1926

Th�ses du IIIe congr�s du Parti Communiste d'Italie
Une publication effectu�e en collaboration avec la biblioth�que de sciences sociales de l'Universit� de Qu�bec.

T�l�chargement fichier odt ou pdf : cliquer sur le format de contenu d�sir�

Format ODT (OpenOffice.org) Format PDF (Adobe Acrobat)

La situation italienne et les t�ches du PCI (Th�ses de Lyon) 

Antonio Gramsci

janvier 1926


(...)


XIV. La d�faite du prol�tariat r�volutionnaire dans cette p�riode d�cisive est due aux d�ficiences politiques, organisationnelles, tactiques et strat�giques du parti des travailleurs. En raison de ces d�ficiences, le prol�tariat ne parvient pas � prendre la t�te de l'insurrection de la majorit� de la population, et � la faire d�boucher sur la cr�ation d'un �tat ouvrier ; bien au contraire, il subit lui-m�me l'influence des autres classes sociales qui paralysent son action. La victoire du fascisme en 1926 doit donc �tre consid�r�e non comme une victoire remport�e sur la r�volution mais comme la cons�quence de la d�faite subie par les forces r�volutionnaires en raison de leurs faiblesses intrins�ques.

XV. Le fascisme, en tant que mouvement de r�action arm�e ayant pour but la d�sagr�gation et la d�sorganisation de la classe laborieuse pour la neutraliser, s'inscrit dans la politique traditionnelle des classes dirigeantes italiennes et dans la lutte du capitalisme contre la classe ouvri�re. Il est favoris� donc, dans ses origines, dans son organisation et dans son d�veloppement, par l'appui de tous les vieux groupes diri�geants sans distinction ; et, plus particuli�rement, par celui des propri�taires fonciers qui se sentent plus fortement menac�s par la pression des masses rurales. Mais, socialement, le fascisme trouve sa base dans la petite bourgeoisie urbaine et dans une nouvelle bourgeoisie agricole, apparue avec la transformation de la propri�t� fonci�re dans certaines r�gions (ph�nom�ne de capitalisme agraire en �milie; formation d'une couche interm�diaire d'origine rurale ; � pr�ts fonciers � ; nouvelle r�partition des terres). Ce fait, plus celui d'avoir trouv� une unit� id�ologique et organisationnelle dans les formations militaires o� revivent les traditions guerri�res (� Arditisme �) et qui sont utilis�es dans la gu�rilla contre les travailleurs, permettent au fascisme de concevoir et de mettre en œuvre un plan de conqu�te de l'�tat s'opposant aux vieilles couches dirigeantes. Il est absurde de parler de r�volution. Mais les nouvelles couches se rassemblant autour du fascisme tirent de leur origine une homog�n�it� et une mentalit� commune de � capitalisme naissant �. C'est ce qui explique pourquoi leur lutte contre les hommes politiques du pass� est possible, et pourquoi elles peuvent la justifier en se r�f�rant � une construction id�ologique qui contredit les th�ories tra�di�tionnelles de l'�tat et de ses rapports avec les citoyens. En substance, le fascisme ne modifie le programme conservateur et r�actionnaire, qui a toujours domin� la politi�que italienne, que dans la stricte mesure o� il con�oit diff�remment le processus d'uni�fi�cation des forces r�actionnaires. A la tactique des accords et des compromis, il substitue le projet de r�alisation d'une unit� organique de toutes les forces de la bour�geoisie dans un seul organisme politique, contr�l� par une centrale unique, qui devrait diriger simultan�ment le parti, le gouvernement et l'�tat. Ce projet r�pond � une volont� de r�sistance totale � toute attaque r�volutionnaire. Ce qui permet au fascisme de recueillir l'adh�sion de la partie la plus d�cid�ment r�actionnaire de la bourgeoisie industrielle et des propri�taires fonciers.

XVI. La m�thode fasciste de d�fense de l'ordre, de la propri�t� et de l'�tat, est, plus encore que le syst�me traditionnel des compromis et de la politique de gauche, un facteur de d�sint�gration de la coh�sion sociale et de ses superstructures politi�ques. Ses effets doivent �tre �tudi�s sous le double rapport de sa mise en oeuvre sur le plan �conomique et sur le plan politique.

Sur le plan politique, tout d'abord, l'unit� organique de la bourgeoisie sous le fascisme ne se r�alise pas imm�diatement apr�s la conqu�te du pouvoir. En dehors du fascisme, il existe des centres d'opposition bourgeoise au r�gime. D'une part, le grou�pe partisan d'une solution giolittienne du probl�me de l'�tat ne se laisse pas absorber. Ce groupe est li� � une partie de la bourgeoisie industrielle; en outre, par son pro�gram�me r�formiste d'inspiration � travailliste �, il exerce une influence dans certaines couches ouvri�res et petites-bourgeoises. D'autre part, le programme visant � fonder l'�tat en s'appuyant sur une d�mocratie rurale dans le Mezzogiorno et sur la partie � saine � de l'industrie du Nord (Corriere della sera, lib�ralisme Nitti) tend � devenir celui d'une organisation politique d'opposition au fascisme, et poss�dant plusieurs bases de masse dans le Mezzogiorno (Union nationale).

Le fascisme est oblig� de mener une dure bataille contre ces groupes qui lui r�sis�tent, et une autre, plus dure encore, contre la franc-ma�onnerie, qu'il consid�re � juste titre comme le centre organisateur de toutes les forces qui ont toujours d�fendu l'�tat. Cette lutte qui est, qu'on le veuille ou non, l'indice d'une fissure au sein du bloc des forces conservatrices et anti-prol�tariennes, peut, dans certaines circonstances, favo�riser le d�veloppement et l'affirmation du prol�tariat comme troisi�me facteur, ayant un r�le d�cisif � jouer dans une situation politique.

Sur le plan �conomique, le fascisme agit comme l'instrument d'une oligarchie in�dus�trielle et agraire visant � concentrer entre les mains du capital le contr�le de toutes les richesses du pays. Cela ne peut manquer de provoquer un m�contentement de la petite bourgeoisie qui, avec l'av�nement du fascisme, croyait venue sa propre domi�nation.

Le fascisme prend tout un ensemble de mesures pour favoriser une nouvelle con�cen�tration industrielle (abolition de l'imp�t sur les successions, politique financi�re et fiscale, renforcement du protectionnisme), et les accompagne de dispositions favo�risant les agrariens au d�triment des petits et moyens cultivateurs (imp�ts, taxes sur les grains, � bataille du grain �). L'accumulation que ces mesures entra�nent n'est pas un accroissement de la richesse nationale, mais elle est la spoliation d'une classe au profit d'une autre, � savoir celle des classes laborieuses et moyennes au profit de la ploutocratie. Le souci de favoriser la ploutocratie appara�t impudemment � travers le projet de l�galisation, dans le nouveau code de commerce, du r�gime des actions pri�vi�l�gi�es; une poign�e de financiers se trouve ainsi en mesure de disposer sans aucun contr�le d'une masse immense de l'�pargne provenant de la petite et moyenne bour�geoisies, ces cat�gories sont expropri�es du droit de disposer de leur richesse. Il faut ranger dans le m�me programme, mais avec des cons�quences politiques plus pro�fon�des, le projet d'unification des banques d'�mission, qui se traduit dans les faits par la suppression de deux grandes banques m�ridionales. Ces deux banques ont actu�el�lement pour fonction d'absorber l'�pargne du Mezzogiorno et les d�p�ts des �migrants (600 millions), r�le qui revenait autrefois � l'�tat avec l'�mission des bons du tr�sor, et � la banque d'escompte, dans l'int�r�t d'une partie de l'industrie lourde du Nord. Les banques m�ridionales ont �t� contr�l�es jusqu'� ce jour par les classes dirigeantes du Mezzogiorno elles-m�mes, ce contr�le assurant une des bases r�elles de leur domina�tion politique. La suppression des banques m�ridionales comme banques d'�mission transf�rera ce pouvoir � la grande industrie du Nord qui contr�le, � travers la Banque commerciale, la Banque d'Italie; et elle renforcera ainsi exploitation �conomique de type � colonial � et appauvrissement du Mezzogiorno, acc�l�rant simultan�ment le lent processus par lequel la petite bourgeoisie m�ridionale elle-m�me se d�tache de l'�tat.

La politique �conomique du fascisme est compl�t�e par les mesures visant � renforcer le cours de la monnaie, � assainir le budget de l'�tat, � payer les dettes de guerre et � favoriser l'intervention du capital anglo-am�ricain en Italie. Dans tous ces domaines, le fascisme r�alise le programme de la ploutocratie (Nitti) et d'une minorit� industrielle agrarienne, au d�triment de la grande majorit� de la population dont les conditions de vie se d�gradent progressivement.

Le couronnement de toute la propagande id�ologique, de l'action politique et �conomique du fascisme, est sa tendance � � l'imp�rialisme �. C'est par cette tendance que s'exprime la n�cessit� pour les classes dirigeantes industrielles agraires italiennes de trouver � l'ext�rieur les moyens de r�soudre la crise de la soci�t� italienne. Elle porte en elle les germes d'une guerre qui sera men�e en apparence au nom de l'expan�sion italienne, mais dans laquelle, en fait, l'Italie fasciste ne sera qu'un instrument entre les mains de l'un des groupes imp�rialistes qui se disputent la domination du monde.

XVII. Par voie de cons�quence, la politique du fascisme engendre une s�rie de r�actions profondes au sein des masses. Le ph�nom�ne le plus grave est le d�tache�ment de plus en plus marqu� des populations rurales, du Mezzogiorno et des Iles, du syst�me des forces qui r�gissent l'�tat. La vieille classe dirigeante locale (Orlando, Di Cesaro, De Nicola, etc.) n'exerce plus de fa�on syst�matique son r�le d'anneau de con�jonction dans les rapports avec l'�tat. La petite bourgeoisie tend donc � se rappro�cher des paysans. Le syst�me d'exploitation et d'oppression des masses m�ridionales est port� � l'extr�me par le fascisme ; ce qui favorise �galement la radicalisation des couches interm�diaires et pose la question m�ridionale dans ses vrais termes, comme question qui ne trouvera sa r�ponse qu'avec l'insurrection des paysans alli�s au prol�tariat, dans la lutte contre les capitalistes et les propri�taires fonciers.

Les couches paysannes moyennes et pauvres du reste de l'Italie acqui�rent �gale�ment, quoique plus lentement, une fonction r�volutionnaire. Le Vatican - dont le r�le r�actionnaire a �t� repris par le fascisme - n'exerce plus aussi compl�tement son con�tr�le sur les populations rurales par l'entremise des pr�tres, de l'Azione cattolica et du parti populaire. Une partie des paysans, pouss�s � la lutte pour la d�fense de leurs int�r�ts par ces m�mes organisations que cautionnent et dirigent les autorit�s eccl�sias�tiques, accentue maintenant, sous la pression �conomique et politique du fascis�me, sa propre orientation de classe ; elle commence � comprendre que son sort est li� � celui de la classe ouvri�re. Le ph�nom�ne Miglioli est r�v�lateur de cette tendance. Un autre sympt�me tr�s significatif est le fait que les organisations blanches qui en tant que fraction de l' � Action catholique �, sont directement dirig�es par le Vatican, ont d� entrer dans les comit�s intersyndicaux avec les Ligues rouges, expression de cette p�riode prol�tarienne que, d�s 1870, les catholiques pressentaient comme immi�nente dans la soci�t� italienne.

Quant au prol�tariat, le processus de d�sagr�gation de ses forces se heurte � la r�sistance active de l'avant-garde r�volutionnaire et � une r�sistance passive de la grande masse, laquelle demeure fondamentalement attach�e � ses positions de classe, pr�te � se remettre en mouvement d�s que se rel�che la pression physique du fascisme et que ses int�r�ts de classe la motivent plus fortement. La tentative de cr�er une division interne au moyen des syndicats fascistes peut �tre consid�r�e comme un �chec. Les syndicats fascistes, changeant leur programme, deviennent d�sormais les instruments directs de l'oppression r�actionnaire au service de l'�tat.

XIX. Les forces motrices de la r�volution italienne, ainsi qu'il ressort de notre analyse, sont par ordre d'importance les suivantes :

1. la classe ouvri�re et le prol�tariat agricole

2. les paysans du Mezzogiorno et des Iles et les paysans du reste de l'Italie.

Le d�veloppement et la rapidit� du processus r�volutionnaire ne sont pas pr�vi�sibles hors d'une �valuation de certains facteurs subjectifs : � savoir, dans la mesure o� la classe ouvri�re parviendra � acqu�rir une personnalit� politique propre, une ferme conscience de classe, et l'ind�pendance vis-�-vis de toutes les autres classes; dans la mesure o� elle parviendra � organiser ses forces, c'est-�-dire � jouer effecti�vement un r�le de direction � l'�gard des autres agents historiques, en commen�ant par donner une expression politique concr�te � son alliance avec les paysans.

On peut affirmer d'une fa�on g�n�rale, mais �galement en fonction de l'exp�rience italienne, qu'on passera d'une p�riode de pr�paration r�volutionnaire � une p�riode de r�volution � imm�diate � lorsque le prol�tariat industriel et agricole du Nord aura retrouv�, sous l'effet du d�veloppement de la situation objective, et � travers une s�rie de luttes particuli�res et imm�diates, un haut degr� d'organisation et de combativit�.

Quant aux paysans, ceux du Mezzogiorno et des Iles, ils doivent �tre plac�s au premier rang parmi les forces sur lesquelles compte l'insurrection contre la dictature industrielle-agraire, bien qu'il ne faille pas leur attribuer une importance d�cisive en dehors de toute alliance avec le prol�tariat. Leur alliance avec les ouvriers est le r�sultat d'un processus historique naturel et profond, favoris� par tous les avatars de l'�tat italien. Pour les paysans du reste de l'Italie, le processus d'orientation vers l'alliance avec le prol�tariat est plus lent et devra �tre favoris� par une action politique attentive de la part du parti du prol�tariat. Les succ�s d�j� obtenus en Italie dans ce domaine indiquent du reste que le probl�me de la rupture de l'alliance paysans-forces r�actionnaires doit �galement �tre pos� dans la plupart des autres pays de l'Europe occidentale, sous la forme de la neutralisation de l'influence que l'organi�sa�tion catholique exerce sur les masses rurales.

(…)

XXXVI. Le principe selon lequel le parti dirige la classe ouvri�re ne doit pas �tre interpr�t� de fa�on m�canique. Il ne faut pas croire que le parti puisse diriger la classe ouvri�re en s'imposant � elle de l'ext�rieur et de fa�on autoritaire : cela n'est pas plus vrai pour la p�riode qui pr�c�de la prise du pouvoir que pour celle qui lui succ�de. L'erreur que repr�sente l'interpr�tation m�caniste de ce principe doit �tre combattue dans le parti italien comme une cons�quence possible des d�viations id�ologiques d'extr�me gauche; ces d�viations conduisent � une sur�valuation arbitraire et formelle du r�le dirigeant du parti. Nous affirmons que la capacit� de diriger la classe ne tient pas au fait que le parti se � proclame � son organe r�volutionnaire, mais au fait qu'il parvient � effectivement �, en tant que parti de la classe ouvri�re, � rester en liaison avec toutes les couches de cette m�me classe, � impulser les masses dans la direction souhait�e et la plus favorable, compte tenu des conditions objectives. Ce n'est que com�me cons�quence de son action parmi les masses que le parti peut obtenir d'elles d'�tre reconnu comme � leur � parti (conqu�te de la majorit�), et c'est � cette condi�tion seulement que le parti peut se pr�valoir d'�tre suivi par la classe ouvri�re. Cette action dans les masses est un imp�ratif qui l'emporte sur tout � patriotisme � de parti.

(…)

XXXIX. Le parti dirige et unifie la classe ouvri�re en participant � toutes les luttes de caract�re partiel, en formulant et en avan�ant un programme de revendica�tions imm�diates pour la classe laborieuse. Il lui faut consid�rer les actions partielles et limit�es comme des �tapes n�cessaires pour parvenir � la mobilisation progressive et � l'unification de toutes les forces de la classe laborieuse.

Le parti combat la th�se selon laquelle il faut s'abstenir de soutenir les actions par�tielles et d'y prendre part, sous pr�texte que les probl�mes int�ressant la classe laborieuse ne peuvent �tre r�solus que par la destruction du r�gime capitaliste et une offensive g�n�rale de toutes les forces anticapitalistes. Il sait bien qu'il est impossible d'am�liorer s�rieusement et durablement la condition des travailleurs dans la p�riode de l'imp�rialisme, et aussi longtemps que le r�gime capitaliste n'aura pas �t� abattu. Mais la mise en avant d'un programme de revendications imm�diates et le soutien des luttes partielles est la seule fa�on de gagner les grandes masses et de les mobiliser contre le capital. D'autre part, toute agitation ou victoire des cat�gories de la classe ouvri�re dans le domaine des revendications imm�diates rend la crise du capitalisme plus aigu�, et pr�cipite, ne serait-ce que subjectivement, la chute du capitalisme, dans la mesure o� elle rompt, sur le plan �conomique, l'�quilibre instable sur lequel il fonde aujourd'hui son pouvoir.

Le parti communiste relie chaque revendication imm�diate � un objectif r�volu�tionnaire ; il se sert de chaque lutte partielle pour enseigner aux masses la n�cessit� de l'action g�n�rale, de l'insurrection contre la domination r�actionnaire du capital ; il s'efforce de pr�parer et de diriger chaque lutte � caract�re limit� de telle sorte qu'elle puisse mener � la mobilisation et � l'unification des forces prol�tariennes, non � leur dispersion. Il d�fend ses th�ses a l'int�rieur des organisations de masse auxquelles incombe la direction des mouvements partiels ou � l'adresse des partis politiques qui en prennent l'initiative, ou encore il les fait pr�valoir en prenant lui-m�me l'initiative de proposer des actions partielles aussi bien au sein des organisations de masse que des autres partis (tactique du front unique). En toutes circonstances, il se sert de l'exp�rience du mouvement et des r�sultats obtenus gr�ce � ses propositions pour accro�tre son influence, en montrant dans les faits que seul son programme d'action r�pond aux int�r�ts des masses et � la situation objective, et pour amener sur des posi�tions plus avanc�es les fractions les plus arri�r�es de la classe laborieuse. L'initiative directe du parti communiste pour une action partielle peut �tre prise soit lorsqu'il contr�le � travers les organismes de masse une partie importante de la classe laborieuse, soit lorsqu'il a l'assurance que son propre mot d'ordre sera �galement suivi par une grande partie de cette derni�re. Mais le parti ne prendra son initiative que lorsqu'elle provo�quera, en fonction de la situation objective, un d�placement en sa faveur du rapport des forces, et repr�sentera un pas en avant dans l'unification et la mobilisation de la classe sur le terrain r�volutionnaire.

Il est exclu qu'une action violente de la part d'individus ou de groupes puisse permettre de tirer les masses ouvri�res de leur passivit� si le parti n'est pas solidement implant� en elles. En ce qui concerne, notamment, l'activit� des groupes arm�s, m�me comme riposte � la violence physique des fascistes, elle ne se justifie que dans la mesure o� elle renvoie � une r�action des masses et parvient � la d�clencher ou � la pr�parer, acqu�rant ainsi, sur le plan de la mobilisation des forces mat�rielles, une valeur comparable � celle des gr�ves et des revendications �conomiques partielles sur le plan de la mobilisation g�n�rale des �nergies prol�tariennes pour la d�fense des int�r�ts de classe.

XXXIX bis. C'est une erreur de croire que les revendications imm�diates et les actions partielles n'ont d'autre caract�re qu'�conomique. Du fait qu'avec l'approfon�dis�sement de la crise du capitalisme les classes dirigeantes capitalistes et agraires sont obli�g�es, pour maintenir leur pouvoir de limiter et de supprimer les libert�s d'orga�nisation et les libert�s politiques du prol�tariat, la revendication de ces libert�s offre un excellent terrain pour l'agitation et les luttes partielles, lesquelles peuvent conduire � la mobilisation de vastes couches de la population laborieuse. Toutes les disposi�tions juridiques par lesquelles les fascistes suppriment en Italie jusqu'aux plus �l�men�taires libert�s de la classe ouvri�re doivent fournir au parti communiste des raisons pour mobiliser les masses et les mettre en action. Le parti communiste aura pour t�che de rapporter chacun des mots d'ordre qu'il lancera dans ce domaine aux directives g�n�rales de son action, notamment en vue de d�montrer par les faits qu'il est impossible d'imposer au r�gime instaur� par le fascisme des limites radicales, et des transformations d'inspiration � lib�rale � et � d�mocratique �, autrement qu'en d�cha�nant contre ce r�gime une lutte de masse qui devra in�vitablement conduire � la guerre civile. Cette conviction doit se diffuser parmi les masses jusqu'� ce que nous aurons r�ussi, en reliant les revendications partielles � caract�re politique aux reven�dications � caract�re �conomique, � transformer les mouvements � r�volutionnaires d�mocratiques � en mouvements r�volutionnaires ouvriers et socialistes.

Il faudra notamment en arriver l� en ce qui concerne l'agitation antimonarchiste. La monarchie est l'un des piliers du r�gime fasciste ; elle est la forme �tatique du fascisme italien. La mobilisation antimonarchiste des masses de la population italien�ne est l'un des objectifs que le parti communiste doit proposer. Elle permettra de d�masquer efficacement certains des groupes soi-disant antifascistes qui se sont retir�s sur l'Aventin. Mais elle doit toujours �tre men�e parall�lement � l'agitation et � la lutte contre les autres principaux piliers du r�gime fasciste, � savoir la ploutocratie industrielle et les agrariens. Dans la propagande antimonarchiste, le probl�me de la forme de l'�tat sera, en outre, mis en r�f�rence constante par le parti communiste avec le probl�me du contenu de classe que les communistes entendent donner � l'�tat. Dans un pass� r�cent (juin 1925), le parti parvint � unifier l'ensemble de ces questions en fondant son action politique sur les mots d'ordre suivants : � Assembl�e r�publi�caine sur la base des Comit�s ouvriers et paysans; contr�le ouvrier sur l'industrie ; la terre aux paysans. �

XL. La t�che d'unification des forces du prol�tariat et de toute la classe laborieuse sur le terrain de la lutte est la partie � positive � de la tactique du front unique, et repr�sente, dans les circonstances actuelles, la t�che fondamentale du parti en Italie.

Les communistes doivent se proposer pour objectif concret et r�el l'unit� de la classe laborieuse afin d'emp�cher le capitalisme d'appliquer son plan de d�sagr�gation permanente du prol�tariat et de rendre impossible toute lutte r�volutionnaire. Ils doi�vent savoir tout mettre en oeuvre pour atteindre ce but, et surtout se montrer capables de se rapprocher des ouvriers d'autres partis ou sans parti, en venant � bout de leur hostilit� et de leur incompr�hension d�plac�es, en se pr�sentant en toute circonstance comme les artisans de l'unit� de classe dans la lutte pour la d�fense de la classe et sa lib�ration.

Le � front unique � de lutte antifasciste et anticapitaliste que les communistes s'effor�cent de constituer doit chercher � se pr�senter comme un front unique organis�, donc se fonder sur les organismes autour desquels la masse dans son ensemble prend forme et se rassemble. Tels sont bien les organes repr�sentatifs dont les masses elles-m�mes ont, aujourd'hui, tendance � se doter, en partant des usines, comme dans cha�que p�riode d'agitation, d�s que les syndicats cessent de pouvoir fonctionner dans des conditions normales. Les communistes doivent prendre conscience de cette tendance dans les masses, savoir l'encourager, et d�velopper ses aspects positifs, en luttant contre les d�viations � caract�re particulariste auxquelles elle peut donner lieu. Il faut consid�rer la question sans privil�gier de fa�on f�tichiste une forme d�termin�e d'or�ga�nisation, en se rappelant que notre objectif fondamental est de parvenir � une mobi�li�sa�tion et une unit� organique de plus en plus vastes des forces. Pour atteindre ce but, il faut savoir s'adapter � tous les terrains qu'offre la r�alit�, exploiter tous les motifs d'agitation, mettre l'accent sur telle ou telle forme d'organisation selon les n�cessit�s et les possibilit�s de d�veloppement de chacune d'elles.




Archives Gramsci
Haut de la page Sommaire
Archives Internet des marxistes