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Source : Le bulletin communiste, numéro 20
(troisième année), 11 mai 1922. |
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La question agraire
Conférence de l'Exécutif élargi (21 février – 4 mars 1922)
Mémoire présenté par la fraction communiste du
Collège du Commissariat de l'Agriculture
La terrible crise de ravitaillement que traverse la Russie souligne, comme l'ensemble des expériences de la révolution russe, l'importance décisive de la question agraire dans les questions de ravitaillement et pour le maintien de la dictature du prolétariat. Si cette vérité est particulièrement évidente en ce qui concerne la Russie, dont l'immense majorité des populations (74,6 %) est rurale, on est assurément en droit de prétendre qu'il serait aujourd'hui impossible de maintenir la dictature du prolétariat dans tout autre pays du monde où sévirait la famine et où l'agriculture serait également ruinée.
Il est donc de la plus haute importance pour les communistes de ne point négliger les questions relatives à l'agriculture et intéressant les paysans et les travailleurs de la terre. Il convient de tendre à faire, dans ces questions, une nette lumière sur les buts et les moyens tactiques. Car il ne suffit pas de rappeler chaque année qu'il y a une question agraire et de la discuter alors superficiellement, et sans méthode, dans notre presse. Il faut, en la matière, un travail organisé, permanent, systématique.
La première condition préliminaire, absolue, d'un semblable travail, c'est l'élaboration de bonnes directives générales susceptibles d'être adaptées a la situation des différents pays. L'étude internationale des questions intéressant les prolétaires de la campagne, les paysans pauvres, moyens ou riches, la production rurale, la coopération, la socialisation dans les campagnes, l'analyse de tous les faits s'y rapportant, l'échange des vues et des expériences, doivent nous mettre en mesure de mieux préciser nos buts les plus prochains.
Pour ces raisons, nous avons, par la voie du Comité Central du Parti Communiste de Russie, adressé à l'Exécutif élargi de l'I. C. la proposition suivante, qui prévoit une série de mesures d'organisation en vue de l'émancipation économique et politique du prolétariat des campagnes sous une direction révolutionnaire internationale et unitaire — et, partant, de la solution de toutes les autres questions agraires.
Conduire les travailleurs des campagnes dans les grèves politiques et économiques, les conduire ensuite, d'un commun accord avec le prolétariat industriel, à l'insurrection pour la dictature du prolétariat, telle sera la mission principale de ces organisations.
Du domaine de la théorie communiste, la question agraire doit passer dans celui de l'action pratique.
Le premier effort dans ce sens doit être la réunion d'une conférence agraire au cours de l'été prochain. Cette conférence discutera et arrêtera les principales mesures ultérieures d'organisation. Les conférences semblables, annuellement renouvelées, constitueront la plus haute instance de l'I. C. dans les questions agraires. Elles auront à connaître et à trancher toutes les questions importantes y afférentes, de programme ou de tactique. Leurs décisions seront soumises à la sanction des congrès mondiaux de l'I. C. ou, dans les cas urgents, de l'Exécutif.
La Conférence agraire annuelle élira un organe exécutif du Bureau Agraire International, organe dirigeant des sections agraires des Partis Communistes, dans l'intervalle des conférences. Ce Bureau sera contrôlé par les congrès et par l'Exécutif de l'I. C. Assistera à ses séances un délégué permanent de la fraction communiste du Commissariat de l'Agriculture (ayant voie consultative). Un membre du bureau sera délégué à l'Exécutif de l'I. C.
Ce qui précède suffit à indiquer le rôle et le travail politique du Bureau qu'il appartiendra à la première conférence de fixer avec précision.
Nous tenons cependant à attirer l'attention sur une des attributions du Bureau, qui nous paraît du plus grand intérêt, savoir : la révision permanente des programmes agraires des Partis. Il y aura lieu, sur ce point, de s'inspirer des considérations suivantes :
Toute schématisation paraît, dans le domaine de l'agriculture, inféconde. La situation de chaque pays doit être dès le début examinée à fond afin que les programmes établis soient autre chose que des exercices de style, voués à l'échec dès les premières tentatives de réalisation.
On ne saurait accorder la plus grande importance au programme final sur lequel il n'y a guère, entre communistes, de sérieuses divergences de vues ; elle revient au travail agraire de chaque pays, le programme actuel étudié dans ses moindres détails et sans cesse remis à jour pour le moment de la prise du pouvoir et pour la première période de dictature prolétarienne. Ce programme doit stipuler, avec la clarté des ordonnances médicales, les mesures à appliquer dans le domaine agraire. A ce prix seulement seront évitées des oscillations et des incertitudes néfastes qui ne manqueraient pas d'entraîner la débâcle du ravitaillement. Ce qui est d'autant plus vrai qu'il faudra, dans la plupart des pays, mettre à la tête de l'agriculture des militants plus ou moins inexpérimentés, à défaut de bons spécialistes communistes.
L'activité du Bureau sera facilitée par le concours de la section de politique agraire en voie de formation près l'Académie socialiste de Moscou.
L'action politique du Bureau, soutenue par le concours de ladite section et bénéficiant des expériences pratiques de la fraction communiste du Collège du Commissariat de l'Agriculture ; sa collaboration étroite avec l'Exécutif de l'I. C. et avec les partis ; les conférences annuelles auxquelles participeront les militants les plus actifs du mouvement ouvrier communiste, engendreront un système d'organisation et de travail qui nous permettra de remplir intégralement notre devoir envers l'avenir communiste.