1864 sur l'importation et l'exportation de l'or et de l'argent dans l'Inde, l'importation en 1863 d�passa l'exportation de dix-neuf millions trois cent soixante-sept mille sept cent soixante-quatre livres sterling. Dans les huit ann�es avant 1864, l'exc�dent de l'importation des m�taux pr�cieux sur leur exportation atteignit cent neuf millions six cent cinquante-deux mille neuf cent dix-sept livres sterling. Dans le cours de ce si�cle, il a �t� monnay� dans l'Inde plus de deux cents millions de livres sterling.
[10] Voici quels �taient les rapports de cr�anciers � d�biteurs en Angleterre au commencement du XVIII� si�cle : � Il r�gne ici, en Angleterre, un tel esprit de cruaut� parmi les gens de commerce qu'on ne pourrait rencontrer rien de semblable dans aucune autre soci�t� d'hommes, ni dans aucun autre pays du monde. � (An Essay on Credit and the Bankrupt Act, London, 1707, p. 2).
[11] La citation suivante emprunt�e � mon pr�c�dent ouvrage, Critique de l'�conomie politique, 1859, montre pourquoi je n'ai pas parl� dans le texte d'une forme oppos�e. � Inversement, dans le proc�d� A - M, l'argent peut �tre mis dehors comme moyen d'achat et le prix de la marchandise �tre ainsi r�alis� avant que la valeur d'usage de l'argent soit r�alis�e ou la marchandise ali�n�e. C'est ce qui a lieu tous les jours, par exemple, sous forme de pr�num�ration, et c'est ainsi que le gouvernement anglais ach�te dans l'Inde l'opium des Ryots. Dans ces cas cependant, l'argent agit toujours comme moyen d'achat et n'acquiert aucune nouvelle forme particuli�re... Naturellement, le capital est aussi avance sous forme argent; mais il ne se montre pas encore � l'horizon de la circulation simple. � (L. c., p. 112-120.)
[12] Il faut distinguer la crise mon�taire dont nous parlons ici, et qui est une phase de n'importe quelle crise, de cette esp�ce de crise particuli�re, � laquelle on donne le m�me nom, mais qui peut former n�anmoins un ph�nom�ne ind�pendant, de telle sorte que son action n'influe que par contrecoup sur l'industrie et le commerce. Les crises de ce genre ont pour pivot le capital-argent et leur sph�re imm�diate est aussi celle de ce capital, - la Banque, la Bourse et la Finance.
[13] � Le revirement subit du syst�me de cr�dit en syst�me mon�taire ajoute l'effroi th�orique � la panique pratique, et les agents de la circulation tremblent devant le myst�re imp�n�trable de leurs propres rapports. � (Karl Marx, l. c., p. 126.) � � Le pauvre reste morne et �tonne de ce que le riche n'a plus d'argent pour le faire travailler, et cependant le m�me soi et les m�mes mains qui fournissent la nourriture et les v�tements, sont toujours l� - et c'est l� ce qui constitue la v�ritable richesse d'une nation, et non pas l'argent. � (John Bellers, Proposals for raising a College of Industry, London, 1696, p. 33.)
[14] Voici de quelle fa�on ces moments-l� sont exploit�s : � Un jour (1839), un vieux banquier de la Cit� causant avec un de ses amis dans son cabinet, souleva le couvercle du pupitre devant lequel il �tait assis et se mit � d�ployer des rouleaux de billets de banque. En voil�, dit-il d'un air tout joyeux, pour cent mille livres sterling. Ils sont l� en r�serve pour tendre la situation mon�taire (to make the money tight) et ils seront tous dehors � 3 heures, cet apr�s-midi. � (The Theory of the Exchanges, the Bank Charter Art of 1844, London, 1864 p. 81.) L'organe semi-officiel, l�Observer, publiait � la date du 28 avril 1864 : � Il court certains bruits vraiment curieux sur les moyens auxquels on a eu recours pour cr�er une disette de billets de banque. Bien qu'il soit fort douteux, qu'on ait eu recours � quelque artifice de ce genre, la rumeur qui s'en est r�pandue a �t� si g�n�rale qu'elle m�rite r�ellement d'�tre mentionn�e. �
[15] � Le montant des ventes ou achats contract�s dans le cours d'un jour quelconque n'affectera en rien la quantit� de la monnaie en circulation ce jour-l� m�me, mais pour la plupart des cas, il se r�soudra en une multitude de traites sur la quantit� d'argent qui peut se trouver en circulation � des dates ult�rieures plus ou moins �loign�es. - Il n'est pas n�cessaire que les billets sign�s ou les cr�dits ouverts aujourd'hui aient un rapport quelconque relativement, soit � la quantit�, au montant ou � la dur�e, avec ceux qui seront sign�s ou contract�s demain ou apr�s-demain; bien plus, beaucoup de billets et de cr�dits d'aujourd'hui se pr�sentent � l'�ch�ance avec une masse de payements, dont l'origine embrasse une suite de dates ant�rieures absolument ind�finies; ainsi, souvent des billets � douze, six, trois et un mois, r�unis ensemble, entrent dans la masse commune des payements � effectuer le m�me jour. � (The Currency question reviewed; a letter to the Scotch people by a banker in England, Edimburg, 1845, p. 29, 30, passim.)
[16] Pour montrer par un exemple dans quelle faible proportion l'argent comptant entre dans les op�rations commerciales proprement dites, nous donnons ici le tableau des recettes et des d�penses annuelles d'une des plus grandes maisons de commerce de Londres. Ses transactions dans l'ann�e 1856, lesquelles comprennent bien des millions de livres sterling, sont ici ramen�es � l'�chelle d'un million :
Recettes |
|
D�penses |
|
Traites de banquiers et de marchands payables � terme |
₤ 533 596 |
Traites payables � terme |
₤ 302 674 |
Ch�ques de banquiers, etc., payables � vue |
₤ 357 715 |
Ch�ques sur des banquiers de Londres |
₤ 663 672 |
Billets des banques provinciales |
₤ 9 627 |
|
|
Billets de la Banque d'Angleterre |
₤ 68 554 |
Billets de la Banque d'Angleterre |
₤ 22 743 |
Or |
₤ 28089 |
Or |
₤ 9 427 |
Argent et cuivre |
₤ 1 486 |
Argent et cuivre |
₤ 1 484 |
Mandats de poste |
₤ 933 |
|
|
Total |
₤ 1 000 000 |
Total |
₤ 1 000 000 |
(Report from the select Committee on the Bank-acts, juillet 1858, p. 71.)
[17] . � Des que le train du commerce est ainsi chang�, qu'on n'�change plus marchandise contre marchandise, mais qu'on vend et qu'on paie, tous les march�s s'�tablissant sur le pied d'un prix en monnaie. � (An Essay upon Publick Credit, 2� �d., London, 1710, p. 8.)
[18] � L'argent est devenu le bourreau de toutes choses. � - � La finance est l'alambic qui a fait �vaporer une quantit� effroyable de biens et de denr�es pour faire ce fatal pr�cis. - L'argent d�clare la guerre � tout le genre humain. " (Boisguillebert, Dissertation sur la nature des richesses, de l'argent et des tributs, �dit. Daire; Economistes financiers, Paris, 1843, p. 413, 417, 419.)
[19] � Le lundi de la Pentec�te 1824, raconte M. Kraig � la Commission d'enqu�te parlementaire de 1826, il y eut une demande si consid�rable de billets de banque � Edimbourg, qu'� 11 heures du matin nous n'en avions plus un seul dans notre portefeuille. Nous en envoy�mes chercher dans toutes les banques, les unes apr�s les autres, sans pouvoir en obtenir, et beaucoup d'atfaires ne purent �tre conclues que sur des morceaux de papier. A 3 heures de l'apr�s-midi, cependant, tous les billets �taient de retour aux banques d'o� ils �taient partis; ils n'avaient fait que changer de mains. � Bien que la circulation effective moyenne des billets de banque en Ecosse n'atteigne pas trois millions de livres sterling, il arrive cependant qu'� certains termes de payement dans l'ann�e, tous les billets qui se trouvent entre les mains des banquiers, � peu pr�s sept millions de livres sterling, sont appel�s � l'activit�. � Dans les circonstances de ce genre, les billets n'ont qu'une seule fonction � remplir, et d�s qu'ils s'en sont acquitt�s, ils reviennent aux diff�rentes banques qui les ont �mis. � (John Fullarton, Regulation of Currencies, 2� �d., London, 1845, p. 86, note.) Pour faire comprendre ce qui pr�c�de il est bon d'ajouter qu'au temps de Fullarton les banques d'�cosse donnaient contre les d�p�ts, non des ch�ques, mais des billets.
[20] � Dans un cas o� il faudrait quarante millions par an, les m�mes six millions (en or) pourraient-ils suffire aux circulations et aux �volutions commerciales ? � � Oui r�pond Petty avec sa sup�riorit� habituelle. Si les �volutions se font dans des cercles rapproch�s, chaque semaine par exemple, comme cela a lieu pour les pauvres ouvriers et artisans qui re�oivent et payent tous les samedis, alors 40/52 de un million en monnaie, permettront d'atteindre le but. Si les cercles d'�volution sont trimestriels, suivant notre coutume de payer la rente ou de percevoir l'imp�t, dix millions seront n�cessaires. Donc si nous supposons que les payements en g�n�ral s'effectuent entre une semaine et trois, il faudra alors ajouter dix millions � 40/52, dont la moiti� est cinq millions et demi de sorte que si nous avons cinq millions et demi, nous avons assez. � (William Petty, Political anatomy of Ireland, 1672, �dit., London, 1691, p. 13, 14.)
[21] C'est ce qui d�montre l'absurdit� de toute l�gislation qui prescrit aux banques nationales de ne tenir en r�serve que le m�tal pr�cieux qui fonctionne comme monnaie dans l'int�rieur du pays. Les difficult�s que s'est ainsi cr��es volontairement la banque d'Angleterre, par exemple, sont connues. Dans le Bank-act de 1844, Sir Robert Peel chercha � rem�dier aux inconv�nients, en permettant � la banque d'�mettre des billets sur des lingots d'argent, � la condition cependant que la r�serve d'argent ne d�passerait jamais d'un quart la r�serve d'or. Dans ces circonstances, la valeur de l'argent est estim�e chaque fois d'apr�s son prix en or sur le march� de Londres. - Sur les grandes �poques historiques du changement de la valeur relative de l'or et de l'argent, V. Karl Marx, l. c., p. 136 et suiv.
[22] Les adversaires du syst�me mercantile, d'apr�s lequel le but du commerce international n'est pas autre chose que le solde en or ou en argent de l'exc�dent d'une balance de commerce sur l'autre, m�connaissaient compl�tement de leur c�t� la fonction de la monnaie universelle. La fausse interpr�tation du mouvement international des m�taux pr�cieux, n'est que le reflet de la fausse interpr�tation des lois qui r�glent la masse des moyens de la circulation int�rieure, ainsi que je l'ai montr� par l'exemple de Ricardo (l. c., p. 150). Son dogme erron� : � Une balance de commerce d�favorable ne provient jamais que de la surabondance de la monnaie courante... � � l'exportation de la monnaie est caus�e par son bas prix, et n'est point l'effet, mais la cause d'une balance d�favorable � se trouve d�i� chez Barbon : � La balance du commerce, s'il y en a une, n'est point la cause de l'exportation de la monnaie d'une nation ci l'�tranger,, mais elle provient de la diff�rence de valeur de l'or ou de l'argent en lingots dans chaque pays. � (N. Barbon, l. c., p. 59, 60.) Mac Culloch, dans sa Literature of Political Economy, a classified catalogue, London, 1845, loue Barbon pour cette anticipation, mais �vite avec soin de dire un seul mot des formes na�ves sous lesquelles se montrent encore chez ce dernier les suppositions absurdes du � currency principle �. L'absence de critique et m�me la d�loyaut� de ce catalogue �clatent surtout dans la partie qui traite de l'histoire de la th�orie de l'argent. La raison en est que le sycophante Mac Culloch fait ici sa cour � Lord Overstone (l'ex-banquier Loyd), qu'il d�signe sous le nom de � facile princeps argentariorum �.
[23] Par exemple, la forme-monnaie de la valeur peut �tre de rigueur dans les cas de subsides, d'emprunts contract�s pour faire la guerre ou mettre une banque � m�me de reprendre le payement de ses billets, etc.
[24] � Il n'est pas, selon moi, de preuve plus convaincante de l'aptitude des fonds de r�serve � mener � bon terme toutes les affaires internationales, sans aucun recours � la circulation g�n�rale, que la facilit� avec laquelle la France, � peine revenue du choc d'une invasion �trang�re, compl�ta dans l'espace de vingt-sept mois le payement d'une contribution forc�e de pr�s de vingt millions de livres exig�s par les Puissances alli�es, et en fournit la plus grande partie en esp�ces, sans le moindre d�rangement dans son commerce int�rieur et m�me sans fluctuations alarmantes dans ses �changes. � (Fullarton, l. c., p. 141.)
[25] � L'argent se partage entre les nations relativement au besoin qu'elles en ont... �tant toujours attir� par les productions. � (Le Trosne, l. c., p. 916.) � Les mines qui fournissent continuellement de l'argent et de l'or en fournissent assez pour subvenir aux besoins de tous les pays. � (Vanderlint, l. c., p. 80.)
[26] � Le change subit chaque semaine des alternations de hausse et de baisse; il se tourne � certaines �poques de l'ann�e contre un pays et se tourne en sa faveur � d'autres �poques. � (N. Barbon, l. c., p. 39).
[27] Ces diverses fonctions peuvent entrer en un conflit dangereux, d�s qu'il s'y joint la fonction d'un fonds de conversion pour les billets de banque.
[28] � Tout ce qui, en fait de monnaie, d�passe le strict n�cessaire pour un commerce int�rieur, est un capital mort et ne porte aucun profit au pays dans lequel il est retenu. � (John Bellers, l. c., p.� 12.) - � Si nous avons trop de monnaie, que faire ? Il faut fondre celle qui a le plus de poids et la transformer en vaisselle splendide, en vases ou ustensiles d'or et d'argent, ou l'exporter comme une marchandise l� o� on la d�sire, ou la placer � int�r�t l� o� l'int�r�t est �lev�. � (W. Petty, Quantulumeumque, p. 39.) - � La monnaie n'est, pour ainsi dire, que la graisse du corps politique; trop nuit � son agilit�, trop peu le rend malade... de m�me que la graisse lubrifie les muscles et favorise leurs mouvements, entretient le corps quand la nourriture fait d�faut, remplit les cavit�s et donne un aspect de beaut� � tout l'ensemble; de m�me la monnaie, dans un Etat acc�l�re son action, le fait vivre du dehors dans un temps de disette au-dedans, r�gle les comptes... et embellit le tout, mais plus sp�cialement, ajoute Petty avec ironie, les particuliers qui la poss�dent en abondance. � (W. Petty, Political anatomy of Ireland, p. 14.)
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