1978

Cf. "Léon-Gontran Damas" sur le site de "Babelio". Ces "poèmes inédits" ont finalement été inclus dans une édition posthume "Dernière Escale" de Léon-Gontran Damas chez "Regard du texte", parue le 20/12/2012.

damas

Léon-Gontran Damas

Poèmes inédits

1978

poemes

 

Mine de Riens

riches

des seuls sève

suc

sel de la Terre Ferme

aframérindienne

mienne

ensemencée

abreuvée

nourrie

de sang

de la sueur

de ma peine offerte –

non sans peine

pour que fut

pour que tout soit

et

demeure

non pour

mais en mémoire

de ceux rares

pour qui par tous temps

saisons

a ciel clair ou non

d’un d’une aube a l’autre et

a pelle-pioche

fut ouverte

a jamais

la voie menant a la Mine

Mine
              de
                           rien

N'attendez

N'attendez

ni qu'il soit dit

peut-etre bien que si

peut etre bien que non

Ni qu'il soit dit

oui mais

non mais

Attendez-vous à entendre ce que vous n’être point

sans savoir

devoir entendre

ce que vous vous attendez

depuis

déjà

long

temps

à vous entendre

dire

A CROUPETONS DANS LA NUIT (2 pages)

A croupetons dans la nuit aux senteurs mauves

fleurant bon essence de citronnelle arrosées

d’un grand doigt de cœur-de-chauffe en payaca

blason de Grand-Prévôt du Tour de l’Ille

que la Lune en son dernier quartier

humait a pleins poumons meurtris

du male limbé d’amours brisées

de la Légende amérindienne

la Jarre
             Oreille-

             Œil-

             Mémoire

avait pris de la bouteille

et aussi de la patine

au miroir des temps morts a demi

Elle en avait pris assez

ou par trop

de l’une et de l’autre

pour n’être plus commode et simple et belle

qu’une cible a boulets rouges de glaise

pétris

roulés

cuits

recuits

défournés d’un boucan de feu doux de brindilles

 pétillant sec

 aux yeux de la marmaille égrillarde

 rendu a l’air libre enfin

 ouf

 et vogue la galère

 lors jouant au jeu des jeudis de pensums finis

 a tant la ligne et de pages a parfaire

 d’une écriture que Naincoulé

                            le Maitre d’Ecole

                            a la braguette sans cesse ouverte

 avait voulue

 gothique et belle

 comme cet amour d’imparfait du subjonctif

 dont avait

 la bouche en cul de poule prête pour la ponte

 pleine et réjouie

 un dénommé

 Mortadelle

 Candidat-Député

 d’une poussière d’Iles au vent françois

 auxquelles

 en vérité

 en vérité

 on vous le dit

 seul manque

 un fanal rouge

 de waggons (sic) de queue

 sur rails

 immobiles

 toujours immobiles

 pourquoi on se le demande

 encore toujours immobiles dans la nuit fauve

anxieuse

de voir

 enfin se lever une aube d’ames

 mises a mort les ombres

 au égard a la Jarre Oreille-Œil-mémoire

Sauvage-De-Bon-Sens (3 pages)

Repris par le grand Rapporteur de Renaudot-Ma-

Gazette

le bruit courait alors le Royaume

flèche empoisonnée lancée

contre le Vieux Monde

chacun selon sa loi

sa foi

son Christ a porter

a l’instar d’un prénommé Christophe

Colon prédestiné

que Macrumbo

naturel de Kayen-en-Wayana

fils de Cépérou le Cacique

de la Nation de Paria

réputés Sauvages et Cannibales

de peau rouge

par surcroit

avait conçu

et

bel et bien réalisé le rêve

de mettre les voiles

et montrer forces plumes

de son Mahury natal en Seine

et de gagner le Paris sur scène

Non pour de rire

mais pour de vrai

et pour de bon

Macrumbo avait bourlingué son plein soûle

a pagayes redoublées

dans le vent debout

sans boussole

au flair d’une mentalité primitive

a faire rêver et ratiociner dans le fleuve proche

tous les allergogues de Lévy-Bruhl

en boule

en crise

en transe

Et Macumbo

pour avoir ainsi voyagé

beaucoup beaucoup

s’était vu sans l’avoir voulu

sans l’avoir souhaité

promu

Sauvage-de-bon-sens

Dans les salons de Madame la Dessèche de la Bagatelle

Dont la main gracile

gracieusement offerte

l’avait été non pour etre happee

mordillée

mordue

mangée

             nian-nian

hormis des yeux

mais simplement baisée

comme fut

avec de savoir-faire

ce savoir-vivre

ce savoir manier-manières

que le Ci-devant Sauvage-a-plumes d’ara

du Grand Pays Tupi

avait acquis

au contact de l’Ancien Monde

joli

foutu

sacré beau monde
 
                    

A LA RUBRIQUE DES CHIENS CREVES (5 pages)
A la rubrique des chiens crevés
de la toute dernière
du quotidien du soir la Croix Verte
organe de la Ligue Internationale des Pur-Aryens
paraissant à Paris Rue de la Grande Truanderie
lu
ce fait-divers
poème en couleurs
sur trois colonnes
illustré de photos sur le vif

Avec l’aide des pompiers alertés
il à été déperché de notre Tour Eiffell (sic)
ou assurent les anges gardiens de service
il avait accoutumé de grimper
toujours les dimanches après vêpres
étage par étage étage par étage
pallier par pallier
comme au cocotier original
un Nègre–à-talents
à en juger à la mine
et sa mise
décoré au pluriel
chapeau-melon
rose blanche à la boutonnière
trois-pièces
souliers vernis et guêtres grises
dont il menaça soudain de se passer net
à moins d’en obtenir sur le champ lui aussi
Une

Ce que ne voyant venir
il osa sans gêne et sans vergogne faire
au su et au vu des badauds accourus alléchés
tout en continuant
lui le Nègre
à en réclamer
à cor et à cri
Une

Apres qu’il lui eut été mis les menottes
puis conduit au Commissariat du Quartier du Champs de Mars
il fut en flagrant délit triple
d’outrage à la pudeur
de folie des grandeurs
de manie de la persécution
transporté nu comme un ver
à l’Hôpital Psychiatrique Sainte-Anne
Rue Cabanis Numéro Un Paris Treize
mauvais présage

Admis d’office au Pavillon Neuf des Cinglés Euthanasiques
le Nègre en question dont l’identité ne fut pas révélée
raison d’Etat croit-on
ou charité chrétienne
n’avait de cesse
comme en son cocotier de Tour Eifel
de hurler au plus fort de son for en délire
son seul grand désir d’en avoir sur le champ lui aussi
Une

En attendant que vienne sur les lieux
l’homme de l’art
pour procéder à la nécessaire et salutaire euthanasie
l’interne de garde basané qui ressemblait fort à un Oiseau des Iles
avait fait ce que la raison prescrit
en ordonnant de lui faire illico
Une
une piqure de morphine maison

Puis
prête à porter
neuve
fraiche
blanche
belle
taillée on eut dit à ses mesures
une
une camisole de force eut tôt fait
d’avoir raison de la furie
de ce malavisé de Nègre
qui
à l’exemple de plus d’un de ses semblables
refusent du berceau à la tombe
de se rendre à l’évidence
faute
pour lui et tels honteux de son espèce
de s’être jamais bien regardés
ou s’étant regardés un jour
de s’être bien mal regardés
au regard de la Bible
la Légende
l’Histoire
qui avaient par avance accédé à cet excessif désir
d’en obtenir
d’en avoir
d’en porter
une

De l’enquête à laquelle il a été minutieusement procédé
il est clair que notre Nègre
se serait rendu fou furieux de jalousie
d’envie
de dépit
de voir seuls les Juifs
distingués des autres
gratifiés d’une étoile jaune
jouir seuls d’un compartiment de la Régie des Transports en Commun
seuls invités à défiler le samedi en colonnes par deux
de la Bastille à l’Opéra Comique
de la Butte Montmartre à la Gare du Nord
de l’Etoile au Père Lachaise
...................................................................................
...................................................................................
Cette histoire
cette histoire ubuesque
cette histoire ubuesque à souhait
n’est pas
n’est pas sans rappeler
n’est pas sans rappeler celle
identique
à des
à des millénaires
à des millénaires d’intervalles
d’un autre
d’un autre nègre (sic)
d’un autre nègre à particule
répondant
répondant alors au nom
répondant alors au nom depuis célèbre
de Si
de SINON
de SINON de CYRENE
dit
de Quoi-
de Quoi-je-me
de Quoi-je-mê–mêle

..........................................
..........................................
..........................................
Cet évaporé de Simon
avait sans nul doute eu la veille un rêve
celui de se croire au risque d’être lapidé lynché
seul à même de braver Caïphe et Ponce-Pilate
détenteurs de l’Ordre Judéo-Romain
et de pourfendre la foule stipendiée
pour se porter au devant et au secours du Nazaréen
croulant sous le faix d’une croix
dont nul historiographe n’a révélé en-core
et le poids et le prix
l’un et l’autre pas trop lourds
à n’en point douter
si résolu
si convaincu que fut l’homme
de naturel timide et de nature plutôt chétive
à jouer le jeu seul
à jouer seul le jeu
sans aide autre
que celle
triple
et une
de Marthe
Marie-Madeleine
Et
Véronique
seules admises et mises
dans le secret des dieux
Et pour cause

POINT TROP N’EN FAUT (4 pages)
Point trop n’en faut
n’en faut point trop
à l’extrême
à l’extrême-onction

Point trop n’en faut
n’en faut point trop
de secula
seculo
rum
sous peine
pour l’homme de corvée de ciboire
à la soutane un rien frangée
effilochée
la bedaine avancée
la voix de fausset sucrée
la mine à la fois réjouie et éplorée
le regard torve
de voir
Zotobré
alias Pétépié
alias Nika
jouer à Lazare au tombeau
que ressuscite en projection d’un an l’autre
le grand écran du Ciné-Théâtre-Bouffes
de Dame Paul-Pierre Endor
Habitant-Propriétaire
de terrains terres
fonds achalandage
commerce étalage
enseigne montre
magasin boutique
vitrine échoppe
devanture attirail
bazar barraque (sic)
vivier resserre
grenier chai
écurie grange
dépôts hangards (sic)
greniers mansardes
poulaillers et réduits à cette misère sans
omettre
foncière
meublée
garnie
Casino
Ti-balcon
Casino
Ti-balcon – la serre
Casino
Ti-balcon sert-à-tout
Casino
Ti-Balcon fourre-tout
Casino
Ti-Balcon fait-tout
Casino
Ti-Balcon faitout
Casino
Ti-Balcon dansé-dansé
Casino
Ti-Balcon souépié
Casino
Ti-Balcon roumin
Casino
Ti-Balcon frotté
Casino
Ti-Balcon contré
Casino
dans le danser du danser
du frotté frotté
du frotté – frotté sans contree
contré ké ouéye
nika nika
tafia à dilo
tout souligné
Casino
Ti-Balcon
D’où partaient les vidés
ceux des haut-parleurs
ceux des beaux parleurs
ceux masques du Carnaval de bastringues en rut
de l’Epihanie (sic) au Boibois du Mercredi des Cendres
 
Point trop n’en faut
n’en faut point trop
à l’extreme
à l’extreme-onction
de secula
seculo
rhum
sous peine
de voir Zotobré alias Petépié alias Nika se refusant à rendre l’ame
s’en revenir à contre – poil bride abattu
à mi chemin déjà du Grand Bordel de Ciel-Purgatoire-Enfer-Paradis
dont il eut trouvé assurément porte close
sans le pagara marqué
et le quarteau de bon Vieux Pipi-des-Sœurs
et le flacon enrubannéde sueur de nègre en sirop de la batterie
et le poids et mesures
et la recette
et la prière à faire
et dire avant
et la prière à faire
et dire après
seul viatique
valable et vrai à même le pagara marqué
à mettre au pied du connaisseur de Saint-Pierre
flanqué de Lucifer son Ange Gabriel
beaux lurrons de larrons en foire
au boire-sec et cul de même
à la hussarde
et la santé
de tous les Zotobrés de Pétépiés de Nikas
sur le qui-vive
que resuscite
toujors resucitera (sic)
tout secula
seculo
rum

Car dit rum
dit rhum
et rhum à boire
sans ajout
sans sirop
rhum
sec
tout bien considéré
pour que Dieu bénisse
l’homme de corvée de ciboire

EXCUSEZ DU PEU (2 pages)
Pour avoir été plus souvent qu’à mon tour
de corvée
de garde
l’œil ouvert
l’arme au pied
quand ce ne fut point
prédestiné à l’être
toujours sur la brèche
entre four et moulin
la main à la pate astiquée au beurre frais
 même les jours sans
dont ceux à mémoire courte
et la vue basse
ne peuvent il est vrai
se souvenir
mettez-vous à leur place
un instant dans leur peau
de chiens délavés
de chiens piqués
de chiens dressés
de chiens domptés
de chiens fidèles
de chiens en laisse
de chiens couchants
louchant au susucre
à l’os décharné
de maître à chiens
de chiens de maître

Soudain
un rien rétif
un rien revêche
repoussant tout ce qui de loin
tout ce qui de près
avait de quoi faire monter la moutarde au nez
de tout Marouane
né sur l’un des deux rives
de Yapuku
qui sans savoir pourquoi
et jusques à quand
regarde l’autre
en chien de faience
monoculaire

Et
de ce qui précède
je dis
excusez du peu
de ce qui eut dû être à foison donné
livré
comme naguère à domicile
sans rien attendre en retour
pas même un merci
toujours un rase-pet
au Pays malgré vous mien
à jamais mien

Je dis
excusez du peu
excusez du peu jusqu’ici donné
mis et gardé le reste en réserve
pour le chambard à faire
dans un seul oué-lé-lé
et jolie cacarelle

Excusez
Je dis
du peu
jusqu’ici donné
en attendant la belle


AU BANQUET DE CLOTURE
Au banquet de cloture (sic)
du dernier Congres Régional des Fous
et non des Poux
dont le Pémékrou rendit compte
de plume d’aigrette affutée
il a été arrêté d’ordre du Président Unanime
et non Anonyme
que ne serait inséré au J.O.R.F
Journal Officiel de la République des Fous
à ne pas confondre avec tout autre
de même
sigle
le fin du fin de fin de discours
du dernier Orateur inscrit
savoir
en parenthèse ouverte

Mange ma moitié
mange ma matière
en marmelade
au miel

Ou bien
ou bien
et miel
et marmelade
et matière
et mange
moitié moitié
moitié matière
moitié marmelade
moitié miel et mange
et miel
fermez la parenthèse

PASSE ENCORE (2 pages)
Passe encore
pour
ce pet poli à peine
puant pour le moins
son plein porc importé salé
pourri en baille cerclé de Hollande
sans que des douze convives
du dernier dîner aux bougies
de la Marquise de la Faisanderie
nul
ait pu
osé
voulu dire
d’où avait bien pu venir le vent
qui toujours jette un froid du canard déplumé
et ce grand silence blanc
quand un ange passe

Passe encore
pour
la chose à taire
faite
pour voir se pincer
plus d’un nez délicat
raffiné
ou encore voir se moucher
sans se
tout en se
mouchant
les morveux mouchés

Passe encore
pour
mais ce gros rot à la ronde
laché
mince alors
de quoi
on en convient
faire monter au front
de la Marquise
le rouge à lèvres
qu’elle avait minces minces
à mordre au sang qu’elle avait bleu
d'estoc
pour les uns
de stock pour les autres
de toc
pour les uns
de troc
pour les autres

JE LE CONFESSE MON REVEREND (2 pages)
Je le confesse
mon Révérend Père
je confesse humblement en avoir mangé
sauf
ceux à l’encontre
de
ma religion
ma foi
mon gout
tels
ceux pourris
ceux fades
ceux boursouflés
ceux douteux
ceux secs
ceux tapés
ceux confits sans sucre ni miel

Je le confesse
je confesse tout de go en avoir mangé
avoir mangé en Exil tous les fruits de la Terre
ceux à mon image sauvages
ceux greffés
ceux verts a rougail et surtout calaouangue
ceux à maturité souskaye
ceux muris sur pied tendres
ceux détachés a l’arbalète
ceux cueillis de l’arbre embrassé
ceux à portée de main
ceux ramassés en route
                                    chemin faisant
ceux défendus des Grandes Propriétés
portant sans porter tout en portant panneau provocateur
de main de maître d’œuvre
chiens dressés
terrain privé
chasse gardée
interdit d’entrer
défense absolu de pé-né-trer

Lanturlu
je le confesse
mon Révérend Père
je confesse humblement et tout de go en avoir mangé
avoir mangé mangé en plein croucrou
panier sur panier
à en avoir ras le bol

Et Adieu-vat


PARCE QU’ELLE AVAIT EU POUR PERE
Parce quelle avait eu pour père
le Sacristain
prétendent les uns
le Bedeau
affirment les autres
ou les deux dieu seul sait
Toutouni qui s’entendait appeler parfois
Mantouni
sans se demander jamais pourquoi
avait eu de naissance
la parole infaillible
et l’ouie à ce point fine
qu’elle pouvait aux alentours dire
et l’âge et le sexe
et la race et le rang
et le teint et le clan
du dernier chrétien mort
pour qui sonnait le glas
dans le soir crépusculaire
 

Mantouni Toutouni
Toutouni Mantouni
avait aussi la voix confite en dévotion
et le geste
pour répondre Amen au glas qui sonnait
dans le soir crépusculaire


ON M’ECRIT
De Paris on m’écrit que la flicaille en rut
s’est de nuit rendue à l’arsenal
qu’elle a mis proprement
à la fouille
la farfouille
jouant aux souris-qui-dansent -
le chat-parti

Mais il est chat parti et chat parti
et chat échaudé parti toujours emporte
les clefs de la tannière (sic)
pour ne laisser aux mouches à venir
que
des prunes

                                   II

De Cayenne on m’écrit
que tirant les pompiers d’un sommeil mérité
la Maison
a brulé d’un cierge allumé
de main pieuse

A tout ceci il est dit
jamais les crosses n’ont tant été au temps
jamais avec sa raison d’être
l’arsenal dont les munitions ont été mises à l’abri
et en lieux sûrs
ne fut si bien gardé
debout dans l’aube proche

A cela il est dit
nul incendie ne saurait rien contre
le placenta planté
toujours enfoui dans l’arrière-cour de la Maison
où fut le bananier sacré


JE DIS
Je dis qu’il faut le dire
je dis
la gorge
prise de nausée
de dégoût
à voir
apportée au moulin
décavé de l’usine
croulant sous les ruines
eau
tant sale et fétide
que charrient a baquet pleins
ceux qui disent
avoir
le vent en poupe

Mais il n’est que d’attendre pour voir
qui rira le dernier

 


QU’EN SAVENT-ILS
Qu’en savent-ils
ceux dont la voix
mi-rassurante
mi-rassurée
à vouloir porter
vouloir porter beau
vouloir porter loin
proclame
On ne meurt qu’une fois

 

NON LE VENT
Non le vent
qui en fausserait
le sens
contre la vitre

Mais la Pluie Elle
improvise un poème
avec
fins moulus
à mesure
du rythme martelé
des six maitresses mains
de
males
nègres
les mots-clef du langage
d’une langue lavée
au pied de l’un des trois sauts du Fleuve
en souvenir de ce qui fut au départ de Gorée
et demeure un cauchemard (sic) dont les mange-mil
ont de quoi se baffrer (sic)


M’EST AVIS
M’est avis sur
que Mère de mémoire révérée
qui les a toujours voulues
sur la table
posées
bien posées sur
en mourrait pour la deuxième fois
de honte
de voir
ce Fils
si bien élevé
manger à l’amerloque
d’une main
tandis que sous table
l’autre qu’elle eut tranché net
peut tout
se permettre
tout oser
tel que
comme amuse-gueules
faire
par attouchement légers
répétés lestes prestes
faire tressaillir
la voisine
chatouilleuse en diable
sur les convenances
et le reste

 

SEULS CEUX QUI DISENT
SEULS
ceux qui disent tout savoir
savoir tout et tout
assurément savent
que j’en sais long
que j’en sais large
plus long
plus large
et même
en profondeur
mesurée à vue
et
dire
d’expert
du pré de para
que fume en retombée
et
plouf
la bouse nourricière
de vaches pleines
le pis lourd de lait
à traire
à boire à même
comme
Naguère
dans les savanes de Matiti
que longe encore la route tout micacé de Macouria

 


ET POURQUOI
Et pourquoi
n’y aurait-ils point droit
eux aussi
les poux

Et pourquoi
pourquoi
se verraient-ils
les poux
refuser
les trois mots en majuscule d’usage
et les points à la clef
Liberté
point
Egalité
point
fraternité
point

Pourquoi
Pourquoi
se verraient-ils les poux
refuser le droit d’en jouir
même par défaut
et
clause
de
style


IL ME REVIENT (2 pages)
Il me revient bien avoir parlé
avoir parlé à vous
un jour
avoir parlé

Il me revient aussi avoir parlé
avoir parlé à d’autres
un jour


Il me revient avoir ainsi parlé
avoir parlé
pendant des jours et des jours des nuits et des nuits de veillé
à vous
à d’autres
sans que vous
ni les autres
ayiez (sic) rien retenu
de ce dont j’ai parlé
ce dont vous ai parlé
ce dont leur ai parlé

Il m’est revenu
à vous en croire
vous et les autres
que je contais contes
de veillées nègres

Admettons

Me reviens alors l’un d’eux
où du temps que le (sic) bêtes parlaient
l’une d’elle
pensant à vous
et aux autres déjà peut-être
lançait ces mots qui me reviennent
pierres dans votre jardin à vous
et en celui des autres jetees (sic)
ou défi à relever vous et les autres
le tout entre guillemets

ALLEZ VOUS L’AVEZ
                             la parole
                             s’entend

ELLES
        Elles
              Iles
                   assises au pied de pitons
                   seins debout
                   durs
                   de diablesses
                   gonflés de pur lait d’ébène

Elles
      Iles
           au cœur de l’Exil abordé
           dans la brume embaumée de l’aube
           et les limbes
           d’un limbé
           en pile


ELLE AVAIT DANS LE REGARD
Elle avait dans le regard
le feutré doux des pas
pénétrant la nuit
de ses reins déhanchés
de porteuse des fruits
de la terre ensemençée
de ses mains de mâle
négresse
femme
née faite
et
faite femme
majuscule
inspirant tout
aux aurores blanches du Monde
pour que tout inspiré d’Elle
s’inspirât
s’inspire
d’Elle
Elle en qui se résume tout

AUTANT ELLE AVAIT
Autant Elle avait dévorante
la passion de feu
brulant tout
bois vert
bois tombé
bois de fer
bois doux
bois pourris
bois sec
 
Autant Elle avait sûr et pur
Pouvoir d’invoquer au cimetière à midi
l’esprit d’un mort pris parmi tant d’autres
avant que de s’en aller
tout de blanc vêtue
en signe de deuil
sans ostensoir
jeter au fil du Fleuve en furie
à la mi-nuit
un chat noir ébouillanté
de ses mains meurtries d’amante échevelée

 

 

AU BOUT DU FIL (3 pages)
Au bout du fil
cousue de blanc
comme l’est toute ruse
toute feinte
toute peur vraie ou fausse
de se voir prise au piège
tressé jour après jour
avant que d’être tendu
sous ses pas mal assurés
Elle a dit d’une voix
rétive et suppliante
Elle a dit
être et être
très fatiguée
d’avoir tard veillé
sur quoi
pourquoi
sur qui
questions qui n’en font qu’une
n’en feraient qu’une
n’était ce désir d’Elle
plus fort que toute ruse
toute feinte
toute crainte
toute peur
de se voir comme elle fut
prise au piège
tressé jour à prés (sic) jour
tendu sous des pas mal assurés

                            II

Toujours au bout du fil
Elle
se veut
en mot détaché
mo-no-game
unijambiste autant dire
à qui suffit un seul fil
et qui se suffit d’un seul à la patte
pour courir la prétentaine
telle
            Mais Dieu nous garde
            de tout sacrilège
            au nom des trois Pater
            des trois Ave
            chaque jour
            que Dieu fait
telle
la Nonesse en uniforme bleu barbeau
aux longs doigts des pianiste
faits
laqués
bagués aux initiales siennes
offrant profil perdu
et reins cambrés
lasse de voir d’un œil avisé
venir le vent
et d’avoir à jouer à rip (sic)
à la fille de l’air
elle
dont la grossesse allait s’avérer
nerveuse
sans plus
au grand dépit des ouailles édentées
machonnant
machurant leur désarroi

                 III

Au bout du fil
encore Elle
Chabine
pour l’appeler par ce doux nom q’Elle tire
de Chavina la tigresse galibi
elle dit
qu’il n’en était rien
encore rien
elle dit
la grande peur qu’elle eut au départ
du saut dans le vide à combler
sa grand peur du remous de la Mer
bouleversée
bouleversante
bouleversant tout sur la voie jusqu’alors barrée

  


SUR UN TABLEAU DE MAX ERNST
Avait le mot de passe
la sentinelle attend que se lève l’aube
et avec elle
la brise
et
surtout
que rase encore les murs
en filigrane
crossée
mitrée
Sa grandeur
Monsieur l’Evêque
Soi-Même-en-personne
dont la main réputée baladeuse et palpeuse (sic)
tateuse et tatillonne
s’en prend au passage
sans vergogne
au corsage
de Réséda la pucelle
au sortir de confesse
et qui prise
de panique
de nausée
de dégout
ne sait désarmée impuissante
que répondre
grand dieux
à la question posément posée
As-tu froid
                 Réséda
As-tu Froid (sic) au sein
                  Réséda

S’ILL FAUT EN CROIRE
S’il faut en croire le
le Crieur de la Ville assise
au pied du Fort désarmé
et de la vigie aux écoutes
il est
tambour battant prévu que
Hormis tête et cœur
bien faits
pour donner pouvoir vrai
au charme à l’essence
de colibri pure
et
poudre de
perlimpinpin
pilée
fine
fine
l’Oiseau les aura
coupées
plumes
pattes
cuisses
ailes
pour avoir volé en sens interdit
et survolé la chapelle aux piayes (sic)

    

IL N’Y AVAIT PAS QUE LA GRISAILLE
il n’y avait pas que la grisaille
d’un été pourri pour donner à Paris
cet air défait de chien battu
perdu dans les méandres d’une queue
de jours sans
sans pain
sans vin
sans beurre
sans viande
sans tabac
sans gniole
sans gaz
sans courant
jours sans plus ni moins que des jours sans air
à l’heur de la fureur
mais aussi
mais surtout
ces défilés sans fin
défilant au fil des jours sans
dans l’harmonie imitative
des pas de l’oie gemmés
dont résonnaient les paves sacres de Paris
sous la botte
d’épis blonde de blémildiousé
qu’il faudra bien ratiboiser rafler à la racine

 
 
 
ME REVIENT
Me revient
en cette nuit
sans nuages d’Avril
son image à Elle

 
Et avec
ce profil
de négresse marronne
me revient
mon enfance
ce long métrage
projeté fil à fil au ralenti
pour Elle
qui sut tout donner
sans rien obtenir d’autre
que la lucidité de mon regard de fauve au poing

 
 
ME REVIENT
Me revient
fidèle
son image à Elle
et avec
ce profil pur
taillé dans la pierre
me revient mon enfance
fantome à vendre
qu’elle sut
Elle
si bien s’y prendre
à voir restituer
fil à fil
pour Elle
qui sut tout donner
sans rien demander
que la fidélité de mon regard de fauve
par Elle apprivoisé

ME REVIENT
Me revient son image à elle
en cette nuit douce d’Avril
et avec
ce pur profil sien
de négresse réchappée
me revient mon enfance
fantome à vendre
qu’elle sut
Elle
voir restituer
fil à fil
pour elle
qui sut tout donner
sans rien demander
que la fidélité de mon regard de fauve apprivoise

CHOSE PROMISE
Chose promise à soi-même
Chose due
 
Ou bien
savarin monté
mouillé (mot illisible de Damas ajouté à la main) de rhum
qui se sait savouré
d’avance
tous comptes faits
et doigts léchés
goulument pour deux au face à face à face

Ou bien
bille d’agathe en main
déjà roulant
sur sa lancée
jusqu’au trou visé juste
et nique
pour les parieurs
pris au jeu
du jeu franc
sans druides
ni gui
vous
mon bel an neuf
déjà ma chose

 
  
AUTANT LE VOIR EN CAGE
Autant le voir en cage
que le savoir envolé
à tire-d’aile
sans crier gare
et sans pouvoir dire
où finira par se poser l’Oiseau
du rêve bleu
pris au jeu du piège
entre Ciel et Terre
et un lit moelleux de nuages
 
Tout est là
de la peine
pesante et double
de ne plus rien
de ne plus rien savoir
de l’Oiseau du rêve bleu en cage
envolé à tire-d’aile
sans crier gare
et sans pouvoir dire
où a bien pu finir
par se poser l’Oiseau du rêve bleu
pris au jeu du piège
entre Ciel et Terre
et ce lit moelleux de nuages
fait de sortilèges
 

   
POURSUIVANT SON REVE
Poursuivant son rêve
mais quel
telle
souvent je la revois
fendant la foule
toute échevelée
perdue
fantome
frêle
frolant la nuit
déjà faite frileuse

DE QUI
De qui de quoi
Chabine
qui s’entendrait plutôt appeler
Chavina
la tigresse au poil roux
du Haut-Pays Indien
 
De qui de quoi
Chabine
Chabine dorée
du Pays créole

De qui de quoi
Chabine à nous
toujours en bordée à la brune
se riait-elle
seule à l’autre bout du bar
qu’elle buvait toute
seule
 
De qui de quoi
se riait-elle
seule à l’autre bout du bar
qui la buvait la buvait toute

 
 

POUR PEU
Pour peu au dire de la prière
du soir anonnée
qu’existe
sur Terre
comme au Ciel
le Dieu-peut-tout
Dieu sait-tout
Dieu-voit-tout
Dieu-fait-tout
il n’est que lui
à la rigueur et encore
pour nous dire
ce que voit l’œil invisible
de
Chose
caché derrière
la longue tresse de jais de génipa pur
voilant une épaule à bleuir
mordue au sang
à dents pleines
de vrai
          Ca
de vrai Canni
de vrai Cannibale
pour image d’Epinal

 
  
NOUS N’IRONS PLUS
nous n’irons plus
tous les deux
avant que tombe la nuit
sur nos vies parallèles
et nos rêves éveillés
nous n’irons plus voir confondre
confondues
et les noires
et les blanches
en une et seule et même
touche
 
Même à prix d’or
tous guichets fermés
nous n’irons plus jamais
avant que tombe la nuit
sur nos vies parallèles
et nos rêves éveillés
voir en l’arme sanglante torérer
Ravel
dont Armstrong
embouchant le Boléro à la trompette
fut seul à saluer la mort
tandis que les croque-morts
les fossoyeurs
sur le tas
faisaient grève
 
 
 
 PUISQUE (8 pages)
Puisque
            on vous le dit
c’est qu’on vous l’assure
Puisque
            on vous le crie
c’est qu’on vous le chante

 
Alors
alors
qu’attendez-vous
vous la pietaille (sic)
pour
à votre tour
dire
crier
assurer
chanter
chanter en chœur de pieds-plats
sur un air de blues
 
La mobi
la mobili
la mobilisa
la mobilisation
la mobilisation n’est
la mobilisation n’est pas
la mobilisation n’est pas encore

Pas encore la
pas encore la guerre
pas encore la guerre à
pas encore la guerre à faire
pas encore la guerre à faire à l’Enne
pas encore la guerre à faire à l’Enne-mi
hé-
ré-
di-
taire
hérédo-di-taire
hérédi-dotaire
pas encore la guerre à lui faire
lui
que demain comme hier
demain nous vaincrons
nous les Généraux planqués à l’Arrière
nous vaincrons avec vous à l’Avant
vous dont la ferraille forgera
l’acier victorieux
des canons
des obus
des balles
mitrailles
et coetera
sus à la Ligne
déminée la Ligne
prise d’assaut la Ligne
où vous irez en chantant
tous et tous sécher votre linge
où votre linge séché tous et tous pourrez alors crier
sus à Berlin
sus au berlingot
sus à Berlin
bastille à prendre
non pour de rire
mais pour de vrai
ville assiégée
tombée
ouverte
ouverte
à la fleur de vos fusils
offrant l’armistice dans l’honneur
de vainqueurs toujours vaincus
 
Car demain comme hier
nous les Généraux
avec vous vaincrons
nous
les guerriers francs
nous les croisés
nous les capitaines
nous les guerroyeurs
les boute-feu
les va-t’en-guerre
les bagarreurs
les barroudeurs (sic)
les barouflards
les fouineurs
les découvreurs
les boucaniers
les flibustiers
les conquérants
les dénicheurs
les sauveurs
les grands commis
nous les rois qui gouvernent
nous les princes qui règnent
les gouverneurs
les administrateurs
les gens d’armes
les neveux d’Archeveques
nous en majuscule
sans qui le Monde
ne serait pas le Monde
 
Nous qui avons à ce Monde
tout et tout donné pour le plaisir de donner
sans rien en attendre
pour prix du don reçu
de nous
qu’importe
puisque
demain comme hier nous vaincrons
parce que
les plus forts
sur terre
mer
ciel
sur terre comme au ciel
ainsi-soit-il
jusqu'à la fin des siècle
dieu nous entende et nous bénisse

 
Demain comme hier si Dieu le veut
or il le veut
nous vaincrons
nous qui par les armes
c’est vrai
par le feu
c’est vrai
par le fer
c’est vrai
par le sang
c’est vrai
la violence
le viol
le vol
toute honte bue à la santé de Notre Seigneur
et en son nom céleste et pur
avons de notre étable
de notre crèche
notre réduit
notre Hexagone
nos humeurs
nos lubies
nos règles
nos lunes
nos périodes
nos menstrues

Septante et dix millions de corvéables et taillables à merci
mis à l’épreuve
à la question
au pilori
à la tache
à l’ouvrage
au travail
au boulot
au turbin
 
Septante et dix millions
condamnés à perpétuité
à vivre
durer
sous notre drapeau
qui flotte aux quatre vents
par tous temps
saisons
libre et fier
invincible
invaincu

 
Septante et dix millions d’enchainés
mis à part les marrons
les filles de l’air
les transfuges
les renégats
les apostats
les passe-maille
les transfusés
les collabos
les compromis
les porte-clefs
acquis un domaine de millions d’acres
fondé un Empire
de cent millions d’âmes
dont septante et dix sans
septante et dix que nous tenons en main
septante et dix que nous avons à l’œil
hors l’épicentre
fief notre
de franc-halleux
septante et dix millions de
hors-coup
de hors jeu
sous l’arc-en-ciel aux cent millions
dont septante et dix de barriolés (sic)
de bigarrés
de nuancés
joli cocktails de négros
de bicots
de nhaqués
de coolies
de boys
beau mélécasse de voix rauques et langues droles
foutue armée de mercenaires
de pieds-plats
de truands
de soudards
de clochards
de cloportes
de crevés

Septante et dix millions de sujets
de serfs
septante et dix
asservis
soumis
dociles à nos lois
nos convenances
nos caprices
les surveillants
les commandeurs
les géreurs
les palefreniers
les négriers
les jauniers
les nègres
les briseurs
les flics
les indices
les faitout
les demi-solde
ceux à temps plein
ceux de service
ceux aux ordres
de mon maréchal-nous voilà
de mon-sous
de mon-sous
mon-général-entendu
de mon colonel
de mon sous
de mon colonel
de mon sous
de mon commandant
de mon sous
de mon lieutenant
de mon sous
de mon adjudant
de mon sous
de mon caporal
de mon sous
de mon soldat de cinq sous
de mon armée de capitaine en déroute
aux champs
chantant faux le chant du départ
sans point d’arrivée en fanfare
en marseillaise
en sambre et meuse
en pleures averse
à l’ombre tutélaire
et
sous les ailes
de Geneviève
ma sainte-nitouche
de tenancière en titre et patentée
des casernes
casemates
fortins
battisses
places fortes
et autres grands désordres
de la Ville aux bougies
de néon
que hante le spectre de la guerre à faire
par cent millions d’hommes de corvée
dont septante et dix pour sûr
moins les laissés pour compte
les pour-mémoire
les en-marge
les en-moins
et sans que nul puisse dire
combien en gare de triage
ont les jetons
les tripes
les foies
la foi
qu’importe
puisque la mobilisation n’est pas la guerre

 

(il n’y a pas de titre) (4 pages)

De la profuse et diffuse odeur fauve
émanant des rots du message émis bout à bout
des mains mâles d’initié de la dernière poussinière
lavé à toute épreuve aux eaux du bain mêlé de feuilles
feuillages pétales roses
bain rangé fraichi au serein de la nuit mauve
tout laisse entendre que pour avoir laissee au temps
le temps de se laisser aller
le temps de se donner le temps de s’en donner
le temps d’en prendre et d’en faire à sa guise
le temps de tourner se retourner
le temps de passer
tout laisse entendre
ce qui fut
de temps immémoriaux
dit
entendu
convenu
que les jours à venir
nés du vent de tonnerre ne de l’orage
insoucieux de tout ce qu’il arrache
emporte
entraine
sur son passage en bolide
seront
pour se sortir à jamais du tunnel
ceux levés du mauvais pied
d’hommes
les yeux rougis lourds d’insomnie
les reins non plus rouillés
mais débridés
ceints de rage rentrée
contenue
 
Alors
Alors
hommes
femmes
enfants
debout
les poumons regonflés d’air du Grand Pays
donneront de la corne de bœuf Mardi-Gras
sauvé de la Crique envasé
dans le sillage d’Iqui Avril
 
Alors
Alors
la torche de résine (Damas a ajouté «pays » à la
main)
portée à bras d’homme ouvrant la Marche
dans la nuit de l’ultime marronnage
sera le flambeau transmis d’âge en âge
rallumé
en souvenir de tant de souvenirs marqués au coin
du mépris
de l’infamie
de l’opprobre
de la honte (Damas a ajouté «turpitude » à la main)
 
Mais finie la comédie
rallumée la torche
barrées les routes
coupés les ponts
débandés les arc
enivrées les fleches
retaillées les haches
affutés les sabres d’abattis les machettes et coutelas
découpée la volaille la voletaille la vadraille
hachées hachées herbes mauvaises

Finnie la
Finie la comédie
donnée la chasse à l’homme aux lévriers lachés
et coupe coupe à l’ouvrage
coupe-coupe
 
Feu à volonté
feu de tout bois
feu partout surtout sur tout
ou rien
feu sur l’image d’épinal de la Belle-au-bois-dormant
un rêve éveillé de droguée
 
Alors alors
aux yeux du monde ébahi
abasourdi éberlué médusé
pétrifié baba et coi
le mât du Fort abandonné dominant la ville
donnera à voir déployé d’orgueil retrouvé
la madras cardé au dessein de Gangan-Ginga
l’Aieule galibi
matinée de congo (sic)
 
Alors alors
claqueront au vent de la tempête apaisée à demi
les couleurs propres
les couleurs pures
les couleurs sures
les couleurs vraies
les couleurs siennes
de la Cité Neuve
née des rets de la nuit de jais du Yan-man
qui avant de livrer le mot de la fin
avait su garder œil ouvert et bouche close
laissant sur leur faim les charognard (sic) au cou pelé
le bec en bataille
pour que debout
hommes femmes enfants du Haut Pays
aient raison de la hargne
des pirayes (sic) vendus d’avance à la criée proche
du souffle puissant qu’avait Iqui Avril
pour tonner
la vie-drôle
des hommes changés en chiens
chiens pouilleux
chiens galeux
chiens dressés à se vautrer
à se la manger eux-mêmes
la queue qu’ils avaient reçue en legs
 
Mais
finie la comédie
message entendu
message retenu
tant il est vrai que toujours
il s’en est trouvée une
il s’est trouvé pour s’élever
de la foule anonyme
avachie lache et veule
une voix n’écoutant
que celle seule de ses entrailles
avant que de la laisser aller crescendo
bombe alors irrésistiblement lançée
contre le Ciel et ses foudres
pour redescendre
drue moutarde
sur les champs
les prés
les pieux de la ville ouverte
au belement de ceux satisfait si bellement
de regarder passer le train de la mort-vive

A D’AUTRES
A d’autres
qui veulent s’en donner l’air
et l’avoir
le mot
FIN
dont ce Poème
n’a vraiment que faire
 
Poème
Poème-ci
que je vois mal
aujourd’hui comme hier
à bout de souffle
rendu
rendant l’âme
 
Poème
poème-en-somme
auquel il est ordonnée
REPOS

REPOS
sur le chemin
qui reste à parcourir

En souvenir de (ajouté à la main)