1848-49

Marx et Engels journalistes au coeur de la r�volution...

Une publication effectuée en collaboration avec la biblioth�que de sciences sociales de l'Universit� de Qu�bec.


La Nouvelle Gazette Rhénane

F. Engels

Lettre de cachet prussienne contre Kossuth

n� 207, 28 janvier 1849


Cologne, 21 janvier.

Nous venons de recevoir l'�difiant document suivant, paru dans l'Oppelner Kreisblatt :

� Lettre de cachet. Suivant une communication de Cracovie, �manant de la commission gouvernementale autrichienne imp�riale et royale, des mesures ont �t� prises en Hongrie pour que Kossuth parvienne, sous un nom d'emprunt, � Hambourg via Breslau et l'on suppose qu'il prendra la direction de Myslowitz, Gleiwitz et Kosel.
Suite � un ordre de M. le Premier Pr�sident de la province de Sil�sie, j'engage donc les autorit�s polici�res, les tribunaux locaux et les gendarmes � surveiller de tr�s pr�s Kossuth dont le signalement est donn� ci-dessous, de l'arr�ter en cas de contravention et de me le remettre pour que je donne suite � cette affaire. �

(Suit le signalement de Kossuth tel que nous l'avons donn�.)

Ce document �difiant tout entier est sign� :

Oppeln, 17 janvier 1849.
Le Conseiller provincial royal, HOFFMANN

Qu'en disent nos lecteurs ? Les Manteuffel de droit divin de la Wasserpolaquie ont bien envie d'arr�ter Kossuth, le grand agitateur, au cas o� il serait battu et r�ussirait � franchir la fronti�re, et de le remettre � ses bourreaux en vue d'acc�l�rer sa gr�ce par la poudre et le plomb. Cette extradition, si elle devait vraiment avoir lieu, serait la trahison la plus basse et la violation la plus inf�me du droit international que connaisse l'histoire.

Selon l'ancien droit conf�d�ral la Prusse �tait certes dans l'obligation vis-�-vis de l'Autriche allemande, d'extrader, sur la demande de celle-ci, les r�fugi�s politiques accus�s d'actes commis sur le territoire de la Conf�d�ration germanique. La r�volution a renvers� l'ancien droit conf�d�ral et m�me sous Pfuel, des r�fugi�s de Vienne �taient en s�curit� � Berlin. Mais vis-�-vis de la Hongrie, la Prusse n'a aucune obligation de cette sorte. La Hongrie est un �tat ind�pendant, et quand la Prusse extrade des r�fugi�s politiques, uniquement pour des actes commis en territoire hongrois, elle commet la m�me ignominieuse inf�mie qu'en livrant des r�fugi�s russes ou polonais � la Russie.

M�me sous le r�gime de Bodelschwingh on n'osa pas remettre � l'Autriche les r�fugi�s de Cracovie et de Galicie qui avaient pass� la fronti�re. Mais �videmment nous avions alors la monarchie absolue, et aujourd'hui nous avons la monarchie constitutionnelle !

Bien plus. S'il devait p�n�trer en territoire prussien, Kossuth ne serait pas un r�fugi� politique, mais un parti en guerre pass� en territoire neutre.

L'Autriche allemande, conf�d�ration ind�pendante d'�tats, fait la guerre � la Hongrie, autre �tat ind�pendant; pourquoi, cela ne regarde pas la Prusse. Et m�me en 1831, on n'osa pas remettre � la Russie les Polonais r�fugi�s [1], mais nous avions alors la monarchie absolue, et aujourd'hui nous avons la monarchie constitutionnelle !

Nous signalons � l'opinion publique les intentions bienveil�lantes du gouvernement prussien � l'�gard de Kossuth. Nous sommes convaincus que cela suffira pour provoquer une vague de sympathie pour l'homme le plus grand de l'ann�e 1848 et une telle temp�te d'indignation contre le gouvernement, que m�me un Manteuffel n'osera pas l'affronter.

Mais �videmment, en attendant, Kossuth gouverne � Debreczin, entour� de l'enthousiasme du peuple magyar tout entier; ses courageux hussards parcourent encore les steppes hongroises, Windischgr�tz campe, perplexe, devant les marais de la Tisza, et vos lettres de cachet sont plus risibles que terribles.


Notes

[1] Le 29 novembre 1830 �clata en Pologne une insurrection contre la domination �trang�re tsariste � laquelle particip�rent de nombreux paysans polonais, parce qu'ils esp�raient obtenir non seulement la libert� nationale, mais aussi la libert� sociale et �conomique. La direction de l'insurrection �tait cependant aux mains de la noblesse polonaise qui ne pensait pas lib�rer les paysans et leur donner de la terre, mais voulait seulement d�fendre contre le tsar les droits dont elle jouissait jusqu'� pr�sent. Le camp d�mocratique, sous la direction de l'historien polonais Joachim Lelewel, �tait trop faible pour s'imposer. � La r�volution de 1830 n'�tait ni une r�volution nationale (elle excluait les trois quarts de la Pologne) ni une r�volution politique ou sociale; elle ne changeait rien � la situation du peuple � l'int�rieur; c'�tait une r�volution conservatrice. � (Engels). Pour r�primer l'insurrection, le tsar Nicolas I� entreprit fin janvier 1831 une guerre contre la Pologne qui se termina le 7 septembre 1831 par la prise de Varsovie.


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