1908 |
"Nombre d'�crivains qui se r�clament du marxisme ont entrepris parmi nous, cette ann�e, une v�ritable campagne contre la philosophie marxiste. (...) |
Mat�rialisme et empiriocriticisme
Les philosophes id�alistes, fr�res d’armes et successeurs l'empiriocriticisme
Jetons maintenant un coup d’œil sur le d�veloppement du machisme apr�s Mach et Avenarius. Nous avons vu que leur philosophie est une sorte de salmigondis, un assemblage de propositions gnos�ologiques incoh�rentes et contradictoires. Il nous reste � examiner comment et dans quel sens cette philosophie �volue, ‑ ce qui nous permettra de r�soudre certaines questions � litigieuses � en nous r�f�rant � des faits historiques incontestables. L'�clectisme et l'incoh�rence des principes philosophiques de la tendance envisag�e rendent en effet absolument in�vitables des interpr�tations diverses et des discussions st�riles sur des points de d�tail et des v�tilles. L'empiriocriticisme est pourtant, comme toute autre tendance id�ologique, une chose vivante en voie de croissance, en voie d'�volution, et le fait de sa croissance dans un sens donn� permettra mieux que de Iongs raisonnements d'�lucider la question fondamentale de la nature v�ritable de cette philosophie. On juge un homme non sur ce qu'il dit ou pense de lui-m�me, mais sur ses actes. Les philosophes doivent �tre jug�s non sur les �tiquettes qu'il arborent (� positivisme �, philosophie de l'� exp�rience pure �, � monisme � ou � empiriomonisme �, � philosophie des sciences de la nature �, etc.), mais sur la mani�re dont ils r�solvent en fait les questions th�oriques fondamentales, sur les gens avec qui ils marchent la main dans la main, sur ce qu'ils enseignent et ont appris � leurs �l�ves et disciples.
C'est cette derni�re question qui nous occupe en ce moment. Mach et Avenarius ont dit tout l'essentiel il y a plus de vingt ans. Ce laps de temps a permis de se rendre compte de la fa�on dont ces � chefs � ont �t� compris par ceux qui ont voulu les comprendre et qu'ils consid�rent eux‑m�mes (Mach tout au moins, qui a surv�cu � son confr�re) comme des continuateurs de leur œuvre. Nous n'indiquerons pour �tre exact que ceux qui s'affirment eux-m�mes les �l�ves (ou les disciples) de Mach et d'Avenarius, et auxquels Mach reconna�t cette qualit�. Nous aurons ainsi une id�e de l'empiriocriticisine comme d'un courant philosophique, et non comme d'une collection de cas litt�raires.
Hans Cornelius est pr�sent�, dans la pr�face de Mach, � la traduction russe de l’Analyse des sensations, comme � un jeune chercheur � qui suit � sinon la m�me voie, du moins des voies qui s'en rapprochent de tr�s pr�s � (p. 4). Dans le texte de l'Analyse des sensations, une fois de plus, Mach � cite avec plaisir les œuvres � de H. Cornelius et d'autres auteurs � qui ont r�v�l� le sens profond des id�es d'Avenarius et les ont encore d�velopp�es plus avant � (p. 48). Ouvrons l'Introduction � la philosophie de H. Cornelius (�dit. allem., 1903) : nous y voyons l'auteur manifester � son tour le d�sir de suivre les traces de Mach et d'Avenarius (pp. VIII, 32). Nous sommes bien en pr�sence d'un �l�ve reconnu par son ma�tre. Cet �l�ve commence lui aussi par les sensations‑�l�ments (pp. 17, 42) ; il d�clare cat�goriquement se borner � l'exp�rience (p. VI), qualifie ses conceptions d'� empirisme cons�quent ou gnos�ologique � (p. 335), condamne aussi r�solument que possible l'� exclusivisme � des id�alistes et le � dogmatisme � tant des id�alistes que des mat�rialistes (p. 129), repousse avec une �nergie extr�me le � malentendu � possible (p. 123) qui consisterait � d�duire de sa philosophie l'admission d'un monde existant dans la t�te de l'homme, flirte avec le r�alisme na�f avec non moins d'habilet� qu'Avenarius, Schuppe ou Bazarov (p. 125 : � La perception visuelle ou toute autre a son si�ge l�, et seulement l� o� nous la trouvons, c'est‑�‑dire o� elle est localis�e par la conscience na�ve non encore pervertie par une fausse philosophie �). Cet �l�ve reconnu par le ma�tre conclut � l'immortalit� et � Dieu. Le mat�rialisme, fulmine ce sous‑off en sa chaire professorale... cet �l�ve des � positivistes modernes �, voulons-�nous dire, fait de l'homme un automate. � Inutile de dire qu'il ruine, en m�me temps que notre foi en la libert� de nos d�cisions, toute appr�ciation de la valeur morale de nos actes, ainsi que notre responsabilit�. De m�me, il ne laisse pas de place pour l'id�e de notre survie apr�s la mort � (p. 116). Le livre se termine ainsi : L'�ducation (celle, sans doute, de la jeunesse ab�tie par cet homme de science) est n�cessaire non pas tant pour l'activit� que, � tout d'abord �, � pour le respect (Ehrfurcht) non des valeurs momentan�es d'une tradition fortuite, mais des valeurs imp�rissables du devoir et de la beaut�, pour le respect du principe divin (dem G�ttlichen) en nous et hors de nous � (p. 357).
Comparez � cela l'affirmation de A. Bogdanov selon laquelle il n'y a absolument pas (soulign� par Bogdanov), � et il ne peut y avoir de place � pour les id�es de Dieu, de volont� libre, d'immortalit� de l'�me dans la philosophie de Mach, en raison de sa n�gation de toute � chose en soi � (Analyse des sensations, p. XII). Or Mach d�clare dans ce m�me opuscule (p. 293) qu'� il n'y a pas de philosophie de Mach � et recommande non seulement les immanents, mais, aussi Cornelius comme ayant p�n�tr� l'essence des id�es d'Avenarius ! Il s'ensuit donc, premi�rement, que Bogdanov ignore absolument la � philosophie de Mach �, tendance qui ne se borne pas � loger sous l'aile du fid�isme, mais qui aboutit au fid�isme. En second lieu, Bogdanov ignore absolument l'histoire de la philosophie, car confondre la n�gation de ces id�es avec la n�gation de toute chose en soi, c'est se moquer de cette histoire. Bogdanov ne s'avisera‑t‑il pas de contester que tous les disciples cons�quents de Hume, niant toute chose en soi, font une place justement � ces id�es ? Bogdanov n'a‑t‑il pas entendu parler des id�alistes subjectifs qui, niant toute chose en soi, font une place � ces id�es ? La seule philosophie o� � il ne puisse y avoir de place � pour ces id�es, c'est celle qui enseigne que rien n'existe en dehors de l'�tre sensible ; que l'univers est mati�re en mouvement ; que le monde ext�rieur connu d'un chacun, le mon physique, est la seule r�alit� objective, c'est en un mot la philosophie mat�rialiste. C'est pour cela, et pr�cis�ment pour cela, que les immanents recommand�s par Mach, l'�l�ve de Mach, Cornelius, et toute la philosophie professorale contemporaine, font la guerre au mat�rialisme.
Nos disciples de Mach ont commenc� � renier Cornelius, d�s qu'on leur eut montr� du doigt cette incongruit�. De tels reniements ne valent pas grand‑chose. Friedrich Adler, qui semble n'avoir pas �t� � averti �, recommande ce Cornelius dans un journal socialiste (Der Kampf, 1908, 5, p. 235 : � Une œuvre qui se lit facilement et m�rite les meilleures recommandations �). La doctrine de Mach introduite ainsi en fraude, parmi les ma�tres �cout�s des ouvriers, des philosophes nettement r�actionnaires et des pr�cheurs de fid�isme !
Petzoldt n'a pas eu besoin d'�tre averti pour s'apercevoir de la fausset� de Cornelius, mais sa fa�on de la combattre est une perle ! Ecoutez plut�t : � Affirmer que le monde est une repr�sentation mentale � (� en croire les id�alistes que nous combattons, sans rire !), � n'a de sens que lorsqu'on veut dire par l� que le monde est une repr�sentation mentale de celui qui parle ou m�me de tous ceux qui parlent (s'expriment), c'est‑�‑dire que son existence d�pend exclusivement de la pens�e de cette personne ou de ces personnes : le monde n'existe que dans la mesure o� cette personne le pense et, quand elle ne le pense pas, le monde n'existe pas.. Nous faisons, au contraire, d�pendre le monde non de la pens�e de telle ou telle personne ou d'un groupe de personnes ou, mieux encore et plus clairement : non de l'acte de la pens�e, non d'une pens�e actuelle quelle qu'elle soit, mais de la pens�e en g�n�ral et, avec cela, exclusivement logique. L'id�aliste confond ces deux notions, ce qui a pour r�sultat un � demi‑solipsisme � agnostique, tel que nous voyons cher Cornelius � (Einfuhrung in die Philosophie der reinen Erfahrung, II, p. 317).
Stolypine a d�menti l'existence des cabinets noirs [1] ! Petzoldt pulv�rise les id�alistes, mais on s'�tonne que cette d�molition de l'id�alisme ressemble tellement au conseil qu'on donnerait aux id�alistes, de cacher plus savamment leur id�alisme. Le monde d�pend de la pens�e des hommes, c'est du faux id�alisme. Le monde d�pend de la pens�e en g�n�ral, c'est du positivisme moderne, du r�alisme critique, ce n'est en un mot que charlatanisme bourgeois ! Si Cornelius est un demi‑solipsiste agnostique, Petzoldt, lui, est un demi‑agnostique solipsiste. Vous �crasez des puces, messieurs !
Poursuivons. Mach dit, dans la deuxi�me �dition de Connaissance et Erreur : Le professeur Dr. Hans Kleinpeter (Die Erkenntnistheorie der Naturforschung der Gegenwart, Leipzig, 1905 : Th�orie de la connaissance de la science contemporaine donne � un expos� syst�matique � (des id�es de Mach), � auquel je puis souscrire quant � l'essentiel �. Prenons Hans n� 2. Ce professeur est un propagandiste asserment� de la doctrine de Mach : quantit� d'articles sur les conceptions de Mach dans des revues philosophiques allemandes et anglaises, traductions approuv�es et pr�fac�es par Mach, en un mot la main droite du � ma�tre �. Ses id�es, les voici : � ... toute mon exp�rience (ext�rieure et int�rieure), toute ma pens�e et toutes mes aspirations me sont donn�es sous la forme d'un processus psychique, comme partie de ma conscience � (p. 18, ouvrage cit�). � Ce que nous appelons le physique est fait d'�l�ments psychiques � (p. 144)., � La conviction subjective, et non la certitude objective (Gewissheit), est l'unique inaccessible � toute science � (p. 9, soulign� par Kleinpeter qui observe � cet endroit : � C'est � peu de choses pr�s ce que disait d�j� Kant dans la Critique de la raison pratique �). � L'hypoth�se de l'existence de consciences autres que la n�tre ne peut jamais �tre confirm�e par l'exp�rience � (p. 42). � D'une fa�on g�n�rale, je ne sais... s'il existe en dehors de moi d'autres Moi � (p. 43). Au � 5 : � De l'activit� � (� spontan�it� �) � dans la conscience �. Chez l'animal‑automate la succession des repr�sentations mentales s'accomplit de fa�on purement m�canique. Il en est de m�me chez nous quand nous r�vons. � A l'�tat normal, notre conscience est essentiellement diff�rente. Savoir : elle poss�de une propri�t� qui leur fait d�faut � (aux automates), � et qu'il serait au moins malais� d'expliquer par l'automatisme : ce qu'on appelle la spontan�it� de notre Moi. Tout homme peut s'opposer � ses �tats de, conscience, les manier, les faire ressortir ou les rel�guer � l'arri�re‑plan, les analyser, en comparer les diff�rentes parties, etc. C'est un fait d'exp�rience (directe). Notre Moi est, au fond, distinct de la somme des �tats de conscience et ne peut �tre �gal � cette somme. Le sucre est compos� de carbone, d'hydrog�ne et d'oxyg�ne ; si nous attribuions une �me au sucre, elle devrait, par analogie, avoir la propri�t� de modifier � volont� la disposition des particules de l'hydrog�ne, de l'oxyg�ne et du carbone � (pp. 29‑30). Au � 4 du chapitre suivant : � L'acte de conna�tre est un acte de la volont� (Willenshandlung) �. � Il faut consid�rer comme un fait acquis la division de toutes mes impressions psychiques; en deux grandes cat�gories fondamentales : en actes n�cessit�s et en actes volontaires. Les impressions provenant du monde ext�rieur appartiennent � la premi�re de ces cat�gories � (p. 47). � Qu'on puisse donner beaucoup de th�ories d'un seul et m�me domaine de faits... c'est l� un fait aussi familier au physicien qu'incompatible avec les pr�misses d'une quelconque th�orie absolue de la connaissance. Ce fait est li� au caract�re volontaire de notre pens�e ; il montre l'ind�pendance de notre volont� par rapport aux circonstances ext�rieures � (p. 50).
Jugez maintenant de la t�m�rit� des assertions de Bazarov sur la philosophie de Mach d'o� � la volont� libre serait absolument bannie �, alors que Mach recommande lui-m�me un monsieur comme Kleinpeter ! Nous avons d�j� vu que ce dernier ne cache pas plus son id�alisme que celui de Mach. Kleinpeter �crivait en 1898‑1899 : � Hertz manifeste les m�mes opinions subjectivistes � (que Mach) � sur la nature de nos conceptions �... � ... Si Mach et Hertz � (nous examinerons plus tard si c'est � bon droit que Kleinpeter fait intervenir ici le c�l�bre physicien) � ont, au point de vue de l'id�alisme, le m�rite de souligner l'origine subjective non de quelques‑uns mais de tous nos concepts et des rapports existant entre eux, ils ont, au point de vue de l'empirisme, le non moindre m�rite d'avoir reconnu que l'exp�rience seule, instance ind�pendante de la pens�e, r�sout le probl�me de la rectitude des concepts � (Archiv f�r systematische Philosophie, t. V, 1898‑1899, pp. 169‑170). Kleinpeter �crivait en 1900 que, malgr� tout ce qui les s�pare de Mach, Kant et Berkeley � sont en tout cas plus pr�s de ce dernier que l'empirisme m�taphysique � (c'est‑�‑dire le mat�rialisme ! M. le professeur �vite d'appeler le diable par son nom !) � qui domine dans les sciences de la nature, et qui est l'objet principal des attaques de Mach � (ibid., t. VI, p. 87). Il �crivait en 1903 : � Le point de d�part de Berkeley et de Mach est irr�futable �... � Mach couronne l'œuvre de Kant � (Kantstudien, t. VIII, 1903, pp. 314; 274).
Mach nomme aussi, dans la pr�face � la traduction russe de l'Analyse des sensations, T. Ziehen qui, � son avis, � suit sinon la m�me voie, du moins des voies qui s'en rapprochent de tr�s pr�s �. Ouvrons le livre du professeur T. Ziehen, Th�orie psychophysiologique de la connaissance (Theodor Ziehen : Psychophysiologische Erkenntnistheorie, Jena, 1898). Nous y voyons que, d�s la pr�face, l'auteur se r�f�re � Mach, Avenarius, Schuppe, etc. Autre �l�ve reconnu par le ma�tre. La th�orie � moderne � de Ziehen consiste en ce que la � foule � seule est capable de croire soi‑disant que � nos sensations sont d�termin�es par des choses r�elles � (p. 3), et qu'� il ne peut y avoir, au seuil de la th�orie de la connaissance, d'autre inscription que les mots de Berkeley : � Les objets ext�rieurs existent non en eux-m�mes, mais dans notre esprit � (p. 5). � Les sensations et les repr�sentations nous sont donn�es. Les unes et les autres sont le psychique. Le non‑psychique est un mot d�pourvu de sens � (p. 100). Les lois de la nature sont des rapports non pas entre les corps mat�riels, mais � entre les sensations r�duites � (p. 104 : cette � nouvelle � conception des � sensations r�duites � fait toute l'originalit� du berkeleyisme de Ziehen !).
D�s 1904 Petzoldt reniait, dans le tome II de son Introduction (pp. 298‑301), l'id�aliste Ziehen. En 1906, sa liste des id�alistes ou psychomonistes porte les noms de Cornelius, Kleinpeter, Ziehen, Verworn (Das Weltproblem vom positivischen Standpunkte aus, p. 137, note). Tous ces honorables professeurs aboutissent, voyez‑vous, � des � malentendus � dans leurs interpr�tations des � conceptions de Mach et d'Avenarius � (ibid.).
Pauvres Mach et Avenarius ! Leurs ennemis ne sont pas seuls � les avoir calomni�s en les accusant d'id�alisme et � m�me � (comme s'exprime Bogdanov) de solipsisme, - non, leurs amis aussi et leurs �l�ves, leurs disciples, les professeurs de m�tier, ont mal compris leurs ma�tres, en qui ils ont vu des id�alistes. Si l'empiriocriticisme se d�veloppe en id�alisme, cela ne prouve nullement que ses postulats confus emprunt�s � Berkeley soient faux. Dieu nous pr�serve d'une telle conclusion ! Il n'y a l� qu'un � malentendu � sans importance dans le go�t de Nozdrev [2]‑Petzoldt.
Mais le plus comique ici, c'est peut‑�tre que Petzoldt lui‑m�me, ce gardien de l'innocence et de la puret�, a d'abord � compl�t� � Mach et Avenarius par un � a priori logique � et les a ensuite associ�s au guide du fid�isme, Wilhelm Schuppe.
Si Petzoldt avait connu les disciples anglais de Mach, il aurait d� allonger notablement la liste des disciples de Mach tomb�s (par � malentendu �) dans l'id�alisme. Nous avons d�j� nomm� Karl Pearson comme un id�aliste cons�quent tr�s lou� de Mach. Voici encore les appr�ciations de deux � calomniateurs � qui �mettent le m�me avis sur Pearson : � La doctrine du professeur K. Pearson n'est simplement qu'un �cho des doctrines v�ritablement grandes de Berkeley � (Howard V. Knox, dans Mind, vol. VI, 1897, p. 205). � M. Pearson est, � n'en pas douter, un id�aliste au sens le plus strict du mot � (Georges Rodier, Revue philosophique, 1888, II, vol. 26, p. 200). L'id�aliste anglais William Clifford, que Mach croyait � tr�s proche � de sa philosophie (Analyse des sensations, p. 8), doit �tre consid�r� comme un ma�tre de Mach, plut�t que comme un �l�ve, ses travaux philosophiques ayant �t� publi�s entre 1870 et 1880. Le � malentendu � est ici cr�� par Mach qui � n'a pas remarqu� � en 1901 l'id�alisme dans la doctrine de Clifford, selon laquelle le monde est une � substance mentale � (mind‑stuff), un � objet social �, une � exp�rience sup�rieurement organis�e �, etc. [3] Notons, pour caract�riser le charlatanisme des disciples allemands de Mach, qu'en 1905 Kleinpeter fait de cet id�aliste un des fondateurs de la � gnos�ologie de la science moderne de la nature �.
Mach mentionne, � la page 284 de l'Analyse des sensations, le philosophe am�ricain P. Carus � qui s'est rapproch� � (du bouddhisme et de la doctrine de Mach). Carus se dit lui‑m�me � admirateur et ami personnel � de Mach ; il dirige � Chicago la revue philosophique The Monist et une petite feuille de propagande religieuse, The Open Court (La Tribune libre [4]). � La science est une r�v�lation divine �, dit la r�daction de cette petite feuille populaire. � Nous sommes d'avis que la science peut r�former les Eglises de fa�on � conserver tout ce que la religion a de vrai, de sain et de bon. � Collaborateur assidu du Monist, Mach y publie des chapitres de ses œuvres nouvelles. Carus accommode � un tout petit peu � Mach � Kant, en affirmant que Mach � est un id�aliste ou plut�t un subjectiviste �, mais que Carus, lui, en d�pit de divergences d'ordre secondaire, est persuad� que � Mach et moi nous pensons de m�me � [5]. Notre monisme, d�clare Carus, � n'est ni mat�rialiste, ni spiritualiste, ni agnostique ; il veut dire simplement et exclusivement esprit de suite... il a l'exp�rience pour fondement et les formes syst�matis�es des rapports de l'exp�rience pour m�thode � (I'Empiriomonisme de A. Bogdanov est �videmment plagi� sur ce point 1). La devise de Carus est : � Science positive et non agnosticisme ; pens�e claire et non mysticisme ; conception moniste du monde et non supernaturalisme, ni mat�rialisme ; religion et non dogme ; foi non comme doctrine, mais comme �tat d'esprit � (not creed, but faith). Fort de cette devise, Carus pr�che une � nouvelle th�ologie �, une � th�ologie scientifique � ou th�onomie, qui nie la lettre de la Bible mais insiste sur la � divinit� de la v�rit� tout enti�re et la r�v�lation de Dieu dans les sciences de la nature de m�me que dans l'histoire � [6]. Il faut noter que, dans son livre pr�cit� sur la gnos�ologie de la science contemporaine, Kleinpeter recommande Carus � c�t� d'Ostwald, d'Avenarius et des immanents (pp. 151‑152). Quand Haeckel eut publi� ses th�ses pour l'union des monistes, Carus se pronon�a cat�goriquement contre : tout d'abord, Haeckel avait le tort de renier l'apriorisme � parfaitement compatible avec la philosophie scientifique � ; en second lieu, Carus s'�levait contre la doctrine d�terministe de Haeckel, qui � exclut la � volont� libre � ; en troisi�me lieu, Haeckel � commettait l'erreur de souligner le point de vue unilat�ral de la science contre le conservatisme traditionnel des Eglises. Il agit ainsi en ennemi des Eglises existantes, au lieu de travailler avec joie � leur d�veloppement sup�rieur en des interpr�tations nouvelles et plus justes des dogmes � (ibid., vol. XVI, 1906, p. 122). Carus avoue lui-m�me que � de nombreux libres-penseurs me consid�rent comme un r�actionnaire et me bl�ment de ne pas me joindre � leurs attaques unanimes contre toute religion consid�r�e comme un pr�jug� � (p. 355).
Il est tout � fait �vident que nous sommes en pr�sence d'un leader de la confr�rie des aigrefins litt�raires am�ricains qui travaillent � griser le peuple de l'opium religieux. C'est sans doute aussi � la suite d'un � malentendu � sans importance que Mach et Kleinpeter ont �t� admis dans cette confr�rie.
Notes
[1] Allusion �. la fausse d�claration du pr�sident du Conseil des ministres Stolypine, qui niait l'existence aupr�s des bureaux de poste de � cabinets noirs �, o� l'on soumettait � la censure les lettres de personnes suspectes. (N.R.)
[2] Nozdrev : personnage des Ames mortes de Gogol ; prori�taire foncier, aigrefin et fauteur de scandales. (N.R.)
[3] William Kingdon Clifford : Lectures and Essays, 3rd ed., London, 1901, vol. 11, pp. 55, 65, 69. A la page 58 : � Je suis avec Berkeley contre Spencer � ; p. 52 : � l'objet est une s�rie de changements dans ma conscience, et non quelque chose d'ext�rieur � elle. �
[4] � The Open Court �, revue � tendance religieuse ; para�t � Chicago de 1887 � 1936. (N.R.)
[5]
The Monist : vol. XVI, 1906, July; P. Carus :
Pr. Machs Philosophy, pp. 320, 345, 333.
C'est une r�ponse � l'article de Kleinpeter paru dans
la m�me revue.
� The Monist � : revue philosophique
am�ricaine � tendance id�aliste, �dit�e par P. Carus puubli�e �
Chicago de 1890 � 1936. (N.R.)
[6] Ibid., vol. XIII, p. 24 et suiv., article de Carus: � La th�ologie consid�r�e comme une science �.
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