1867 |
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Le Capital - Livre premier
Le développement de la production capitaliste
IV� section : la production de la plus-value relative
Nous avons vu comment l'exploitation m�canique supprime la coop�ration fond�e sur le m�tier et la manufacture bas�e sur la division du travail manuel. La machine � faucher nous fournit un exemple du premier mode de suppression. Elle remplace la coop�ration d'un certain nombre de faucheurs. La machine � fabriquer les �pingles nous fournit un exemple frappant du second. D'apr�s Adam Smith, dix hommes fabriquaient de son temps, au moyen de la division du travail, plus de quarante-huit mille �pingles par jour. Une seule machine en fournit aujourd'hui cent quarante-cinq mille dans une journ�e de travail de onze heures. Il suffit d'une femme ou d'une jeune fille pour surveiller quatre machines semblables et pour produire environ six cent mille �pingles par jour et plus de trois millions par semaine [1].
Quand une machine-outil isol�e prend la place de la coop�ra�tion ou de la manufacture, elle peut elle-m�me devenir la base d'un nouveau m�tier. Cependant cette reproduction du m�tier d'un artisan sur la base de machines ne sert que de transition au r�gime de fabrique, qui appara�t d'ordinaire d�s que l'eau ou la vapeur remplacent les muscles humains comme force motrice. �� et l� la petite industrie peut fonctionner transitoirement avec un moteur m�canique, en louant la vapeur, comme dans quelques manufactures de Birmingham, ou en se servant de petites machines caloriques, comme dans certaines branches du tissage, etc [2].
A Coventry, l'essai des Cottage-Factories (fabriques dans des cottages) se d�veloppa d'une mani�re spontan�e pour le tissage de la soie. Au milieu de rang�es de cottages b�tis en carr�, on construisit un local dit Engine-House (maison-machine) pour l'engin � vapeur, mis en communication par des arbres avec les m�tiers � tisser des cottages. Dans tous les cas, la vapeur �tait lou�e, par exemple, � deux shillings et demi par m�tier. Ce loyer �tait payable par semaine, que les m�tiers fonctionnassent ou non. Chaque cottage contenait de deux � six m�tiers, appartenant aux travailleurs, achet�s � cr�dit ou lou�s. La lutte entre la fabrique de ce genre et la fabrique proprement dite dura plus de douze ans; elle se termina par la ruine compl�te des trois cents Cottage-Factories [3].
Quand le proc�s de travail n'exigeait pas par sa nature m�me la production sur une grande �chelle, les industries �closes dans les trente derni�res ann�es, telles que, par exemple, celles des enveloppes, des plumes d'acier, etc., passaient r�guli�rement, d'abord par l'�tat de m�tier, puis par la manufacture, comme phases de transition rapide, pour arriver finalement au r�gime de fabrique. Cette m�tamorphose rencontre les plus grandes difficult�s, lorsque le produit manufacturier, au lieu de parcourir une s�rie d'op�rations gradu�es, r�sulte d'une multitude d'op�rations disparates. Tel est l'obstacle qu'eut � vaincre la fabrication des plumes d'acier. On a invent� n�anmoins, il y a environ une vingtaine d'ann�es, un automate ex�cutant d'un seul coup six de ces op�rations.
En 1820, les premi�res douzaines de plumes d'acier furent fournies par le m�tier au prix de sept livres sterling quatre shillings; en 1830, la manufacture les livra pour huit shillings, et la fabrique les livre aujourd'hui au commerce en gros au prix de deux � six pence [4].
A mesure que la grande industrie se d�veloppe et am�ne dans l'agriculture une r�volution correspondante, on voit non seulement l'�chelle de la production s'�tendre dans toutes les autres branches d'industrie, mais encore leur caract�re se transformer Le principe du syst�me m�canique qui consiste � analyser le proc�s de production dans ses phases constituantes et � r�soudre les probl�mes ainsi �clos au moyen de la m�canique, de la chimie, etc., en un mot, des sciences naturelles, finit par s'imposer partout. Le machinisme s'empare donc tant�t de tel proc�d�, tant�t de tel autre dans les anciennes manufactures o� son intrusion entra�ne des changements continuels et agit comme un dissolvant de leur organisation due � une division de travail presque cristallis�e. La composition du travailleur collectif ou du personnel de travail combin� est aussi boulevers�e de fond en comble. En contraste avec la p�riode manufacturi�re, le plan de la division de travail se base d�s lors sur l'emploi du travail des femmes, des enfants de tout �ge, des ouvriers inhabiles, bref, du cheap labour ou du travail � bon march�, comme disent les Anglais. Et ceci ne s'applique pas seulement � la production combin�e sur une grande �chelle, qu'elle emploie ou non des machines, mais encore � la soi-disant industrie � domicile, qu'elle se pratique dans la demeure priv�e des ouvriers ou dans de petits ateliers. Cette pr�tendue industrie domestique n'a rien de commun que le nom avec l'ancienne industrie domestique qui suppose le m�tier ind�pendant dans les villes, la petite agriculture ind�pendante dans les campagnes, et, par-dessus tout, un foyer appartenant � la famille ouvri�re. Elle s'est convertie maintenant en d�partement externe de la fabrique, de la manufacture ou du magasin de marchandises. Outre les ouvriers de fabrique, les ouvriers manufacturiers et les artisans qu'il concentre par grandes masses dans de vastes ateliers, o� il les commande directement, le capital poss�de une autre arm�e industrielle, diss�min�e dans les grandes villes et dans les campagnes, qu'il dirige au moyen de fils invisibles; exemple : la fabrique de chemises de MM. Tillie, � Londonderry, en Irlande, laquelle occupe mille ouvriers de fabrique proprement dits et neuf mille ouvriers � domicile diss�min�s dans la campagne [5].
L'exploitation de travailleurs non parvenus � maturit�, ou simplement � bon march�, se pratique avec plus de cynisme dans manufacture moderne que dans la fabrique proprement dite, parce que la base technique de celle-ci, le remplacement de la force musculaire par des machines, fait en grande partie d�faut dans celle-l�. Ajoutons que les organes de la femme ou de l'enfant y sont expos�s sans le moindre scrupule � l'action pernicieuse de substances d�l�t�res, etc. Dans l'industrie � domicile, cette exploitation devient plus scandaleuse encore que dans la manufacture, parce que la facult� de r�sistance des travailleurs diminue raison de leur dispersion, et que toute une bande de ces parasites se faufile entre l'entrepreneur et l'ouvrier.
Ce n’est pas tout : le travail � domicile lutte partout dans sa propre branche d'industrie avec les machines ou du moins avec la manufacture; l'ouvrier trop pauvre ne peut s'y procurer les conditions les plus n�cessaires de son travail, telles que l'espace, l’air, la lumi�re, etc., et, enfin, c'est l�, dans ce dernier refuge des victimes de la grande industrie et de la grande agriculture que la concurrence entre travailleurs atteint n�cessairement son maximum.
On a vu que l'industrie m�canique d�veloppe et organise pour la premi�re fois d'une mani�re syst�matique l'�conomie des moyens de production, mais dans le r�gime capitaliste cette �conomie rev�t un caract�re double et antagonique. Pour atteindre un effet utile avec le minimum de d�pense, on a recours au machinisme et aux combinaisons sociales de travail qu'il fait �clore. De l'autre c�t� d�s l'origine des fabriques, l'�conomie des frais se fait simultan�ment par la dilapidation la plus effr�n�e de la force de travail, et la l�sinerie la plus �hont�e sur les conditions normales de son fonctionnement. Aujourd'hui, moins est d�velopp�e la base technique de la grande industrie dans une sph�re d'exploitation capitaliste, plus y est d�velopp� ce c�t� n�gatif et homicide de l'�conomie des frais.
Nous allons maintenant �claircir par quelques exemples les propositions qui pr�c�dent, dont le lecteur a, du reste, d�j� trouv� de nombreuses preuves dans le chapitre sur la journ�e de travail.
Les manufactures de m�tal � Birmingham et aux environs emploient, pour un travail presque toujours tr�s rude, trente mille enfants et adolescents, avec environ dix mille femmes. Ce personnel se trouve dans des fonderies en cuivre, des manufactures de boutons, des ateliers de vernissage, d'�maillure et autres tout aussi insalubres [6]. L'exc�s de travail des adultes et des adolescents dans quelques imprimeries de Londres pour livres et journaux a valu � ces �tablissements le nom glorieux d'abattoirs [7]. Dans les ateliers de reliure, on rencontre les m�mes exc�s et les m�mes victimes, surtout parmi les jeunes filles et les enfants. Le travail est �galement dur pour les adolescents dans les corderies; les salines, les manufactures de bougies et d'autres produits chimiques font travailler la nuit, et le tissage de la soie sans l'aide des machines est une besogne meurtri�re pour les jeunes gar�ons employ�s � tourner les m�tiers [8]. Un des travaux les plus sales, les plus inf�mes et les moins pay�s, dont on charge de pr�f�rence des femmes et des jeunes filles, c'est le d�lissage des chiffons. On sait que la Grande-Bretagne, ind�pendamment de la masse innombrable de ses propres guenilles, est l'entrep�t du commerce des haillons pour le monde entier. Ils y arrivent du Japon, des �tats les plus �loign�s de l'Am�rique du Sud et des Canaries. Mais les sources principales d'approvisionnement sont l'Allemagne, la France, la Russie, l'Italie, l'�gypte, la Turquie, la Belgique et la Hollande. Ils servent aux engrais, � la fabrication de bourre pour les matelas, et comme mati�re premi�re du papier. Les d�lisseuses de chiffons servent de mediums pour colporter la petite v�role et d'autres pestes contagieuses dont elles sont les premi�res victimes [9].
A c�t� de l'exploitation des mines et des houilles, l'Angleterre fournit un autre exemple classique d'un travail excessif, p�nible et toujours accompagn� de traitements brutaux � l'�gard des ouvriers qui y sont enr�l�s d�s leur plus tendre enfance, la fabrication des tuiles ou des briques, o� l'on n'emploie gu�re les machines nouvellement invent�es. De mai � septembre, le travail dure de 5 heures du matin � 8 heures du soir, et quand le s�chage a lieu en plein air, de 4 heures du matin � 9 heures du soir. La journ�e de travail de 5 heures du matin � 7 heures du soir passe pour une journ�e � r�duite �, � mod�r�e �. Des enfants des deux sexes sont embauch�s � partir de l'�ge de six et m�me de quatre ans. Ils travaillent le m�me nombre d'heures que les adultes, et souvent davantage. La besogne est p�nible et la chaleur du soleil augmente encore leur �puisement. A Mosley, par exemple, dans une tuilerie, une fille de vingt-quatre ans faisait deux mille tuiles par jour, n'ayant pour l'aider que deux autres filles, � peine sorties de l'enfance, qui portaient la terre glaise et empilaient les carreaux. Ces jeunes filles tra�naient par jour dix tonnes sur les parois glissantes de la fosse, d'une profondeur de cinquante pieds � une distance de deux cent dix.
� Il est impossible, pour des enfants, de passer par ce purgatoire sans tomber dans une grande d�gradation morale... Le langage ignoble qu'ils entendent d�s l'�ge le plus tendre, les habitudes d�go�tantes, obsc�nes et d�vergond�es au milieu desquelles ils grandissent et s'abrutissent sans le savoir, les rendent pour le reste de leur vie dissolus, abjects, libertins... Une source terrible de d�moralisation, c'est surtout le mode d'habitation. Chaque moulder (c'est-�-dire l'ouvrier exp�riment� et chef d'un groupe de briquetiers) fournit � sa troupe de sept personnes le logement et la table dans sa cabane. Qu'ils appartiennent ou non � sa famille, hommes, gar�ons, filles dorment dans ce taudis, compos� ordinairement de deux chambres, de trois au plus, le tout au rez-de-chauss�e et avec peu d'ouvertures. Les corps sont si �puis�s par leur grande transpiration pendant le jour, que toute pr�caution pour la sant� y est compl�tement n�glig�e, aussi bien que la propret� et la d�cence. Un grand nombre de ces bicoques sont de vrais mod�les de d�sordre et de salet�... Le pire c�t� de ce syst�me, c'est que les jeunes filles qu'il emploie � ce genre de travail sont d�s leur enfance et pour toute leur vie associ�es � la canaille la plus abjecte. Elles deviennent de vrais gamins grossiers et mal embouch�s (rough, foulmouthed boys), avant que la nature leur ait appris qu'elles sont femmes. V�tues de quelques sales haillons, les jambes nues jusqu'au-dessus du genou, le visage et les cheveux couverts de boue, elles en arrivent � rejeter avec d�dain tout sentiment de modestie et de pudeur. Pendant les repas, elles restent �tendues de leur long sur le sol ou regardent les gar�ons qui se baignent dans un canal voisin. Leur rude labeur de la journ�e une fois termin�, elles s'habillent plus proprement et accompagnent les hommes dans les cabarets. Quoi d’�tonnant que l'ivrognerie r�gne au plus haut degr� dans ce milieu ? Le pis, c'est que les briquetiers d�sesp�rent d'eux-m�mes. Vous feriez tout aussi bien, disait un des meilleurs d’entre eux au chapelain de Southallfields, de tenter de relever et d'am�liorer le diable qu'un briquetier (You might as well try raise and improve the devil as a brickle, sir.) [10]. �
On trouve dans le � IV� Rapport sur la sant� publique � (1861) et dans le VI� (1864) les renseignements officiels les plus d�taill�s, sur la mani�re dont le capital �conomise les conditions du travail dans la manufacture moderne, laquelle comprend, except� les fabriques proprement dites, tous les ateliers �tablis sur une grande �chelle. La description des ateliers, surtout de ceux des imprimeurs et des tailleurs de Londres, d�passe de beaucoup tout ce que les romanciers ont pu imaginer de plus r�voltant. Leur influence sur la sant� des ouvriers se comprend d'elle-m�me. Le docteur Simon, l'employ� m�dical sup�rieur du Privy Council, et l'�diteur officiel des � Rapports sur la sant� publique �, dit :
� J'ai montr� dans mon quatri�me rapport (1863) comment il est pratiquement impossible aux travailleurs de faire valoir ce qu'on peut appeler leur droit � la sant�, c'est-�-dire d'obtenir que, quel que soit l'ouvrage pour lequel on les rassemble, l'entrepreneur d�barrasse leur travail, autant que cela est en lui, de toutes les conditions insalubres qui peuvent �tre �vit�es. J'ai d�montr� que les travailleurs, pratiquement incapables de se procurer par eux-m�mes cette justice sanitaire, n'ont aucune aide efficace � attendre des administrateurs de la police sanitaire... La vie de myriades d'ouvriers et d'ouvri�res est aujourd'hui inutilement tortur�e et abr�g�e par les souffrances physiques interminables qu'engendre seul leur mode d'occupation [11]. �
Pour d�montrer ad oculos l'influence qu'exerce l'atelier sur la sant� des ouvriers, le docteur Simon pr�sente la liste de mortalit� qui suit .
Nombre de personnes de tout �ge employ�es dans les industries ci-contre |
Industries compar�es sous le rapport de la sant� |
Chiffre de mortalit� sur 100 000 hommes dans ces industries |
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|
de 25 � 35 ans |
de 35 � 45 ans |
de 45 � 55 ans |
|
958 265 |
Agriculture en Angleterre et le comt� de Galles |
743 |
805 |
1 145 |
22 301 hom. |
Tailleurs de Londres |
958 |
1262 |
2093 |
13 803 |
Imprimeurs de Londres |
894 |
1747 |
2367 [12] |
Examinons maintenant le pr�tendu travail � domicile. Pour se faire une id�e de cette sph�re d'exploitation capitaliste qui forme l'arri�re-train de la grande industrie, il suffit de jeter un coup d'oeil sur un genre de travail presque idyllique en apparence, celui de la clouterie, tel qu'il se pratique en Angleterre, dans quelques villages recul�s [13]. Les exemples que nous allons citer sont emprunt�s � ces branches de la fabrication de la dentelle et de la paille tress�e o� l'on n'emploie pas encore les machines, ou bien qui sont en concurrence avec des fabriques m�caniques et des manufactures.
Des cent cinquante mille personnes qu'occupe en Angleterre la production des dentelles, dix mille environ sont soumises � l'acte de fabrique de 1861. L'immense majorit� des cent quarante mille qui restent se compose de femmes, d'adolescents et d'enfants des deux sexes, bien que le sexe masculin n'y soit que faiblement repr�sent�. L'�tat de sant� de ce mat�riel d'exploitation � bon march� est d�peint dans le tableau suivant du docteur Trueman, m�decin du dispensaire g�n�ral de Nottingham. Sur six cent quatre-vingt-six dentelli�res, �g�es pour la plupart de dix-sept � vingt-quatre ans, le nombre des phtisiques �tait :
1852 : 1 sur 45 |
1855 : 1 sur 18 |
1858 : 1 sur 15 |
1861 : 1 sur 8 [14] |
1853 : 1 sur 28 |
1856 : 1 sur 15 |
1859 : 1 sur 9 |
|
1854 : 1 sur 17 |
1857 : 1 sur 13 |
1860 : 1 sur 8 |
Ce progr�s dans la marche de la phtisie doit satisfaire le progressiste le plus optimiste et le plus effront� commis-voyageur du libre-�change.
La loi de fabrique de 1861 r�gle la fabrication des dentelles, en tant qu'elle s'effectue au moyen des machines. Les branches de cette industrie que nous allons examiner bri�vement, et seulement par rapport aux soi-disant ouvriers � domicile, se r�duisent � deux sections. L'une comprend ce qu'on nomme le lace finishing (c'est-�-dire la derni�re manipulation des dentelles fabriqu�es � la m�canique, et cette cat�gorie contient elle-m�me des sous-divisions nombreuses); l'autre le tricotage des dentelles.
Le lace finishing est ex�cut� comme travail � domicile, soit dans ce qu'on nomme des � mistresses houses � (maisons de patronnes), soit par des femmes, seules ou aid�es de leurs enfants, dans leurs chambres. Les femmes qui tiennent les � mistresses houses � sont pauvres. Le local de travail constitue une partie de leur habitation. Elles re�oivent des commandes des fabricants, des propri�taires de magasins, etc., et emploient des femmes, des enfants, des jeunes filles, suivant la dimension de leurs logements et les fluctuations de la demande dans leur partie. Le nombre des ouvri�res occup�es varie de vingt � quarante dans quelques-uns de ces ateliers, de dix � vingt dans les autres. Les enfants commencent en moyenne vers six ans, quelques-uns m�me au-dessous de cinq. Le temps de travail ordinaire dure de 8 heures du matin � 8 heures du soir, avec une heure et demie pour les repas qui sont pris irr�guli�rement et souvent m�me dans le taudis infect de l'atelier. Quand les affaires vont bien le travail dure souvent de 8 heures, quelquefois de 6 heures du matin jusqu'� 10, 11 heures du soir et minuit.
Dans les casernes anglaises, l'espace prescrit pour chaque soldat comporte de cinq cents � six cents pieds cubes, dans les lazarets militaires : deux cents. Dans ces affreux taudis il revient � chaque personne de soixante-sept � cent pieds cubes. L'oxyg�ne de l'air y est en outre d�vor� par le gaz. Pour tenir les dentelles propres, les enfants doivent souvent �ter leurs souliers, m�me en hiver, quoique le plancher soit carrel� de dalles ou de briques.
� Il n'est pas rare de voir � Nottingham quinze ou vingt enfants empil�s comme des harengs dans une petite chambre qui n'a pas plus de douze pieds carr�s, occup�s quinze heures sur vingt-quatre � un travail d'une monotonie �crasante et au milieu de toutes les conditions funestes � la sant�... M�me les plus jeunes d'entre eux travaillent avec une attention soutenue et une c�l�rit� qui �tonnent, ne permettant jamais � leurs doigts d'aller moins vite ou de se reposer. Si on leur adresse des questions, ils ne l�vent pas les yeux de leur travail, de crainte de perdre un seul instant. �
Les patronnes ne d�daignent pas d'employer � un grand b�ton � pour entretenir l'activit�, suivant que le temps de travail est plus ou moins prolong�.
� Les enfants se fatiguent peu � peu et deviennent d'une agitation f�brile et perp�tuelle vers la fin de leur long assujettissement � une occupation toujours la m�me qui fatigue la vue et �puise le corps par l'uniformit� de position qu'elle exige. C'est en fait un travail d'esclave (Their work like slavery) [15]. �
L� o� les femmes travaillent chez elles avec leurs enfants, c'est-�-dire dans une chambre lou�e, fr�quemment dans une mansarde, la situation est encore pire, si c'est possible. Ce genre de travail se pratique dans un cercle de quatre-vingts milles aux environs de Nottingham. Quand l'enfant occup� dans un magasin le quitte vers 9 ou 10 heures du soir, on lui donne souvent un trousseau � terminer chez lui. � C'est pour la maman �, dit en se servant de la phrase consacr�e, le valet salari� qui repr�sente le pharisien capitaliste; mais il sait fort bien que le pauvre enfant devra veiller et faire sa part de l'ouvrage [16].
Le tricotage des dentelles se pratique principalement dans deux districts agricoles anglais, le district de Honiton, sur vingt � trente milles le long de la c�te sud du Devonshire, y compris quelques localit�s du Nord Devon, et dans un autre district qui embrasse une grande partie des comt�s de Buckingham, Bedford, Northampton et les parties voisines de Oxfordshire et Humingdonshire. Le travail se fait g�n�ralement dans les cottages de journaliers agricoles. Quelques manufacturiers emploient plus de trois mille de ces ouvriers � domicile, presque tous enfants ou adolescents, du sexe f�minin sans exception. L'�tat de choses d�crit � propos du lace finishing se reproduit ici, avec cette seule diff�rence que les maisons des patronnes sont remplac�es par de soi-disant �coles de tricot (lace schools), tenues par de pauvres femmes dans leurs chaumi�res. A partir de leur cinqui�me ann�e, quelquefois plus t�t, jusqu'� douze ou quinze ans, les enfants travaillent dans ces �coles; les plus jeunes dans la premi�re ann�e triment de 4 � 8 heures, et plus tard de 6 heures du matin jusqu'� 8 et 10 heures du soir. Les chambres sont en g�n�ral telles qu'on les trouve ordinairement dans les petits cottages; la chemin�e est bouch�e pour emp�cher tout courant d'air et ceux qui les occupent n'ont souvent pour se r�chauffer, m�me en hiver, que leur propre chaleur animale. Dans d'autres cas ces pr�tendues �coles ressemblent � des offices, sans foyer ni po�le. L'encombrement de ces esp�ces de trous en empeste l'air. Ajoutons � cela l'influence d�l�t�re de rigoles, de cloaques, de mati�res en putr�faction et d'autres immondices qui se trouvent ordinairement aux abords des petits Cottages.
� Pour ce qui est de l'espace, j'ai vu, dit un inspecteur, dans une de ces �coles, dix-huit jeunes filles avec la ma�tresse; trente-cinq pieds cubes pour chaque personne; dans une autre o� la puanteur �tait insupportable, dix-huit personnes �taient rassembl�es; vingt-quatre pieds cubes et demi par t�te. On trouve dans cette industrie des enfants employ�s � partir de deux ans et deux ans et demi [17]. �
Dans les comt�s de Buckingham et de Bedford l� o� cesse le tricotage des dentelles, commence le tressage de la paille. Cette industrie s'�tend sur une grande partie de Hertfordshire et sur les parties ouest et nord de Essex. En 1861, avec la confection des chapeaux de paille, elle occupait quarante mille quarante-trois personnes. Sur ce nombre il y en avait trois mille huit cent quinze du sexe masculin � tout degr� d'�ge, et le reste, tout du sexe f�minin, comprenait quatorze mille neuf cent treize jeunes filles au-dessous de vingt ans, dont sept mille enfants environ. Au lieu d'�coles de tricot, nous avons affaire ici � des � straw plait schools � ou �coles de tressage de la paille. Les enfants commencent leur apprentissage � partir de leur quatri�me ann�e et quelquefois plus t�t. Ils ne re�oivent naturellement aucune instruction. Ils appellent eux-m�mes les �coles �l�mentaires � natural schools � (�coles naturelles), pour les distinguer de ces institutions vampires o� ils sont retenus au travail pour ex�cuter tout simplement l'ouvrage, ordinairement de deux mille sept cent quatre-vingt-deux m�tres par jour, qui leur est prescrit par leurs m�res presque ext�nu�es de faim. Ensuite ces m�res les font souvent encore travailler chez elles jusqu'� 10 et 11 heures du soir et m�me jusqu'� minuit. La paille leur coupe les doigts et les l�vres avec lesquelles ils l'humectent constamment. D'apr�s l'opinion g�n�rale des m�decins de Londres consult�s � cet effet, r�sum�e par le docteur Ballard, il faut au moins trois cents pieds cubes pour chaque personne dans une chambre � coucher ou dans une chambre de travail. Dans ces �coles de tressage l'espace est mesur� plus parcimonieusement encore que dans les �coles de tricot; il y revient par t�te douze deux tiers, dix-sept, dix-huit et demi et rarement vingt-deux pieds cubes. � Les plus petits de ces nombres, dit le commissaire White, repr�sentent moins d'espace que la moiti� de celui qu'occuperait un enfant empaquet� dans une bo�te de trois pieds sur toutes les dimensions. � Telle est la vie dont jouissent les enfants jusqu'� leur douzi�me ou quatorzi�me ann�e. Leurs parents affam�s et abrutis par la mis�re ne songent qu'� les pressurer. Aussi une fois grands les enfants se moquent d'eux et les abandonnent.
� Rien d'�tonnant que l'ignorance et le vice surabondent dans une population �lev�e sous une telle discipline... La moralit� y est au plus bas... Un grand nombre de femmes ont des enfants ill�gitimes et quelquefois si pr�matur�ment que m�me les familiers de la statistique criminelle s'en �pouvantent [18]. �
Et la patrie de ces familles mod�les, est l'Angleterre, le pays chr�tien mod�le de l'Europe, comme dit le comte Montalembert, grande autorit� en pareille mati�re. Le salaire, g�n�ralement pitoyable dans ces branches d'industrie (car les enfants qui tressent la paille obtiennent au plus et exceptionnellement trois shillings par semaine), est encore abaiss� de beaucoup au-dessous de son montant nominal au moyen d'un syst�me r�pandu surtout dans les districts dentelliers, le syst�me du troc ou du payement en marchandises [19].
La d�pr�ciation de la force de travail par le seul emploi abusif de femmes et d'enfants, par la brutale spoliation des conditions normales de vie et d'activit�, par le simple effet de l'exc�s de travail et du travail nocturne, se heurte � la fin contre des obstacles physiologiques infranchissables. L� s'arr�tent aussi par cons�quent la r�duction du prix des marchandises obtenue par ces proc�d�s et l'exploitation capitaliste fond�e sur eux. Pour atteindre ce point il faut de longues ann�es; alors sonne l'heure des machines et de la transformation d�sormais rapide du travail domestique et de la manufacture en fabrique.
La production des articles d'habillement (Wearing Apparel), nous fournit l'exemple le plus �tonnant de cette transformation. D'apr�s la classification de la Commission royale, charg�e de l'enqu�te sur l'emploi des femmes et des enfants, cette industrie comprend des faiseurs de chapeaux de paille, de chapeaux de dames, de capuchons, de chemises, des tailleurs, des modistes, des couturi�res, des gantiers, des corseti�res, des cordonniers et une foule de petites branches accessoires comme la fabrication des cravates, des faux cols, etc. Le nombre de femmes employ�es dans cette industrie en Angleterre et dans le comt� de Galles, s'�levait en 1861 � cinq cent quatre-vingt-six mille deux cent quatre-vingt-dix-huit, dont cent quinze mille deux cent quarante deux au moins au-dessous de vingt ans et seize mille six cent cinquante au-dessous de quinze. Dans la m�me ann�e, ce genre d'ouvri�res formait dans le Royaume-Uni un total de sept cent cinquante mille trois cent trente-quatre personnes. Le nombre des ouvriers m�les occup�s en m�me temps en Galles et en Angleterre � la fabrication des chapeaux, des gants, des chaussures et � la confection des v�tements �tait de quatre cent trente-sept mille neuf cent soixante-neuf, dont quatorze mille neuf cent soixante-quatre au-dessous de quinze ans, quatre-vingt-neuf mille deux cent quatre-vingt-cinq �g�s de quinze � vingt ans et trois cent trente-trois mille cent dix-sept au-dessus de vingt. Beaucoup de petites industries du m�me genre ne sont pas comprises dans ces donn�es. Mais en prenant les chiffres tels quels, on obtient, d'apr�s le recensement de 1861, pour l'Angleterre et le pays de Galles seuls une somme de un million vingt-quatre mille deux cent soixante-dix-sept personnes, c'est-�-dire environ autant qu'en absorbent l'agriculture et l'�l�ve du b�tail. On commence � comprendre � quoi servent les �normes masses de produits fournis par la magie des machines, et les �normes masses de travailleurs qu'elles rendent disponibles.
La production des articles d'habillement est exploit�e par des manufactures, qui dans leur int�rieur ne font que reproduire la division du travail dont elles ont trouv� tout pr�ts les membres �pars, par des artisans petits patrons qui travaillent non plus comme auparavant pour des consommateurs individuels, mais pour des manufactures et des magasins, si bien que des villes enti�res et des arrondissements entiers exercent comme sp�cialit� certaines branches, telles que la cordonnerie, etc., et enfin sur la plus grande �chelle par des travailleurs dits � domicile, qui forment comme le d�partement externe des manufactures, des magasins et m�me des petits ateliers [20].
La masse des �l�ments de travail, des mati�res premi�res, des produits � demi fa�onn�s est fournie par la fabrique m�canique, et ce sont les ouvriers d�plac�s par elle et par la grande agriculture qui fournissent le mat�riel humain � bon march�, taillable � merci et mis�ricorde. Les manufactures de ce genre durent leur origine principalement au besoin des capitalistes, d'avoir sous la main une arm�e proportionn�e � chaque fluctuation de la demande et toujours mobilis�e [21]. A c�t� d'elles se maintient cependant comme base le m�tier et le travail � domicile.
La grande production de plus-value dans ces branches d'industrie et le bon march� de leurs articles provenaient et proviennent presque exclusivement du minimum de salaire qu'elles accordent, suffisant � peine pour faire v�g�ter, joint au maximum de temps de travail que l'homme puisse endurer. C'est en effet pr�cis�ment le bon march� de la sueur humaine et du sang humain transform�s en marchandises qui �largissait le d�bouch� et l'�largit chaque jour encore. C'est ce m�me avilissement de prix qui, pour l'Angleterre surtout, �tendit le march� colonial, o� d'ailleurs les habitudes et le go�t anglais pr�dominent. Vint le moment fatal o� la base fondamentale de l'ancienne m�thode, l'exploitation simpliste du mat�riel humain accompagn�e d'une division du travail plus ou moins d�velopp�e, ne put suffire plus longtemps � l'�tendue du march� et � la concurrence des capitalistes grandissant plus rapidement encore. L'heure des machines sonna, et la machine r�volutionnaire qui attaque � la fois les branches innombrables de cette sph�re de production, chapellerie, cordonnerie, couture, etc., c'est la machine � coudre.
Son effet imm�diat sur les ouvriers est � peu de chose pr�s celui de tout machinisme qui dans la p�riode de la grande industrie s'empare de nouvelles branches. Les enfants du plus bas �ge sont mis de c�t�. Le salaire des travailleurs � la machine s'�l�ve proportionnellement � celui des ouvriers � domicile, dont beaucoup appartiennent aux � plus pauvres d'entre les pauvres � (� the poorest of the poor �). Le salaire des artisans plac�s dans de meilleures conditions et auxquels la machine fait concurrence, baisse. Les travailleurs aux machines sont exclusivement des jeunes filles et des jeunes femmes. A l'aide de la puissance m�canique elles an�antissent le monopole des ouvriers m�les dans les ouvrages difficiles, et chassent des plus faciles une masse de vieilles femmes et de jeunes enfants. Quant aux manouvriers les plus faibles, la concurrence les �crase. Le nombre des victimes de la mort de faim (death from starvation) s'accro�t � Londres pendant les seize derni�res ann�es en raison du d�veloppement de la couture � la m�canique [22]. Oblig�es, suivant le poids, les dimensions et la sp�cialit� de la machine � coudre, de la mouvoir avec la main et le pied ou avec la main seule, assises ou debout, les nouvelles recrues font une �norme d�pense de force. En raison de la dur�e de leur besogne elle devient nuisible � la sant�, bien qu'elle soit ordinairement moins prolong�e que dans l'ancien syst�me. Quand la machine � coudre est introduite dans des ateliers �troits et gorg�s de monde, comme cela a lieu pour la confection des chapeaux, des corsets, des chaussures, etc., les conditions d'insalubrit� sont naturellement augment�es.
� L'impression que l'on ressent, dit le commissaire Lord, en entrant dans un pareil local, o� trente ou quarante ouvri�res travaillent ensemble, est r�ellement insupportable... La chaleur qui provient des fourneaux o� l'on chauffe les fers � repasser est � faire fr�mir... M�me dans les ateliers o� r�gne un travail dit mod�r�, c'est-�-�dire de 8 heures du matin � 6 heures du soir, trois ou quatre personnes s'�vanouissent chaque jour r�guli�rement [23]. �
La machine � coudre s'adapte indiff�remment � tous les modes sociaux d'exploitation.
Dans l'atelier de modes, par exemple, o� le travail �tait d�j� en grande partie organis�, surtout sous forme de coop�ration simple, elle ne fit d'abord qu'apporter un facteur nouveau � l'exploitation manufacturi�re. Chez les cordonniers, les tailleurs, les chemisiers et une foule d'autres industriels concourant � la confection des articles d'habillement, tant�t nous la rencontrons comme base technique de la fabrique proprement dite; tant�t des marchandeurs auxquels le capitaliste entrepreneur fournit les mati�res premi�res, entassent autour d'elle dans des chambres, des mansardes, dix � cinquante salari�s et m�me davantage; tant�t, comme cela arrive en g�n�ral quand le machinisme ne forme pas un syst�me gradu� et peut fonctionner sous un petit format, des artisans ou des ouvriers � domicile l'exploitent pour leur propre compte avec l'aide de leur famille ou de quelques compagnons [24]. En Angleterre le syst�me le plus en vogue aujourd'hui est celui-ci : le capitaliste fait ex�cuter le travail � la machine dans son atelier et en distribue les produits, pour leur �laboration ult�rieure, parmi l'arm�e des travailleurs � domicile [25].
Or, si nous voyons la machine � coudre fonctionner au milieu des combinaisons sociales les plus diverses, ce p�le-m�le de modes d'exploitation n'appartient �videmment qu'� une p�riode de transition qui laisse de plus en plus entrevoir sa tendance fatale � transformer en fabrique proprement dite les manufactures, les m�tiers et le travail � domicile o� s'est gliss� le nouvel agent m�canique.
Ce d�nouement est acc�l�r� en premier lieu par le caract�re technique de la machine � coudre dont l'applicabilit� vari�e pousse � r�unir dans le m�me atelier et sous les ordres du m�me capital des branches d'industrie jusque-l� s�par�es; de m�me quelques op�rations pr�liminaires, telles que des travaux d'aiguille, s'ex�cutent le plus convenablement au si�ge de la machine.
Une autre circonstance d�cisive est l'expropriation in�vitable des artisans et des travailleurs � domicile employant des machines � eux. C'est l'�v�nement de chaque jour. La masse toujours croissante de capitaux plac�s dans les machines � coudre, - en 1868, � Leicester, la cordonnerie seule en employait d�j� huit cents, - am�ne des exc�s de production; de l� encombrement des march�s, oscillations violentes dans les prix des articles, ch�mage - autant de causes qui forcent les travailleurs � domicile � vendre leurs machines. Les machines m�mes sont construites en telle abondance que leurs fabricants, empress�s � trouver un d�bouch�, les louent � la semaine et cr�ent ainsi une concurrence terrible aux ouvriers possesseurs de machines [26]. Ce n'est pas tout; les perfectionnements continuels et la r�duction progressive de prix d�pr�cient sans cesse les machines existantes et n'en permettent l'exploitation profitable qu'entre les mains de capitalistes qui les ach�tent en masse et � des prix d�risoires.
Enfin, comme dans toute r�volution industrielle de ce genre, le remplacement de l'homme par l'engin � vapeur donne le dernier coup. Les obstacles que l'application de la vapeur rencontre � son d�but, tels que l'�branlement des machines, leur d�t�rioration trop rapide, la difficult� de r�gler leur vitesse, etc., sont purement techniques et l'exp�rience les a bient�t �cart�s, comme l'on peut s'en convaincre dans le d�p�t d'habillements militaires � Pimlico, Londres, dans la fabrique de chemises de MM. Tillie et Henderson � Londonderry, dans la fabrique de v�tements de la maison Tait, � Limerick, o� environ douze cents personnes sont employ�es.
Si la concentration de nombreuses machines-outils dans de grandes manufactures pousse � l'emploi de la vapeur, la concurrence de celle-ci avec la force musculaire de l'homme acc�l�re de son c�t� le mouvement de concentration des ouvriers et des machines-outils dans de grandes fabriques.
C'est ainsi que l’Angleterre subit � pr�sent, dans la vaste sph�re des articles d'habillement et dans la plupart des autres industries, la transformation de la manufacture, du m�tier et du travail � domicile en r�gime de fabrique, apr�s que ces vieux modes de production, alt�r�s, d�compos�s et d�figur�s sous l'influence de la grande industrie, ont depuis longtemps reproduit et m�me exag�r� ses �normit�s sans s'approprier ses �l�ments positifs de d�veloppement [27].
La marche de cette r�volution industrielle est forc�e par l'application des lois de fabrique � toutes les industries employant des femmes, des adolescents et des enfants. La r�gularisation l�gale de la journ�e de travail, le syst�me des relais pour les enfants, leur exclusion au-dessous d'un certain �ge, etc., obligent l'entrepreneur � multiplier le nombre de ses machines [28] et � substituer comme force motrice la vapeur aux muscles [29]. D'autre part, afin de gagner dans l'espace ce qu'on perd dans le temps, on est forc� de grossir les moyens de production collectifs tels que fourneaux, b�timents, etc., de mani�re que leur plus grande concentration devient le corollaire oblig� d'une agglom�ration croissante de salari�s. En fait, toutes les fois qu'une manufacture est menac�e de la loi de fabrique, on s'�gosille � d�montrer que, pour continuer l'entreprise sur le m�me pied, il faudrait avoir recours � des avances plus consid�rables de capital. Quant au travail � domicile et aux ateliers interm�diaires entre lui et la manufacture, leur seule arme, offensive et d�fensive, dans la guerre de la concurrence, c'est l'exploitation sans bornes des forces de travail � bon march�. D�s que la journ�e est limit�e et le travail des enfants restreint, ils sont donc condamn�s � mort.
Le r�gime de fabrique, surtout apr�s qu'il est soumis � la r�gularisation l�gale du travail, r�clame comme premi�re condition que le r�sultat � obtenir se pr�te � un calcul rigoureux, de telle sorte qu'on puisse compter sur la production d'un quantum donn� de marchandises dans un temps donn�. Les intervalles de loisir prescrits par la loi supposent en outre que l'intermittence p�riodique du travail ne porte pas pr�judice � l'ouvrage commenc�. Cette certitude du r�sultat et cette facult� d'interruption sont naturellement bien plus faciles � obtenir du travail dans des op�rations purement m�caniques que l� o� des proc�s chimiques et physiques interviennent, comme dans les poteries, les blanchisseries, les boulangeries, etc., et la plupart des manufactures m�talliques.
La routine du travail illimit�, du travail de nuit et de la dilapidation sans limites et sans g�ne de la vie humaine, a fait consid�rer le premier obstacle venu comme une barri�re �ternelle impos�e par la nature des choses. Mais il n'y a pas d'insecticide aussi efficace contre la vermine que l'est la l�gislation de fabrique contre ces pr�tendues � barri�res naturelles �. Personne qui exag�r�t plus ces � impossibilit�s � que les patrons potiers; or la loi de fabrique leur ayant �t� appliqu�e en 1864, seize mois apr�s, toutes les � impossibilit�s � avaient d�j� disparu. Les am�liorations provoqu�es par cette loi
� telles que la m�thode perfectionn�e de substituer la pression � l'�vaporation, la construction de fourneaux nouveaux pour s�cher la marchandise humide, etc., sont autant d'�v�nements d'une importance exceptionnelle dans l'art de la poterie et y signalent un progr�s sup�rieur � tous ceux du si�cle pr�c�dent... La temp�rature des fours est consid�rablement diminu�e et la consommation de charbon est moindre, en m�me temps que l'action sur la p�te est plus rapide [30] �.
En d�pit de toutes les pr�dictions de mauvais augure, ce ne fut pas le prix, mais la quantit� des articles qui augmenta, si bien que l'exportation de l'ann�e commen�ant en d�cembre 1864, fournit un exc�dent de valeur de cent trente-huit mille six cent vingt-huit livres sterling sur la moyenne des trois ann�es pr�c�dentes.
Dans la fabrication des allumettes chimiques, il fut tenu pour loi de la nature que les jeunes gar�ons, au moment m�me o� ils avalaient leur d�ner, plongeassent des baguettes de bois dans une composition de phosphore r�chauff�e dont les vapeurs empoisonn�es leur montaient � la t�te.
En obligeant � �conomiser le temps, la loi de fabrique de 1864 amena l'invention d'une machine � immersion (dipping machine) dont les vapeurs ne peuvent plus atteindre l'ouvrier [31].
De m�me on entend encore affirmer dans ces branches de la manufacture des dentelles, qui jusqu'ici n'ont pas encore perdu leur libert�,
� que les repas ne pourraient �tre r�guliers � cause des longueurs de temps diff�rentes qu'exigent pour s�cher les diverses mati�res, diff�rences qui varient de trois minutes � une heure et m�me davantage �.
Mais, r�pondent les commissaires de l'enqu�te sur l'emploi des enfants et des femmes dans l'industrie,
� les circonstances sont exactement les m�mes que dans les fabriques de tapis o� les principaux fabricants faisaient vivement valoir qu'en raison de la nature des mat�riaux employ�s et de la vari�t� des op�rations, il �tait impossible, sans un pr�judice consid�rable, d'interrompre le travail pour les repas... En vertu de la sixi�me clause de la sixi�me section du Factory Acts extension Act de 1864, on leur accorda, � partir de la promulgation de cette loi, un sursis de dix-huit mois, pass� lequel ils devaient se soumettre aux interruptions de travail qui s'y trouvaient sp�cifi�es [32] �.
Qu'arriva-t-il ? La loi avait � peine obtenu la sanction parlementaire que messieurs les fabricants reconnaissaient s'�tre tromp�s :
� Les inconv�nients que l'introduction de la loi de fabrique nous faisait craindre ne se sont pas r�alis�s. Nous ne trouvons pas que la production soit le moins du monde paralys�e; en r�alit� nous produisons davantage dans le m�me temps [33]. �
On le voit, le Parlement anglais que, personne n'osera taxer d'esprit aventureux, ni de g�nie transcendant, est arriv� par l'exp�rience seule � cette conviction, qu'une simple loi coercitive suffit pour faire dispara�tre tous les obstacles pr�tendus naturels qui s'opposent � la r�gularisation et � la limitation de la journ�e de travail. Lorsqu'il soumet � la loi de fabrique une nouvelle branche d'industrie, il se borne donc � accorder un sursis de six � dix-huit mois pendant lequel c'est l'affaire des fabricants de se d�barrasser des difficult�s techniques. Or, la technologie moderne peut s'�crier avec Mirabeau : � Impossible ! ne me dites jamais cet imb�cile de mot ! �
Mais en activant ainsi le d�veloppement des �l�ments mat�riels n�cessaires � la transformation du r�gime manufacturier en r�gime de fabrique, la loi, dont l'ex�cution entra�ne des avances consid�rables, acc�l�re simultan�ment la ruine des petits chefs d'industrie et la concentration des capitaux [34].
Outre les difficult�s purement techniques qu'on peut �carter par des moyens techniques, la r�glementation de la journ�e de travail en rencontre d'autres dans les habitudes d'irr�gularit� des ouvriers eux-m�mes, surtout l� o� pr�domine le salaire aux pi�ces et o� le temps perdu une partie du jour ou de la semaine peut �tre rattrap� plus tard par un travail extra ou un travail de nuit. Cette m�thode qui abrutit l'ouvrier adulte, ruine ses compagnons d'un �ge plus tendre et d'un sexe plus d�licat [35].
Bien que cette irr�gularit� dans la d�pense de la force vitale soit une sorte de r�action naturelle et brutale contre l'ennui d'un labeur fatigant par sa monotonie, elle provient � un bien plus haut degr� de l'anarchie de la production qui, de son c�t�, pr�suppose l'exploitation effr�n�e du travailleur.
A c�t� des variations p�riodiques, g�n�rales, du cycle industriel, et des fluctuations du march� particuli�res � chaque branche d'industrie, il y a encore ce qu'on nomme la saison, qu'elle repose sur la mode, sur la p�riodicit� de la navigation ou sur la coutume des commandes soudaines et impr�vues qu'il faut ex�cuter dans le plus bref d�lai, coutume qu'ont surtout d�velopp�e les chemins de fer et la t�l�graphie.
� L'extension dans tout le pays du syst�me des voies ferr�es, dit � ce sujet un fabricant de Londres, a mis en vogue les ordres � courte �ch�ance. Venant tous les quinze jours de Glasgow, de Manchester et d'�dimbourg, les acheteurs en gros s'adressent aux grands magasins de la Cit�, auxquels nous fournissons des marchandises. Au lieu d'acheter au d�p�t, comme cela se faisait jadis, ils donnent des ordres qui doivent �tre imm�diatement ex�cut�s. Dans les ann�es pr�c�dentes nous �tions toujours � m�me de travailler d'avance pendant les moments de calme pour la saison la plus proche; mais aujourd'hui personne ne peut pr�voir quel article sera recherch� pendant la saison [36]. �
Dans les fabriques et les manufactures non soumises � la loi, il r�gne p�riodiquement pendant la saison, et irr�guli�rement � l'arriv�e de commandes soudaines, un surcro�t de travail r�ellement effroyable.
Dans la sph�re du travail � domicile, o� d'ailleurs l'irr�gularit� forme la r�gle, l'ouvrier d�pend enti�rement pour ses mati�res premi�res et son occupation des caprices du capitaliste, qui l� n'a � faire valoir aucun capital avanc� en constructions, machines, etc., et ne risque, par l'intermittence du travail, absolument rien que la peau de ses ouvriers. L�, il peut donc recruter d'une mani�re syst�matique une arm�e industrielle de r�serve, toujours disponible, que d�cime l'exag�ration du travail forc� pendant une partie de l'ann�e et que, pendant l'autre, le ch�mage forc� r�duit � la mis�re.
� Les entrepreneurs, dit la Child. Employm. Commission, exploitent l'irr�gularit� habituelle du travail � domicile, pour le prolonger, aux moments de presse extraordinaire, jusqu'� 11, 12, 2 heures de la nuit, en un mot � toute heure, comme disent les hommes d'affaires �,
et cela dans des locaux
� d'une puanteur � vous renverser (the stench is enough to knock you down). Vous allez peut-�tre jusqu'� la porte, vous l'ouvrez et vous reculez en frissonnant [37] �.
� Ce sont de dr�les d'originaux que nos patrons �, dit un des t�moins entendus, un cordonnier; � ils se figurent que cela ne fait aucun tort � un pauvre gar�on de trimer � mort pendant une moiti� de l'ann�e et d'�tre presque forc� de vagabonder pendant l'autre [38]. �
De m�me que les obstacles techniques que nous avons mentionn�s plus haut, ces pratiques que la routine des affaires a implant�es (usages which have grown with the growth of trade) ont �t� et sont encore pr�sent�es par les capitalistes int�ress�s comme des barri�res naturelles de la production. C'�tait l� le refrain des dol�ances des lords du coton d�s qu'ils se voyaient menac�s de la loi de fabrique; quoique leur industrie d�pende plus que toute autre du march� universel et, par cons�quent, de la navigation, l'exp�rience leur a donn� un d�menti. Depuis ce temps-l� les inspecteurs des fabriques anglaises traitent de fariboles toutes ces difficult�s �ternelles de la routine [39].
Les enqu�tes consciencieuses de la Child. Empl. Comm., ont d�montr� par le fait que dans quelques industries la r�glementation de la journ�e de travail a distribu� plus r�guli�rement sur l'ann�e enti�re la masse de travail d�j� employ�e [40], qu'elle est le premier frein rationnel impos� aux caprices frivoles et homicides de la mode, incompatibles avec le syst�me de la grande industrie [41], que le d�veloppement de la navigation maritime et des moyens de communication en g�n�ral ont supprim� � proprement parler la raison technique du travail de saison [42], et qu'enfin toutes les autres circonstances qu'on pr�tend ne pouvoir ma�triser, peuvent �tre �limin�es au moyen de b�tisses plus vastes, de machines suppl�mentaires, d'une augmentation du nombre des ouvriers employ�s simultan�ment [43], et du contrecoup de tous ces changements dans l'industrie sur le syst�me de commerce en gros [44]. N�anmoins, comme il l'avoue lui-m�me par la bouche de ses repr�sentants, le capital ne se pr�tera jamais � ces mesures si ce n'est � sous la pression d'une loi g�n�rale du Parlement [45] �, imposant une journ�e de travail normale � toutes les branches de la production � la fois.
Notes
[1] � Ch. Empl. Comm. IV Report, 1864 �, p.108, n.447.
[2] Aux Etats-Unis il arrive fr�quemment que le m�tier se reproduit ainsi en prenant pour base l'emploi des machines. Sa conversion ult�rieure en fabrique �tant in�vitable, la concentration s'y effectuera avec une rapidit� �norme, comparativement � l'Europe et m�me � l'Angleterre.
[3] Comp. � Reports of Insp. of Fact. 31 oct. 1865 �, p.64.
[4] La premi�re manufacture de plumes d'acier sur une grande �chelle a �t� fond�e � Birmingham, par M. Gillot. Elle fournissait d�j�, en 1851, plus de cent quatre-vingt millions de plumes et consommait, par an, cent vingt tonnes d'acier en lames. Birmingham monopolisa cette industrie dans le Royaume-Uni et produit maintenant, chaque ann�e, des milliards de plumes d'acier. D'apr�s le recensement de 1861, le nombre des personnes occup�es �tait de mille quatre cent vingt-huit; sur ce nombre il y avait mille deux cent soixante-huit ouvri�res enr�l�es � partir de l'�ge de cinq ans.
[5] � Child. Empl. Comm. V Rep. 1864 �, p. LXVIII n.415.
[6] On trouve m�me, � Sheffield, des enfants pour le polissage des limes !
[7] � Child. Empl. Comm. V Rep. 1866 �, p. 3, n. 24, p.6, n.55, 56, p.7. n.59, 60.
[8] L.c., p.114, 115, n.6-7. Le commissaire fait cette remarque fort juste, que si ailleurs la machine remplace l'homme, ici l'adolescent remplace la machine.
[9] V. le rapport sur le commerce des chiffons et de nombreux documents ce sujet: � Public Health VIII, Report, London 1866.� Appendix, p.196-208.
[10] � Child. Empl. Comm. V Report. 1866 �, XVI, n.86-97 et p.130, n.39-71. V. aussi ibid. III Rep. 1864, p.48, 56.
[11] � Public Health �, Report. VI, Lond., 1864, p.31.
[12] L.c., p.30. Le Dr Simon fait remarquer que la mortalit� des tailleurs et imprimeurs de Londres de vingt-cinq � trente-cinq ans est en r�alit� beaucoup plus grande, parce que ceux qui les emploient font venir de la campagne un grand nombre de jeunes gens jusqu'� l'�ge d'environ trente ans, � titre d'apprentis et � d'improvers � (les gens qui veulent se perfectionner dans leur m�tier). Ces derniers figurent dans le recensement comme �tant de Londres et grossissent le nombre de t�tes sur lequel se calcule le taux de la mortalit� dans cette ville, sans contribuer proportionnellement au nombre des cas de mort qu'on y constate. La plupart d'entre eux retournent � la campagne, principalement quand ils sont atteints de maladies graves.
[13] Il s'agit de clous faits au marteau et non de ceux qui sont fabriqu�s � la machine. V. � Child. Empl. III Report. �, p.XI, p.XIX, n.125-130, p.53, n.11, p.114, n.487, p.137, n.674.
[14] � Child. Empl. Comm. Il Report. �, p. XXII, n.166.
[15] � Child. Empl. Comm. II Rep. 1864 �, p.XIX, XX, XXI.
[16] L.c., p, XXI, XXVI.
[17] L.c., p.XXIX, XXX.
[18] L.c., p.XL, XLI.
[19] � Child. Empl. Comm. I Rep. 1863 �, p.185.
[20] En Angleterre tout ce qui regarde les modes est ex�cut� en grande partie dans les ateliers de l'entrepreneur par des ouvri�res qui logent chez lui, et par d'autres salari�es qui habitent au-dehors.
[21] Le commissaire White visita entre autres une manufacture d'habits militaires qui occupait de cent � mille deux cents personnes, presque toutes du sexe f�minin, et une fabrique de chaussures avec mille trois cents personnes, dont presque la moiti� se composait de jeunes filles et d'enfants. (Child. Empl. Comm. II Rep., p.XVII, n.319.)
[22] Pour la semaine finissant le 26 f�vrier 1864, le rapport hebdomadaire officiel de la mortalit� �num�re cinq cas de mort par inanition � Londres. Le m�me jour le Times constate un cas additionnel.
[23] � Child. Empl. Comm. II Rep. �, p.LXVII, n.406-9, p.84, n.124, p.LXXIII, n.441, p.66, n.6, p.84, n.126, p.78, n.85, p.76, n.69, p.LXXII, n.483.
[24] Ceci n'a pas lieu dans la ganterie, o� les ouvriers se distinguent � peine des paupers et n'ont pas les moyens d'acqu�rir des machines � coudre. - Par pauper, les Anglais d�signent le pauvre secouru par la bienfaisance publique.
[25] L.c., p.122. Le taux des loyers joue un r�le important. Comme il est tr�s �lev� � Londres, � c'est aussi dans la m�tropole que le vieux syst�me de marchandage ou le travail � domicile s'est maintenu le plus longtemps, et c'est l� aussi qu'on y est revenu le plus t�t �. (L.c., p.83.) La derni�re partie de cette citation se rapporte exclusivement � la cordonnerie.
[26] L.c., p.84, n.124.
[27] � Tendency to factory system. � (L.c., p.LXVII.) � Cette industrie tout enti�re est aujourd'hui en �tat de transition et subit les m�mes changements qui se sont effectu�s dans celles des dentelles, des tissus �, etc. (L.c., n.405.) � C'est une r�volution compl�te. � (L.c., p.XLVI, n.318). La bonneterie �tait encore, en 1840, un m�tier manuel. Depuis 1840, il y a �t� introduit des machines diverses, mues aujourd'hui par la vapeur. La bonneterie anglaise occupait, en 1862, environ cent vingt mille personnes des deux sexes et de tout �ge, � partir de trois ans. Dans ce nombre, d'apr�s le Parliamentary Return du 11 f�vrier 1862, il n'y en avait que quatre mille soixante-trois sous la surveillance de la loi.
[28] Ainsi, par exemple, dans la poterie : � pour maintenir notre quantit� de produits, dit la maison Cochrane de la Britain Pottery, Glasgow, nous avons eu recours � l'emploi en grand de machines qui rendent superflus les ouvriers habiles, et chaque jour nous d�montre que nous pouvons produire beaucoup plus qu'avec l'ancienne m�thode �. (Reports of Insp. of Fact., 31 art. 1865, p.13.) � La foi de fabrique a pour effet de pousser � l'introduction de machines. � (L.c., p.13, 14.)
[29] Ainsi, apr�s l'�tablissement de la loi de fabrique dans les poteries, les tours � main ont �t� en grande partie remplac�s par des tours m�caniques.
[30] L.c., p. 96 et 127.
[31] L'introduction de cette machine avec d'autres dans les fabriques d'allumettes chimiques a, dans un seul d�partement, fait remplacer deux cent trente adolescents par trente-deux gar�ons et filles de quatorze � dix-sept ans. Cette �conomie d'ouvriers a �t� pouss�e encore plus loin en 1865 par suite de l'emploi de la vapeur.
[32] � Child. Empl. Cornm. Il Rep., 1864 �, p.IX, n.50.
[33] � Rep. of Insp. of Fact., 31 oct. 1865 �, p.22.
[34] � Dans un grand nombre d'anciennes manufactures, les am�liorations n�cessaires ne peuvent �tre pratiqu�es sans un d�bours� de capital qui d�passe de beaucoup les moyens de leurs propri�taires actuels... L'introduction des actes de fabrique est n�cessairement accompagn�e d'une d�sorganisation passag�re qui est en raison directe de la grandeur des inconv�nients auxquels il faut rem�dier. � (L.c., p.96, 97.)
[35] Dans les hauts fourneaux, par exemple, � le travail est g�n�ralement tr�s prolong� vers la fin de la semaine, en raison de l'habitude qu'ont les hommes de faire le lundi et de perdre aussi tout ou partie du mardi �. (Child. Empl. Comm. IV Rep., p. VI.) � Les petits patrons ont en g�n�ral des heures tr�s irr�guli�res. Ils perdent deux ou trois jours et travaillent ensuite toute la nuit pour r�parer le temps perdu... Ils emploient leurs propres enfants quand ils en ont. � (L.c., p.VII.) � Le manque de r�gularit� � se rendre au travail est encourag� par la possibilit� et par l'usage de tout r�parer ensuite en travaillant plus longtemps. � (L.c., p.XVIII.) � �norme perte de temps � Birmingham... tel jour oisivet� compl�te, tel autre travail d'esclave. � (L. c., p. XI.)
[36] Child. Empl. Comm. IV Rep., p. XXXII, XXXIII
[37] Child. Empl. Comm. Il Rep., p. xxxv, n.235 et 237.
[38] L.c., 127, n.56.
[39] � Quant aux pertes que leur commerce �prouverait � cause de l'ex�cution retard�e de leurs commandes, je rappelle que c'�tait l� l'argument favori des ma�tres de fabrique en 1832 et 1833. Sur ce sujet on ne peut rien avancer aujourd'hui qui aurait la m�me force que dans ce temps-l�, lorsque la vapeur n'avait pas encore diminu� de moiti� toutes les distances et fait �tablir de nouveaux r�glements pour le transit. Si � cette �poque cet argument ne r�sistait pas � l'�preuve, il n'y r�sisterait certainement pas aujourd'hui. � (Reports of Insp. of Fact. 31 st. oct. 1862, p.54, 55.)
[40] � Child. Empl. Comm. IV Rep. �, p.XVIII, n.118.
[41] � L'incertitude des modes, disait John Bellers d�j� en 1696, accro�t le nombre des pauvres n�cessiteux. Elle produit en effet deux grands maux : 1� les journaliers sont mis�rables en hiver par suite de manque de travail, les merciers et les ma�tres tisseurs n'osant pas d�penser leurs fonds pour tenir leurs gens employ�s avant que le printemps n'arrive et qu'ils ne sachent quelle sera la mode; 2� dans le printemps, les journaliers ne suffisent pas et les ma�tres tisseurs doivent recourir � mainte pratique pour pouvoir fournir le commerce du royaume dans un trimestre ou une demi-ann�e. Il r�sulte de tout cela que les charrues sont priv�es de bras, les campagnes de cultivateurs, la Cit� en grande partie encombr�e de mendiants, et que beaucoup meurent de faim parce qu'ils ont honte de mendier. � (Essays about the Poor, Manufactures, etc., p.19.)
[42] Child. Empl. Comm. V Rep., p.171, n.31.
[43] On lit par exemple dans les d�positions de quelques agents d'exportation de Bradford cit�s comme t�moins : � Il est clair que dans ces circonstances il est inutile de faire travailler dans les magasins les jeunes gar�ons plus longtemps que depuis 8 heures du matin jusqu'� 7 heures du soir. Ce n'est qu'une question de d�pense extra et de nombre de bras extra. Les gar�ons n'auraient pas besoin de travailler si tard dans la nuit si quelques patrons n'�taient pas aussi affam�s de profit. Une machine extra ne coule que seize ou dix-huit livres sterling - Toutes les difficult�s proviennent de l'insuffisance d'appareils et du manque d'espace. � (L.c., p. 171, n. 35 et 38.)
[44] L. c. Un fabricant de Londres, qui consid�re d'ailleurs la r�glementation de la journ�e de travail comme un moyen de prot�ger non seulement les ouvriers contre les fabricants, mais encore les fabricants contre le grand commerce, s'exprime ainsi ; � La g�ne dans nos transactions est occasionn�e par les marchands exportateurs qui veulent, par exemple, envoyer des marchandises par un navire � voiles, pour se trouver en lieu et place dans une saison d�termin�e, et, de plus, pour emp�cher la diff�rence du prix de transport entre le navire a voiles et le navire � vapeur, ou bien qui de deux navires � vapeur choisissent celui qui part le premier pour arriver avant leurs concurrents sur le march� �tranger, � (L.c., p.8, n.32.)
[45] � On pourrait obvier � cela, dit un fabricant, au prix d'un agrandissement des locaux de travail sous la pression d'une loi g�n�rale du Parlement. � (L.c., p.X, n.38.)
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