1919

Source : num�ro 19/20 du Bulletin communiste (premi�re ann�e), 22 juillet 1920, sous le titre � Le programme agraire du Parti Communiste Allemand �.

T�l�chargement: cliquer sur le format de contenu d�sir�

Format ODT Format Acrobat/PDF

Programme agraire

K. P. D.

Juillet 1919


I

Les d�vastations incalculables provoqu�es par la guerre mondiale dans le domaine �conomique ont sap� les bases du syst�me capitaliste en Allemagne. Tout le m�canisme de la production a fondu dans le creuset infernal de la guerre. Les r�serves de main-d'œuvre, d'outillage, des mati�res premi�res et d'autres mat�riaux indispensables � la production ont �t� �puis�es ; le capital a diminu� �galement. Et � mesure que disparaissaient les valeurs destin�es � la consommation, la somme des dettes militaires augmentait toujours en m�me temps qu'augmentait la rapacit� de la classe capitaliste pour les produits du travail. L'anarchie de la production augmentait dans la m�me proportion : le capital dont le r�le historique consistait dans le d�veloppement le plus large des forces productrices de la soci�t� humaine, a d�g�n�r� en un v�ritable parasite dans le corps du travail social et s'est transform� en une force d�sorganisatrice et destructive. Sa derni�re heure a sonn�. Le prol�tariat est appel� � ex�cuter le verdict de l'histoire sous la menace de la perte d�finitive de la production.

La d�faite de l'imp�rialisme allemand sur les champs de batailles fran�ais a donn� le signal de la rencontre d�cisive qui se pr�parait depuis longtemps d�j�. La r�volution du 9 novembre en fut le pr�lude. Mais cette r�volution, bien qu'op�r�e par les ouvriers et les soldats d�sillusionn�s et fatigu�s de la guerre, a n�anmoins laiss� intactes les bases du syst�me capitaliste dans le domaine �conomique. Elle n'a touch� qu'aux formes gouvernementales ext�rieures. Elle a transform� un pays militariste et monarchique en une r�publique bourgeoise gouvern�e pour les apparences par des social-tra�tres.

Les formes politiques du r�gime capitaliste ont �t� soumises � des transformations superficielles : un nouveau fondement lui a �t� substitu�. Mais cette r�volution politique est devenue en m�me temps le point de d�part d'une lutte d�cisive entre le capital et le travail ; elle s'est exprim�e sous la forme d'une s�rie de grandes gr�ves et d'insurrections arm�es qui ont pass� comme un ouragan par toute l'Allemagne et dont le r�sultat final ne peut �tre que le renversement du pouvoir capitaliste. Le prol�tariat industriel marchait � la t�te de l'insurrection des ouvriers salari�s contre le capital. Il a �t� suivi par les ouvriers et les employ�s du capital financier.

Il est clair que la solution du conflit entre le travail et le capital ne saurait �tre limit�e aux villes seules. Le pouvoir du capital opprime encore plus lourdement le prol�tariat des campagnes. Sa destruction menace �galement l'existence des paysans pauvres.

La lutte du prol�tariat des campagnes et des paysans contre le capital se complique dans une forte mesure par le manque de solidarit� sur les lieux et par l'isolement des campagnes. Ces obstacles ne pourraient �tre surmont�s que par une collaboration �troite avec le prol�tariat des villes. Dans les entreprises importantes de l'�conomie agraire, le capital lui-m�me a form� un prototype de la production socialiste. Il suffira seulement de d�truire les cadres de la propri�t� priv�e, de socialiser la terre et les instruments de production et d'�tablir une collaboration �troite avec le commerce et l'industrie socialis�s pour permettre aux m�thodes socialistes du travail de se d�velopper dans le domaine de l'�conomie agraire. Les petits paysans et la propri�t� agraire importante, exploit�s sous la forme de communes agricoles isol�es, souffrent tout autant que le prol�tariat des campagnes du joug du syst�me agraire capitaliste. Mais dans cette forme de production par petites organisations les �l�ments du syst�me �conomique socialiste font encore d�faut. Les y introduire de force est impossible. Le r�gime �conomique bourgeois, gr�ce � un processus de violence de plusieurs si�cles a d�truit les bases de la petite propri�t� agraire. C'est pourquoi le petit propri�taire paysan d�choit dans les rangs du prol�tariat ou bien se trouve oblig� de mener la double existence de l'ouvrier de fabrique et du prol�taire paysan. Il est arrach� � la terre et � ses instruments de production pour tomber sous la coupe du grand propri�taire ou de l'entrepreneur industriel. Les petits propri�taires paysans se sont transform�s en masses en ouvriers de fabriques et en prol�taires paysans ; ou bien il est arriv� que leurs lots se sont trouv�s � ce point diminu�s et grev�s d'hypoth�ques que cette propri�t� agraire les entravait comme un boulet au pied et les mettait dans une lourde d�pendance � l'�gard du grand propri�taire et du capital industriel.

Au contraire l'attitude de la classe ouvri�re ayant pris le pouvoir, � l'�gard du paysan, ne saurait s'exprimer que par un d�sir actif de le soutenir, de l'�lever, afin de l'aider � s'engager dans la voie qui m�ne au socialisme. Le probl�me consiste dans ce domaine � am�liorer la position des petits paysans par le moyen d'un large soutien de la part de l'industrie et du commerce socialis�s ; il faut d�livrer le paysan du r�gime bureaucratique qui l'opprime et lui apprendre � g�rer ses affaires lui-m�me ; il faut enfin d�velopper les germes de la coop�ration agraire avec le concours actif du gouvernement prol�tarien, afin que le petit propri�taire paysan passe peu � peu � la production sociale dans de larges proportions. Dans le but de d�livrer le prol�tariat des campagnes et les paysans de l'exploitation du capital et dans le but d'�tablir le syst�me socialiste de la production dans l'�conomie agraire, le parti communiste formule les revendications suivantes :

II

Les entreprises importantes dans l'�conomie agraire sont celles qui se servent continuellement du travail salari� dans le but d'obtenir des b�n�fices capitalistes. Les petites propri�t�s agraires sont celles qui ne se servent pas du tout du travail salari� ou bien s'en servent de telle sorte que les ouvriers par la forme de leur existence et le caract�re de leur travail jouent dans l'�conomie domestique un r�le �gal a celui des patrons et des membres de leurs familles.

III

Toute propri�t� importante, exploit�e sous forme de grosse entreprise, est expropri�e par le gouvernement socialiste avec son inventaire vivant et autre, toutes les entreprises industrielles qui en font partie et son capital — sans aucune indemnit�. Elle devient la propri�t� de la soci�t� socialiste.

IV

Tous les droits seigneuriaux et patronaux (droit de chasse et de p�che, droits de police, affranchissement de contributions, etc.), de m�me que tous les droits de fid�icommis sont abolis sans aucune r�tribution.

V

Dans chaque grosse entreprise agraire les ouvriers, les employ�s qui y travaillent continuellement et les membres de l'a famille s'occupant des travaux domestiques forment un conseil.

VI

Le conseil de la propri�t� prend sur lui l'exploitation sur les bases communales sous la direction d'un centre commun pour toutes les grosses entreprises agraires.

VII

Le conseil prend sur lui dans les cadres �tablis par le centre commun l'accomplissement des fonctions suivantes :

  1. L'engagement et le renvoi des ouvriers ;

  2. L'�tablissement de la dur�e de la journ�e de travail et du salaire ;

  3. L'�tablissement du syst�me d'exploitation du terrain de la propri�t� agraire et la direction de toutes les entreprises industrielles li�es � la propri�t� ;

  4. La remise des exc�dents des produits agraires non employ�s pour les besoins de la propri�t� ;

  5. La d�termination de l'outillage indispensable pour l'�conomie agraire et que cette derni�re ne produit pas elle-m�me (semences, b�tail, en g�n�ral instruments agricoles, engrais, nourriture, mati�res chimiques, mat�riaux de construction, etc.) ;

  6. L'�tablissement et la distribution des produits commerciaux indispensables pour la consommation priv�e (produits alimentaires, habits, ameublement et batterie de cuisine, œuvres litt�raires et artistiques).

La moyenne des produits agraires et industriels, produits dans la propri�t� m�me, indispensables pour les besoins personnels des membres-compagnons de l'�conomie donn�e, est �tablie par le centre.

Le surplus de ces produits est remis aux d�p�ts des centres de ravitaillement qui pourvoient �galement aux besoins des propri�t�s agraires sous forme de produits commerciaux de toute esp�ce.

Le surplus livr� des produits d'une propri�t� donn�e est port� aux comptes courants des compagnons de ladite propri�t� qui est financ�e par les banques centrales.

IX

Les for�ts et les chasses se trouvent entre les mains des ouvriers et des employ�s forestiers soumis � un centre de direction unique, r�unis en coop�rative et de plus organis�s en soviets.

L'exploitation des for�ts qui faisaient pr�c�demment partie des propri�t�s des communes paysannes est r�serv�e � ces derni�res dans les limites de leurs besoins locaux. La direction de ces terrains est concentr�e dans les centres, de m�me que la direction de tous les autres terrains forestiers.

XI

La direction des voies de navigation se centralise dans les limites de chaque r�gion.

XII

Dans les p�riodes de grand travail press� dans les entreprises agricoles — de travail demandant � �tre ex�cut� � terme (rensemencement, la r�colte) des d�tachements d'ouvriers agraires seront form�s par le centre et r�partis dans diff�rentes propri�t�s.

XIII

Pour permettre de mobiliser les ouvriers dans les propri�t�s agricoles au moment indiqu�, il est indispensable que les travailleurs industriels s'initient eux aussi d�s leur jeune �ge aux formes �l�mentaires du travail agricole.

D'un autre c�t� il est indispensable que les travailleurs des communes agricoles apprennent les �l�ments de la technique de l'agriculture dans l'int�r�t du d�veloppement technique de la production m�me et aussi pour faciliter le passage des ouvriers qui, par la suite, ne seront pas appel�s � travailler dans les entreprises agricoles dans le domaine du travail industriel.

XIV

L'apprentissage, l'entretien des �l�ves et la fourniture des livres sont gratuits dans les �coles techniques et agraires tout comme dans les autres �coles en g�n�ral.

XV

Les moyens et la main-d'œuvre indispensables pour l'accomplissement des grands travaux dans les entreprises agraires (d�frichage et travaux de drainage, etc., d�blaiement des champs, construction des routes) sont fournis aux propri�t�s par l'�tat.

XVI

Toute grande propri�t� non exploit�e comme telle, mais parcel�e en lots afferm�s, est expropri�e dans les m�mes conditions que les grandes propri�t�s indiqu�es pr�c�demment — sans indemnit�. Les terres exploit�es sous formes de petites fermes sont remises aux soviets de travailleurs agricole- �t de paysans du rayon �conomique correspondant. Ces soviets doivent �tablir pour chaque terrain donn� la forme de son exploitation en se conformant aux int�r�ts des paysans qui y travaillaient jusque-l�.

XVII

Les terres qui ont appartenu � l'�tat et qui ne sont pas subdivis�es doivent servir de fermes mod�les et se trouver sous la d�pendance directe du centre gouvernemental ou du district.

Des �coles sp�ciales ou des �coles sup�rieures d'�conomie agraire doivent y �tre organis�es.

XVIII

L'�tat doit tendre � niveler l'antagonisme entre la culture des villes et celle des campagnes en facilitant l'acc�s de cette culture dans les campagnes par la construction d'un riche r�seau de voies ferr�es de communication rapide et d'autres voies de communication, et dans l'int�r�t de la production m�me ; — fournir � la campagne l'�nergie �lectrique, le gaz, etc. ; il doit enfin dans le m�me but proc�der � l'union des grosses entreprises agraires avec les entreprises industrielles.

De la Petite Propri�t�

XIX

Le droit de propri�t� du petit propri�taire sur la terre qui lui appartenait et les moyens de production reste invuln�rable. La terre qu'il exploitait lui est abandonn�e gratuitement en pleine propri�t�.

XX

Les petits paysans r�gissent eux-m�mes leurs affaires administratives et �conomiques sur la base de l'organisation sovi�tiste.

Cette forme de direction doit remplacer la tutelle bureaucratique du r�gime capitaliste.

XXI

Tous ceux qui travaillent dans les petites propri�t�s agraires, y compris les membres de la famille de sexe f�minin occup�s aux travaux domestiques, doivent s'unir en soviets de petits paysans locaux.

Les petits marchands et les ouvriers sp�cialistes ne vivant pas du produit du travail d'autrui entrent �galement dans la composition des dits soviets.

Les soviets locaux de petits paysans s'unissent � leur tour aux soviets des propri�t�s appartenant a la r�gion correspondante et aux ouvriers vivant dans la campagne pour former des soviets de campagnes communs.

Les soviets des petits paysans r�gissent les affaires communes de tous les petits paysans. Les soviets de campagne r�gissent les affaires �conomiques g�n�rales de la campagne.

XXII

Les soviets de petits paysans font acquisition � frais communs des engrais, des semences, du b�tail, de l'outillage agricole, des machines et des produits naturels de toute esp�ce, de concert avec les soviets de propri�t�s locaux et les soviets ouvriers ; ils contr�lent la livraison du surplus des produits dans les d�p�ts des centres de ravitaillement.

XXIII

L'industrie socialement organis�e fournit aux petits paysans tous les produits qui leur sont indispensables ; elle contribue � l'union des petites fermes au moyen de la construction d'un large r�seau �lectrique par la mise � leur disposition des machines et des b�timents n�cessaires, en encourageant le d�veloppement des soci�t�s coop�ratives agraires, en veillant au d�veloppement de l'�ducation professionnelle et � la mise � la disposition des petits paysans de sp�cialistes et de livres techniques indispensables, fournis gratuitement, etc.

XXIV

L'union des petites communes agricoles d'une r�gion donn�e en une seule grande ferme — union �conomique r�gionale — repr�sente le passage � la grosse �conomie agricole organis�e et g�r�e par tous ses membres.

L'union r�gionale est form�e selon la libre entente des petits paysans habitant la r�gion donn�e.

L'organisation de l'union r�gionale est compos�e par l'association libre de n'importe quel nombre de petits paysans d'une localit�.

XXV

Les unions r�gionales, de m�me que les petites unions de paysans, sont soutenues par l'industrie socialiste par la construction pour toute la r�gion de magasins sociaux, d'�curies et d'autres locaux, par la mise � leur disposition de techniciens et de sp�cialistes agraires, par l'ensoi des d�tachements d'ouvriers pendant la p�riode des grands travaux au moment de l'ensemencement et de la r�colte et par leur pourvoiement en inventaire et eu capital.

XXVI

L'instruction dans les �coles — g�n�rales et sp�ciales — les livres et l'entretien des �l�ves durant la p�riode scolaire sont gratuits.

XXVII

Des terrains de dimension suffisante doivent �tre mis � la disposition des �coles, dans les villes comme dans les campagnes, pour permettre l'enseignement pratique de toutes les branches principales du travail agricole.

XXVIII

Les hypoth�ques des terres passent � l'Etat. Elles ne peuvent pas �tre abolies selon le d�sir des propri�taires. Les hypoth�ques peuvent �tre lev�es par l'Etat.

Les Soviets des campagnes

XXIX

Les soviets de propri�t�s, les soviets de petits paysans et ceux des campagnes s'unissent d'abord par arrondissements �conomiques, puis par tout le territoire de l'Etat.

Chacune de ces organisations sovi�tistes doit �lire dans son milieu un comit� ex�cutif qui dirigera les affaires courantes sous le contr�le des soviets et jouit du droit de coopter des sp�cialistes. Le Congr�s central des soviets ouvriers agraires et des petits paysans sert d'organe sup�rieur de repr�sentation de l'�conomie agraire. Ce congr�s choisit dans son milieu, en qualit� d'organe ex�cutif, un soviet agronomique central. Ce dernier entre dans la composition de l'organe central de l'�conomie agraire et �tablit, de concert avec ce dernier, les r�glements g�n�raux de l'�conomie agraire.

XXX

Les communaut�s des campagnes sont gouvern�es par les soviets des campagnes. Les affaires courantes se trouvent sous la comp�tence du Comit� ex�cutif des campagnes.

Les membres du Comit� ex�cutif, de m�me que les membres du soviet des campagnes, peuvent �tre rappel�s � tout moment par leurs �lecteurs. Les soviets des campagnes envoient leurs d�l�gu�s dans les soviets de paysans et d'ouvriers des districts et ces derniers dans les soviets des arrondissements, etc., et ces soviets, de concert avec les autres soviets, repr�sentent le pouvoir politique de leur r�gion.


Archives KPD
Haut de la page Sommaire
Archives Internet des marxistes