1971 |
"L'histoire du K.P.D. (...) n'est pas l'épopée en noir et blanc du combat mené par les justes contre les méchants, opportunistes de droite ou sectaires de gauche. (...) Elle représente un moment dans la lutte du mouvement ouvrier allemand pour sa conscience et son existence et ne peut être comprise en dehors de la crise de la social-démocratie, longtemps larvée et sous-jacente, manifeste et publique à partir de 1914." |
Révolution en Allemagne
Pierre Broué
De la guerre à la révolution - Victoire et défaite du gauchisme
Le 4 août 1914 avait soulevé des problèmes fondamentaux de stratégie et de tactique pour le mouvement socialiste mondial. La révolution russe les pose dans toute leur acuité. En Allemagne, pendant les trois premières années de la guerre, les problèmes du « parti révolutionnaire » ou de la « lutte pour le pouvoir » semblent relever du seul domaine de la théorie. La vérification des perspectives bolcheviques par la victoire d'Octobre les met à l'ordre du jour en tant que tâches concrètes et immédiates. Dans les conditions de la guerre qui se poursuit, tout commencera néanmoins par une information difficile et des discussions théoriques.
Le point capital des thèses préparées par Rosa Luxemburg et adoptées par la conférence de Die Internationale le 1° janvier 1916, avait été formulé dans la thèse n° 12, conséquence de l'analyse de la faillite de la II° Internationale :
« Etant donné la trahison commise par les représentants officiels des partis socialistes des principaux pays contre les buts et les intérêts des classes laborieuses en vue de les détourner de la base de l'Internationale prolétarienne vers celle de la politique bourgeoise impérialiste, c'est pour le socialisme une nécessité vitale que de créer une nouvelle Internationale ouvrière qui aurait pour tâche de guider et d'unifier la lutte de classes révolutionnaire contre l'impérialisme dans tous les pays. » [1]
Lénine allait souligner dans sa critique de la brochure de « Junius » que cette thèse capitale était dénuée de toute portée pratique si elle ne s'accompagnait pas de la décision de rompre dans chaque pays, avec les directions centristes et social-pacifistes, afin de rassembler dans la lutte les éléments de l'Internationale à bâtir.
C'est Radek qui devait développer le premier, dans Arbeiterpolitik [2], les arguments théoriques en faveur de l'organisation, par les révolutionnaires, de la scission du mouvement socialiste. Il part de la constatation selon laquelle les instances des différents partis social-démocrates s'identifient, depuis la déclaration de guerre, à un « social-impérialisme ». Il constate que l'argument très simple en faveur de la scission selon lequel l'unité du mouvement socialiste derrière les dirigeants social-impérialistes signifie l'unité avec l'impérialisme, n'est pas retenu par certains révolutionnaires - Rosa Luxemburg, en particulier, est visée -, les uns pensant que les suites de la guerre amèneront le parti dans son ensemble à se redresser, les autres estimant qu'une scission organisée avant que les masses dans leur ensemble aient pris conscience de la trahison des dirigeants serait inefficace et n'aboutirait qu'à l'isolement des révolutionnaires.
Prenant à bras-le-corps l'un des mythes les plus solides dans le mouvement socialiste allemand, il souligne que l'unité ouvrière n'est pas un bien en soi, ni les scissions forcément un mal. L'histoire du mouvement ouvrier est en effet celle d'une longue suite de scissions qui ne résultent ni du hasard ni d'une quelconque fantaisie de l'histoire, mais de la pression des forces sociales adverses. Après avoir passé en revue les principaux aspects des scissions successives du mouvement chartiste, du mouvement allemand au temps de Lassalle, de la I° Internationale, il conclut :
« 1. Les orientations divergentes au sein du mouvement ouvrier ont toujours eu leurs racines dans des différences sociales de leur base, différences qui ont conduit aux scissions. 2. Jamais ces scissions n'ont pu être surmontées dans un laps de temps bref, le processus d'unification a toujours été un long processus de lutte. » [3]
Il en est de même pour la crise contemporaine de la social-démocratie. La « politique du 4 août » est en effet un phénomène international, ayant forcément des racines communes à Londres, Petersbourg, Paris ou Vienne. Ces racines - qui expliquent par exemple l'alignement du « socialisme » allemand sur les positions traditionnelles des « trade-unions » à l'égard de leur impérialisme - sont à chercher dans l'existence et la pression sur le mouvement ouvrier d'une « aristocratie ouvrière » :
« La couche supérieure de la classe ouvrière allemande qui, du fait du développement impétueux de l'industrie allemande, a obtenu des salaires relativement élevés, à qui des systèmes d'assurance de l'État ou les syndicats ont offert des conditions de vie relativement sûres, qui a, pour ainsi dire, pris part à la culture bourgeoise, a toujours plus nettement affirmé par la bouche des révisionnistes et des dirigeants syndicaux, depuis bien quinze ans, qu'elle avait plus à perdre que ses chaînes. » [4]
Dans le camp du révisionnisme, les forces essentielles ont été, en effet non pas tellement les éléments de la petite bourgeoisie, notamment méridionale, que les dirigeants syndicaux qui adhéraient à cette ligne petite-bourgeoise. Attachés aux privilèges conquis, ils se sont opposés à toute tentative d'organiser de vastes mouvements de masse des travailleurs pour défendre leurs droits politiques et leurs revendications économiques :
« Ils fondaient leur protestation contre les révolutionnaires romantiques sur la prétendue impossibilité de telles actions mais, en réalité, ce qu'ils exprimaient, c'était la crainte de l'aristocratie ouvrière de voir mettre en danger ses conquêtes. » [5]
Dans la même perspective, révisionnistes et dirigeants syndicaux avaient donné leur appui à la politique coloniale de la bourgeoisie allemande.
Ce n'est donc pas par hasard que la politique du 4 août l'a emporté au sein du mouvement ouvrier, dans les pays qui, comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, ont vu un développement relativement important de l'aristocratie ouvrière. Même dans les pays comme l'Italie ou la Russie, où l'aristocratie ouvrière ne constitue qu'une couche très mince, on a vu se constituer des groupes de « social-patriotes » basés sur un noyau d'ouvriers qualifiés qui pensent en termes purement réformistes et, pour cette raison, marchent avec leur bourgeoisie. Tout cela, les révolutionnaires le savaient déjà avant la guerre, mais en sous-estimaient la portée :
« Nous avons cru que cette politique ne relevait que d'illusions des dirigeants, qui se dissiperaient sous la pression aggravée des antagonismes de classes. L'expérience a montré que nous nous sommes trompés. D'abord, cette politique n'était pas seulement celle des dirigeants : il y avait derrière elle toute une catégorie de travailleurs qui ne voulaient pas autre chose que les dirigeants. Et ce serait une fatale illusion de vouloir expliquer qu'aujourd'hui, derrière ces chefs, il n'y a pas de masses, ou que, si elles sont derrière eux, c'est seulement parce qu'elles ne sont pas suffisamment éclairées. La scission passe à travers les masses ouvrières elles-mêmes. » [6]
Il est faux d'en conclure, comme certains, que la guerre va bientôt dissiper les rêveries des social-impérialistes, et qu'il faut conserver l'unité ouvrière pour que, le cours des événements ayant donné raison aux révolutionnaires, la classe tout entière retrouve plus vite son unité dans la lutte. Car, s'il est vrai que l'impérialisme sera de plus en plus amené à détruire de ses mains les privilèges de l'aristocratie ouvrière et à saper ainsi les bases du réformisme, il n'en reste pas moins qu'une idéologie ancrée dans une couche sociale ne peut se dissiper en une dizaine d'années.
Et d'abord, dans l'immédiat, la bourgeoisie est décidée à utiliser les dirigeants social-patriotes, les porte-parole de l'aristocratie ouvrière, pour maintenir et couvrir sa propre domination : les « socialistes » deviendront ministres, occuperont des postes dans l'appareil d'État bourgeois, chercheront par des concessions mineures à diviser la classe ouvrière afin de l'empêcher de mener, unie, la lutte révolutionnaire. Si les militants révolutionnaires demeurent à l'intérieur du parti pour y mener la lutte contre les dirigeants social-impérialistes, ils renoncent du coup à leur rôle d'avant-garde du combat prolétarien :
« Si l'unité formelle du parti demeure intacte, si les social-impérialistes règnent sur le parti et sur sa politique, nous devons, soit renoncer pour des années à la lutte contre l'ennemi de classe, soit la mener sans tenir compte des mots d'ordre des instances impérialistes. Dans le premier cas, si nous abandonnons la lutte contre l'ennemi extérieur et si nous nous contentons de critiquer les social-impérialistes, cette critique perd toute signification : elle sera rayée, annulée par ce que nous serons obligés d'accomplir au Reichstag, dans le mouvement syndical, par l'absence d'action qui donnerait aux masses ouvrières la conviction que notre critique est juste. Dans l'autre cas, les social-impérialistes nous expulseront très rapidement du parti, et comme aucune majorité du parti ne peut tolérer à la longue une minorité qui condamne sa politique comme une trahison des principes de base, elle supportera encore moins que ce groupe se mette en travers de toutes ses actions et elle appellera les masses à agir contre lui. » [7]
En admettant même que les révolutionnaires prennent la majorité à la suite d'un congrès, ils ne sauraient prendre le risque de conserver dans les rangs du parti des opportunistes qui sont en réalité des ennemis de classe et, par conséquent, devront les exclure avec ceux des travailleurs - et il y en aura - qui continueront à les soutenir : « De quelque côté qu'on se tourne, il y aura scission » [8]. Il faut donc, selon Radek, la préparer consciemment : elle constitue le seul moyen d'organiser la lutte contre la guerre impérialiste, la bourgeoisie et ses agents du mouvement ouvrier. Plus tôt elle sera inscrite dans les faits en termes d'organisation - elle l'est dans les esprits depuis 1914 -, plus vite seront réparés les dégâts, plus rapidement sera reforgée l'unité révolutionnaire de la classe ouvrière.
Un semblable effort de recherche théorique conduit Julian Marchlewski, à l'occasion de sa critique des thèses sur la paix adoptées par le parti social-démocrate, à analyser la position du courant opportuniste sur le problème de l'État et à l'opposer à celles de Marx et d'Engels qui voyaient en lui l'instrument du pouvoir d'une classe. Il affirme - cheminant sur la même voie que Lénine, dont les études, au même moment, préparent L'État et la révolution :
« Les prolétaires doivent mener la lutte contre l'État, ils ne peuvent réaliser leur idéal, qui repose sur la liberté et l'égalité des hommes, sans briser la domination de classe dans l'État. » [9]
Une partie des révolutionnaires allemands se rapprochaient ainsi des bolcheviks, avec qui ils n'avaient pourtant que des liens ténus et aucune organisation commune. La révolution russe va apporter consistance et poids à leurs thèses.
L'influence de la révolution russe est perceptible dans le mouvement ouvrier allemand à partir de 1917, non seulement à travers les prises de position théoriques ou pratiques des révolutionnaires allemands, mais à travers l'orientation des larges masses ouvrières, le succès dans leurs rangs de mots d'ordre comme celui des « conseils ouvriers », traduction allemande des « soviets » de Russie. Bien sûr, ces rapprochements sont le signe des mouvements souterrains qui préparent les explosions révolutionnaires - et, de ce point de vue, la Russie de 1917 n'était point hors du monde. Mais le problème se pose de savoir de quelle façon les travailleurs allemands, et notamment les militants des groupes révolutionnaires, ont pu, dans cette période de guerre européenne et malgré la censure, prendre connaissance de l'expérience russe. Il faut également évoquer les efforts des bolcheviks, une fois au pouvoir, pour tenter de gagner à leurs vues des révolutionnaires qui étaient loin d'être d'accord avec eux sur tous les plans, et en particulier pour les convaincre que leur premier devoir était de fonder un nouveau parti - ce à quoi les spartakistes s'étaient jusque-là refusés.
En l'absence de liaisons possibles avec les différents pays européens, les bolcheviks ne négligent pas la chance que constitue pour eux la présence sur le sol russe de quelque deux millions de prisonniers de guerre, parmi lesquels 165 000 soldats et 2 000 officiers allemands [10]. Le terrain est favorable, surtout après la révolution de Février : nombreux parmi les prisonniers sont les militants social-démocrates dont les sympathies ne peuvent qu'aller aux ouvriers et paysans, et à ceux des partis ouvriers dont l'objectif est la fin de la guerre impérialiste : ni les mencheviks, ni les S.R., plus ou moins paralysés par leur politique d'union sacrée, ne parviennent en effet à mener parmi les prisonniers de guerre une propagande comparable à celle des bolcheviks.
Déjà avant la révolution de Février s'étaient constitués ici ou là en Russie de petits cercles clandestins de militants social-démocrates [11]. Ils se développent au lendemain de la révolution, nombre de prisonniers allemands ralliant les bolcheviks [12]. Mais, après Octobre, tout se déroule à une plus grande échelle, et les bolcheviks s'efforcent d'organiser les sympathies que leur action et leur propagande leur ont values. Ils vont également déclencher sur l'ensemble du front, à l'intention des troupes allemandes, une vaste campagne d'agitation pour la « fraternisation » [13]. Sous l'impulsion de Radek, revenu au lendemain de l'insurrection, propagande, agitation et organisation sont systématiquement conduites parmi les prisonniers de toutes nationalités, en commençant par ceux de langue allemande : à partir de décembre 1917 paraît en langue allemande le journal Die Fackel [14], qui en est l'instrument principal. La fondation de la fédération des prisonniers de guerre internationalistes, puis, en avril 1918, la constitution, au cours d'une conférence à Moscou du « groupe allemand du parti communiste russe (bolchevik) » concrétisent le premier résultat de cet effort pour la construction de noyaux communistes étrangers [15]. La signature de la paix de Brest met fin à ce travail de recrutement en même temps qu'elle lui donne tout son sens, puisque de nombreux prisonniers influencés par les communistes russes reprennent le chemin de leur pays ; les troupes elles-mêmes ramèneront souvent le virus révolutionnaire à l'arrière ou sur les autres fronts [16].
Autour de Radek apparaissent des hommes qui vont constituer en Russie l'état-major du premier noyau des communistes de langue allemande : Rothkegel, de Hambourg, et Josef Böhm, de Brême, l'Autrichien Karl Tomann, ancien responsable syndical [17], le militant social-démocrate Hermann Osterloh [18], un jeune journaliste, animateur d'un mouvement pacifiste, Ernst Reuter, dont le gouvernement soviétique a fait un commissaire de la république des Allemands de la Volga [19]. Il s'y ajoute un ouvrier des chemins de fer, fils d'émigrés allemands, Nicolas Krebs, bolchevik depuis 1916 [20]. Leur lutte politico-militaire dans les régions occupées par l'armée allemande leur vaut d'autres recrues, comme l'instituteur Wilhelm Zaisser, lieutenant de réserve, rallié avec son unité aux partisans ukrainiens [21].
Les liens avec le mouvement révolutionnaire allemand sont considérablement facilités par l'établissement de relations diplomatiques entre le gouvernement soviétique et l'Allemagne au lendemain de la signature de la paix de Brest-Litovsk. Boukharine en personne séjourne quelque temps à l'ambassade [22]. L'ambassadeur Joffé est un vieux militant révolutionnaire expérimenté, qui comprend parfaitement le sens de sa mission. Déjà, à Brest-Litovsk, il a aimablement fait remarquer au comte Czernin : « J'espère que nous serons bientôt capables de déclencher également une révolution dans votre pays » [23]. Dès son arrivée à Berlin au mois d'avril 1918, il montre qu'il a le sens du geste spectaculaire en refusant de présenter à l'empereur ses lettres de créances et en lançant des invitations à sa première réception aux principaux dirigeants indépendants ou révolutionnaires, y compris ceux qui sont emprisonnés [24]. Il déploie une activité considérable dans tous les domaines, achète des informations qu'il remet aux révolutionnaires allemands, fournissant de l'argent, prodiguant des conseils [25]. Il a à ses côtés un autre militant qui a l'expérience de la clandestinité, le Polonais Mieczislaw Bronski [26], ancien compagnon de Lénine en Suisse, qui fut un des piliers de la gauche de Zimmerwald [27].
L'ambassade constitue une antenne disposant de fonds importants, de moyens matériels exceptionnels pour l'époque, assurant avec Petrograd un contact rapide couvert par l'immunité diplomatique, favorisant l'activité conspiratrice en même temps que le contact politique direct entre les Allemands semi-clandestins ou clandestins et les révolutionnaires russes victorieux [28]. Elle emploie dans ses services divers, et notamment dans son agence télégraphique, Rosta, des militants allemands qu'elle couvre ainsi légalement tout en leur assurant des possibilités d'action : c'est le cas d'Emil Eichhorn, ancien responsable du bureau de presse du parti social-démocrate et dirigeant indépendant, d'Ernst Meyer, ancien journaliste au Vorwärts et dirigeant spartakiste [29], ainsi que d'Eugen Léviné, autre militant spartakiste. Un des dirigeants indépendants, Oscar Colin, est l'avocat de l'ambassade et son homme de confiance pour toutes les opérations financières [30]. Même si l'ambassade n'est pas le canal de matériaux de propagande que devaient dénoncer quelques semaines plus tard les dirigeants du pays, elle est à la fois lieu d'asile, centre de rayonnement et agence d'information [31]. Le changement de nature dans les liaisons entre l'Allemagne et la Russie se traduit par le fait qu'un compte rendu sur la situation en Allemagne beaucoup plus complet que celui donné dans les Lettres de Spartakus clandestines paraît à Petrograd dans Weltrevolution, organe de la section allemande du parti bolchevique [32].
Les bolcheviks sont convaincus que l'Allemagne constitue la plaque tournante de la révolution européenne. La révolution russe n'est à leurs yeux que la première étape de la révolution mondiale qui trouvera en Allemagne un champ de bataille décisif et prochain. Pendant l'année 1918, c'est le « retard » de la révolution allemande qui constituera la toile de fond de la discussion autour du problème de la paix séparée et du traité de Brest-Litovsk, et c'est sa perspective qui trace les contours de la politique extérieure du gouvernement bolchevique.
A partir de la révolution de Février, en tout cas, les problèmes pratiques - leur liaison avec les Allemands, la mise sur pied d'une organisation allemande - passent au premier plan de leurs préoccupations. Au cours de son voyage vers la Russie, Lénine a confié à Vorovski, Hanecki et Radek qui restent à Stockholm la responsabilité de diriger le bureau du comité central à l'étranger, dont l'une des tâches va être de diffuser en Allemagne la Russische Korrespondenz-Prawda, laquelle contient informations sur la Russie et argumentation bolchevique [33]. Dans les thèses d'avril, présentées au parti dès son arrivée, Lénine rend hommage à Liebknecht et à l'action des révolutionnaires allemands, mentionne les « internationalistes de gauche », Münzenberg, Radek et Hartstein, « véritables internationalistes », « représentants et non-corrupteurs des masses internationalistes révolutionnaires ». Il écrit :
« C'est précisément à nous, et précisément à l'heure actuelle, qu'il appartient de fonder sans retard une nouvelle Internationale, une Internationale révolutionnaire, prolétarienne ; plus exactement, nous ne devons pas craindre de proclamer hautement qu'elle est déjà fondée et qu'elle agit. » [34]
Selon l'historien soviétique Krivoguz, plus de 60 000 tracts auraient pénétré clandestinement en Allemagne pendant le seul été 1917 [35]. Les militants de l'Internationale de la jeunesse, groupés autour de Münzenberg en Suisse, assurent notamment la diffusion clandestine de la lettre de Lénine sur « Le Programme militaire du prolétariat révolutionnaire » qu'il leur a remise avant de partir [36]. C'est à la fois par Stockholm et par la Suisse que pénètrent en Allemagne plusieurs milliers d'exemplaires de L'État et la révolution [37]. A la fin du mois d'août 1917, Lénine pressait le bureau du comité central pour l'étranger de faire tout son possible pour organiser une conférence internationale des gauches :
« Les bolcheviks, le P.S.D., les Hollandais, l'Arbeiterpolitik, Demain, voilà déjà un noyau suffisant. (...) Les résolutions de la conférence des bolcheviks et de leur congrès (...), le projet de programme du même parti, voilà déjà une base idéologique suffisante (avec l'adjonction de Vorbote, Tribune, Arbeiterpolitik, etc.) pour offrir au monde entier de nettes réponses aux problèmes de l'impérialisme et accuser les social-chauvins et les kautskystes. » [38]
Il pense en effet que la principale bataille politique doit être dirigée contre les centristes et particulièrement contre Kautsky, qu'il juge l'adversaire le plus dangereux, puisqu'il a officiellement rompu avec les « social-chauvins », alors qu'il défend en fait leur politique et que tous ses efforts visent à barrer au prolétariat allemand la voie du bolchevisme. C'est dans cette perspective que Lénine rédige en 1918 - essentiellement pour convaincre les militants révolutionnaires allemands - sa brochure La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky, dans laquelle il propose la révolution bolchevique comme modèle :
« La tactique des bolcheviks était juste ; elle était la seule tactique internationaliste (...) puisqu'elle faisait le maximum de ce qui est réalisable dans un seul pays pour le développement, le soutien, l'éveil de la révolution dans tous les pays. Cette tactique s'est vérifiée par un immense succès, car le bolchevisme (...) est devenu le bolchevisme mondial ; il a donné une idée, une théorie, un programme, une tactique qui se distinguent concrètement, dans la pratique, du social-chauvinisme et du social-pacifisme. (...) Les masses prolétariennes de tous les pays se rendent compte, chaque jour plus nettement, que le bolchevisme a indiqué la juste voie à suivre pour échapper aux horreurs de la guerre et de l'impérialisme, et que le bolchevisme sert de modèle de tactique pour tous. » [39]
Se rendant compte, au début d'octobre, que la situation allemande mûrit plus vite que sa brochure ne s'imprime, il en rédige un résumé d'une dizaine de pages qu'il envoie à Tchitchérine en le priant d'en faire le plus rapidement possible la diffusion en Allemagne - ce qui sera réalisé par l'intermédiaire de la Suisse [40]. Le texte, qui porte le même titre que la brochure, se termine par cette remarque :
« Le plus grand malheur pour l'Europe, le plus grand danger pour elle, c'est qu'il n'y existe pas de parti révolutionnaire. Il y a des partis de traîtres tels que les Scheidemann ou des âmes serviles telles que Kautsky. Il n'y existe pas de parti révolutionnaire. Certes, un puissant mouvement révolutionnaire des masses peut corriger ce défaut, mais ce fait demeure un grand malheur et un grand danger. C'est pourquoi on doit, par tous les moyens, démasquer des renégats comme Kautsky et soutenir ainsi les groupes révolutionnaires de prolétaires vraiment internationalistes, comme il y en a dans tous les pays. Le prolétariat se détournera vite des traîtres et des renégats et suivra ces groupes au sein desquels il formera ses chefs. » [41]
Les révolutionnaires allemands ont salué avec enthousiasme la révolution russe à partir de février. Elle constitue pour eux un modèle et un encouragement, parce qu'elle est la résurrection de l'action des masses ouvrières, la lutte, en pleine guerre, contre la bourgeoisie, la confirmation éclatante que le combat et même la victoire sont possibles. Clara Zetkin, dans son message au congrès de fondation du parti indépendant parle d'« événement exaltant » [42], et Rosa Luxemburg écrit, de sa prison, que ces « magnifiques événements » agissent sur elle « comme un élixir de vie » [43]. Dans le manuscrit longtemps inédit qu'elle a consacré à la critique de la révolution russe, elle écrira encore :
« Les Lénine et les Trotsky avec leurs amis ont êté les premiers qui aient devancé le prolétariat mondial par leur exemple ; ils sont jusqu'ici les seuls qui puissent s'écrier avec Ulrich de Hutten : « J'ai osé cela. » C'est ce qui est l'essentiel et ce qui reste de la politique des bolcheviks. » [44]
Sur ce terrain, spartakistes et radicaux de gauche de Brême sont d'accord sans réserves. Les rédacteurs d'Arbeiterpolitik ont dès le 17 novembre salué avec enthousiasme les conseils d'ouvriers et de soldats au pouvoir [45] ; le 15 décembre, Johann Knief y explique pourquoi la révolution russe a pu progresser si rapidement et vaincre :
« Uniquement et exclusivement parce qu'il existait en Russie un parti autonome d'extrême-gauche qui, dès le début, a déployé la bannière du socialisme et lutté sous le signe de la révolution sociale. » [46]
Pour lui, la victoire des bolcheviks constitue l'argument décisif susceptible de convaincre les spartakistes de leur erreur, de la nécessité pour eux de rompre définitivement avec les centristes du parti indépendant pour s'engager dans la voie de la construction d'un parti révolutionnaire.
L'écho de ces arguments - l'exemple russe, la pression de Lénine ne sont pas les moindres - est évident dans les rangs spartakistes. C'est Franz Mehring qui, en tant que « doyen », adresse le 3 juin 1918 aux bolcheviks une « lettre ouverte » dans laquelle il se déclare entièrement solidaire de leur politique. Il critique férocement la perspective - celle du parti indépendant - de reconstruire la social-démocratie d'avant guerre et d'employer la « vieille tactique éprouvée », et la qualifie d'« utopie réactionnaire ». Il se prononce pour une « nouvelle construction de l'Internationale » et formule une autocritique :
« Nous ne nous sommes trompés que sur un seul point : précisément quand, au lendemain de la fondation du parti indépendant (...), nous l'avons rejoint sur le plan de l'organisation dans l'espoir de le pousser en avant. Cet espoir, nous avons dû l'abandonner. » [47]
Il développe plus longuement les mêmes thèmes dans une série d'articles intitulés « Les Bolcheviks et nous », publiés à partir du 10 juin 1918 dans Leipziger Volkszeitung. Faisant référence aux analyses de Marx sur la Commune de Paris, il s'attache à démontrer que l'action des bolcheviks se situe dans cette perspective, la dictature du prolétariat étant réalisée en Russie sous la forme du pouvoir des soviets, pouvant et devant l'être en Allemagne par les conseils ouvriers, instruments de la prise du pouvoir par les travailleurs. Dans cette perspective de révolution mondiale, il pose la question de la nécessaire édification d'une nouvelle Internationale, autour du parti bolchevique [48]. Dans le supplément féminin du même quotidien, Clara Zetkin développe les thèmes du pouvoir des conseils, la forme « soviétique » que doit revêtir en Allemagne la révolution prolétarienne [49].
Mais cette importante évolution de quelques-uns des éléments les plus responsables du groupe spartakiste ne se traduit pas par des décisions d'une ampleur comparable en matière d'organisation. Il faut beaucoup d'optimisme pour conclure comme l'historien soviétique Krivoguz qu'« en fait la rupture sur le plan de l'organisation entre la Ligue Spartakus et l'U.S.P.D. a été consommée à l'été 1918 » [50]. La raison principale en réside sans doute dans les réserves manifestées à l'égard de la politique des bolcheviks par Rosa Luxemburg elle-même : critique de la politique de terreur et de la persécution des autres tendances se réclamant du socialisme, critique de la politique agraire des bolcheviks, créant selon elle un danger capitaliste, critique surtout de la politique extérieure de la Russie soviétique, de son acceptation de la paix de Brest-Litovsk qui risquait de retarder l'issue de la guerre et l'explosion de la révolution allemande [51]. L'avant-dernière lettre de Spartakus, « La Tragédie russe », exprime un sentiment apparemment répandu dans l'avant-garde allemande, l'idée que la révolution russe, isolée et d'une certaine façon prématurée, est vouée à l'écrasement dans un délai relativement bref. Une note de présentation précise :
« Ces craintes résultent de la situation objective des bolcheviks et non de leur comportement subjectif. Nous reproduisons cet article seulement en raison de sa conclusion : sans révolution allemande, pas de salut pour la révolution russe, pas d'espoir pour le socialisme dans cette guerre mondiale. Il n'existe qu'une solution : le soulèvement massif du prolétariat allemand. » [52]
Or la révolution va se produire avant que les révolutionnaires aient pu briser avec leur routine, desserrer l'étau de la répression et tirer dans la pratique les conclusions que leur dictent trois années de lutte en Russie et dans le reste du monde. Et elle va provenir essentiellement de la défaite militaire. Dès le 18 juillet, l'état-major sait que l'armée allemande, contrainte à la défensive par l'attaque de Foch et l'intervention des chars d'assaut sur le front occidental, n'a plus de chance raisonnable de l'emporter : Ludendorff lui-même se persuade qu'il faut mettre fin à la guerre [53]. Cette prise de conscience des milieux dirigeants va de pair avec une décision complémentaire, celle de démocratiser l'appareil du régime : une « parlementarisation » permettra en effet de faire partager aux représentants des partis politiques la responsabilité des décisions que la défaite militaire rend inéluctables [54]. Social-démocrates majoritaires et catholiques du parti du centre ouvrent la perspective de leur participation à un gouvernement d'union nationale qui pourrait négocier avec l'Entente sur la base des « quatorze points » du président Wilson : ce sera chose faite le 4 octobre, - avec l'entrée dans le gouvernement que vient de former le nouveau chancelier, le prince Max de Bade, du député catholique Mathias Erzberger et de Philip Scheidemann comme ministres sans portefeuille [55] : le parti social-démocrate majoritaire mise sur la promesse du prince qu'on procèdera à une « démocratisation », à une « parlementarisation », comme ultime rempart à la subversion.
Pour les milieux dirigeants, la subversion est en effet la principale menace. L'armée de l'est s'est révélée inutilisable pour la poursuite de la guerre, rongée qu'elle est par le virus révolutionnaire. Cette évolution confirme la prédiction faite par Liebknecht de sa prison de Luckau, au lendemain de la signature du diktat :
« On verra quelle récolte mûrira après ces semailles pour ceux qui triomphent aujourd'hui. » [56]
L'empereur est effrayé des rapports qui lui parviennent sur « le grand nombre de désertions, les cas d'insubordination, l'apparition du drapeau rouge sur les trains de permissionnaires [57] ». Il faudra isoler ces troupes par un cordon sanitaire, le temps de les reprendre en main [58]. Les rapports de police font état du mécontentement croissant des ouvriers et de larges couches de la population civile, du prestige dont jouit la révolution russe.
Or l'organisation des révolutionnaires demeure inférieure à l'audace de leurs analyses politiques et de leurs perspectives, et ne les met pas en mesure d'exploiter, ni la fermentation révolutionnaire qui se développe tout au long de l'année 1918, ni l'aide technique et financière que leur accordent les Russes à partir du mois d'avril. Les révolutionnaires de Brême ne disposent plus d'un seul militant sur les chantiers ou dans les entreprises du port où ils avaient pourtant été solidement implantés [59]. A Berlin, le groupe spartakiste de la 6° circonscription, qui s'étend sur Charlottenburg, Berlin-Moabit et jusqu'à Spandau, ne compte que sept membres [60]. La direction spartakiste a été démantelée par les arrestations qui ont suivi les grèves de janvier, celle de Leo Jogiches, puis de Heckert et de bien d'autres [61]. Wilhelm Pieck, traqué par la police, est passé en Hollande. L'activité centrale du groupe - la publication des Lettres et des tracts - repose sur quelques individus groupés autour de Paul Levi, revenu de Suisse [62] et d'Ernst Meyer : Clara Zetkin et Franz Mehring, qui restent des porte-drapeau, n'ont pas la possibilité physique de mener la dure vie de clandestins. Cette situation pèse lourdement sur le moral des dirigeants, qui apprécient mal le rythme des événements et ne s'attendent pas à des événements importants pour l'année 1918, comme le montre la lettre adressée à Lénine le 5 septembre 1918 par Ernst Meyer :
« C'est avec autant d'impatience que nous que vous avez dû attendre et que vous attendez encore les signes de mouvements révolutionnaires en Allemagne. Heureusement, tous mes amis sont devenus nettement plus optimistes. Toutefois, nous ne pouvons pas nous attendre encore à des actions importantes, ni pour le moment, ni pour le proche avenir. Mais, pour l'hiver, nous avons des projets plus vastes et la situation générale ici vient appuyer notre action. » [63]
La vérité est que les révolutionnaires ont le sentiment de n'avoir aucune prise sur les événements.
L'organisation de la jeunesse révolutionnaire est cependant pour eux une raison d'espérer. Au cours du printemps 1918, en effet, se réalise la fusion des deux organisations berlinoises nées en réaction contre la politique chauvine, le Berliner Jugendbildungverein, à la tête de laquelle Max Köhler remplace Fritz Globig, tous deux étant spartakistes, et la Vereinigung Arbeiterjugend, organisée par des social-démocrates indépendants et que dirige Walter Stoecker en liaison étroite avec Münzenberg [64]. Le 5 mai 1918, la Ligue de la jeunesse libre ainsi constituée a pu réunir dans une assemblée illégale près de Stolpe plus de 2 000 participants [65] à l'occasion du 100° anniversaire de la naissance de Karl Marx. La nouvelle organisation berlinoise constitue un facteur unificateur à l'échelle nationale : pendant l'été se déroulent dans tout le pays des conférences clandestines préparatoires à l'unification des organisations de jeunesse des différents groupements radicaux, toutes affiliées à l'Internationale que dirige, de Suisse, Münzenberg : les jeunes social-démocrates indépendants, dans les rangs desquels prévaut l'influence d'Ernst Däumig, ont pris position en faveur des bolcheviks et popularisent, eux aussi, le mot d'ordre de la révolution des conseils [66].
Les délégués révolutionnaires de Berlin ont beaucoup souffert de la répression au lendemain des grèves de janvier. Chaque responsable, pour parer à toute éventualité, s'est choisi un éventuel remplaçant. Richard Müller n'a pas eu la main heureuse en désignant Emil Barth [67], un métallo réformé, doué de grandes qualités de tribun, mais qui se révélera vite hâbleur et vaniteux. La tête politique de leur noyau est en fait, à partir de ce moment, constituée par deux des principaux dirigeants du parti indépendant de Berlin, dont aucun n'est ouvrier d'usine : l'un est Georg Ledebour, grand adversaire des spartakistes, l'autre Ernst Däumig, journaliste, ancien sous-officier de la Légion étrangère française [68], qui se voit confier la tâche d'organiser la propagande révolutionnaire au sein de la garnison et de constituer en vue de l'insurrection des détachements armés. En septembre, le travail est à peine commencé, et les contacts se réduisent à quelques liaisons individuelles dans les casernes, l'armement à quelques dizaines de revolvers [69]. C'est seulement à la dernière minute que, grâce aux efforts de deux militants du cercle des délégués révolutionnaires berlinois, Cläre Derfert-Casper et Arthur Schöttler, les révolutionnaires berlinois se procureront des armes par l'intermédiaire d'ouvriers des arsenaux de la région de Suhl [70].
Ainsi, qu'ils aient combattu, au cours de la guerre, pour la paix par la révolution ou pour la révolution à travers la lutte pour la paix, les révolutionnaires allemands ne sont pas parvenus - et dans leur majorité n'ont d'ailleurs pas cherché - à constituer ce qui leur manquait déjà en 1914, une organisation propre, capable de répondre aux besoins et aux aspirations des masses, d'unifier les mots d'ordre, de centraliser l'action. La paix et la révolution vont les prendre de vitesse.
Notes
[1] I.M.L.-Z.P.A. DF V/14. Dok. u. Mat., II/1, p. 281.
[2] « Einheit oder Spaltung », Arbeiterpolitik, n° 4, 8 et 10, 1916. Reproduit dans In der Reihen der deutschen Revolution, pp. 336-338.
[3] Ibidem, p. 315.
[4] Ibidem, p. 317.
[5] Ibidem, p. 318.
[6] Ibidem, p. 317.
[7] Ibidem, pp. 323-324.
[8] Ibidem, pp. 325.
[9] « Thèses sur la question de la paix », Spartakus im Kriege, p. 58.
[10] Rudolf Dix, « Deutsche Internationalisten bei der Errichtung und Verteidigung der Sowjetmacht », BzG, 8 Jq, 1966, n° 3, p. 495.
[11] Ibidem, p. 485.
[12] Ibidem, p. 496.
[13] K. L. Seleznev, « Bolchevitskaja agitacija i revolutsionnoe dvijenie v Germanskoj Armii na vostoshnoe fronte v 1918 g. », dans Nojabr'skaja Revoljucjia..., pp. 271-328.
[14] Ibidem, pp. 276-277.
[15] R. Dix, op. cit., p. 495. On note l'absence de toute allusion à Radek.
[16] Davidovitch, Revoljutsionnii Krisis 1923 g. v. Germanii i Gamburskoe vostanie, pp. 133-134, mentionne l'influence exercée par la propagande bolchevique sur l'officier de réserve Ernst Schneller, qui allait devenir communiste à son retour.
[17] R. Dix, op. cit., p. 495.
[18] Brandt et Lowenthal, Ernst Reuter. Ein Leben für die Freiheit, pp. 109, 129.
[19] Il sera plus tard connu dans le K.P.D. (S), dont il sera même secrétaire général en 1921, pendant quelques mois. Voir Brandt et Lowenthal, op. cit., p. 112.
[20] A cette époque, Krebs avait russifié son nom en Rakov ; il devait plus tard militer en Allemagne sous le pseudonyme de Félix Wolf.
[21] Chef militaire au cours des combats de la Ruhr, il sera en Espagne le général Gomez. Sur l'épisode de 1918, rarement mentionné, voir André Marty, La Révolte de la mer Noire, p. 72.
[22] Il y sera notamment à la fin d'octobre 1918 (Leo Stern, op. cit., IV, p. 1661).
[23] O. Czernin, Im Weltkriege, cité par E.H. Carr, op. cit., III, p. 71.
[24] Ibidem, p. 76.
[25] L. Fischer, Men and Politics, p. 31.
[26] Carr, op. cit., p. 135.
[27] Parmi les autres membres du personnel diplomatique actifs dans le mouvement allemand, les rapports de la police allemande mentionnent Sagorski, qui serait chargé du contact avec les dirigeants indépendants, Marcel Rosenberg, qui s'occupe de toutes les questions de presse - il sera en 1936 l'ambassadeur de l'U.R.S.S. en Espagne, avant de disparaître dans les grandes purges - et Mme Markowski, chargée des relations avec les organisations de jeunesse. Toujours selon les mêmes sources, Joffé aurait en vain tenté de faire venir près de lui, comme « conseiller économique », Karski-Marchlewski, dont il n'obtiendra que le rapatriement (« Oberkommando in den DZA. Potsdam, Reichskanzlei n° 517 », pp. 95-96,dans Léo Stern, op. cit., p. 1365.
[28] Joffé (Izvestija, 6 décembre 1918) dit avoir remis à Barth plusieurs centaines de milliers de marks pour aider à la préparation de l'insurrection.
[29] Voir biographies en annexe..
[30] E. H. Carr, op. cit., p. 77.
[31] Dès le lendemain de la libération de Liebknecht par exemple, on sait à Moscou qu'il est politiquement d'accord avec les bolcheviks.
[32] Krivoguz, « Spartak » i obrazovanie Kommunistitcheskoi partii Germanii, p. 136.
[33] W. Imig, « Zur Hilfe Lenins für die deutschen Linken », BzG, 1963, n° 516, pp. 810 sq.
[34] Œuvres, t. XXIV, p. 75.
[35] Krivoguz, op. cit., p. 63.
[36] Imig, op. cit., pp. 809-810.
[37] Ibidem pp. 814-855.
[38] Œuvres, t. XXXV, p. 328.
[39] Œuvres, t. XXVIII, pp. 302-304.
[40] Imig, op. cit., p. 818.
[42] Protokoll... U.S.P. 1917, p. 50.
[44] Die Russische Revolution (préf. de P. Levi) (1° éd., 1922), p. 119.
[45] Editorial dArbeiterpolitik, n° 46, 17 novembre 1917, Dok. u. Mat., II/2, op. 15-18.
[46] « Eine dringende Notwendigkeit », Arbeiterpolitik, n° 50, 15 décernbre 1917, Ibidem, pp. 43-47.
[47] Lettre ouverte parue dans Mitteilungs-Blatt des Verbandes der sozialdemokratiscben Wahlvereine Berlins und Umgegend, n° 16, 21 juillet 1918, reproduite dans Dok. u. Mat., II/2, pp. 158-162.
[48] Leipziger Volkszeitung, 31 mai, 1° et 10 juin 1918.
[49] Leipziger Volkszeitung Frauen-Beilage, n° 30, 9 août 1918.
[50] Op. cit., p. 105.
[51] Rosa Luxemburg avait rédigé en août ou septembre 1918 une violente attaque contre la politique des bolcheviks à Brest-Litovsk, qu'elle destinait à devenir une « lettre de Spartakus ». D'un commun accord, Levi, Léviné et Ernst Meyer refusèrent de la publier (Die Rote Fahne, 15 janvier 1922). Paul Levi lui rendit visite à sa prison de Breslau et parvint à la convaincre de renoncer d'elle-même àla publication. C'est au moment de son départ qu'elle lui remit le manuscrit sur La Révolution russe et lui disant : « C'est pour vous que j'ai rédigé cette brochure, et, si je pouvais seulement vous convaincre, mon travail n'aurait pas été inutile » (Introduction de Paul Levi à Die russische Revolution, pp. 1-2).
[52] Spartakusbriefe, op. cit., p. 453. 53.
[53] Badia, op. cit., p. 93.
[54] Ibidem, p. 95 ; Drabkin, Novemberrevolution 1918, pp. 76 sq.
[55] Drabkin, op. cit., pp. 82-83.
[56] Die Aktion, n' 29, 19 juillet 1919, p. 484.
[57] Kaiser Wilhelm Il, Ereignisse und Gestalten aus den Jarhen 1917-1918, cité par Badia, op. cit., p. 81.
[58] Badia op. cit., p. 81.
[59] E. Kolb, Arbeiterräte in der deutschen Innenpolitik, p. 79.
[60] Interview du responsable du groupe, Karl Retzlaw, H. Weber, Der Gründungsparteitag der K.P.D., pp. 20-21, n. 41.
[61] Vorwärts und..., pp. 468-469.
[62] Paul Frölich, op. cit., p. 297, écrit qu' « il (Levi) avait pris la direction de l'organisation depuis la mort de Leo Jogiches ». On peut retenir ce témoignage, venant d'un adversaire acharné de Levi mais soucieux d'objectivité dans ses travaux historiques.
[63] I.M.L., Moscou, Fonds 19, Dok. u. Mat., II/2, p. 195.
[64] Fritz Globig, ... aber verbunden sind wir mächtig, pp. 232-233.
[65] Unter der roten Fahne, p. 106, et Ibidem.
[66] Unter der roten Fahne, p. 107.
[67] R. Müller, op. cit., p. 126.
[68] Ibidem, p. 127.
[69] Ibidem.
[70] Cläre Casper-Derfert dans Vorwärts und..., p. 296 et sq. et 1918. Erinnerungen von Veteranen, p. 333 ; Ibidem, pp. 409-410, les souvenirs d'Hermann Grothe.