uvre d'Auguste Blanqui 1831
Source : L'Enfermé, de Gustave Geoffroy, Fasquelle éd. 1926
Il y a des hommes estimables et éclairés dans tous les partis et dans toutes les classes, même parmi les voleurs, et vous n’en doutez pas. Ce n’est donc un argument pour aucune classe. Enfin, nous ne crachons à la figure de personne, nous n’avons jamais appelé misérables les bourgeois, si ce n’est entre nous républicains, et point par la presse. Seulement, ils peuvent se douter que nous le disons. Mais, eux, ils nous traitent de scélérats, de brigands, etc., etc., dans les journaux. Ils mettent la baïonnette au bout du fusil, oui, mais pas pour des injures que nous n’avons pas dites, mais par haine pour des opinions qui valent bien les leurs, car ils n’en ont point. Ils mettent la baïonnette au bout du fusil et ils assassinent des hommes désarmés, ils assassinent avec le raffinement de férocité qui ne se trouve pas dans des soldats mercenaires ou incivilisés. Ils mettent la baïonnette au bout du fusil, parce que nous n’avons ni fusils ni baïonnettes, ayant déposé tout cela après victoire gagnée.
Ils sont sortis de leurs caves, eux, après cette victoire gagnée par nous, ils se sont organisés, armés, ils se sont emparés du pouvoir, ils ont dissimulé, flatté, caressé, tant que l’écho de la fusillade pouvait encore retentir dans le lointain, et maintenant ils assassinent ceux qui se sont battus deux jours et qui ont mis bas les armes après. Ils crient : À l’eau ! À la lanterne, les décorés de Juillet ! Ils arrachent nos cocardes, jettent à la rivière les arbres de la Liberté, assassinent, massacrent. A cela vous direz, et avec raison : Tant pis pour vous, vous êtes des niais et des dupes; vous avez tiré les marrons du feu pour d’autres; il fallait les manger à la bonne heure. Quant à notre petit nombre, vous vous trompez ; pour notre peu d’union, c’est vrai. Mais c’est la suite de notre niaiserie; ils sont organisés, et nous, pas. Je vous laisse apprécier les moyens qu’ils emploient, outre leur force matérielle. Lisez leurs écrits et voyez leurs actes.
Et vous venez me parler de progrès successifs, de marche froide et lente, d’utopies d’union, de réconciliation, de fusion, d’une vraie République de Platon, de fraternité, d’éducation. J’ai peine à croire que vous ne vous moquez pas de moi. Vous vous apitoyez sur la pléthore des uns et sur la maigreur des autres, presque à même dose. Je vous déclare que je n’ai point de pitié pour la plénitude et l’ennui. Le meilleur remède contre la plénitude, c’est la saignée. C’est le remède connu et toujours employé.