Texte de Ted Grant sur la question de l'�tat, publi� en 1997. |
Etat et R�volution
Ted Grant
4 septembre 1997
La question de l��tat a toujours �t� une question fondamentale pour les marxistes. C�est le th�me central de certains textes les plus importants du marxisme comme L�Origine de la famille, de la propri�t� priv�e et de l��tat de Friedrich Engels et Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte de Marx. Mais la meilleure explication de l�essence de la th�orie marxiste de l��tat se trouve dans L��tat et la r�volution de L�nine, l�un des �crits politiques les plus importants du 20e si�cle.
� Ce pouvoir, issu de la soci�t�, mais qui se dresse au-dessus d�elle et s�en s�pare de plus en plus, voil� ce que repr�sente l��tat. � (Engels, L�Origine de la famille, de la propri�t� priv�e et de l��tat)
Curieusement, la question de l��tat, malgr� son �norme importance, n�occupe pas l�attention qu�elle m�rite dans l�esprit des travailleurs, m�me des plus conscients. Ceci n�est pas un hasard. L��tat n�aurait aucune utilit� pour la classe dominante si les gens ne s�imaginaient pas qu�il s�agit de quelque chose d�inoffensif, d�impartial, se trouvant au-dessus des int�r�ts de classe et des personnes ou qui aurait � toujours exist� �. En effet, la classe dominante n�a aucun int�r�t � attirer l�attention des masses sur ce que repr�sente r�ellement cette institution. Toute discussion s�rieuse � ce sujet est consid�r�e comme inacceptable.
La constitution, la monarchie, la � justice �, toutes ces choses sont consid�r�es comme acquises dans notre syst�me qui se d�crit comme une � d�mocratie �. Apr�s tout, l��tat n�est-il pas au service de tout un chacun ?
Le marxisme nous apprend que l��tat, et � vrai dire toute forme d��tat, est un instrument d�oppression d�une classe par une autre. L��tat ne peut donc jamais �tre neutre. Dans le Manifeste communiste, Marx et Engels expliquent d�j� que le � gouvernement de l��tat n�est pas plus qu�un conseil qui g�re les affaires communes � toute la classe bourgeoise �. En effet, dans un r�gime de d�mocratie bourgeoise formelle, chacun peut dire (plus ou moins) ce qu�il veut, mais en fin de compte ce sont les banques et les grands monopoles qui d�cident de notre sort. En d�autres mots, la d�mocratie bourgeoise n�est qu�une forme d�expression de la dictature du grand capital.
L��tat est un instrument d�oppression ; il est l�organe de domination d�une classe sur une autre. Il est un pouvoir, expliquait Engels, qui se dresse au-dessus de la soci�t� et qui tend progressivement � s��loigner de celle-ci.
Historiquement, l��tat est n� suite � la division de la soci�t� en classes sociales antagonistes. Sans l�existence de ce pouvoir sp�cial, qui se pr�sente � la soci�t� comme un pouvoir � impartial �, celle-ci se consumerait dans des luttes intestines et des guerres civiles. La seule existence de l��tat est l�aveu de la r�alit� de contradictions irr�conciliables au sein de la soci�t�. L�arbitrage de cette lutte de classes n�cessite donc une institution sp�ciale qui maintient les tensions dans certaines limites et �vite ainsi que la soci�t� s�autod�truise.
Choisissant ses mots avec une grande prudence, L�nine caract�rise l��tat comme � un pouvoir se situant en apparence au-dessus de la soci�t� �. Cette apparence de � l�galit� impartiale �, de � justice pour tous �, etc. est b�nie par l��glise et la morale officielle. L��crivain fran�ais Anatole France avait � l��poque ironis� sur � La majestueuse �galit� des lois [qui] interdit aux riches comme aux pauvres de coucher sous les ponts, de mendier dans la rue et de voler du pain �. Derri�re la fa�ade d�impartialit� se cachent des int�r�ts de classe. N�anmoins, en p�riode normale les gens sont habitu�s � l�accepter sans remettre l��tat en question. Cette institution leur appara�t comme normale et immuable. Ceci est compr�hensible, car depuis notre naissance l��tat est omnipr�sent. C�est seulement lors de graves crises secouant la soci�t� jusque dans ses fondements que les gens commencent � remettre en question leurs habitudes, la routine et la tradition qui p�sent sur leur esprit comme un poids mort. C�est � ce moment qu�ils regardent la r�alit� en face. C�est � cet instant, quand les opprim�s commencent � se lever contre leurs oppresseurs, que l��tat r�v�le sa vraie nature.
� certaines �poques, quand la lutte de classes est dans l�impasse, que la classe dirigeante n�est plus capable de gouverner avec ses vieilles m�thodes et que la classe ouvri�re, paralys�e par sa direction, n�est pas en condition de la renverser, la tendance de l��tat � se s�parer de la soci�t� et � acqu�rir une plus grande ind�pendance se renforce. On assiste alors � un ph�nom�ne d�j� remarqu� � plusieurs occasions dans l�Histoire : le � c�sarisme � pendant la d�cadence de la R�publique romaine et durant les r�gimes de monarchie absolue de la fin du f�odalisme ; et le bonapartisme dans l��poque moderne. Dans toutes ces variantes, l��tat - � l�ex�cutif � - s��l�ve au-dessus de la soci�t�, s��mancipant de toute forme de contr�le, y compris de la classe dominante. S�affirme alors le gouvernement � par l��p�e � - la domination des militaires - qui prend habituellement la forme du r�gne absolu d�un seul individu. Au si�cle dernier, Napol�on Bonaparte, Louis Bonaparte et Bismarck ont jou� ce r�le. � l��poque moderne, nous pensons � Per�n (en Argentine), De Gaulle (en France), Pinochet (au Chili) et � toute une s�rie de dictateurs du Tiers-Monde. Souvent, un r�gime bonapartiste essaye de jouer au funambule entre les classes en les opposant les unes aux autres. Le dictateur a pour habitude de parler au nom de la � nation �. Mais cach� derri�re cette d�magogie, cet �tat, comme n�importe quel autre, d�fend en fait les relations de productions existantes. Pour �tre exact, des ph�nom�nes tr�s particuliers (le bonapartisme prol�tarien) se sont produits durant l��poque moderne, surtout dans les anciens pays coloniaux qui �chappent aux sch�mas classiques.
Il est du devoir des marxistes d��tudier l�Histoire, non � titre de passe-temps acad�mique, mais afin d�en tirer des conclusions pratiques, tout comme, dans les acad�mies militaires de la bourgeoisie, les officiers �tudient les guerres de Napol�on et de Jules C�sar pour pr�parer les futures batailles. Sans l�exp�rience de la Commune de Paris et de la R�volution russe de 1905, le Parti bolchevik n�aurait jamais pu �laborer le programme et les perspectives qui permirent la prise du pouvoir en 1917. De la m�me fa�on, Marx n�a pas sorti sa th�orie de l��tat de nulle part, elle a �t� tir�e de l�exp�rience de la Commune de Paris.
Marx explique la v�ritable port�e de la Commune de Paris dans une lettre � Kugelmann dat� du 12 avril 1871 :
� Si tu relis le dernier chapitre de mon 18 Brumaire tu verras que j'y exprime l'id�e suivante : la prochaine tentative r�volutionnaire en France ne devra pas, comme cela s'est produit jusqu'ici, faire changer de main l'appareil bureaucratico-militaire, mais le briser. Et c'est la condition pr�alable de toute v�ritable r�volution populaire sur le continent. C'est bien l� d'ailleurs ce que tentent nos h�ro�ques camarades parisiens. �
Sur la base de cette exp�rience, une modification importante a �t� introduite dans la pr�face de l��dition allemande de 1872 du Manifeste du parti communiste. Il y est expliqu� que la classe ouvri�re ne peut utiliser l�appareil d��tat existant � ses propres fins, mais qu�elle doit le renverser et cr�er un nouvel �tat ouvrier, ou plus exactement un semi-�tat, un �tat qui n�est pas autre chose que le peuple arm� et organis� pour mener � bien la transformation de la soci�t�. Ce fut le cas de la Commune de Paris et aussi de la R�volution russe de novembre 1917 (octobre 1917 selon l�ancien calendrier).
Un �tat bourgeois normal - m�me le plus d�mocratique - est un monstre compos� de millions de fonctionnaires, tant civils que militaires, qui d�vore une partie tr�s importante de la richesse produite par la classe ouvri�re. D�un point de vue strictement �conomique, l��tat repr�sente un terrible poids mort pour la soci�t�. Les imp�ts sont une charge de plus en plus lourde sur les �paules des travailleurs et des classes moyennes (les grandes entreprises et multinationales mettent en �uvre toute leur ing�nierie fiscale, l�gale et ill�gale, pour contourner les imp�ts et en payer de moins en moins). Une grande partie des d�penses publiques est certainement n�cessaire, mais une partie tr�s importante est destin�e � l�entretien d�un appareil bureaucratique surdimensionn�, inutile et parasitaire, ainsi qu�aux salaires exorbitants des hauts fonctionnaires d�nu�s de tout r�le productif.
Durant plus d�un si�cle et demi, la bourgeoisie, en particulier son aile lib�rale, s�est plainte des d�penses publiques, exigeant dans la foul�e un � �tat bon march� �. Mais la n�cessit� de d�fendre le pouvoir et les privil�ges d�une minorit� sur l��crasante majorit� de la soci�t� rend in�vitable l�entretien d�un nombre exag�r� de bureaucrates, de policiers, de gendarmes, d�espions, de militaires, de juges, de cur�s, d�employ�s p�nitentiaires, etc. Quand les politiciens bourgeois parlent de r�duire les d�penses publiques, ils ne parlent pas de ces d�penses-l�, mais de � luxes inutiles � comme l��cole publique, la sant�, l�assurance ch�mage, les retraites, etc. De fait, en m�me temps qu�ils imposent des coupes budg�taires brutales, les d�penses d�di�es au perfectionnement des m�thodes de r�pression et de l�appareil militaire augmentent. Ces d�penses sont sacr�es et intouchables. Margaret Thatcher a ferm� des mines et des h�pitaux, mais en m�me temps elle a augment� les d�penses de police et cr�� de nouvelles unit�s de r�pression. Le Pr�sident Reagan, en son temps, avait quant � lui lanc� un programme d�armement s��levant � des milliards de dollars. � c�t�, les d�penses de r�armement d�Hitler font figure d�argent de poche.
L�histoire du 20e si�cle est riche en exemples de la v�ritable signification de l�imp�rialisme comme � stade supr�me du capitalisme �, dans le sens o� L�nine l�entendait. Une �tude r�alis�e en 1948 �value le co�t des deux guerres mondiales � 22 milliards de dollars (en dollars de 1997). Le militarisme n�a pas modifi� sa nature depuis lors. Le taux de concentration du capital a atteint des niveaux sans pr�c�dent. Les grandes banques et les monopoles ont tiss� des liens tr�s �troits avec les gouvernements nationaux et restent intimement li�s � l��tat qui leur offre protection, les subventionne et leur octroie des parties importantes du march� pour �couler leurs produits. Aux �tats-Unis, l�alliance du gouvernement avec l�industrie d�armement et militaire porte un nom : � Le complexe militaro-industriel �. Une situation identique existe dans d�autres pays imp�rialistes. Afin de maintenir un tel monstre, il faut un �tat �galement monstrueux, une grande masse de bureaucrates qui, sans rien produire, siphonnent une quantit� impressionnante de ressources qui, dans un syst�me �conomique et rationnel, seraient destin�es � des fins productives. L�usage rationnel de ces seules ressources suffirait � transformer le monde. Sous le socialisme, ce gaspillage obsc�ne serait aboli du jour au lendemain. Actuellement, les d�penses d�armement en Grande-Bretagne s��l�vent � 22 milliards de dollars par an, au Japon � 44,6 milliards et aux �tats-Unis � 100 milliards. Ces chiffres stup�fiants sont en soi un indice du caract�re barbare de l��tat bourgeois d�aujourd�hui. Ces quantit�s astronomiques de d�penses militaires sont d�pens�es dans de la ferraille. Car la plus grande partie de ces fus�es, tanks et canons ne sera pas utilis�e. Quand ces armes sont utilis�es, comme dans la Guerre du Golfe, elles le sont exclusivement pour la d�fense des profits des grandes multinationales - intimement li�es � l��tat am�ricain et des autres pays imp�rialistes. D�apr�s une �tude de la United States Nuclear Weapons� Cost Study, le programme nucl�aire des �tats-Unis depuis 1940 jusqu�en 1995 aura co�t� pas moins de 4 milliards de dollars. Mais l�auteur de cette �tude, Stephen Schwartz, convient que le v�ritable montant � est consid�rablement plus �lev� �.
Le caract�re parasitaire de l��tat, surtout l��tat moderne, ressort d�une analyse de Marx faite sur la lutte de classes, dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte. Il y d�crit l��tat ainsi :
� Ce pouvoir ex�cutif, avec son immense organisation bureaucratique et militaire, avec son m�canisme �tatique complexe et artificiel, son arm�e de fonctionnaires d�un demi-million d�hommes et son autre arm�e d�un demi-million de soldats, effroyable corps parasite, qui recouvre comme d�une membrane le corps de la soci�t� fran�aise et en bouche tous les pores, se constitua � l��poque de la monarchie absolue, au d�clin de la f�odalit�, qu�il aida � renverser. �
Si Marx �tait choqu� par l�id�e d�un �tat d�un demi-million de personnes, que dirait-il aujourd�hui des millions qui constituent les �tats modernes, de ces bureaucraties hypertrophi�es, de ces arm�es permanentes et des d�penses militaires astronomiques qui gaspillent une grande partie de la plus-value produite par la classe ouvri�re, dans tous les pays ? Si l�on ne se limite qu�au seul exemple des �tats-Unis, l�argent d�di� annuellement � l�armement serait suffisant pour cr�er entre 2 et 3 millions de nouveaux emplois ou pour r�soudre le probl�me du logement en l�espace de 10 ans. N�anmoins, les p�titions des pacifistes en faveur du d�sarmement n�ont jamais eu le moindre effet, car ces � jouets � meurtriers sont absolument n�cessaires aux int�r�ts de la classe dominante, et aucun fauve n�abandonne jamais son go�t pour la viande de sa propre volont�. Il est donc n�cessaire de se mobiliser et d�organiser la force des travailleurs pour la transformation de la soci�t�.
La destruction de ce monstre, l��tat bourgeois, est la premi�re condition n�cessaire � la construction d�une soci�t� vraiment d�mocratique et humaine, qui jettera les bases pour la transition vers le socialisme - une soci�t� sans classes et dans laquelle l��tat, cette relique de la barbarie, trouvera sa place dans le mus�e des antiquit�s, � c�t� de l�argent, des prisons, de la famille bourgeoise, de la religion et de toutes les autres aberrations qui, pour des raisons paraissant insens�es � tout homme ou femme capable de r�fl�chir, sont pr�sent�es comme des composantes irrempla�ables d�une vie � civilis�e �.
� Les �l�ments accumul�s d�opportunisme pendant des d�cennies de d�veloppement relativement pacifique ont cr�� le courant de social-chauvinisme dans les partis socialistes officiels du monde entier �, L�nine, L��tat et la r�volution.
Malgr� son importance �vidente, la question de l��tat a �t� ignor�e durant des d�cennies par les dirigeants du mouvement ouvrier dans les pays capitalistes avanc�s. Ce n�est pas un hasard. Il ne s�agit l� que d�une facette de leur abandon total de toute vell�it� de transformation socialiste de la soci�t�. Mais il y a aussi une autre raison importante. � cause de la longue p�riode d�expansion capitaliste, apr�s la Seconde Guerre mondiale, les contradictions sociales se sont un peu adoucies. Deux g�n�rations de travailleurs en Europe, aux �tats-Unis et dans d�autres pays ont v�cu le plein emploi, les r�formes et les concessions. Mais m�me dans ce contexte historique, les conqu�tes sociales ont �t� obtenues gr�ce � des luttes et des pressions de la classe ouvri�re et du mouvement syndical, car la bourgeoisie n�accorde jamais rien de son plein gr�.
La majorit� des gens a fini par croire que cette situation �tait normale et qu�elle allait durer pour l��ternit�. En r�alit�, il s�agissait d�une v�ritable anomalie et d�une exception historique. � Les conditions sociales d�terminent la conscience �, faisait remarquer Marx, � juste titre. En effet, dans un contexte o� le syst�me capitaliste semblait fonctionner, la majorit� de la classe des travailleurs �tait dispos�e � le tol�rer. Les id�es r�formistes d�fendues par la social-d�mocratie p�n�traient les masses et ont m�me �t� accept�es par les dirigeants communistes (via � l�Eurocommunisme �, etc.). Les id�es de Marx et de L�nine �taient alors consid�r�es comme d�su�tes. Le capitalisme aurait chang�, nous dit-on. Les r�cessions feraient partie du pass�. Le ch�mage de masse aurait d�finitivement disparu. La lutte des classes serait devenue un anachronisme, car la classe ouvri�re se serait volatilis�e. De la r�volution socialiste, n�en parlons surtout pas !
Ah, qu�elles �taient belles ces ann�es ! Quel doux r�ve ! Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Malheureusement, il s�agissait bel et bien d�un r�ve. Il est maintenant venu l�heure de nous r�veiller. Un r�veil un peu brutal ! Des attaques incessantes contre le niveau de vie, dans tous les pays sans exception, et officiellement plus de 20 millions de ch�meurs dans les pays capitalistes d�velopp�s (sans compter les millions sous-employ�s). Aux �tats-Unis, le salaire r�el des travailleurs ne s�est pas am�lior� en 20 ans. Voici venue la premi�re g�n�ration depuis la cr�ation des �tats-Unis qui ne peut pas s�attendre � vivre mieux que la pr�c�dente. Dans les pays europ�ens, l��tat-providence n�est plus qu�un p�le reflet de ce qu�il �tait.
Le syst�me de la libre entreprise (qui ne m�rite d�ailleurs pas son nom) prend l�eau de toutes parts. Il est donc grand temps de brandir le drapeau d�une alternative radicale ! Mais les demi-mesures ne valent rien. On ne gu�rit pas un cancer avec de l�aspirine. Les probl�mes de la soci�t� ne seront pas r�solus aussi longtemps que les principales d�cisions sont prises par une petite minorit� de banquiers et de capitalistes. L� r�side la question cl�.
Voici le paradoxe de la situation : au moment o� le syst�me capitaliste montre des sympt�mes clairs de banqueroute totale, les dirigeants r�formistes s�y accrochent comme jamais auparavant. Blair en Grande-Bretagne comme Jospin en France, mais aussi les dirigeants syndicaux partout en Europe, n�h�sitent pas � donner un coup de main � leur bourgeoisie dans sa recherche � d�unit� nationale � et de paix sociale. En vain ! Car la faiblesse invite toujours � l�agression. Pour chaque abandon social ou politique, les patrons en redemandent deux fois plus. Et ce n�est pas par simple malveillance ou mauvaise foi (qui naturellement ne leur fait pas d�faut). Le r�sultat de cette politique soi-disant r�aliste est l�approfondissement du gouffre qui s�pare les riches des pauvres, pr�parant ainsi une explosion de la lutte de classes dans la prochaine p�riode. Ici aussi s�applique la r�gle selon laquelle � les conditions sociales d�terminent la conscience �.
La classe ouvri�re apprend de ses exp�riences. Malheureusement, chaque g�n�ration doit r�apprendre dans la douleur les le�ons apprises par ses parents et grands-parents. N�existe-t-il pas un m�canisme qui offre � la nouvelle g�n�ration la possibilit� de saisir ces enseignements � l�avance en s��conomisant erreurs et d�faites ? Oui, certainement, et ce m�canisme s�appelle le parti. Un v�ritable parti r�volutionnaire devrait agir comme la m�moire de la classe ouvri�re. Un parti r�formiste, remarquait justement Trotsky, est un parti � la m�moire courte.
Ce n�est pas la premi�re fois que l�on assiste � une p�riode comme celle d�aujourd�hui.
De 1870 � 1914, le capitalisme a connu une longue �tape d�expansion marqu�e par le plein emploi et l�augmentation du niveau de vie. Tout comme aujourd�hui, il y avait l� les bases mat�rielles nourrissant les illusions du r�formisme. Il n�est donc pas fortuit qu�Eduard Bernstein, en Allemagne, a commenc� � remettre en cause les th�ories r�volutionnaires du marxisme � ce moment-l�. Les dirigeants sociaux-d�mocrates, encore et toujours marxistes en paroles, parlaient avec ferveur de lutte de classes et de r�volution dans leurs discours du 1er Mai, mais dans la pratique ils avaient d�j� abandonn� les id�es de Marx, qu�ils consid�raient comme d�pass�es. La r�volution socialiste n��tait plus n�cessaire, car il �tait devenu possible de changer la soci�t� lentement, graduellement et pacifiquement, via le parlement.
Cette �poque s�est achev�e par la Premi�re Guerre mondiale, quand la d�g�n�rescence nationaliste et r�formiste de la IIe Internationale a pouss� les dirigeants sociaux-d�mocrates anglais, allemands et fran�ais � la trahison lors du vote sur les cr�dits de guerre.
Cette guerre est d�ailleurs l�expression la plus visible des contradictions accumul�es dans la p�riode pr�c�dente. Toutes les vieilles illusions des r�formistes ont �t� noy�es dans le sang, la boue et le gaz moutarde des tranch�es. � ce moment, les questions sur la r�volution, la guerre et l��tat reprirent la premi�re place. C�est L�nine qui donna l�explication th�orique de l�effondrement de la vieille Internationale et proclama la n�cessit� d�une rupture fondamentale avec le national-r�formisme. Ce furent des jours tr�s durs pour les r�volutionnaires internationalistes. Lors de la c�l�bre Conf�rence de Zimmerwald de 1915, la premi�re tentative de regroupement des internationalistes, le petit nombre de participants inspira une remarque humoristique � L�nine qui pr�tendit que � tous les internationalistes d�Europe peuvent tenir dans deux voitures de train �. Mais malgr� sa faiblesse num�rique et son isolement total des masses, L�nine n�a jamais h�sit� � appeler � la fondation d�une nouvelle internationale, bas�e sur les principes r�volutionnaires et internationalistes du marxisme.
Les p�riodes de r�action politique ne durent pas �ternellement. � un certain moment, un changement s�op�re dans l��tat d�esprit des masses. Les horreurs de la guerre ont ainsi donn� une forte impulsion � la r�volution, qui a d�marr� � Petrograd en mars 1917 (f�vrier selon l�ancien calendrier). La R�volution russe marque le d�but d�une nouvelle �poque, tr�s diff�rente de celle d�avant-guerre. Les d�cennies de 1920 et 1930 sont tr�s agit�es et travers�es de crises �conomiques, politiques et sociales. Cette p�riode, qui s�est conclue par la Seconde Guerre mondiale, a commenc� par la R�volution russe - premi�re conqu�te du pouvoir par la classe ouvri�re, dirig�e par un parti marxiste dot� d�une direction r�volutionnaire consciente : le Parti bolchevik de L�nine et Trotsky. Toute analyse s�rieuse r�v�lera que, sans cette direction et sans un programme scientifique bas� sur la th�orie marxiste, la r�volution d�Octobre n�aurait jamais vu le jour.
Ici n�est pas le lieu pour retracer les �v�nements qui se sont produits entre f�vrier et octobre 1917. Il suffit de souligner que le succ�s de la r�volution n��tait pas garanti par avance. Comme toujours, il s�agit d�un combat entre forces vives, combat dans lequel la qualit� de la direction, son audace, sa fermet� et sa clart� d�id�es jouent un r�le d�cisif. L�nine d�veloppe ses id�es sur l��tat, non dans la tranquillit� d�un s�minaire universitaire, mais dans le feu du combat. Quand L�nine est oblig� de passer dans la clandestinit� suite � la r�action de juillet, il voyage vers la Finlande � la demande expresse du Comit� central. Dans ses bagages, deux livres : L�Art de la Guerre de Clausewitz et La Guerre civile en France de Marx. Ce dernier livre est le point de d�part de sa r�flexion qui va aboutir � L��tat et la r�volution, livre qui non seulement est un des plus grands classiques de la th�orie marxiste, mais aussi un v�ritable manuel de la r�volution.
Tout comme Marx et Engels, L�nine n��tait pas un utopiste. Il ne se laissait pas guider par des sch�mas abstraits, mais par le mouvement r�el de la classe ouvri�re, son exp�rience historique et surtout par cette page d�histoire h�ro�que et inspirante qu�est la Commune de Paris de 1871. C�est pr�cis�ment cette exp�rience de la Commune qui avait permis � Marx de comprendre la forme concr�te que prendrait la � dictature du prol�tariat �. Aujourd�hui, apr�s l�exp�rience des r�gimes d�Hitler, de Mussolini, de Franco et de Staline, le mot � dictature � a des connotations totalement diff�rentes de l��poque de Marx et Engels. Ils avaient en t�te un r�gime semblable � celui de la R�publique romaine qui d�l�guait en temps de guerre, provisoirement, des pouvoirs exceptionnels � un � dictateur �, afin de mener cette guerre � bien. L�accusation d�crivant Marx, Engels et L�nine en adeptes de r�gimes totalitaires est une calomnie grossi�re. � la lecture de L��tat et la r�volution et de La Guerre civile en France, r�flexions qui s�appuient sur l�exp�rience de la Commune de Paris, nous voyons devant nous se dresser une � dictature du prol�tariat � qui n�est ni plus ni moins que la d�mocratie ouvri�re.
L�abandon de toute politique r�volutionnaire par les dirigeants du mouvement ouvrier a largement ouvert les portes aux tendances anarchistes, terroristes, de gu�rilla et gauchistes. En particulier parmi les jeunes, qui trouvent r�pugnant le spectacle d�un parlementarisme sans principes, de la collaboration de classe, de la corruption ouverte de ceux qui doivent tout aux votes et � l�appui de la classe ouvri�re. Tout jeune ou travailleur qui r�fl�chit s�rieusement se rend compte que l�id�e de la non-participation au parlement est une id�e erron�e. S�abstenir aux �lections revient � laisser le champ libre aux partis de la bourgeoisie. Dans une situation o� des millions de travailleurs participent aux �lections, les boycotter reviendrait � se boycotter soi-m�me. Nous n�avons pas le droit de nous abstenir de toute forme de lutte, mais devons au contraire lutter contre la bourgeoisie en usant de tous les moyens � notre disposition, en utilisant toutes les plateformes, toutes les possibilit�s qui nous sont offertes.
Ceci �tant dit, il serait dangereux de ne pas se rendre compte que la bourgeoisie, tout au long de son histoire, a perfectionn� un m�canisme tr�s subtil et efficace de corruption des repr�sentants de la classe ouvri�re. L��tat est sans aucun doute une source importante de corruption. Les salaires �lev�s et les privil�ges des parlementaires font partie de ce m�canisme de corruption qui �loigne les �lus des personnes qui les ont �lus. Mais la solution � ce probl�me ne r�side pas dans le renoncement � toute lutte parlementaire, mais se trouve au contraire dans la prise de mesures pour s�assurer que les d�put�s �lus par la classe ouvri�re ne s��loignent pas du peuple. Dans la mesure du possible, ils devraient �tre des travailleurs avec une exp�rience personnelle des conditions de vie des masses, ou au minimum des femmes et des hommes dispos�s � d�fendre fermement et de fa�on cons�quente les int�r�ts de la classe ouvri�re. Si, par exemple, ces repr�sentants b�n�ficient de revenus qui les mettent dans des conditions de vie tr�s diff�rentes de la grande majorit� des gens qui les ont �lus, ceci aura des cons�quences. Cela se manifestera dans une tendance � s��loigner progressivement de la r�alit� des masses, � se s�parer d�elles et en fin de compte � tomber sous la pression de classes sociales diff�rentes. Ce ph�nom�ne se per�oit aussi dans les directions syndicales qui montrent une tendance � �chapper au contr�le de leur base et � se faire l��cho de la pression des chefs d�entreprise et du gouvernement.
L�nine �tait tr�s conscient du risque de bureaucratisation et de la tendance de l��tat � s��loigner de la soci�t�. Une partie importante de L��tat et la r�volution est consacr�e � ce sujet. Comment lutter contre la bureaucratisation ? L�exp�rience de la Commune de Paris nous donne des r�ponses. La Commune limitait les salaires de ses repr�sentants � 6000 francs par an, soit plus ou moins le salaire d�un ouvrier qualifi�. Cette mesure, pour reprendre les mots de Marx, a r�alis� le slogan bourgeois du � gouvernement � bon march� �. L�nine, parfaitement au fait des m�canismes de la d�g�n�rescence bureaucratique, a �tabli quatre conditions pour l��tat ouvrier apr�s la R�volution d�Octobre :
1) L��lection libre et la r�vocabilit� de tous les fonctionnaires.
2) Aucun fonctionnaire ne peut recevoir un salaire plus �lev� que celui d�un travailleur qualifi�.
3) Remplacement de l�arm�e permanente par le peuple en armes.
4) Le transfert graduel de toutes les t�ches de l�administration de l��tat � toute la soci�t� gr�ce � un syst�me de rotation. � Quand tout le monde sera devenu un bureaucrate, plus personne ne le sera � !
Voici le vrai programme l�niniste pour l��tat. N�oublions pas que L�nine, en tra�ant les lignes directrices de l��tat, ne parlait pas de socialisme ou de communisme, mais �tablissait ici les conditions de base pour le pouvoir ouvrier, juste apr�s la prise du pouvoir. On peut difficilement s�imaginer quelque chose de moins totalitaire que ce projet. Les ennemis du socialisme n�arr�tent pas de calomnier L�nine et la R�volution d�Octobre, tentant de confondre L�nine et Staline. L�isolement des bolcheviks dans d�effroyables conditions d�arri�ration �conomique a emp�ch� que la classe ouvri�re se maintienne au pouvoir. Le r�gime de d�mocratie ouvri�re �tabli par Octobre a fait place au r�gime bureaucratique monstrueux et totalitaire de Staline. Les raisons de cette d�g�n�rescence se trouvent non dans le programme et les m�thodes du bolchevisme, mais dans les conditions objectives d�un pays affam� et analphab�te, d�une classe ouvri�re �puis�e par des ann�es de guerre et de r�volution et d�courag�e par la d�faite de la r�volution internationale.
Les raisons du triomphe du stalinisme en Russie ont �t� analys�es dans une autre �uvre (La R�volution trahie de Trotsky). Contentons-nous d�en dire que l��tat �tabli par la r�volution bolchevik �tait l��tat le plus d�mocratique de l�Histoire, lorsqu�on envisage la question selon la perspective de la classe ouvri�re. Mais le socialisme ne peut se construire sans bases mat�rielles ad�quates. L��dification d�un �tat ouvrier dans la Russie de 1917 a �t� une formidable conqu�te. La nationalisation et la planification des forces productives sous le contr�le d�mocratique de la classe ouvri�re ont donn� une forte impulsion au d�veloppement social. Mais la cr�ation d�une soci�t� sans classes n�cessite un degr� de d�veloppement �conomique en capacit� de satisfaire tous les besoins.
� la diff�rence de l�anarchisme, le marxisme ne propose pas l�abolition de l��tat en g�n�ral, mais le renversement de l��tat bourgeois. La transformation socialiste de la soci�t� serait impossible sans cette action. Mais qu�est-ce donc que l��tat ? L�nine explique que, en derni�re analyse, l��tat se compose d�hommes arm�s pour la d�fense de la propri�t�. Pour renverser le vieil �tat et l�emporter sur la r�sistance des oppresseurs, la classe ouvri�re a besoin de son propre �tat et doit organiser un pouvoir alternatif en mesure de faire face � la r�sistance de la r�action. Mais cet �tat ouvrier n�a rien � voir avec le vieux monstre bureaucratique et son arm�e de fonctionnaires. Un tel organisme social, dit Engels, � n�est plus vraiment un �tat, au sens propre du mot, mais bien un "demi-�tat", une organisation tr�s simplifi�e, bas�e sur l�administration d�mocratique et directe du peuple, un �tat dont l�unique objectif est de r�aliser le plus vite possible sa propre disparition. L��tat sera donc dissous dans la soci�t� et substitu� par une association de producteurs. Ce processus est loin d��tre arbitraire et ne peut pas �tre mis en �uvre directement. � Le marxisme, la doctrine du socialisme scientifique, explique que la force motrice du proc�s social est le d�veloppement des forces productives. La possibilit� r�elle de substituer les anciens m�canismes de coercition par une soci�t� vraiment libre d�pend du degr� de d�veloppement de l�industrie, de la science, de la technologie et de la culture. Par exemple, la possibilit� physique pour les masses de participer � la gestion d�mocratique de la soci�t� d�pend de la r�duction drastique de la journ�e de travail. Aussi longtemps que l��crasante majorit� des hommes et des femmes est oblig�e de travailler huit, dix ou douze heures par jour - sans compter les heures suppl�mentaires, le travail � domicile, etc. - pour vivre, la d�mocratie ne sera toujours qu�une illusion, une formalit� vide de sens. Dans de telles conditions, soutenait Engels, une minorit� d�tiendra toujours le monopole de l�art, de la science et du gouvernement et abusera naturellement de ce monopole pour son propre b�n�fice.
C�est seulement � partir du moment o� l�humanit� sera lib�r�e des pr�occupations humiliantes, de la lutte quotidienne pour la survie - quand les heures de travail seront r�duites � leur expression minimale -, que les masses disposeront des conditions n�cessaires � leur d�veloppement en tant qu��tres humains libres. Cela rendra possible la participation de tous et toutes aux t�ches d�administration et de gestion de la soci�t�, condition sine qua non � la disparition de l��tat. Contrairement donc aux pr�jug�s anarchistes, l��tat ne peut �tre aboli par d�cret, mais sera dissous dans la soci�t� lorsque la transformation des conditions de vie des masses l�aura permis.
La Commune de Paris et, � un niveau infiniment sup�rieur, la R�volution d�Octobre d�montrent que les millions d�hommes et de femmes ordinaires, une fois �veill�s � la vie politique, sont capables de prendre leur destin en main et d�administrer leur vie. Il ne faut pas attendre pour cela l�existence des conditions mat�rielles n�cessaires � l��tablissement d�une soci�t� sans classes. La participation active des masses d�bute avec la r�volution m�me. L��tat, ou plus exactement le � demi-�tat �, est un appareil relativement simple. Il n�a rien � voir avec ce monstre bureaucratique qu�est l��tat bourgeois pour la simple raison qu�il repr�sente la domination de la majorit� �crasante de la soci�t� sur une poign�e d�exploiteurs. L�aspect coercitif de l��tat se limite au strict n�cessaire pour surmonter la r�sistance et le sabotage des anciens exploiteurs et de leurs acolytes.
En Russie, l�insurrection de Petrograd fut pacifique pr�cis�ment gr�ce � l�action des bolcheviks, dirig�s par L�nine et Trotsky. Les neuf dixi�mes du travail avaient d�j� �t� r�alis�s auparavant. Il n�y eut donc qu�un minimum de r�sistance au moment de v�rit�. Le vrai bain de sang est venu suite � l�invasion de 21 arm�es �trang�res venues �trangler la r�volution. N�oublions pas qu�� cette �poque la Russie �tait un pays tr�s arri�r�, avec une classe ouvri�re tr�s petite - 3,5 millions sur une population totale de 150 millions. Dans un tel contexte, la lutte prit in�vitablement un caract�re extraordinairement f�roce. Ceci vaut �galement pour la Commune de Paris. Mais il y avait une diff�rence notable : l�existence du Parti bolchevik, qui a pu diriger la classe ouvri�re avec succ�s contre ses ennemis et sauver ainsi la r�volution. La Commune, par contre, a �t� �cras�e par les forces contre-r�volutionnaires de Versailles. Pourquoi une telle diff�rence ?
Les divergences entre le marxisme et l�anarchisme ne se limitent pas � la question de l��tat, mais peuvent s��tendre � toutes les questions essentielles de la r�volution sociale. Malgr� leur phras�ologie � r�volutionnaire �, les th�ories anarchistes sont � vrai dire l�antith�se des positions r�volutionnaires. Trotsky n�avait pas tort de d�crire l�anarchisme en politique comme un parapluie avec des trous : sans la moindre utilit� pr�cis�ment quand il pleut. Cette affirmation a �t� confirm�e par l�Histoire lors de chaque r�volution depuis la Commune de Paris jusqu�� la r�volution en Albanie [1]. La Commune a �chou�, malgr� l�h�ro�sme du prol�tariat parisien, � cause de l�absence d�une direction politique. Dans une r�volution, chaque erreur se paye, et le prix pour ces erreurs est toujours tr�s �lev�. Il n�y a pas de temps pour apprendre � sur le tard �, pour la simple raison que les forces r�actionnaires ne nous feront pas cette faveur. Les dirigeants de la Commune de Paris �taient compos�s en grande majorit� d�individus dont la pr�sence y �tait accidentelle. Ils �taient soit mal pr�par�s, soit pas pr�par�s du tout ou soit, ce qui est encore pire, influenc�s par des id�es erron�es comme celles du jacobinisme petit-bourgeois ou des positions semi-anarchistes de Proudhon. Ils ont commis des erreurs.
Plus concr�tement, ils n�ont pas nationalis� la Banque de France et n�ont pas march� directement sur Versailles pour �craser la r�action. Ces erreurs ont donn� un temps pr�cieux � Thiers pour qu�il r�organise ses forces pour attaquer Paris. La Commune fut alors �cras�e, 30 000 personnes p�rirent. La r�volution espagnole de 1931-37 est l�exemple le plus flagrant du caract�re d�sastreux de la th�orie et de la pratique anarchistes. En juillet 1936, la classe ouvri�re de Barcelone s�est dress�e contre les fascistes. Arm�e de b�tons, de couteaux et de quelques vieux fusils, elle prit d�assaut les casernes et mit fin � l�insurrection r�actionnaire. Les ouvriers anarchistes de la CNT ont vraiment jou� un r�le de premier plan dans ce soul�vement h�ro�que qui, sans le moindre doute, a �vit� le triomphe du fascisme. Suivant leur instinct r�volutionnaire dans ce contexte victorieux, ils organis�rent des comit�s, imposant le contr�le ouvrier dans les usines abandonn�es par les capitalistes catalans. Le pouvoir �tait aux mains des comit�s et des milices des ouvriers. Le c�l�bre dirigeant anarchiste Buenaventura Durruti et son arm�e menaient une guerre r�volutionnaire en Aragon. Mais les conqu�tes des ouvriers de la CNT furent perdues par leurs dirigeants : dans ce contexte, la dissolution du gouvernement bourgeois de la � Generalitat � et la constitution d�un pouvoir ouvrier n�auraient pas pos� le moindre probl�me. Ce fait a �t� admis m�me par le Pr�sident de la Catalogne Luis Companys. Mais cet astucieux politicien bourgeois a alors invit� les dirigeants anarchistes � prendre le pouvoir � un acte ayant peu d�ant�c�dents dans l�histoire des r�volutions ! Ce que les dirigeants anarchistes ont refus�. Comment pouvaient-ils en effet former un gouvernement ouvrier quand ils s�opposaient � tout gouvernement en g�n�ral ? La cons�quence en fut qu�ils permirent alors � l��tat bourgeois de se reconstruire en Catalogne et de rassembler les forces n�cessaires � l��crasement des forces r�volutionnaires au mois de mai 1937.
Si les dirigeants de la CNT avaient �t� des r�volutionnaires cons�quents, ils auraient appel� tous les comit�s, aussi bien ceux des usines que ceux des milices, � �lire des d�l�gu�s pour participer � un comit� central de toute la Catalogne. Ceci n�aurait repr�sent� ni plus ni moins qu�un gouvernement r�volutionnaire, ce que Marx aurait appel� � la dictature du prol�tariat �. Un gouvernement qui n�aurait rien eu � voir avec l��tat bourgeois, mais qui aurait plut�t �t� l�expression du pouvoir r�volutionnaire de la classe ouvri�re. Le refus de la CNT de faire ce pas d�cisif explique la d�faite de la r�volution malgr� l�h�ro�sme extraordinaire des ouvriers de la CNT. Pire encore : les dirigeants anarchistes qui ont refus� de constituer un gouvernement ouvrier, invoquant la violation des principes anarchistes, n�ont pas h�sit� � accepter des postes de ministres dans le gouvernement du Front populaire aux c�t�s des ministres r�publicains bourgeois. Ces �v�nements ne devraient surprendre quiconque conna�t un peu l�histoire de l�anarchisme. En France, avant la Premi�re Guerre mondiale, les dirigeants anarcho-syndicalistes, courant majoritaire dans le mouvement syndical, juraient � qui voulait bien les entendre qu�ils n�h�siteraient pas, en cas de guerre, � appeler � la gr�ve g�n�rale r�volutionnaire (position clairement fausse et d�magogique si l�on consid�re que, dans une situation de mobilisation g�n�rale et dans l�ambiance de chauvinisme qui accompagne in�vitablement la d�claration de guerre, les conditions ne peuvent �tre r�unies pour le succ�s d�une gr�ve g�n�rale) et refuseraient de collaborer � la boucherie. En fin de compte, ces dirigeants n�ont fait aucun appel � quoi que ce soit, mais sont plut�t entr�s directement dans un gouvernement de soi-disant � Union sacr�e �, position qu�ils ont utilis�e pour jouer au briseur de gr�ve du d�but jusqu�� la fin de la guerre. Voici � quoi aboutit une th�orie fausse de l��tat : un parapluie plein de trous. Les nouvelles g�n�rations doivent r�fl�chir � la lumi�re de cette histoire � c�est le seul antidote � l�influence pernicieuse de l�anarchisme.
L�nine soumet l�anarchisme � une critique de fond, mais r�serve ses critiques les plus fortes pour les r�formistes et les opportunistes. Ce n�est pas un hasard. Il qualifiait � juste titre les r�actions gauchistes et anarchistes comme le prix que le mouvement ouvrier devait payer pour l�opportunisme. Cette r�flexion n�a pas perdu de sa pertinence aujourd�hui, bien au contraire. Pendant des d�cennies, certains ont insinu� que les id�es de Marx et de L�nine �taient � vieilles �, que � les choses ont bien chang� � et que naturellement la r�volution socialiste est impossible. Pour ces personnes, la R�volution albanaise de 1997 est comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu. L�insurrection h�ro�que du peuple albanais est la r�ponse finale � tous les sceptiques qui nient la possibilit� pour la classe ouvri�re de r�aliser une r�volution en ces temps modernes. Naturellement, la bourgeoisie internationale et les m�dias � son service se sont empress�s d�enterrer la r�volution albanaise sous une avalanche de calomnies. � en croire la presse, l�Albanie �tait devenue la proie du � chaos �, de � l�anarchie � et naturellement de la mafia et des criminels.
Cela ne doit pas nous surprendre. La Commune de Paris a subi le m�me sort, tout comme la R�volution russe. Mais ces mensonges cachent en r�alit� la haine et la peur des classes poss�dantes pour tout peuple qui se dresse contre ses oppresseurs.
Les marxistes doivent �tre capables d�analyser tout �v�nement s�rieusement, s�parant l�essentiel de l�accessoire, le progressiste du r�actionnaire. Une m�thode contraire nous m�nerait � des conclusions erron�es. Quels sont les traits les plus saillants de la situation en Albanie au printemps de l�ann�e 1997 ? Le premier facteur d�importance est l�irruption soudaine des masses dans la vie politique. C�est l�une des caract�ristiques les plus importantes d�une r�volution. La v�ritable r�volution n�est pas l��uvre d�une minorit� de � sages � ou d�un groupe de conspirateurs, comme le pr�tendent les historiens bourgeois. C�est une situation critique o� les masses - c�est-�-dire des millions d�hommes et de femmes � ordinaires �, des personnes sans pr�paration politique ni ant�c�dents politiques � en ont soudain � assez � et commencent � prendre leur destin en main. C�est exactement ce qui s�est pass� en Albanie.
La deuxi�me caract�ristique est que les masses, sans la moindre direction ni plan �tabli, d�cident d�affronter physiquement leurs oppresseurs et prennent d�assaut les casernes, les mains pratiquement vides, comme les ouvriers de Barcelone en 1936. Le peuple en armes a �cras� l��tat qui s�est d�sagr�g� en quelques jours. La quasi-totalit� de l�arm�e (officiers inclus) est pass�e du c�t� du peuple les armes � la main. Si ceci n�est pas une r�volution, alors je ne sais pas ce qu�est une r�volution en g�n�ral !
Le troisi�me facteur est la tentative, surtout dans le sud du pays, d�organiser des comit�s r�volutionnaires. Contrairement � ce que raconte la presse au service de l�Occident, il ne s�agissait nullement de � chaos et d�anarchie �, mais d�une r�elle tentative de cr�er de nouveaux organes de d�mocratie populaire, sous le contr�le direct du peuple en armes. Voil� qui ressemble grandement � ce qui s�est pass� durant la Commune de Paris. L�essence de cet �tat d�un nouveau type est expliqu�e par L�nine de la mani�re suivante :
� 1) la source du pouvoir ne r�side pas dans des lois, d�battues et approuv�es pr�c�demment au Parlement, mais dans l�initiative directe des masses populaires et dans la "prise" du pouvoir directe des masses (pour utiliser un terme � la mode) ;
� 2) la substitution de la police et de l�arm�e en tant qu�institutions s�par�es du peuple et oppos�es � lui, par l�armement direct du peuple entier ; avec ce pouvoir, les travailleurs et les paysans arm�s s�assurent de l�ordre public ;
� 3) les fonctionnaires et la bureaucratie sont remplac�s par le pouvoir direct du peuple, ou du moins sont soumis � un contr�le sp�cial ; ainsi, ils deviennent des simples mandataires, non seulement �ligibles, mais r�vocables � tout moment, quand le peuple l�exige ; ils se transforment de caste privil�gi�e et grassement r�tribu�e en "fonctionnaires" dont la r�mun�ration n�exc�de pas le salaire courant d�un travailleur qualifi�. C�est en cela, et seulement en cela que se trouve l�essence de la Commune de Paris en tant que mod�le sp�cial d��tat � (Sur la dualit� du pouvoir, L�nine).
En Albanie, le peuple �tait arm� et essayait de cr�er, avec les comit�s, ses propres organes de pouvoir r�volutionnaire. Ceux-ci ont �t� �lus dans le feu de l�insurrection, sous le contr�le et la vigilance du peuple en arme. Ses membres ne recevaient pas la moindre r�mun�ration. Ils �taient compos�s de personnes � normales � issues des communaut�s dans lesquelles ils vivaient. Lorsque nous laissons de c�t� les questions secondaires, en quoi se distingue cette situation de celle de la Commune ? En ce que les comit�s se concentraient essentiellement dans le sud du pays ? En ce que la composition des comit�s n��tait pas nettement prol�tarienne et que de nombreux �l�ments petits-bourgeois, confus, accidentels, voire m�me oppos�s � la r�volution, y trouvaient leur place ? Lisons encore une fois ce que L�nine constate � propos de la Commune :
� La Commune de Paris a dur� quelque quatre semaines en une seule ville, Paris, sans que les gens aient �t� conscients de ce qu�ils faisaient. Ceux qui ont cr�� la Commune ne l�ont pas comprise. Ils l�ont �tabli suivant l�instinct infaillible d�un peuple r�veill� et aucun des groupes socialistes n��tait �galement conscient de ce qu�il faisait � (L�nine, Discours au VIIe Congr�s du PCR(b)).
Dans un autre �crit, L�nine se demande :
� S�agit-il d�une v�ritable dictature pure du prol�tariat dans le sens de la composition purement sociale-d�mocrate de ses membres et du caract�re socialiste de ses t�ches ?
� D�aucune fa�on ! Le prol�tariat avec une conscience de classe (et seulement plus ou moins consciente), c�est-�-dire les membres de l�Internationale, �tait dans la minorit�. La majorit� consistait en des repr�sentants de la d�mocratie petite-bourgeoise � (L�nine, La Commune de Paris et les t�ches de la dictature d�mocratique).
Le c�l�bre historien de la Commune, P.-O. Lissagaray, �crit ceci au sujet de la composition du Comit� central de la Garde nationale : � Qui �taient ces hommes ? Les agitateurs, les r�volutionnaires de la Cordi�re, les socialistes ? Non. Il n�y avait aucun nom connu parmi eux. Tous les �lus �taient des hommes de la classe moyenne, des commer�ants, des employ�s �. � propos de la Commune elle-m�me, Lissagaray recense 25 repr�sentants de la classe ouvri�re, bien que tous n��taient pas membres de l�Internationale. Malgr� toutes ses d�ficiences et ses faiblesses, Marx n�h�sitait pas � d�crire la Commune comme le premier exemple d�une d�mocratie ouvri�re (la � dictature du prol�tariat �).
En v�rit�, une fois la r�action �cras�e, les insurg�s albanais ont commis une erreur de taille. Ils ne sont pas pass�s � l�offensive. Ils n�ont pas march� sur Tirana (la capitale) pour y liquider les restes du vieux r�gime (essentiellement la clique de Berisha et les �l�ments du Shik, la police secr�te). Ils auraient pu faire cela sans trop de probl�mes au mois de mars 1997. Mais ils ont laiss� le temps n�cessaire � Berisha pour se ressaisir et regrouper ses forces, bien qu�en fin de compte, il n�ait pas �t� capable d��craser la r�volution. Les imp�rialistes, effray�s, n�ont pas eu d�autre choix que de s�en remettre au Parti socialiste (l�ancien Parti communiste) qui a capitul� de mani�re scandaleuse face � l�imp�rialisme et la bourgeoisie. En se d�clarant partisan de � l��conomie de march� �, du d�sarmement du peuple, de la dissolution des comit�s et de la restauration de l�ordre, il a reconstruit le vieil appareil d��tat.
Ces dirigeants ont jou� le m�me r�le que ceux du SPD allemand de 1918 � 1921 : ils ont fait avorter la r�volution et ont rendu le pouvoir aux capitalistes. Le r�sultat de cette situation n�est pas encore clair [NDT, depuis la r�daction de ce texte, la contre-r�volution a repris le dessus, mais avec un visage � d�mocratique �, liquidant les acquis de l�insurrection du printemps albanais de 1997]. Mais une chose est �vidente, si la r�volution albanaise se termine en d�faite, ce sera la cons�quence directe de l�absence d�une direction ad�quate. �videmment, des voix sceptiques s��l�veront pour nous assurer que tout ceci �tait in�vitable, que les conditions n��taient pas m�res (pour certaines personnes les conditions ne sont jamais m�res), que les gens avaient une faible conscience politique, etc. En v�rit�, les masses en Albanie ont fait tout ce qui �tait humainement possible pour changer la soci�t�. Que peut-on demander de plus � un peuple ? Mais une fois de plus, nous devons constater que, pour gagner une guerre, le courage ne suffit pas. Il ne faut pas seulement des soldats courageux, mais �galement un quartier g�n�ral avec une perspective et un plan de bataille. En d�autres mots, il faut un parti.
Un des arguments utilis�s contre les marxistes est l�accusation de pr�ner la violence. Cet argument est sans fondement. Les marxistes veulent une transformation pacifique de la soci�t�, mais sont �galement r�alistes et savent qu�aucune classe dominante, dans toute l�Histoire, n�a abandonn� son pouvoir et ses privil�ges sans mener une lutte souvent sans merci. Ce fait a �t� d�montr� tant de fois qu�il est vraiment superflu de s�y attarder longuement. Par exemple, pendant les �v�nements en Espagne entre 1931 et 1937, la classe dominante n�a pas h�sit� � d�clencher une guerre civile sanglante contre la classe ouvri�re. Le fait que le gouvernement du Front populaire ait �t� �lu d�mocratiquement n�y changeait rien, pas plus que les appels au respect de la l�galit� et de la constitution. L�unique chose importante aux yeux des capitalistes et des propri�taires terriens �tait leurs int�r�ts de classe menac�s. La seule fa�on de les vaincre consistait � les �craser et � les exproprier. Toute autre d�marche n�est qu�illusion et r�verie. L�Histoire montre que les r�ves r�formistes se payent cher.
Nous pourrions aussi mentionner l�exemple du gouvernement de l�Unit� populaire au Chili. Une fois de plus, nous avons assist� � la cruelle r�alit� de � l�ind�pendance et l�impartialit� � de l��tat. Suivant les pas de Franco en Espagne, 35 ans plus t�t, le g�n�ral Pinochet (militaire cens� �tre un grand d�mocrate et nomm� comme homme de confiance par le Pr�sident socialiste Salvador Allende) a perp�tr� un coup d��tat contre le gouvernement � constitutionnel �. La classe ouvri�re et le peuple chilien ont pay� un prix terrible pour les illusions constitutionnelles de leurs dirigeants. Le triomphe de Pinochet �tait loin d��tre in�vitable. La classe ouvri�re chilienne disposait de forces suffisantes pour �craser les militaires r�actionnaires plusieurs mois avant le coup d��tat fatal de septembre 1973. Mais au moment de v�rit�, la classe ouvri�re a �t� paralys�e par une fausse conception politique selon laquelle tout pouvait se r�gler dans le cadre de la Constitution, des lois en vigueur et des � r�gles du jeu �, un peu comme s�il s�agissait d�un jeu d��checs et non d�un combat sans piti� entre int�r�ts de classe irr�conciliables. De telles illusions ont toujours conduit au d�sastre.
Solon le Grand, auteur de la Constitution d�Ath�nes, grand expert en lois et constitutions, n�avait pas de difficult� � admettre que � la loi est comme une toile d�araign�e : elle attrape les petits, mais les grands la d�chire sans difficult� �. Un constat facilement d�montr� par l�exp�rience des gouvernements sociaux-d�mocrates des derni�res d�cennies en Europe. �lus avec l�appui de millions de travailleurs qui attendent d�eux un changement de soci�t�, leur action est sabot�e par la r�sistance f�roce d�une poign�e de banquiers et de capitalistes qui se sentent menac�s m�me par les plus timides r�formes. Il serait na�f de s�imaginer qu�� l�avenir, la classe dominante, dans un pays ou un autre, r�agirait d�une mani�re diff�rente dans le cas de l��lection d�un v�ritable gouvernement de gauche. Certes, la classe ouvri�re doit lutter pour ses droits d�mocratiques et utiliser toutes les voies d�mocratiques disponibles pour d�fendre ses droits et participer aux �lections au niveau local, r�gional et national. Nous ne sommes pas des anarchistes. Nous comprenons que, sans la lutte quotidienne pour obtenir des avanc�es partielles sous le capitalisme, la r�volution socialiste serait impensable. Ce n�est que de cette fa�on qu�il est possible d�organiser les masses, les former dans la lutte et forger les instruments n�cessaires pour r�aliser la transformation de la soci�t�.
Tout cela est bien vrai, mais c�est encore insuffisant, surtout en ce moment o� la bourgeoisie, � l��chelle mondiale, lance des attaques sauvages contre le niveau de vie, les salaires, les retraites et les conditions de travail. Il est n�cessaire de comprendre que m�me quand la classe ouvri�re r�ussit � arracher des concessions, ces victoires ne peuvent �tre que provisoires. Ce que la bourgeoisie donne de la main gauche, elle le reprend de la main droite. Les augmentations salariales sont annul�es par l�augmentation des prix et des imp�ts. Le ch�mage et la pr�carit� augmentent comme jamais, malgr� ce qu�en disent les chiffres scandaleusement manipul�s et la propagande mensong�re des m�dias. Si ceci se d�roule � un moment d�expansion �conomique, que se passera-t-il lors d�une nouvelle contraction de l��conomie, qui viendra bien � un moment ou un autre ?
Avant tout, il est n�cessaire de dire la v�rit� � la classe ouvri�re, qui en a plus qu�assez des mensonges et des arnaques. En v�rit�, l�unique fa�on de r�soudre la crise actuelle est la transformation radicale de la soci�t� pour mettre fin � la domination des banques et des monopoles. Toute autre solution aboutira � un d�sastre. Si les dirigeants du mouvement ouvrier utilisaient un dixi�me du temps et de l��nergie qu�ils consacrent � la recherche de pactes sociaux et d�un consensus introuvable, pour expliquer la vraie situation et mobiliser la classe ouvri�re et la jeunesse en vue de changer la soci�t�, le probl�me serait rapidement r�solu. Tout en luttant contre toutes les tentatives bourgeoises de faire supporter le poids de la crise par les travailleurs et leurs familles, nous devons engager la lutte pour un vrai gouvernement de gauche qui nationaliserait les banques et les grands monopoles sous le contr�le et la gestion d�mocratique de la classe ouvri�re. Voil� la seule solution pour sortir de la crise actuelle qui frappe de plein fouet des millions de travailleurs, de jeunes, de m�res de familles et de retrait�s. Dans la soci�t� moderne, la classe ouvri�re repr�sente la majorit� �crasante de la population. Les leviers les plus importants de l��conomie se trouvent entre ses mains. Il n�existe aucun pouvoir au monde capable de r�sister � la classe ouvri�re une fois qu�elle est mise en mouvement pour changer la soci�t�.
Les prochaines ann�es ne seront pas des ann�es de tranquillit� et de paix sociale, bien au contraire. Le syst�me capitaliste se tra�ne de crise en crise. Sur la base de leur exp�rience, la classe ouvri�re et les jeunes apprendront � nouveau les enseignements du pass�. De nouveaux militants entreront dans les rangs pour remplacer ceux qui sont fatigu�s par la lutte. Les organisations se transformeront de fond en comble. De nouveaux groupes de travailleurs comprendront l�importance d�un programme r�volutionnaire. Des id�es qui aujourd�hui ne sont �cout�es que par des petits groupes de personnes seront demain �cout�es par des millions. Le capitalisme ne propose aucun avenir � la classe ouvri�re et � la jeunesse. L�abolition radicale de ce syst�me est la seule solution. Mais avant de pouvoir r�aliser cela, il est vital d��duquer un nombre suffisant de cadres marxistes dans chaque entreprise, �cole, bureau, syndicat, partout.
Ted Grant, Londres, 4 septembre 1997
[1] L�insurrection populaire en Albanie d�bute en 1997, suite � la d�couverte de la faillite des � pyramides � financi�res dans lesquelles des centaines de milliers de personnes avaient investi toutes leurs �conomies. Cela avait aussi d�voil� la complicit� et la corruption du gouvernement du pr�sident Berisha, ch�ri de l�Occident.
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