1988 |
" Pendant 43 ans, de ma vie consciente, je suis resté un révolutionnaire; pendant 42 de ces années, j'ai lutté sous la bannière du marxisme. Si j'avais à recommencer tout, j'essaierai certes d'éviter telle ou telle erreur, mais le cours général de ma vie resterait inchangé " - L. Trotsky. |
Au lendemain de leur exclusion du parti, les partisans de Trotsky dans l'Opposition unifiée qui vient d'éclater, ne cachent pas que, quoi qu'il leur arrive, ils se considèrent toujours comme membres du parti et qu'ils se sont organisés clandestinement, par la force des choses, en fraction des bolcheviks-léninistes.
Dans leurs rangs, on peut distinguer trois secteurs, bien que communiquant, à sens unique et à leur corps défendant, il est vrai. Il y a d'abord ceux que L.S. Sosnovsky a baptisés « les nouveaux colons de la troisième génération » : ce sont les exilés, ou encore déportés, qu'on trouve dans une centaine de « colonies » dispersées à travers la Sibérie et l'Asie centrale, centres urbains, voire villages, où ils sont tenus à résidence. Et il y a ceux de « l'autre côté », ou encore « de l'extérieur », comme disent les exilés, ceux qui sont restés, hommes et femmes pas encore arrêtés, « libres », militant désormais dans la clandestinité. Enfin il y a ceux qu'on a envoyés en prison, soit après condamnation, soit pour instruction de leur procès, les bolcheviks-léninistes de ces prisons qu'on appelle « isolateurs » et qui recrutent en permanence dans les deux premières catégories.
Nous savons peu de choses sur les prisons en 1928, sur le sort qu'y connaissent les oppositionnels arrêtés. Tout un groupe de militants, dont S.V. Mratchkovsky [2], Ia A. Kievlenko [3] et d'autres, ont été accusés de « complot militaire » et emprisonnés pendant presque deux mois ; ils se plaignent surtout du surpeuplement des cellules. Ils ont été relâchés faute d'aveux, de témoins à charge, de preuves. Ils sont immédiatement déportés. Plusieurs militaires ont également été arrêtés, accusés d'avoir médité un attentat contre le poète officiel Demian Bedny. Ce sont Arkadi Helier, Boulatov, Lado Enoukidzé – neveu d'Avelii, secrétaire de l'exécutif des soviets [4]. Ils sont finalement relâchés et déportés comme les autres. Ceux qui sont en prison sont concentrés dans les isolateurs [a], à Verkhné-Ouralsk, Tchéliabinsk, Tobolsk, y sont mêlés aux prisonniers de droit commun, soumis à de dures conditions.
Nous connaissons bien mieux l'organisation clandestine, celle des gens « de l'extérieur » comme disent les déportés. Les rapports fournis à Trotsky, les bulletins clandestins conservés dans ses archives, les informations données par les autorités après certains coups de filet [5], nous permettent d'en de reconstituer de grandes lignes.
Il y a d'abord Moscou, où se trouve le « centre », apparemment très actif, qui publie plusieurs numéros d'un bulletin substantiel, des tracts, des déclarations et des proclamations. C'est lui qui réussit à maintenir, pendant la plus grande partie de l'année 1928, le contact avec Trotsky et avec Alma-Ata. Son responsable signe ses rapports « Otets » (le papa) ou encore « Staritchok » (Le petit Vieux) : c'est le vieux-bolchevik Boris Mikhailovitch Eltsine, père de Victor Borissovitch, un homme usé par la vie, probablement atteint de tuberculose osseuse, ce qui lui a valu d'être initialement épargné par les arrestations.
Parmi ses collaborateurs, nous avons quelques noms, parfois la silhouette d'hommes peu ou pas connus : M.S. Blumenfeld, un ancien membre de la direction des Jeunesses communistes, Sokrat Gevorkian, jeune chargé de cours d'économie à l'Université de Moscou, sont des hommes de la génération de 1917. Un peu plus âgés, Khanaan Markovitch Pevzner, un ancien tchékiste, grand mutilé de la guerre civile, qui a reçu la responsabilité de la direction des publications, Grigori Iakovlévitch Iakovine, historien de l'Allemagne, militant de Leningrad. Ce dernier nous est connu par deux témoignages, celui de Victor Serge [6] et celui de Rosa Léviné-Meyer [7]. D'autres ne sont que des noms qu'on rencontre dans les papiers d'archives, souvent des militants dont le rôle est important, comme V. Ianoutchevsky ou B. Volotnikov ; dont nous ne savons rien de plus.
Il existe d'autres « centres », dans d'autres villes, ainsi qu'on peut s'en rendre compte par les arrestations annoncées ou la provenance des informations en circulation. C'est le cas à Moscou, Leningrad, Kiev et Kharkov, Bakou et Tiflis, à Odessa, Dniepropetrovsk, Nikolaiev, Saratov, Ivanovo-Voznessensk, Krasnoiarsk, Ekaterinoslav, Krementchug, Rostov, Toula, Kostroma, Briansk, Nijni-Novgorod, Tver, Zaporoje, etc.
Ainsi disposons-nous d'informations relativement abondantes sur l'activité de l'opposition de gauche. Ses militants ont animé des actions et en ont rendu compte : leur trace a été conservée dans les archives de Harvard et Hoover.
Il y a mobilisation ouvrière, par exemple, en juin 1928, à Krementchug, dans les ateliers de construction de wagons, contre une réforme du système des salaires. Les travailleurs des ateliers de réparation des tramways de Dniepropetrovsk menacent de se mettre en grève à la suite de la décision de supprimer pour eux une gratuité des transports acquise depuis... 1905.
Beaucoup de ces éléments concernent des votes ou des prises de position hostiles à la direction du parti dans des organismes ouvriers : a l'usine Vek, de Kharkov, à Spartak, de Kazan, dans une usine de Kiev [8], des ouvriers réunis en assemblée générale qualifient d'« opportunistes » les décisions du plénum de juillet. Nombre de discussions se déroulent aussi autour de la campagne sur « l'autocritique », où l'on évoque parfois ceux qui ont formulé des critiques et ont été déportés et où l'on prévoit le sort des nouveaux critiques [9]. Dans le cours d'une assemblée des ouvrières du textile d'Ivanovo-Voznessensk, une ouvrière cite l'exemple de sa propre fille, licenciée pour avoir formulé des critiques. Début septembre, il y a une grève à l'usine Kolomensky, puis à l'usine textile Khalturinskaia, de 5 000 ouvriers [10]. On revendique ici ou là de véritables élections, une hausse des salaires.
A partir de juillet 1928, les oppositionnels commencent à s'exprimer librement dans des assemblées ouvertes. Ils demandent la fin de la répression, obtenant parfois un nombre de voix significatif : à la fin de juillet, à l'usine Ilyitch du quartier de Zamoskroretchie, à Moscou, 19 voix pour la réintégration des exclus contre 270 [11]. A la fabrique Krasnaia Oborona, l'oppositionnel Nefel obtient 72 voix – sur 256 votants – pour une résolution qualifiant d'« anti-ouvrière » la politique du soviet de Moscou [12]. A la suite de leurs interventions, des oppositionnels sont élus dans des commissions, des postes syndicaux, au comité d'usine, à Pervy Mai, fabrique de thé, à Tilmensi, à la tannerie de Bogorodsk [13].
L'Opposition rédige aussi des bulletins d'information de plusieurs pages – on en trouve trois à Harvard – ainsi que des tracts, diffusés pendant une coupure du courant, ou affichés, parfois diffusés par les soins de sympathisants. Certains tracts répondent ponctuellement à des mesures de répression : le 20 octobre à Kiev, pour protester contre des arrestations, à la même époque, à l'usine de Moscou Aviakhim, pour protester contre le licenciement de Gr. M. Novikov, oppositionnel connu, ancien organisateur des partisans contre Koltchak [14]. A l'occasion du onzième anniversaire de la révolution d'Octobre, c'est un tract de 10 000 exemplaires que sort l'Opposition de gauche à Moscou [15].
Pour l'année, nous avons l'exemple d'au moins deux actions organisées contre la répression. A Tiflis, le 3 mai, lors de l'arrestation des dirigeants oppositionnels en Géorgie et de leur envoi en déportation [16], à Kiev le 27 octobre après l'arrestation de plusieurs oppositionnels connus dans leurs usines [17].
Les rapports adressés à Trotsky et Sedov donnent le sentiment que l'Opposition de gauche progresse dans le pays, notamment parmi les ouvriers ; en outre, on trouve de plus en plus de mentions, dans la correspondance, de militants qui ont pris leurs distances en 1927 et qui redeviennent actifs. Des éléments nouveaux rejoignent aussi l'Opposition.
Dans ces conditions, la répression frappe dur et à coups répétés. Les Géorgiens ont été arrêtés plus tard que leurs camarades de Russie ou d'Ukraine. Quelques jours après, une lettre d'un des plus brillants produits de la jeune génération des « professeurs rouges », B.S. Lifshitz, relate le déroulement de ce qu'il appelle non sans volonté d'humour, « la Saint-Barthélemy » : 150 arrestations rien qu'à Moscou [18]. Un bulletin de Moscou portant la date du 22 novembre 1928 donne un bilan d'arrestations récentes. Il y aurait eu, entre fin octobre et début novembre, plus de 300 arrestations connues : 80 oppositionnels ont été arrêtés à Leningrad, 51 à Kharkov, 47 à Kiev parmi lesquels plusieurs vieux-bolcheviks et un vrai leader ouvrier, Korfman, 28 à Odessa, 16 à Tiflis, 15 à Saratov [19]. Parmi les 150 arrestations opérées à Moscou, on relève des noms familiers au lecteur des archives Trotsky : B. Volotnikov, G. Ia. Iakovine, et un « Eltsine » qui pourrait être le vieux Boris Mikhailovitch [20]. La relève est assurée puisque le « centre » continue, comme l'atteste la publication de ce bulletin, précisément.
Combien d'oppositionnels arrêtés, déportés ou incarcérés ? Trotsky et les siens, en recoupant chiffres officiels et informations privées, arrivent à un total de 8 000 pour la seule année 1928 : il semble que le secteur clandestin de l'Opposition n'ait cessé de grossir par afflux de nouvelles recrues, mais qu'il ait tout de même perdu éléments anciens et nouveaux sous les coups de la répression. Le rapport entre oppositionnels déportés et arrêtés s'est révélé également instable, nombre de déportés ayant été arrêtés.
Ce sont les cadres de l'Opposition, entre 1 000 et 2 000 militants considérés comme « irréductibles » qui, au lendemain de la capitulation de Zinoviev et Kamenev, ont été déportés, c'est-à-dire assignés à résidence dans une localité éloignée, à partir de janvier 1928. Ils ne sont pas tous là cependant. Comme les zinoviévistes, quelques-uns ont échappé à la déportation par une capitulation précipitée, généralement prévisible, mais qui produit de l'effet lorsqu'il s'agit de personnalités connues. C'est le cas de Piatakov, que l'on savait depuis longtemps démoralisé, mais dont les aveux frappent ; c'est aussi le cas d'Antonov-Ovseenko et de N.V. Krestinsky [21]. Un groupe assez important d'anciens zinoviévistes, originaires des Jeunesses, qui n'ont pas suivi leurs dirigeants en décembre 1927, est compris dans la première vague d'arrestations et de déportations : on les appelle les « sans-chefs ». Leurs chefs de file sont pourtant G.L Safarov et le Yougoslave Voya Vuyović – ancien militant actif des J.C. en France. Le groupe fait une déclaration publique en avril 1928 [22], ce qui assure, non sans mal d'ailleurs, le retour d'exil de ses membres.
Tous les autres militants tant soit peu connus de l'Opposition font partie des exclus déportés au début de 1928, avec seulement quelques exceptions : Victor Serge, Andrés Nin, Aleksandra Lvovna Sokolovskaia, B.M. Eltsine. Khristian Rakovsky est à Astrakhan, où les lettres de Moscou parviennent en six jours et les journaux en trois. Sérébriakov est à Semipalatinsk, Smilga à Kolpatchevo, Préobrajensky à Ouralsk, Radek à Tobolsk, Mouralov à Tara, Sosnovsky à Barnaoul, I.N. Smirnov à Novo-Bajazet, Beloborodov à Oust-Koulom, Mratchkovsky à Voronej. Rares sont ceux qui sont à proximité d'une ligne de chemin de fer. On a choisi de les mettre à l'écart. Les petites villes et les villages où les oppositionnels sont autoritairement installés ne leur laissent pas souvent la possibilité de bénéficier d'un confort élémentaire ou des bienfaits de la culture. Pour les autres, les obscurs et les sans-grade ou du moins les sous-officiers, on dénombre une centaine de lieux de résidence. Au total, on dénombre, d'après les papiers de Harvard, selon le décompte d'I. Longuet, 108 « colonies », c'est-à-dire 108 groupes locaux de déportés se réclamant de l'Opposition. Les jeunes collaborateurs de Trotsky ont droit eux aussi à la déportation : Sermouks et V.B. Eltsine sont à Oust-Vym, Poznansky à Kotlas, N.V. Netchaiev à Kolpatchevo.
Dans un premier temps, on voit s'établir une sorte de correspondance politico-personnelle en direction et en provenance d'Alma-Ata. Trotsky signale le 28 février 1928 que, de tous les déportés qu'il a joints par télégramme, seul Sérébriakov ne lui a pas encore répondu : en fait, il s'est contenté d'écrire [23], et ne va pas tarder à capituler. Dans un second temps, l'organisation s'est nettement perfectionnée. Les colonies de Russie d'Europe sont organisées autour de Rakovsky, celles du Nord autour de Mratchkovsky ; celles de Sibérie et d'Asie soviétique autour de Sosnovsky. Les « centres » intermédiaires redistribuent les documents qui leur parviennent d'Alma-Ata en distribuant eux-mêmes ceux qui leur paraissent intéressants.
Le matériel politique qui circule ainsi comprend naturellement les « lettres aux amis », véritables lettres-circulaires de Trotsky ou de responsables comme Rakovsky, Sosnovsky ou autres, et une foule de documents émanant d'individualités ou de groupes d'oppositionnels. Il semble que le même système ait été appliqué dans le domaine des informations, opération capitale, dans laquelle nous découvrons des hommes nouveaux, amis de Sedov, comme Ia. A. Kievlenko à Kainsk, Boris N. Viaznikovtsev à Tiumen, Vsévolod Patriarkha, à lénisséisk, F.S. Radzévitch, déporté à Termez, ou encore le jeune Bulgare Vassil Sidorov, fils d'un vétéran social-démocrate « tesnjak », qui anima la colonie de Roubtsovsk.
Les déportés sont autorisés à travailler s'ils en trouvent la possibilité. La majorité n'y parvient pas. C'est le cas seulement de quelques privilégiés, servis par leurs talents propres, leur nom ou la chance. Le métallo leningradien Chtykhgold construit des maisons en briques. L'élève-ingénieur Viaznikovtsev enseigne les mathématiques. Son camarade d'études Kantorovitch est dans l'administration des kolkhozes. Rakovsky, comme Trotsky, a des contrats avec le Gosizdat. Enfin les plus connus, Rakovsky, Préobrajensky, I.N. Smirnov, Mouralov, sont employés par les organismes du Plan. Ceux-là sont dans une situation matérielle correcte. La majorité vit très difficilement, l'allocation de 30 roubles par mois, que leur verse le G.P.U., suffisant à peine.
L'activité « littéraire » comme disent les Russes, est importante. Nombre de déportés écrivent non pas pour passer le temps, mais parce qu'ils ont enfin la possibilité de le faire. Il y a par exemple en circulation une « Critique du projet de programme de l'I.C. », très appréciée de Trotsky, rédigée par Dmitri Lapine, dont nous ne savons rien. Nous savons que Sosnovsky a écrit une Politique agraire du centrisme, Smilga un livre sur Les Conquêtes du prolétariat en l'an Xl de la Révolution, Préobrajensky une Sociologie du monde capitaliste. Nous sommes informés de nombreux travaux et projets : Dingelstedt, qui a fait une thèse sur la question agraire aux Indes, travaille maintenant sur les structures sociales de ce pays ; Radek s'est lancé dans une grande biographie de Lénine ; Smilga travaille sur les théories de Boukharine et de son « école » ; Préobrajensky fait des recherches sur l'économie médiévale, V.B. Eltsine sur la Révolution française ; Vilensky-Sibiriakov revient à la Chine et Boris S. Livshitz étudie les cycles de l'économie capitaliste.
Il semble que Rakovsky ait été l'un de ceux qui aient le plus travaillé dans les débuts de son exil. Khristian Georgévitch a été embauché à Astrakhan par l'administration du Plan à la commission régionale, comme « spécialiste-économiste » à 180 roubles. Son écrit le plus célèbre de cette période est sa lettre à Valentinov du début d'août 1928, que Trotsky fit diffuser à toutes les « colonies » et qui sera plus tard connue sous le titre Les Dangers professionnels du pouvoir. Il y montre la corruption de la fraction de la classe ouvrière qui a donné naissance à la bureaucratie et à l'appareil du parti, la formation d'une couche privilégiée appuyée sur la détention du pouvoir qu'elle a usurpé en profitant de la passivité et d'une certaine indifférence des masses. Il souligne au passage le rôle décisif du « régime du parti », l'un des principaux enjeux dans la lutte contre la dégénérescence.
Mais, de façon générale, Rakovsky travaille beaucoup à Astrakhan, où il contracte aussi la malaria. Il y mène de front la rédaction d'une biographie de Saint-Simon, un examen des origines du socialisme utopique, une Histoire de la guerre civile en Ukraine, des travaux commandés pour des éditions soviétiques, et des mémoires qui, selon ce qu'il écrit à Trotsky, comportent des souvenirs sur les principales personnalités et les congrès de la IIe Internationale. Ces travaux ont été menés à bien, saisis par le G.P.U., et aucune information les concernant n'a été donnée en février 1988 quant à leur existence au moment où était officiellement annoncée la réhabilitation de Rakovsky.
Ce tableau trop rapide ne laisse pas d'être impressionnant. Ces hommes de générations diverses n'ont pas souvent, au cours de leur vie, trouvé assez de temps pour jeter quelques idées sur le papier. Certains d'entre eux, au contraire, ont vécu de leur plume. Mais ni les uns ni les autres n'ont cessé d'être mus par des idées et c'est sans doute ce qui leur inspire confiance dans leurs propres forces.
Maria Mikhailovna Joffé a peut-être raison quand elle écrit de Moscou à Alma-Ata : « Qui ne fait pas carrière boit de la vodka. [...] Seuls les oppositionnels continuent à penser vraiment. » [24] En déportation, en tout cas, ils pensent et ils écrivent et cette discussion se déroule sous nos yeux à travers les documents le plus souvent manuscrits qu'ils échangent.
C'est une lettre de Nadejda Ostrovskaia, partie de Voronej qui, la première, annonce à Alma-Ata la nouvelle que Préobrajensky considère que la direction du parti vient d'opérer « un tournant à gauche » [25]. C'est la première information sur la naissance de la tendance de ceux qu'on appellera dans un premier temps les « conciliateurs », Préobrajensky et Ichtchenko, renforcés au bout de quelque temps par Radek.
Son premier texte, en mars, est, à vrai dire, assez prudent. Les « mesures d'urgence » sont la réplique à l'offensive des paysans riches et la traduction en Russie de l'aggravation de la lutte des classes en Europe. Le « cours gauche » peut avorter rapidement, ce qui est peu vraisemblable, car il faudrait alors aller bien plus à droite que ce dont rêvent des droitiers partisans d'une néo-Nep. Le plus vraisemblable est donc, selon lui, le « retour à une politique agraire léniniste » qui prendrait appui sur « une montée des paysans pauvres et moyens contre les éléments capitalistes ».
Dans cette deuxième éventualité, il faudrait, selon lui, que « l'Opposition de gauche, collectivement, aille au-devant de la majorité du parti, indépendamment des stupidités et des bassesses qu'elle endure ». Il propose la rédaction d'un texte dans lequel l'Opposition de gauche, enregistrant les aspects positifs de la nouvelle politique, proposerait à la direction son soutien pour la mener à bien sans demander « la réintégration des bolcheviks-léninistes ni mentionner la répression ». Pour la mise au point de cette déclaration, l'Opposition de gauche devrait demander à la direction l'autorisation de tenir une conférence lui permettant de se concerter. Préobrajensky suggère que Trotsky et Rakovsky se chargent de cette demande. Préobrajensky insiste sur la nature de la politique dans laquelle Staline s'est engagé : le « tournant à gauche », assure-t-il, reflète comme un « miroir déformant » les positions défendues par l'Opposition de gauche [26].
Même son de cloche chez Ichtchenko, qui assure que « la lutte à la campagne » a commencé avec « l'apparition d'un tournant à gauche ». L'issue de la bataille sera décidée pour lui par la place occupée par l'Opposition au moment décisif. Il assure :
« Une telle situation nous offre la possibilité de prendre un cours plus concret pour réintégrer le parti et ne pas reporter cette réintégration dans un délai indéfini. Un maintien prolongé de l'Opposition hors du parti serait très dangereux pour la dictature du prolétariat. » [27]
La discussion est ainsi immédiatement ouverte. Certaines répliques sont très vives. F.N. Dingelstedt écrit :
« Les mesures sont provoquées par la menace de famine et de crise économique. [...] La montée du chômage, le ralentissement de l'industrialisation continuent : où est-il, ce nouveau cours ? » [28]
Smilga, dès le 4 avril, est presque aussi cinglant :
« Le zigzag actuel ne peut être considéré comme un cours gauche conséquent. La terreur que la direction fait peser sur l'Opposition de gauche ne peut apporter de résultat sérieux pour le redressement de la ligne du parti. » [29]
Sosnovsky est sur la même ligne dure, rejetant catégoriquement l'idée même d'un tournant.
Mais une tendance nouvelle se dégage, intermédiaire entre les deux premières. Rakovsky, par exemple, accepte parfaitement l'analyse faite par Préobrajensky des deux variantes possibles. Elle signifie pour lui que l'Opposition doit « s'appuyer sur le zigzag à gauche et sur l'activité des travailleurs pour transformer ce zigzag en véritable politique à gauche ». Mais on ne saurait y parvenir par une alliance avec la direction, mais seulement « par un travail avec la base ». Critiquant les propositions pratiques de Préobrajensky, Khristian Georgévitch rétorque qu'une « réintégration aujourd'hui ne peut se produire qu'au prix d'une capitulation » : la nécessaire déclaration doit être adressée aux travailleurs et non aux dirigeants [30].
C'est une position un peu analogue que défend Valentinov. Pour lui, on prépare à Moscou « le dernier acte de Thermidor », et les propositions pratiques de Préobrajensky conduisent à la capitulation : pourtant l'Opposition de gauche pourrait « soutenir les auteurs des mesures d'urgence s'ils se tournaient vers les masses et coupaient ouvertement avec la droite du parti » [31].
Le 30 avril cependant, V.O. Kasparova se fait la porte-parole de ceux des déportés, encore passablement nombreux, semble-t-il, qui « ont de la peine à analyser la situation » et ne savent pas très bien où ils en sont [32].
C'est après avoir laissé se développer une discussion dont les témoignages et comptes rendus, notamment par Valentinov et Sosnovsky, donnent le même tableau pour différentes régions, que Trotsky se décide à formuler une position qui, tout en s'opposant aux démarches préconisées par Préobrajensky et Ichtchenko, ne coupe pas les ponts. Sa lettre du 9 mai donne le cap.
Pour lui, les mesures contre les koulaks constituent un pas, « inconséquent, contradictoire, mais tout de même incontestable » dans la direction de la politique de l'Opposition, donc la bonne voie. Il affirme :
« Il faut le dire clairement et nettement. Mais, en premier lieu, ne pas exagérer la portée de ce pas – à l'expérience, il faut être plus prudent sur les tournants –, sans avances superflues, expliquer succinctement les raisons, la mécanique et l'idéologie du tournant. » [33]
A la question de l'origine du « tournant » – il accepte le terme –, il y a une nécessité objective. Qui l'a créée ? Il répond :
« Il va de soi que c'est nous, en tant qu'unique expression consciente d'un processus inconscient. S'il n'y avait pas eu notre présence, les difficultés économiques actuelles auraient conduit à un gigantesque succès des partisans d'Oustrialov. » [34]
D'accord avec l'analyse de classe, l'appréciation théorique donnée par Préobrajensky de la nouvelle politique, il met en garde toutefois contre la tendance à penser que la question du koulak pourrait se régler sur le seul terrain de la campagne alors qu'elle le sera sur celui de l'industrialisation, de la direction correcte de l'Internationale, de la formation des cadres. Quant à l'attitude pratique, il dit nettement d'abord :
« Sommes-nous prêts à soutenir le mouvement actuel ? Absolument. De toutes nos forces et par tous les moyens. Considérons-nous que ce mouvement augmente les chances d'assainissement du parti, sans heurts trop grands ? Oui, nous le pensons. Sommes-nous prêts à coopérer précisément dans cette voie ? Entièrement et sans réserve. » [35]
C'est aussi ce qu'il propose de dire, sur un ton très calme, dans la déclaration qu'il faut envoyer au congrès de l'Internationale communiste et où l'Opposition doit, selon lui, exiger une réintégration dont toute la situation confirme qu'elle est plus que légitime [36]. Trotsky a-t-il convaincu ? On peut en douter. A la fin de mai, Préobrajensky écrit :
« Nous avons basé notre tactique en 1927 sur la pire variante, nous avons misé sur le pessimisme. Nous devons maintenant en avoir une autre, nous devons nous risquer du côté de l'optimisme. Si Thermidor ne s'est pas réalisé, il faut s'en réjouir et aller vers un rapprochement avec le parti. Sinon nous nous transformerons en petite secte de " léninistes véritables"… » [37]
Quelques jours plus tard, il précise qu'il est totalement erroné d'affirmer, comme l'a fait Trotsky, que c'est l'action de l'Opposition qui a provoqué le tournant, alors que, de toute évidence, il est le résultat, l'initiative des « koulaks ». Il dévoile le fond de son orientation en affirmant :
« La capacité de la majorité de la direction à chercher une issue pour un retour à une politique léniniste a été démontrée dans les faits par sa lutte contre les koulaks. » [38]
V.B. Eltsine, à l'opposé, dresse contre Préobrajensky et les conciliateurs un réquisitoire qui montre qu'il ne partage pas les soucis diplomatiques ou pédagogiques de Trotsky à l'égard de ce dernier et de ceux qui pensent comme lui. Déjà, le 16 mai, il écrivait à Trotsky que « le centrisme est deux fois plus dangereux quand il joue à une politique de gauche » [39]. Quelques jours après, dans une lettre circulaire, il s'en prend à ce qu'il considère de toute évidence comme les racines de la position de Préobrajensky.
Pour lui, il ne s'agit pas d'un conflit d'idées dans l'appareil et ses coulisses, mais de la lutte de classes. Les causes de la dégénérescence de l'appareil du Parti et de l'Etat, qui ont mené à la politique et à l'idéologie koulak, sont évidemment des causes sociales. Le glissement à droite n'a pas été le résultat d'une évolution dans les idées, mais d'un déplacement de la direction du parti prolétarien au pouvoir vers la petite bourgeoisie rurale et urbaine, de la pression du capitalisme international. Parlant des années 1926 et 1927, il écrit :
« Notre lutte était une tentative de la part de l'avant-garde du prolétariat de nous opposer à ce processus; et, dans cette lutte, nous nous sommes heurtés à l'inertie et à la passivité des masses ouvrières, lesquelles, à leur tour, étaient le résultat de facteurs d'ordre intérieur et international. » [40]
La plus lourde des erreurs serait de croire que le parti puisse être sauvé en dehors de l'initiative et du mouvement de la classe ouvrière elle-même. C'est pourquoi il faut s'opposer à tout ce qui – de toute évidence il vise la « conférence autorisée » préconisée par Préobrajensky – relève de la conciliation avec l'appareil, donc les forces de classe adverses et des combinaisons au sommet. Il faut soutenir les mesures de lutte contre les koulaks et en même temps critiquer sans ménagements et dénoncer la politique générale de ceux qui les prennent :
« Seule une montée puissante du mouvement ouvrier international et l'accroissement de l'activité et de la capacité de défense des ouvriers russes insufflera un vent nouveau dans la vie politique du prolétariat et du parti russe. » [41]
La définition par V.B. Eltsine de ce qu'il considère comme une politique juste à l'égard des « centristes » apparaît comme un peu plus « à gauche » que celle que donne Trotsky :
« Notre tâche est de combattre le danger de droite et de démasquer aujourd'hui le centrisme pour avoir demain derrière nous les masses ouvrières réveillées. » [42]
Les divergences paraissent se creuser sur un autre point, celui de la politique allemande. En mars, le congrès de fondation de l'organisation des « communistes de gauche » – les gens de l'Opposition unifiée en Allemagne – le Leninbund, ont décidé d'aller aux élections en présentant leurs propres candidats contre ceux du K.P.D. Un fort courant se dessinait dans leurs rangs, dès l'automne de 1927, pour cette tactique que Trotsky a critiquée dans une lettre adressée sans doute en janvier, à ce qu'on appelle « le groupe Fischer-Maslow ». Devant cette initiative, que Trotsky considère comme un pas vers un « deuxième parti », Radek propose d'envoyer à Die rote Fahne un télégramme se désolidarisant de cette candidature et propose à Trotsky de le cosigner, ce qu'il refuse [43]. Radek envoie alors seul son télégramme.
Son initiative est très mal reçue dans les rangs des oppositionnels en exil. Les déportés de Kainsk lui écrivent une lettre très sèche, lui rappelant qu'il s'agit, entre militants, de « prévenir les erreurs avant », alors que lui se contente de les « juger après coup ». Ils reprochent à sa prise de position de reposer sur une information insuffisante : tout en étant pour leur part hostiles à la lutte pour un « deuxième parti » et une « IVe Internationale », ils ne pensent pas que la candidature du Leninbund ait forcément ce sens. Ils demandent brutalement à Radek ce qu'il dirait si des oppositionnels allemands s'adressaient directement à Staline pour le désavouer lui. Ils soutiennent que son télégramme n'a fait que « démoraliser » les rangs de l'Opposition et, l'interrogeant sur la rumeur qui veut qu'il ait écrit à Zinoviev et Kamenev, lui assurent que ce serait là « une trahison » [44].
Le camp des « conciliateurs » compte donc une recrue de plus, et, cette fois, ils vont s'opposer à Trotsky dans la question de la déclaration de l'Opposition au VIe congrès de l'Internationale communiste. Après sa lettre-circulaire du 9 mai qui en pose les principes, c'est une nouvelle discussion qui commence entre les « colons ».
Préobrajensky, dans une lettre à Trotsky du 2 juin, insiste pour que soit opérée une distinction nette entre la situation générale mondiale du mouvement ouvrier et les résultats négatifs dus directement aux erreurs de l'I.C.: « Il vaut mieux critiquer moins mais mieux », écrit-il, paraphrasant Lénine. Il faut nommer le « tournant gauche » pour ce qu'il est, un pas en avant positif, mais constater en même temps que la direction a maintenu sa position sur la question de la démocratie interne et qu'elle est exactement sur les mêmes positions que lors de l'offensive koulak. Il ne veut toujours parler ni de « réintégration » ni de « démocratie » et propose de terminer ainsi la déclaration :
« Nous voulons faire la paix avec la majorité du parti sur la base du nouveau cours. Nous demandons au congrès de nous réintégrer dans le parti pour que nous y menions nos tâches loyalement, sans activité fractionnelle. » [45]
La réponse de Trotsky est une vigoureuse contre-attaque. Dans sa « lettre aux amis » du 24 juin, il s'en prend à l'idée de la conférence, lancée par Préobrajensky, qu'il juge ridicule. Il cite Sosnovsky et Rakovsky qui opposent tous les deux à Préobrajensky leur méthode, aborder les questions politiques du point de vue du régime du parti :
« C'est précisément maintenant l'unique critère juste et valable. Non parce que le régime du parti est la source indépendante de tous les autres phénomènes et processus [...]. Mais, dans la mesure où le parti est l'unique instrument au moyen duquel nous puissions agir sur les processus sociaux, pour nous, le critère du sérieux et de la profondeur du mouvement, c'est avant tout la réfraction de ce tournant dans le parti. » [46]
C'est à ce moment-là que Radek intervient pour la deuxième fois, de façon tout à fait indépendante, puisque, sous le prétexte que le temps manque, il envoie un projet à huit oppositionnels annonçant que, s'il ne peut y avoir discussion, il l'enverra sous son seul nom au congrès. C'est un geste de défiance qui va lui valoir beaucoup d'animosité dans les colonies [47].
Concernant la situation en U.R.S.S., le projet de déclaration de Radek semble moins diplomatique que celui de Préobrajensky. Il faut souligner, assure-t-il, que la crise de la collecte des grains a révélé le caractère de la politique officielle. Cependant le C.C. a, selon lui, « reconnu la réalité du danger koulak » et « appelé à le combattre », ce qui est important. Il propose d'organiser le prolétariat agraire, d'épurer le parti et l'appareil soviétique des éléments pro-koulaks, d'en changer la composition sociale, d'approfondir l'autocritique, de réintégrer l'Opposition. Sur le plan international, il souhaite une révision des positions anciennement défendues en Chine. Pour lui, les thèses passées de l'Opposition méconnaissent le rôle de la paysannerie dans les pays à « capitalisme naissant » comme l'Inde et la Chine. Le projet Radek assure – mais finalement ce passage ne sera pas retenu :
« Si l'Histoire nous démontre que certains dirigeants du parti avec lesquels, hier encore, nous croisions le fer, valent mieux que les idées qu'ils défendaient, personne n'en sera plus heureux que nous. » [48]
Au moment où il a connaissance de ce projet de Radek, Trotsky vient de terminer sa propre « déclaration » au VIe congrès et sa « lettre » qui se conclut par une phrase d'une inspiration très différente de celle du texte de Radek :
« Des fonctionnaires bien intentionnés voient la solution de la plus grande des tâches historiques dans la formule : " Nous devons changer de façon décisive. " Le parti doit répondre : " Ce n'est pas vous qui devez réaliser le changement, c'est vous qu'il faut radicalement changer et, dans la plupart des cas, relever de vos fonctions et remplacer ". » [49]
La différence est notable. Une consultation improvisée dans les colonies fait apparaître une centaine de voix pour le projet de Trotsky contre trois à celui de Radek. Bombardé de télégrammes et de lettres de reproches des colonies, Radek explique qu'il n'a envoyé son texte que parce que le courrier ne lui avait pas apporté le projet de Trotsky. Il retire son propre texte et signe celui de Trotsky.
Ainsi se ressoude temporairement le front de l'Opposition. Le déroulement du plénum de juillet a facilité considérablement la chose. Pour tous les observateurs et en particulier la presque totalité des protagonistes de la discussion, ce plénum constitue une victoire pour la droite et l'enterrement du « cours à gauche » ; Seul Ichtchenko continue d'œuvrer pour un rapprochement qui, dans le nouveau contexte, apparaît dès lors comme un pur et simple ralliement de sa part à la direction. Les éléments qui ont combattu les conciliateurs triomphent. Dingelstedt écrit :
« L'Opposition doit rejeter toute illusion d'une régénération de l'appareil du parti par un compromis avec la direction actuelle. » [50]
Une lettre de Viktor Borissovitch Eltsine montre qu'il reste des traces de cette rude bataille :
« La série des lettres, projets de déclaration, thèses et nouvelles thèses, de E[vgenii] A[leksandrovitch] [Préobrajensky] K[arl] B[ernhardovitch] [Radek] et I[var] T[enissovitch] [Smilga], etc. commence à dépasser les bornes. Notre patience a des limites historiques étroites. Nous avons "supporté" les premières thèses d'E.A., puis la lettre de K.B. (qu'il ne m'a pas envoyée), enfin nous avons supporté trop longtemps les thèses d'E,A., profondément opportunistes, qui n'ont rien à voir avec une politique marxiste. » [51]
C'est à peu près à la même époque que Radek rédige son travail intitulé « Développement et signification du mot d'ordre de la dictature du prolétariat » [52], dans lequel il s'efforce de démontrer que Trotsky interprète faussement comme un ralliement à sa théorie de la « révolution permanente » le passage de Lénine en 1917 du mot d'ordre de « dictature démocratique des ouvriers et des paysans » à celui de « dictature du prolétariat » [53]. C'est à ce long traité que Trotsky va commencer à répondre dans le texte finalement publié sous le titre La Révolution permanente. Mais, pour l'instant, il est avant tout préoccupé de renforcer l'unité de l'Opposition, sérieusement secouée par ces bourrasques.
Trotsky est très désireux en effet d'apaiser le conflit, d'autant qu'il a la certitude que le plénum de juillet, zigzag à droite, sera suivi de toute une série d'autres zigzags et accès de fièvre. Il est convaincu de la nécessité de conserver dans les rangs de l'Opposition Préobrajensky et, peut-être plus encore, Radek. Il ne désespère même pas de regagner Ichtchenko, même quand celui-ci se rend à Moscou, de toute évidence dans l'espoir d'un marché avec Iaroslavsky. Dans une lettre adressée à Smilga, Trotsky parle des « malentendus » qui les ont séparés et de la responsabilité de la poste dans la multiplicité des « déclarations » au VIe congrès [54].
Dans une lettre à V.D. Kasparova, il avoue avoir essuyé de vifs reproches de la part des jeunes, pour son attitude trop conciliante à l'égard de Préobrajensky, et confesse complaisamment avoir peut-être fait preuve d'un excès de diplomatie. Il reconnaît aussi que Radek, finalement, a bien mérité les volées de bois vert qu'il a reçues des mêmes jeunes, assure cependant qu'il fait tout ce qu'il peut pour verser sur les vagues l'huile qui les aplanira [55].
La discussion a été pour lui très enrichissante ; elle lui a personnellement appris énormément, et elle a contribué de façon déterminante à la formation de la jeune génération oppositionnelle. Il en voit une preuve concluante dans les progrès numériques de l'Opposition au sein de la classe ouvrière et de la jeunesse, et aussi dans le ralliement à la déclaration de l'Opposition au congrès de l'IC. d'éléments ouvriers jusque-là décistes. Sa correspondance avec S.A. Ashkenazi [56] et surtout l'Ukrainien Rafail (R.B. Farbman) [57], montre le prix qu'il attache à la conquête de cadres ouvriers.
En réalité, sa façon d'envisager les choses du point de vue de la perspective historique lui vaut une évidente supériorité sur ses interlocuteurs : il a les yeux fixés sur un horizon mondial et des décennies. Comment pourrait-il en outre se laisser impressionner par des hommes qui, dans le meilleur des cas, ne pourront que suivre les traces de Zinoviev et Kamenev, qui leur sont bien supérieurs. Les problèmes sont ailleurs : c'est, de toute évidence, son appui que Boukharine a sollicité en juillet 1928 dans ses confidences d'homme paniqué, dans l'appartement de Kamenev.
C'est le 11 juillet 1928 qu'a eu lieu cette rencontre, organisée par Sokolnikov, qui cherche à empêcher Kamenev et Zinoviev de soutenir Staline et cherche à les amener à un « bloc » avec Boukharine. Boukharine apparaît très troublé, agité, tourmenté : les choses sont allées très loin, et il pense qu'avant deux mois, l'un ou l'autre des groupes Staline et Boukharine recherchera l'alliance des zinoviévistes et des trotskystes. Il parle des émeutes paysannes, des membres du comité central qui soutiennent la droite – dont Iagoda –, de ceux qui l'ont trahie – comme Vorochilov et Kalinine. Ses réflexions sur la personnalité de Staline sont celles d'un homme aux abois : c'est un « Gengis Khan » qui va leur « couper la gorge », qui n'est intéressé que par le pouvoir et qui est bien plus éloigné des autres fractions qu'elles ne le sont les unes des autres. Il apparaît clairement, à travers le compte rendu de cet entretien, que Boukharine cherche aussi l'alliance de Trotsky contre Staline. Trotsky va répondre de façon indirecte [58].
Il saisit en effet l'occasion de la lettre d'un « droitier » du parti, son ancien collaborateur Ia. M. Chatounovsky, pour aborder le problème de l'éventualité d'une alliance avec les droitiers. Au terme de ce long texte, il énumère les conditions d'organisation d'un véritable congrès du parti, jusques et y compris le vote secret pour la désignation des délégués, ce qui le conduit à rappeler, comme nous l'avons indiqué plus haut que « les centristes » sont « les principaux soutien et protection de l'opportunisme dans le parti » [59].
Il revient avec autant de netteté que de fermeté sur la question, après la levée de boucliers provoquée par sa proposition, inattendue pour beaucoup. Presque en même temps se manifeste un nouveau signe de l'aggravation de la crise dans le parti. Le 22 septembre, à la suite d'une rencontre fortuite place du Théâtre à Moscou, Kamenev invite chez lui deux dirigeants trotskystes de la capitale. Un compte rendu parvient quelques semaines plus tard à Alma-Ata. Le correspondant, qui signe ce message « Anton », rend compte de ce qu'a dit Kamenev :
« Tout va être revu au plénum d'octobre. Il en résultera soit un pas en avant vers Thermidor, sans détour, soit un pas en avant masqué aux yeux des masses. Il estime que l'analyse par L.D. du plénum de juillet est tout à fait juste. [...] Il dit que L.D. devrait rédiger un document où il dirait :
"Appelez-nous ! Nous travaillerons ensemble !" Mais il ne le fera pas et restera à Alma-Ata tant qu'on ne viendra pas le chercher en train express. Mais quand ils enverront le train, la situation dans le pays sera telle que Kerensky pourra se mettre sur le perron. » [60]
Dans une lettre du 21 octobre consacrée à des problèmes généraux, Trotsky se contente d'enregistrer ces avances avec une ironie mordante et conclut :
« Qu'il chante, sans peur de Iaroslavsky, atteste que l'emprise de l'appareil s'affaiblit et que les chances de l'Opposition grandissent. Nous le portons à son crédit. Mais on ne peut conclure que ceci : il nous faut cogner deux, trois, dix fois plus fort sur les capitulards. » [61]
La veille, il a envoyé à Radek une lettre très sèche, celui-ci ne lui ayant apparemment pas envoyé le texte sur la dictature qu'il a mis en circulation.
Les derniers mois de 1928 ne sont plus ceux d'une intense discussion, mais des mois d'élaboration et de réflexion après la tempête. Trotsky, déjà très isolé par le « blocus », revient sur la nécessité, révélée par les discussions, d'approfondir l'analyse, non seulement de la situation dans le parti et l'appareil, mais des perspectives mêmes de la « marche à Thermidor » que l'Opposition entend combattre. Sur les conséquences du plénum de juillet, après l'élimination d'Ouglanov de la direction à Moscou, il écrit :
« Après avoir cédé politiquement et s'être assuré une majorité, Staline attaque sur le terrain de l'organisation. » [62]
Pour lui le sort de la bataille entre centristes et droitiers est réglé : les chefs de ces derniers reculeront devant l'affrontement. Mais la question demeure de savoir comment peut concrètement se réaliser dans le pays le « danger de droite ». Trotsky suggère une variante qu'il appelle celle du « bonapartisme » – une concentration supérieure du pouvoir s'élevant au-dessus des masses. Pour la première fois, il entrevoit comme alternative à la victoire de la droite – Thermidor pur et simple – une victoire temporaire des centristes, laquelle résulterait de « la conjonction de l'appareil centriste avec les appareils gouvernementaux de répression ». Il en vient à la conclusion que « le centrisme ne représente après tout qu'une variété de la tendance conciliatrice [...] avec la société bourgeoise qui s'efforce de renaître » [63].
Dans la lutte au sommet qui s'annonce, il dénonce l'illusion de l'aile conciliatrice de l'Opposition : les centristes s'appuieront sans doute sur des transfuges de l'Opposition, en aucun cas sur l'Opposition elle-même. Cette dernière doit aller hardiment au-devant des masses et avant tout les aider partout à abattre les défenses mises en place contre leur intervention par les bureaucrates :
« L'axe de notre politique intérieure consiste à maintenir réellement le pouvoir entre les mains du prolétariat ou, plus exactement, à lui restituer ce pouvoir usurpé par l'appareil et à affermir ultérieurement la dictature du prolétariat sur la base d'une amélioration systématique des conditions d'existence de la classe ouvrière. » [64]
Faisant un pas de plus vers l'abandon, pas encore définitif, de la notion de Thermidor utilisée jusqu'à présent, il se penche sur la question de la nature de ce qu'il appelle toujours « le centrisme ». Il en désigne la base sociale dans le développement de la bureaucratie soviétique qui devient toujours plus indépendante de la classe ouvrière et dépendante de la bourgeoisie. Il réaffirme la ligne de la nécessaire indépendance de l'Opposition :
« Les bolcheviks-léninistes n'ont qu'une voie à suivre, mobiliser les éléments vivants et capables de vivre pour leur parti, souder le noyau prolétarien du parti, mobiliser la classe ouvrière tout entière. [...] La campagne centriste actuelle contre la droite doit montrer à tous les révolutionnaires prolétariens la nécessité et le devoir de décupler leurs efforts pour suivre une ligne indépendante, forgée par toute l'histoire du bolchevisme, et qui s'est avérée juste à travers toutes les colossales épreuves des événements de ces dernières années. » [65]
L'opération Alma-Ata apparaît donc en définitive comme un cuisant échec pour Staline. Trotsky n'a pas été ni isolé ni muselé. Non seulement il a réussi à préserver, malgré les distances, l'unité de l'Opposition, mais il se montre capable de mener l'offensive politique, de galvaniser les adversaires de Staline, et apparaît de plus en plus comme le recours. L'une des preuves de l'échec de l'entreprise stalinienne est sans aucun doute l'instauration de ce que les déportés vont appeler le « blocus postal » : la correspondance ne leur est même plus transmise – sauf les rares lettres de capitulards. « Les neiges se figèrent sur notre isolement », écrit Natalia Ivanovna.
Le 16 décembre, un fondé de pouvoir spécial du G.P.U., Volynsky, se présente à la maison d'Alma-Ata. C'est l'homme qui a réussi à repérer D., à le faire arrêter, à interrompre la communication entre les Trotsky et le « centre de Moscou ». Il apporte un message qui constitue un véritable ultimatum, cité de mémoire par Trotsky :
« Le travail de vos partisans dans le pays a pris ces derniers temps un caractère nettement contre-révolutionnaire : les conditions dans lesquelles vous êtes placé à Alma-Ata vous donnent l'entière possibilité de diriger ce travail ; en conséquence le collège du G.P.U a décidé d'exiger de vous l'engagement catégorique d'arrêter votre activité ; autrement le collège sera obligé de modifier vos conditions d'existence, en ce sens qu'elle vous isolera complètement de la vie politique et que, par conséquent, sera posée la question du transfert de votre résidence en un autre endroit. » [66]
Convaincu que l'ultimatum du G.P.U. annonce son arrestation et un emprisonnement dont durée et issue sont imprévisibles, Trotsky refuse de donner une réponse écrite. Mais il adresse, le 16 décembre 1928, au comité central du parti et à l'exécutif de l'Internationale une lettre destinée en réalité au monde et à la postérité :
« On me demande de renoncer à toute activité politique : cela veut dire que l'on me demande de renoncer à la lutte pour les intérêts du prolétariat international, lutte que je mène sans arrêt depuis trente-deux ans, c'est-à-dire depuis que je suis arrivé à la vie consciente. La tentative faite pour représenter cette activité comme "contre-révolutionnaire" vient de ceux que j'accuse devant le prolétariat international d'avoir foulé aux pieds les choses mêmes de l'enseignement de Marx et de Lénine, d'avoir violé les intérêts historiques de la révolution mondiale, d'avoir brisé avec les traditions et les testaments d'Octobre, dans une préparation inconsciente, mais d'autant plus périlleuse, de Thermidor. » [67]
Il affirme qu'il ne renoncera pas « à la lutte contre le régime étouffant du parti », « l'aveuglement de la direction », « la politique économique de l'opportunisme ». Evoquant la répression qui s'est abattue sur l'Opposition depuis 1923, il écrit :
« Depuis six ans, en UR.S.S., nous vivons dans les conditions d'une réaction croissante contre Octobre, et par conséquent d'une préparation des voies pour Thermidor. L'expression la plus achevée et la plus évidente de cette réaction à l'intérieur du parti, c'est la sauvage persécution qui est exercée contre l'aile gauche et l'écrasement de son organisation. » [68]
Il oppose à « l'incurable faiblesse de la réaction de l'appareil », qui « ne sait pas ce qu'il fait », puisqu'il se conforme « aux commandes » des classes hostiles, la « force historique de l'Opposition » qui « voit nettement la dynamique des forces de classes, prévoit le lendemain et le prépare consciemment » [69].
A la phrase sur les conditions de son existence et la menace de l'isolement de la vie politique, il rappelle qu'il est exilé à quatre mille kilomètres de Moscou, deux cent cinquante de la première voie ferrée, dans une localité de malaria, de peste et de lèpre, où les journaux arrivent en dix jours au plus tôt et où le trajet des lettres se compte en mois. Il rappelle l'arrestation de Sermouks et de Poznansky, coupables d'avoir voulu partager son exil, le retard des lettres lui apportant des nouvelles de la maladie de ses filles. Rappelant le jugement de Lénine sur la brutalité et la déloyauté de Staline, il montre le durcissement des méthodes employées contre l'Opposition, la fatale grève de la faim de Boutov, « la violence, les sévices, les tortures physiques et morales appliquées aux meilleurs militants bolcheviques pour leur fidélité aux traditions d'Octobre ».
Rappelant les efforts incessants, depuis 1923, pour le réduire au silence, d'une façon ou d'une autre, il rappelle sa déclaration au VIe congrès de l'Internationale communiste : l'exigence de renoncer à l'activité politique ne peut venir que « d'une bureaucratie définitivement dévoyée ». Sa conclusion est nette :
« A chacun sa destinée. Vous voulez continuer à mettre en œuvre ce qui vous est inspiré par les forces de classes hostiles au prolétariat. Nous connaissons notre devoir. Nous l'accomplirons jusqu'au bout. » [70]
Un mois s'écoule ensuite dans l'isolement le plus total et le blocus postal intégral. Les journaux que reçoivent les exilés font la plus large place à la polémique contre « la droite ». Boukharine s'exprime encore de temps en temps. Ses « Notes d'un économiste », publiées dans la Pravda du 30 septembre, constituaient une attaque évidente contre Staline. Dans un discours du 28 novembre, il a porté une attaque, dans des termes qui rappellent ceux de Trotsky, contre « les fonctionnaires du parti qui se transforment en bureaucrates », contre les chefs provinciaux devenus « des idoles bureaucratiques », n'ayant que mépris pour ceux dont ils ont la charge.
La décision d'exiler Trotsky est finalement prise au bureau politique à la mi-janvier. Boukharine l'a combattue. Selon un procès-verbal d'un bureau politique ultérieur, Staline aurait argumenté de la façon suivante :
« Trotsky doit être exilé à l'étranger 1) parce que, tant qu'il reste dans le pays, il est capable de diriger idéologiquement l'Opposition et sa force numérique ne cesse d'augmenter ; 2) afin qu'il puisse être discrédité aux yeux des masses comme complice de la bourgeoisie dès son arrivée dans un pays bourgeois ; 3) afin de le discréditer aux yeux du prolétariat mondial : la social-démocratie, sans aucun doute, utilisera contre l'U.R.S.S. son exil et volera au secours de Trotsky, "victime de la terreur bolchevique" ; 4) si Trotsky attaque la direction en faisant des révélations, nous pourrons le présenter comme un traître. Tout cela parle en faveur de la nécessité de l'exiler. » [71]
Volynsky est resté sur place à Alma-Ata en attendant les instructions, après sa visite du 16 décembre. Le 20 janvier, il se présente de nouveau au domicile des exilés, porteur d'un extrait de procès-verbal du collège du G.P.U. accusant Trotsky « d'activité contre-révolutionnaire s'étant manifestée dans l'organisation d'un parti antisoviétique illégal dont l'activité, ces derniers temps, vise à provoquer des manifestations antisoviétiques et à préparer une lutte armée contre le pouvoir soviétique », et décidant en conséquence son expulsion d'Union soviétique. La journée du 21 est consacrée à la préparation des bagages : Trotsky et Ljova n'iront pas, comme ils l'ont envisagé, chasser les tigres prédateurs qui, venus du Balkhach, remontent l'Ili et se rapprochent d'Alma-Ata. Le 22, au petit matin, commence l'interminable voyage [72].
Il va durer vingt-deux jours. Un autobus emporte d'Alma-Ata les voyageurs, leur escorte et les bagages. Mais le tracteur envoyé à leur rencontre ne peut lui faire franchir la passe du Kourdai. Il faut continuer en traîneaux légers jusqu'à Pichpek où l'on prend le train. C'est dans les parages d'Aktioubinsk que Trotsky apprend, d'un des hauts fonctionnaires du G.P.U. qui l'accompagnent, qu'il va être expulsé en Turquie – ce à quoi il oppose un nouveau refus. A Riajsk, Serioja et la femme de Ljova, Ana, montent dans le train pour la fin du voyage. Mais celui-ci est interrompu : pendant onze jours et onze nuits, le train s'arrête, probablement dans la région de Koursk, par un froid terrible, dans l'attente d'instructions probablement. Trotsky a-t-il lu l'article de Boukharine paru dans la Pravda du 24 janvier 1928 sur le « testament politique » de Lénine, un testament politique que Boukharine, sans le dire, n'oppose pas aux idées de Trotsky ? Il ne le commentera pas. En revanche, il note que c'est pendant cette période qu'il a appris l'arrestation de nombreux oppositionnels présentés comme « le centre », les Géorgiens Kavtaradzé et Boudou Mdivani, le critique littéraire A.K. Voronsky, l'ancien marin de Cronstadt V.S. Pankratov, les militaires Dreitser, Gaievsky, Enoukidzé, au total 350 arrestations dans la région de Moscou, 350 pour plusieurs grandes villes, Leningrad, Kharkov, Odessa, Dniepropetrovsk, sans compter les arrestations de déportés [73]. C'est maintenant en prison qu'on trouve le plus grand nombre de « bolcheviks-léninistes » et nous disposons d'une description des conditions sordides dans lesquelles une centaine d'entre eux sont incarcérés à Tobolsk, tandis que Verkhné-Ouralsk, Souzdal, Tehéliabinsk commencent à se remplir.
Trotsky n'a sans doute pas su non plus à l'époque que, le 30 janvier, les bolcheviks-léninistes de Moscou ont publié le compte rendu des conversations de juillet de l'année précédente entre Boukharine et Kamenev qui vont permettre à Staline une nouvelle et furieuse attaque contre Boukharine [74], une publication qui est peut-être une provocation.
Le train arrive à Odessa le 10 février 1929, et Trotsky ne peut regarder que de loin cette ville où il a fait ses études secondaires, ses premières armes de militant à son adolescence et pas mal de mois de prison. Après de nouvelles tergiversations dues au fait que le port est bloqué par les glaces, Trotsky, Natalia Ivanovna et Ljova sont finalement embarqués sur le vapeur Ilych qui va les débarquer à Constantinople le 12 février. A son arrivée, Trotsky remet aux autorités turques une déclaration écrite expliquant qu'il entre dans leur pays contre son gré.
Il ne reviendra jamais en U.R.S.S.
Notes
[a] L'« isolateur » est une prison formée de cellules d'isolement où le détenu est en principe seul. Mais le grand nombre de détenus rendait l'isolement impossible et les détenus étaient à plusieurs dans les cellules surpeuplées de ces prisons qui n'étaient « isolateurs » que de nom.
Références
[1] La première recherche systématique menée dans la correspondance de Trotsky et Sedov à Alma-Ata est celle d'Isabelle Longuet, La Crise de l'Opposition de gauche en 1928-1929, Paris VIII, mém. de maîtrise, département d'études slaves. Mais sur le contexte du parti et du gouvernement, on a intérêt à se reporter au livre très documenté de Michal Reiman, Die Geburt des Stalinismus, Francfort/M., 1979.
[2] Mratchkovsky à Trotsky, 14 avril l928, A.H., T 1310.
[3] Kievlenko à Sedov, 14 mars 1928, A.H., T 1211.
[4] Trotskystes de Moscou à Trotsky, A.H., T 1175.
[5] Archives Hoover, Fonds Nikolaievsky.
[6] Victor Serge, M.R., p. 227.
[7] Rosa Léviné-Meyer, « Iakovine et Pankratova », in Inside German Communism, Londres, 1977, pp. 209-213.
[8] Lettre de Moscou, septembre 1928, A.H., T 2439.
[9] Lettre de Moscou, 13 septembre 1928, A.H., T 2560.
[10] Lettre de Moscou, 7 septembre 1928,7 septembre 1928, A.H., T 2502.
[11] Lettre de Moscou, fin juillet 1928, A.H., T 2001.
[12] Lettre de Moscou, 1er novembre 1928, A.H., T 2854.
[13] Lettre de Moscou, septembre 1928, A.H., T 2533.
[14] Lettre de Moscou, 13 septembre, A.H., T 2560.
[15] Lettre de Moscou, mi-novembre, A.H., T 2875.
[16] Tsintsadzé à Trotsky, 17 mai 1928, A.H., T 1476.
[17] Lettre de Kiev, novembre 1928, A.H., T 2849.
[18] Livshitz à Trotsky, 28 mai 1 928, A.H., T 1552.
[19] Lettre de Moscou, 22 novembre 1928, A.H., T 2898.
[20] Pravda, 29 février 1928. Piatakov, « Déclaration ».
[21] Antonov-Ovseenko, « Déclaration , Pravda, 4 avril 1928.
[22] Pravda, 31 mai 1928.
[23] Trotsky, lettre circulaire, 28 février 1928. A.H., T 1161. En fait, Sérébriakov avait écrit, mais le 25 février seulement.
[24] Lettre non datée de M. Joffé, A.H., T J090.
[25] Ostrovaskaia à Trotsky, 20 février 1928, A.H., T 1139.
[26] Préobrajensky,« Le cours de gauche », A.H., T 1262.
[27] Ichtchenko à Trotsky, avril l928, A.H., T 1254.
[28] Dingelstedt à Trotsky, 8 juillet 1928, A.H., T 1891.
[29] Smilga à Trotsky, 4 avril 1928, A.H., T 1273.
[30] Valentinov à Trotsky, 14 avriI1928, A.H., T 1309.
[31] Valentinov à Trotsky, 19 avril 1 928, A.H., T 1326.
[32] Kasparova à Trotsky, 30 avril 1928, A.H., T 1377.
[33] Trotsky, lettre circulaire, 9 mai 1928, A.H., T 3112.
[34] Ibidem.
[35] Ibidem.
[36] Ibidem.
[37] Préobrajensky à Trotsky, fin mai 1928, A.H., T 1497.
[38] Préobrajensky, juin 1928, A.H., T 1593.
[39] V.B. Eltsine, 16 mai 1928, A.H., T 1464.
[40] V.B. Eltsine, début juin 1928, A.H., T 1587.
[41] Ibidem.
[42] V.B. Eltsine, début juin 1928, T 1587.
[43] Radek à Trotsky, 18 avril 1928, A.H., T 1325.
[44] Lettre de Kainsk, mai 1928, A.H., T 1404.
[45] Préobrajensky à Trotsky, 2 juin 1928, A.H., T 1606.
[46] Trotsky, lettre circulaire, 24 juin 1928, A.H., T 3114.
[47] Lettre-circulaire de Radek, 24 juin 1928, A.H., T 1780 a.
[48] Projet de déclaration de Radek, 24 juin 1928, ibidem, T 1780 b.
[49] Lettre au VIe congrès de l'I.C.
[50] Dingelstedt à Trotsky, 8 juillet 1928, A.H., T 1891.
[51] V.B. Eltsine à Trotsky, 20 août 1928, A.H., T 2310.
[52] Radek, A.H., T 2324.
[53] I. Longuet, op. cit., p. 93.
[54] Trotsky à Smilga, 4 septembre 1928, A.H., T 2480.
[55] Trotsky à Kasparova, 30 août 1928, A.H., T 2419.
[56] Trotsky à Ashkenazi, 30 août 1928, A.H., T 2420.
[57] Trotsky à Rafail, 10 novembre 1928, A.H., T 2874.
[58] Notes de Kamenev sur sa rencontre avec Boukharine, 11 juillet 1928, A.H., T 1897.
[59] Trotsky à Chatounovsky, 12 septembre 1928, A.H., T 3132.
[60] Anton à Trotsky, 22 septembre 1 928, A.H., T 2630.
[61] Trotsky, lettre circulaire, 21 octobre 1928, A.H., T 3146.
[62] Ibidem.
[63] Ibidem.
[64] Ibidem.
[65] Ibidem.
[66] M.V., III, p. 309.
[67] Ibidem, p. 310.
[68] Ibidem, p. 311.
[69] Ibidem, pp. 311-312.
[70] Ibidem, p. 314.
[71] Lettre de Moscou, 22 mars 1929, Biulleten Oppositsii n° 1, p. 3.
[72] M.V., III, p. 315.
[73] Pravda, 23 février 1929.
[74] Staline « Le groupe Boukharine et la déviation de droite », 9/10 février 1929, Sotch.., XI, p. 319.