"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale." |
Défense du trotskysme (2)
L'Impérialisme, la bureaucratie du Kremlin, les États-Unis Socialistes d'Europe
Toute la construction de Mandel repose sur un simple petit terme, gentil, neutre, fade, écœurant, qui lui sert à travestir la dure et cruelle réalité : l'“ interpénétration ” du capital des différentes bourgeoisies d'Europe. Il n'y a pas “ interpénétration ” du capital, mais lutte à mort entre les groupes capitalistes nationaux pour la suprématie au sein de l'Europe des Six, en vue de la lutte sur le marché mondial aussi bien à l'Ouest qu'à l'Est. Le Marché Commun est un champ clos qui a été en grande partie imposé aux bourgeoisies de l'Europe des Six par l'impérialisme américain, à la fois de façon ouverte et directe, et par sa pression objective, dans lequel elles s'affrontent, et où l'impérialisme américain intervient pour son propre compte.
Les différents groupes et bourgeoisies nationales reprennent sous une forme nouvelle la folle aventure des deux premières guerres mondiales en Europe, mais à partir des conditions sociales et politiques qui résultent de la vague révolutionnaire issue de la deuxième guerre mondiale. Le Marché Commun a été constitué dans le prolongement du plan Marshall, de l'O.C.D.E., de la Communauté Européenne de l'Acier et du Charbon, de l'EURATOM. Mis en route en 1958, chaque étape vers l'abaissement des barrières douanières internes et l'institution d'un système unique extérieur de droits à l'exportation et à l'importation, a fait l'objet de marchandages entre les états nationaux. Déjà, de ce seul point de vue, loin d'aboutir à l'affaiblissement progressif des états bourgeois nationaux, il a au contraire renforcé la nécessité, pour les différents groupes capitalistes et bourgeoisies nationales, d'avoir recours chacun à leur état national afin de protéger leurs intérêts spécifiques et si possible les imposer aux autres. Tout se traite à partir des rapports de forces, dont les composantes sont économiques, sociales et politiques. La façon dont la candidature de l'Angleterre au Marché Commun a été repoussée en janvier 1963 par De Gaulle est restée dans toutes les mémoires. Non moins inoubliable est la discussion sur le marché commun agricole, problème qui n'est toujours pas réglé réellement après des années de discussions. A chaque aspect particulier du règlement du Marché Commun agricole, les bourgeoisies nationales, la bourgeoisie française, mais pas plus que les autres, ont fait intervenir leur état national en utilisant au maximum les cartes politiques dont il dispose. La fameuse Commission Européenne s'est vue ramener à sa juste proportion lorsqu'il fût question de mettre en application l'article du Traité de Rome instituant la C.E.E., qui prévoyait que les décisions au sein de l'Europe des Six seraient prises à la majorité et ne procéderaient plus d'accords unanimes entre les Six. Le gouvernement De Gaulle s'y est formellement opposé en janvier 1966 et les autres gouvernements se sont finalement pliés avec beaucoup de bonne volonté au point de vue du gouvernement et de la bourgeoisie française... Ils n'avaient et n'ont toujours pas l'intention de sacrifier l'autel du “ capitalisme européen ”, les intérêts fondamentaux de leurs propres bourgeoisies lorsque ceux‑ci sont en cause. Même après douze ans, la libre circulation des marchandises n'est que très relative. Elle se heurte à des clauses restrictives, qu'en vertu de “ situations spéciales ” les états nationaux sont en droit d'utiliser. Et ils ne s'en privent pas: témoin les appareils électro‑ménagers où les contingentements des importations en vue d'équilibrer les balances commerciales et des comptes, les tarifs des transports qui ne sont toujours pas harmonisés, et mille et une pratiques, qui officielles ou inofficielles limitent la libre‑circulation des marchandises au sein du Marché Commun, et par lesquelles chaque bourgeoisie défend son marché national. Inversement de véritables pratiques de dumping sont utilisés par les bourgeoisies nationales afin d'envahir les marchés de leurs chers collègues européens : subventions, dégrèvement fiscaux, crédits aux exportations, consentis par les états nationaux.
Les européens se lamentent :
“ L'essor de centaines d'industries, en particulier les industries de technologie avancée, est encore freiné en Europe occidentale par le cloisonnement des marchés publics et semi‑publics. En réservant leurs commandes les plus importantes à l'industrie nationale, les organismes publics, et même certaines entreprises privées, croient servir l'intérêt national. En fait, en cloisonnant artificiellement le marché de nombreux matériels, ces pratiques privent les secteurs industriels qui en auraient le plus besoin des avantages du grand marché. ”