1918 |
« Le programme du parti communiste n'est pas seulement le programme de la libération du prolétariat d'un pays. C'est le programme de la libération du prolétariat du monde entier. Car c'est le programme de la révolution internationale. » |
Le programme des Communistes (Bolcheviks)
XII. Du pain seulement pour les travailleurs !
(Obligation du travail pour les riches)
Le passage à la société communiste signifie le passage à un régime où il n’y a plus de classes, plus d'inégalité de classe entre les hommes, Tous dans la même mesure sont, non des salariés, mais des travailleurs de la société. On doit passer sans délai à la préparation de cette société. Un des premiers pas dans cette voie, à côté de la nationalisation prolétarienne des banques et de la production, est l’introduction de l’obligation du travail pour les classes riches.
A l’heure actuelle, il y a beaucoup d’hommes qui ne font rien, qui ne créent aucun produit, mais qui sans cesse consomment, dilapident, utilisent et emploient ce que les autres ont créé. Plus, il y a des hommes qui non seulement ne travaillent pas, mais qui par toute leur activité et de diverses maniérés s’efforcent de nuire au gouvernement des soviets et de la classe ouvrière et de lui préparer des désagréments. Tous les ouvriers voient l’exemple de sabotage opéré par les intellectuels russes, instituteurs, ingénieurs, médecins et autres « gens instruits ». Il est inutile de parler des supérieurs, directeurs de fabriques et de banques, anciens hauts fonctionnaires, tous s’efforcent de désorganiser le travail du prolétariat et le pouvoir des soviets et de les détruire jusqu'à la racine. Le devoir du prolétariat est d'obliger messieurs les bourgeois, les anciens propriétaires fonciers et les nombreux intellectuels à sortir du cercle des privilégiés et de les obliger à travailler pour le bien général. Comment doit-on le faire ? Par l'introduction du carnet budgétaire du travailleur et par l'obligation du travail. Chaque travailleur reçoit un carnet spécial où est tenu le compte de son travail, de son travail obligatoire. L'inscription dans son carnet de travail lui donne le droit d'acheter ou de recevoir certains produits. en particulier le pain. Si un homme refuse de travailler (supposons que ce soit un saboteur du groupe des anciens fonctionnaires ou un ancien fabricant furieux contre les ouvriers, ou un ancien propriétaire foncier, ou encore un mécontent de ce que la terre sur laquelle il dominait et dont il disposait pendant des dizaines d'années lui soit enlevée), si un tel homme refuse de travailler, il n’y a dans son carnet de travail aucune inscription correspondante. Il va dans un magasin, mais on lui dit : « Pour vous, il n’y a rien ; s’il vous plaît, faites inscrire votre travail ! »
Par une telle organisation, la masse des oisifs qui remplit la perspective Newski et les rues principales des grandes villes est bien obligée de se livrer au travail. On comprend que l'introduction d'une telle obligation de travailler se heurte à de grosses difficultés. Les classes et les groupes privilégiés, riches et moyens, éviteront par tous les moyens possibles le devoir du travail et mettront d’un autre côté toutes les entraves possibles à la réalisation d'une telle organisation. Il n’est pas facile d’organiser les choses de façon que certains produits ne soient livrés que sur la base de l’inscription dans le carnet du travail et qu'ils ne puissent pas être obtenus autrement.
Les riches qui ont de l’argent (et l'argent est maintenant un bon pour obtenir des produits) trouvent mille possibilités à la fois de tromper le gouvernement des soviets, des ouvriers et des petits paysans. On doit détruire ces possibilités par une organisation régulière du ravitaillement.
L’obligation du travail pour les riches peut être introduite de la manière suivante : Chaque personne qui a un revenu de plus de 500 ou 600 roubles par mois, toute personne qui loue des travailleurs, toute famille qui a des serviteurs reçoit un carnet de consommation. Par de telles marques, on pourrait introduire l'obligation du travail pour les riches.
On comprend que l'obligation du travail pour les riches doive être le passage à l'obligation générale du travail. Non seulement parce qu'on ne peut élever 1a productivité de l'industrie et de l’agriculture que par l'emploi de tous les membres de la société capables de travail, mais aussi parce qu’il est nécessaire d’enregistrer soigneusement toutes les forces productrices et de les repartir régulièrement dans les différentes branches d industrie et dans les diverses entreprises.
Comme dans la guerre on a dû mobiliser, d'un côté, toutes les forces et d'un autre côté, les dénombrer et les organiser régulièrement, dans la guerre contre la faillite économique, on doit entraîner toutes les classes de la population capables de faire cette guerre, les compter et les organiser en une grande armée du travail où règne la discipline du travail et où chacun est conscient de son pénible devoir.
Actuellement règne, chez nous en Russie, un énorme chômage, conséquence de la faillite économique et du manque de combustibles et de matières premières. (Cette disette provient spécialement du fait que les bandes de l'impérialisme allemand ont pris le sud de la Russie et l'Ukraine). La situation suivante a été créée : D'un côté, il est clair que nous ne pouvons nous sauver de la faillite que par la force vivante du travail, par le travail qui élève la productivité de l’industrie et de l’agriculture. La force de travail est là ! D’un autre côté, bien que ces forces soient nombreuses, elles ne peuvent être employées nulle part. Déjà sans cela règne le chômage. Où devrait-on employer les gens que le pouvoir des ouvriers et paysans oblige à travailler ? Les tâches les plus importantes consistent dans l'organisation de travaux sociaux et de différentes constructions importantes pour l’État (construction de nouveaux chemins de fer, exploitation de nouvelles mines, travaux de drainage et d’irrigation, exploitation de tourbières, construction de greniers, d’élévateurs, etc,). Il est compréhensible que ce travail ne peut suffire d’un coup à une aussi grande quantité de forces de travail superflues. C’est pourquoi on doit d'abord se contenter d'un enregistrement rigoureux des forces de travail, avec déclaration de la profession et de la spécialité, et de l’introduction d’un service obligatoire à la demande du pouvoir des soviets ou des organes ouvriers qui dirigent la production. Éclairons cela d’un exemple : Supposons que des ingénieurs spécialistes soient nécessaires pour la recherche de nouvelles mines en Sibérie. La section métallurgique ou la section des mines du conseil d’économie populaire les demande. La section de l’enregistrement des forces ouvrières parcourt les registres des professions et trouve des personnes correspondantes. Elles sont obligées de s’en aller où les sections mentionnées les envoient.
Il est compréhensible que dans la mesure où l’on parvient à organiser avec ordre la production et où l’on crée de cette manière la possibilité de travailler, l’obligation du travail, l’utilisation de tous les éléments capables à un travail social obligatoire sera réalisée.
L’obligation du travail n’est pas en soi quelque chose de neuf, A l’heure actuelle, les gouvernements impérialistes de presque tous les pays en guerre ont introduit l'obligation du travail pour la population (surtout pour la classe exploitée). Mais l’obligation du travail introduite dans les pays de l'Europe occidentale est aussi éloignée de celle que nous devons introduire que le ciel est éloigné de la terre. Dans les pays impérialistes, elle signifie la complète oppression des classes ouvrières, leur complète domestication par le capital et par l’État pillard. Pourquoi ?
Tout simplement parce que les ouvriers ne se gouvernent pas eux-mêmes, mais sont gouvernés par des généraux, des banquiers, les membres des grands syndicats, des ministres bourgeois chevaliers d'industrie. L’ouvrier n'est qu'un pion dans leurs mains ; il est comme un esclave dont le maître peut disposer à volonté. Rien d étonnant que l'obligation du travail ne signifie en Occident qu'une nouvelle corvée, un esclavage, des travaux forcés militaires. Elle y a été introduite pour faire durer sans fin la guerre criminelle et pour que les ouvriers remplissent les poches de messieurs les capitalistes.
Chez nous, les ouvriers eux-mêmes introduisent et réalisent l'obligation du travail par leurs propres organisations et sur les bases de l'administration autonome par les ouvriers. Il n'y a sur nous aucun bourgeois. Au contraire, les ouvriers sont supérieurs aux anciens bourgeois : Contrôle, enrôlement, répartition des forces de travail, tout cela est l'affaire des organisations ouvrières, et si l'obligation du travail est introduite à la campagne, l'affaire des soviets de paysans qui règnent sur la bourgeoisie villageoise, mais qui n’y sont pas soumis. I ons les organes qui dirigent les forces de travail sont, de bas en haut, des organes ouvriers. C’est tout naturel, si l'administration de l'industrie est une administration ouvrière, l'administration du travail est aussi aux mains des ouvriers, ce n’est qu’une partie de l'administration de la production. La question capitale qui se pose à la classe ouvrière qui veut maîtriser la vie économique et sociale, (et qui la maîtrise malgré toutes les difficultés) qui veut devenir maîtresse de toutes les richesses, est la question de l'organisation de la production. L’organisation de la production demande de son côté la solution de deux tâches capitales : L'organisation des moyens de production (recensement, contrôle, répartition régulière du combustible et des matières premières, des machines, des instruments, des semences, etc.) et l'organisation du travail (enregistrement, contrôle, répartition régulière des forces ouvrières).
Pour employer toutes les forces de la société de toute manière, l'obligation du travail est nécessaire. Tôt ou tard, la classe ouvrière l'introduira. Les parasites disparaissent alors, il ne reste que des travailleurs utiles à la société.