"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale." |
Défense du trotskysme (2)
L'Impérialisme, la bureaucratie du Kremlin, les États-Unis Socialistes d'Europe
L'“ interpénétration des capitaux ” est une formule creuse. Les groupes capitalistes s'approprient de nouveaux moyens de production, en s'appuyant sur leurs propres bases et en les renforçant. Ils se nourrissent des rapports de production qui existent dans leurs cadres nationaux, et se protègent de leurs concurrents par tous les moyens que le contexte national, dont ils sont une composante, leur offre. Ils visent à la domination du Marché Commun en se subordonnant leurs concurrents, en s'appropriant leurs moyens de production, en détruisant ceux‑ci, ou en les réajustant en moyens de productions complémentaires aux leurs. C'est la loi du plus fort qui prévaut, la force résultant d'un ensemble de rapports sociaux et politiques sur la base des moyens de production. La pénétration du capital américain au sein du Marché Commun, malgré le tarif douanier, s'accentue considérablement. On pourrait tout aussi bien en conclure que se constitue un “ capital mondial ” par interpénétration des capitaux. Nullement. La puissance des sociétés capitalistes américaines est telle qu'elle leur permet d'investir le Marché Commun. Les frontières douanières sont surmontées par l'investissement direct en Europe. Le mouvement s'est considérablement accéléré depuis 1958 et les investissements américains se comptent par dizaines de milliers de dollars en fonction de plusieurs facteurs : les disponibilités en capital des sociétés américaines, l'importance du marché européen, la valeur relativement basse de la force de travail, la nécessité d'affronter sur leur propre terrain les capitalistes des différents pays d'Europe que pourtant l'impérialisme américain a remis en selle, le reflux de la classe ouvrière à partir de 1956‑58, date de la défaite de la révolution hongroise et de la montée au pouvoir de De Gaulle.
Mais cette pénétration du capital américain s'appuie sur ses fondements qui sont aux USA. A son tour, elle renforce la puissance des groupes capitalistes à un point tel qu'ils concurrencent victorieusement, y compris sur le marché financier, leurs concurrents européens. Les émissions des sociétés américaines installées en Europe drainent des milliers de dollars. Mandel nous fournit généreusement les renseignements suivants :
“ 256 millions de dollars en 1965, 436 millions de dollars en 1966, 525 millions en 1967, plus de 2 milliards de dollars en 1968... A ces émissions directes (d'Euro‑obligations) viennent s'ajouter les crédits bancaires importants que reçoivent en Europe les filiales des sociétés américaines. On estime ces crédits pour l'année 65 à un milliard de dollars; ils doivent atteindre ce même niveau en 1966, 1967, 1968 ” (idem page 112)
qui s'additionnent à l'exportation de capital venu des U.S.A. Il en résulte que le capital américain prend le contrôle d'une partie des moyens de production de l'Europe Occidentale, à la faveur du Marché commun. Il les subordonne aux siens, surtout dans les secteurs de pointe. L'exemple de Bull est significatif. Non seulement la Général Electric prend le contrôle de Bull, mais encore elle transforme cette entreprise en simple agence, en dépositaire ; ensuite, en fonction de ses besoins et des rapports propres du capital américain, elle transfère Bull à Honeywell. Il démontre parfaitement le véritable contenu de “ l'interprétation ” de la fusion, des capitaux.
L'importance de la pénétration américaine illustre le type de rapports qui existent au sein du Marché Commun. Menacé sur son propre sol par la pénétration américaine, concurrencé directement en Angleterre et sur le marché mondial par l'expansion des exportations de marchandises et de capital des principaux pays du Marché Commun, le capital anglais se trouve dans une situation contradictoire. Bien que très décrépites, les “ préférences impériales ”, ou ce qui en subsiste, lient l'Angleterre à son ancien empire colonial, à ses anciens courants d'échanges, aux vieux débouchés de ses marchandises et de ses capitaux. Le maintien de la Livre comme moyen de paiement international donne encore à Londres le rôle d'une place financière mondiale et procure encore de substantiels profits aux banquiers de la City. Ce sont là des obstacles à l'entrée de l'Angleterre dans le Marché Commun. Mais pas plus que le capital des différents pays de l'Europe des six ne peut se désintéresser du marché anglais, de la zone de libre échange de l'ancien empire colonial anglais, l'impérialisme anglais ne peut se désintéresser du Marché Commun. Il lui faut l'investir sans posséder les moyens de l'impérialisme américain, sans modifier radicalement l'ensemble de ses rapports avec le marché mondial. Entrer ou ne pas entrer, et à quelles conditions, au sein du Marché Commun ? Le drame d'Hamlet n'était qu'enfantillage à côté d'un aussi déchirant dilemme. Des trusts comme l'ICI, la BMC, ne peuvent attendre. Ils se lancent bravement à l'assaut, se regroupent en conséquence et s'emparent quand ils le peuvent de firmes du Marché Commun, têtes de pont de leur pénétration.