1922 |
Source : numéro 10 du Bulletin communiste
(troisième année), 9 mars 1922. Le premier congrès des
travailleurs d'extrême-orient a eu lieu à Moscou et à Petrograd du
21 janvier au 2 février 1922. |
Le Congrès des révolutionnaires de l'Extrême-Orient
Le premier Congrès des révolutionnaires de l'Extrême-Orient vient de se réunir, à l'appel et sous les auspices de l'Internationale, à Petrograd et à Moscou. Réunion on ne peut plus opportune au lendemain de la Conférence de Washington où quatre grandes Puissances ont conclu un accord pour l'exploitation en commun des peuples de l'Asie orientale.
Les organisations communistes et révolutionnaires de la Chine, du Japon, de la Corée, de la Mongolie, de Java ont été largement représentées. Leurs délégués ont fraternisé sous le drapeau rouge du communisme avec les camarades des partis européens, invités au Congrès. Les représentants des travailleurs opprimés et exploités des peuples de l'Extrême-Orient, privés, dans leurs propres pays, de toute liberté, ne pouvaient évidemment se réunir de la sorte que sur le territoire de la République des soviets.
L'importance de cette manifestation internationale est grande. Jusqu'à présent les peuples de l'Extrême-Orient ont été divisés par leurs maîtres, en proie au mensonge patriotique, au nationalisme. Mais l'idée que les exploités de tous les pays sont frères et ont les mêmes intérêts à défendre fait son chemin parmi eux.
Les rapports présentés au Congrès nous ont représenté l'impérialisme japonais comme le danger le plus grave pour l'Extrême-Orient. La Corée ploie sous un joug sanglant. La Chine est pour les grandes puissances capitalistes un domaine d'exploitation et les classes possédantes chinoises n'hésitent pas à s'allier aux exploiteurs étrangers. La Mongolie, après avoir été menacée par l'impérialisme japonais et le capitalisme chinois, vient enfin de se libérer à la fois de la féodalité et de la théocratie. Pour appartenir à un pays vainqueur et oppresseur les travailleurs japonais ne sont pas moins spoliés, brimés, privés de droits que leurs frères coréens et chinois.
L'entente entre les représentants de ces pays n'a pas été difficile. La plupart des résolutions prises n'ont pas occasionné de débats importants. C'est qu'elles expriment des situations et des idées très nettes dans tous les esprits. Le camarade Zinoviev avait ouvert le Congrès par un remarquable discours traitant de la situation de l'Extrême-Orient et des résultats de Washington. Ce n'est pas à Washington, à Londres ou à Gênes que les peuples opprimés ont à placer leurs espoirs, c'est au cœur de la révolution sociale, c'est-à-dire Moscou !
Un examen rapide, mais approfondi, de leurs situations fit tout de suite comprendre aux délégués des Pays de l'Asie orientale que leur intérêt commun est de s'unir nationalement et internationalement contre le capital et l'impérialisme — et d'abord contre la redoutable puissance militaire du Japon. Le Congrès fut unanime à le proclamer. Tant que l'impérialisme japonais n'aura pas été jeté bas, les travailleurs chinois, coréens, indonésiens, mongols, n'auront ni paix, ni sécurité véritables.
Quoique correspondant à des nécessités historiques d'ordre général le mouvement révolutionnaire de l'Extrême-Orient est des plus variés dans ses aspects. En Corée le mouvement fut surtout nationaliste jusqu'à la grande insurrection, noyée dans le sang, de 1919. L'expérience douloureuse de ces dernières années a porté ses fruits. Un Parti Communiste coréen s'est formé, faible encore, mais en voie de développement. Les révolutionnaires coréens comprennent de mieux en mieux que leur peuple ne peut être libéré que par l'effort de tous les prolétariats de l'Extrême-Orient — y compris le prolétariat japonais — contre l'impérialisme nippon.
La Chine est encore, dans une très large mesure, un pays féodal et agricole. Sa population est en majorité formée de paysans et de coolies, ceux-ci innombrables et infiniment déshérites. La révolution industrielle vient de commencer en Chine : le prolétariat ne fait donc qu'y naître. Mais depuis 1910-11, la Chine traverse une période révolutionnaire. Elle n'a pas encore de gouvernement stable. Celui de Pékin est en faillite et ne dure que par la grâce des Etats européens, ses créanciers. Il est combattu par celui de Canton, à la tête duquel se trouve Sun-Yat-Sen. Soutenu par ses créanciers impérialistes le gouvernement de Pékin parviendra peut-être à abattre son rival, ce qui n'aura pas à nos yeux une importance majeure. La Chine a besoin en ce moment d'un vrai Parti Communiste capable de réaliser l'union de toutes les forces révolutionnaires. Les travailleurs chinois sont, leurs délégués l'ont hautement déclaré, disposés à s'unir en premier lieu contre les exploiteurs étrangers. Déjà ils l'ont montré en boycottant naguère les marchandises japonaises.
Sous tous les rapports, le Congrès des révolutionnaires d'Extrême-Orient a été un grand succès. Les plénipotentiaires des Etats impérialistes ont pu conclure à Washington des accords temporaires ; leurs négociations n'ont que mieux fait ressortir qu'une entente et une paix authentiques entre requins du capital international est complètement impossible. Au contraire, ennemis irréductibles, les impérialistes en présence ont différé d'en venir aux mains, pour récupérer, en exploitant l'Extrême-Orient, les forces que la guerre mondiale leur a fait perdre. Toute autre est l'entente des révolutionnaires et des travailleurs. Fondée sur de grands intérêts communs, vitaux, elle est sincère, facile à réaliser, génératrice de résolutions énergiques.
A Moscou et à Petrograd, des frères de lutte et de classe, blancs et jaunes, se sont fraternellement réunis. C'est un grand pas de fait dans l'histoire de l'émancipation du travail. Prolétaires d'Asie et d'Europe nous ayons un ennemi commun, le Capital, et nos intérêts essentiels exigent que nous demeurions, sous le drapeau rouge de la révolution, étroitement unis. Nous avons montré au Congrès de Moscou que cette union est désormais un fait.