1848-49 |
Marx et Engels journalistes au coeur de la r�volution... Une publication effectuée en collaboration avec la biblioth�que de sciences sociales de l'Universit� de Qu�bec. |
La Nouvelle Gazette Rhénane
La libert� des d�lib�rations � Berlin
Cologne, 16 septembre.
La presse contre-r�volutionnaire a toujours pr�tendu depuis le d�but de la crise que l'Assembl�e de Berlin ne d�lib�rait pas librement. C'est en particulier avec une angoisse sur laquelle on ne peut se m�prendre que le correspondant bien connu de la K�lnische Zeitung qui n'exerce plus ses fonctions que � par int�rim jusqu'� la nomination de son successeur � a attir� l'attention sur les � huit mille � dix mille poings des clubs � qui dans l'Assembl�e du bois des marronniers [1] ont � moralement � soutenu leurs amis de la gauche. La Vossische Zeitung [2], celle de Spener [3] et d'autres journaux se sont livr�s aux m�mes lamentations, et M. Reichensperger a �t� jusqu'� proposer le 7, de transf�rer l'Assembl�e de Berlin (� Charlottenbourg, par exemple).
La Zeitungs-Halle [4] de Berlin contient un long article cherchant � r�futer cette accusation. Elle explique qu'il est tout � fait logique que la grande majorit� soit en faveur de la gauche, par opposition � l'attitude ant�rieure irr�solue de l'Assembl�e. On pourrait d�montrer :
� que le vote du 7, m�me quand il est le fait de d�put�s ayant autrefois vot� avec les ministres, a pu avoir lieu sans �tre en contradiction avec leur ancien comportement, voire m�me que, du point de vue de ces d�put�s, il est en compl�te harmonie avec leur comportement ant�rieur... �
Les transfuges du centre :
� avaient v�cu dans l'illusion; ils s'�taient repr�sent� l'affaire comme si les ministres ex�cutaient la volont� du peuple; dans l'effort des ministres pour r�tablir l'ordre et le calme, ils avaient trouv� l'expression de leur propre volont�, celle des membres de la majorit�, et ne s'�taient pas rendu compte que les ministres laissaient libre cours � la volont� du peuple seulement quand celle-ci n'�tait pas en contradiction avec la volont� de la couronne, et non quand elle s'y opposait. �
C'est ainsi que la Zeitungs-Halle � explique � que le ph�nom�ne frappant du retournement subit de tant de membres de l'Assembl�e est d� aux impressions et aux illusions de ces membres. On ne peut pr�senter la chose plus innocemment.
Ce journal admet cependant que des pressions ont �t� exerc�es. Mais, pense-t-il,
� si les influences ext�rieures ont agi, elles faisaient en quelque sorte contre-poids aux influences, artifices et manœuvres minist�riels et elles permirent ainsi aux d�put�s qui manquaient d'�nergie et d'ind�pendance... d'ob�ir au si naturel instinct de conservation. �
Et voil� qu'apparaissent clairement les motifs qui poussent la Zeitungs-Halle � justifier ainsi moralement aux yeux du public les d�put�s h�sitants : l'article est �crit plus pour ces Messieurs des partis du centre eux-m�mes que pour le public. Pour nous qui avons apr�s tout le privil�ge de nous exprimer sans r�serves et qui soutenons les repr�sentants d'un parti aussi longtemps que et dans la mesure o� il agit en parti r�volutionnaire, pour nous, ces motifs sont inexistants.
Pourquoi ne le dirions-nous pas ? Le 7, les partis du centre se sont, sans aucun doute, laiss� intimider par les masses populaires : nous laissons ouverte la question de savoir si leur peur �tait fond�e ou non.
Le droit des masses populaires d�mocratiques d'agir moralement, par leur pr�sence, sur le comportement d'assembl�es con�stituantes est un vieux droit r�volutionnaire des peuples dont on ne peut se passer dans aucune p�riode agit�e depuis la R�volution anglaise et la R�volution fran�aise. C'est � ce droit que l'histoire est redevable de presque toutes les d�marches �nergiques de ces assembl�es. Si ceux qui ont �lu domicile sur � le terrain juridique �, si les peureux et prudhommesques amis de la � libert� des d�lib�rations � le regrettent en g�missant, c'est pour le motif suivant et pour aucun autre : parce qu'ils ne veulent absolument pas de r�volutions �nergiques.
� Libert� des d�lib�rations � ! Il n'y a pas de phrase plus creuse que celle-ci. La � libert� des d�lib�rations � est amenuis�e par la libert� de la presse, par la libert� de r�union et d'expression, par le droit du peuple � s'armer d'une part. Elle est amenuis�e par la force publique existante qui est entre les mains de la couronne et de ses ministres : par l'arm�e, la police, les juges soi-disant ind�pendants, mais en r�alit� sous la d�pendance de toute promotion et de tout changement politique.
La libert� des d�lib�rations est en tout temps un grand mot qui ne veut rien dire d'autre que � ind�pendance � l'�gard de toutes les influences non reconnues par la loi �. Les influences reconnues par la loi, corruption, avancement, int�r�ts priv�s, peur d'une dissolution de la Chambre, etc., voil� bien ce qui rend les d�lib�rations vraiment � libres �. Mais dans des p�riodes r�volutionnaire, cette expression n'a aucun sens. Quand deux puissances, deux partis s'affrontent en armes, quand la lutte peut �clater � chaque instant, les d�put�s n'ont � choisir qu'entre les deux termes suivants :
Se laisser impressionner par le peuple sans armes, ou se laisser impressionner par la soldatesque en armes - que l'Assembl�e choisisse.
La Constituante fran�aise est all�e de Versailles � Paris. Pour la r�volution allemande, il est caract�ristique et, � vrai dire, conforme � sa nature, que l'Assembl�e ententiste aille de Berlin � Charlottenbourg.
Notes
[1] C'est � l'Acad�mie de chant situ�e dans un bois de marronniers que si�geait l'Assembl�e nationale de Berlin.
[2] Cette gazette qui portait le nom de son ancien propri�taire, Christian Friedrich Voss, adopta vers 1840 une attitude lib�rale mod�r�e.
[3] Ce quotidien portait le nom de son r�dacteur en chef. Il parut de 1740 � 1874. Pendant la R�volution de 1848-49, il soutint les partisans de la monarchie constitutionnelle.
[4] La Zeitungs-Halle, quotidien publi� � Berlin, �tait un des organes de la d�mocratie petite-bourgeoise.
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |