1957

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! – LA LUTTE de CLASSE n° 9 [a]


LA LUTTE DE CLASSE

Barta

6 mars 1957


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VOUS ETES MIEUX SERVIS PAR LES AUTRES...

Pendant que le Président du Conseil était en Amérique, une offensive s'est déclenchée contre la politique de son ministre le plus impopulaire : M.Ramadier.

La baisse autoritaire du lait de 4 francs par litre suivie de celle de la viande dans le but de stopper à la limite extrême de 148,9 l'indice des 213 articles qui, s'il arrivait à 149,1 rendrait obligatoire le relèvement du salaire minimum, a déclenché une vague d'indignation à la Chambre. Non pas dans le but de sauvegarder le pouvoir d'achat des travailleurs mais pour réclamer la suppression du blocage des prix. Parallèlement, dans une assemblée générale du groupe patronal à Lille, le président du C.N.P.F., M. Villiers s'est également élevé contre le blocage des prix.

Allons, MM. les patrons ne soyez pas plus royalistes que le Roi. Dans le numéro 3 de la Lutte de Classes nous disions : "Ne jouez pas avec le feu, le gouvernement ne veut que votre bien".

Ne l'a-t-il pas prouvé depuis un an qu'il est au pouvoir en s'opposant à toutes les revendications ouvrières par le truquage des 213 articles, en mobilisant tout le pays dans la guerre d'Algérie pour la sauvegarde de vos intérêts, en imposant aux masses travailleuses de payer les désastres de vos folles expéditions.

Pour permettre à vos valets du gouvernement de rejeter sur les masses travailleuses tous les frais d'une guerre coloniale et toute la gabegie de votre système économique, il a fa11u vous imposer à vous aussi un petit sacrifice : le Blocage des prix.

Vous savez bien que ce blocage des prix est très souple, qu'il n'a pas empêché des hausses continues, que vous avez eu droit à de nombreuses dérogations et que, chaque fois que votre trésorerie a risqué de s'en trouver gênée, vous avez eu droit à des subventions. Vos marges bénéficiaires n'en ont nullement souffert. Mais cela ne vous suffit pas. Vous pensez peut-être que les mouvements récents qui se sont déroulés dans une assez grande confusion à cause de la carence des organisations syndicales ont marqué une faiblesse qui vous autorise à frapper un peu plus fort.

Si les travailleurs hésitent a entrer en lutte c'est qu'ils connaissent l'enjeu de cette lutte. Mais la patience a des limites. Souvenez-vous des leçons de 1953 et de 1955.

Les travailleurs ne sont pas décidés à payer à votre place et vous pourriez en faire l'expérience.


ILS NE REGNERONT PAS TOUJOURS

Cédant a la pression conjuguée de l'O.N.U. et de l'"opinion mondiale" dont, comme chacun sait, le Département d'Etat américain est l'expression la plus légitime, ISRAEL retire ses troupes de Gaza et d'Akaba. Ce n'est malheureusement que le dernier épisode et non la fin de la lutte que les grandes, moyennes et petites puissances mènent dans cette partie du monde autour de tout ce qui touche à la production et au transport du pétrole. Car, nul ne l'ignore à présent, c'est une question de domination économique qui anima les conférences diplomatiques et non l'intérêt des peuples.

L'attitude de la diplomate américaine à l'égard d'Israël en est une nouvelle illustration. Elle ne fait qui suivre en cela le "diviser pour régner " qui a force de loi pour la politique coloniale anglaise.

Tout comme ils avaient dressés aux Indes, Musulmans contre Hindous, les hommes du Foreign Office avaient, en Palestine, fait de l'hostilité des Arabes contre les Juifs une bonne haine bien tenace, la ranimant artificiellement chaque fois qu'elle menaçait da faiblir. Ils avaient poussé au plus haut point l'art de mécontenter également, de la même mesure, les deux populations. Ils n'accordaient pas les mêmes droits aux uns et aux autres. Ils ne permettaient pas l'immigration massive réclamée par les Juifs mais la contingentaient, de façon à dresser continuellement les Arabes contre les nouveaux arrivants, A cette époque cette doctrine politique permettait à l'Angleterre d'économiser bien des troupes d'occupation en ne jouant, en somme, que le rôle d'arbitre impartial.

Mais, à la fin de la deuxième guerre mondiale, le Sionisme qui jusque là n'avait trouvé que peu d'échos est devenu le seul espoir pour les Juifs européens qui avaient pu réchapper des fours crématoires. L'intégration n'avait pas été possible pour eux, il ne leur restait que l'Etat Juif comme perspective. Et ce furent les départs massifs vers la Palestine, les convois clandestins forçant les barrages anglais ; ce fut l'époque de l'"Exodus" dont le nom est un symbole. Ces immigrés clandestins s'armèrent et s'attaquèrent à la fois aux Arabes et aux troupes anglaises. Ils vainquirent les deux. Cela, avec le soutien, sinon déterminant, du moins quasi-officiel, des États-Unis fort aises de contribuer à créer des ennuis à leur "allié" anglais dans cette partie du monde. Et c'est ainsi que naquit en 1948 l'Etat d'Israël. Depuis, les Juifs pris au piège de cet Etat artificiel n'ont cessé de vivre les armes à la main. L'Angleterre s'est servie d'eux lors du "coup de Suez" en les jetant contre l'Égypte.

Mais, la diplomatie américaine qui a repris à son compte les intérêts, les responsabilités et les méthodes de l'Angleterre, continuent à pratiquer le "diviser pour régner". Agrès avoir aidé à l'accouchement d'Israël, les U.S.A. soutiennent maintenant les Etats arabes contre lui.

Mais les peuples ne se dresseront pas éternellement les uns contre les autres au bénéfice de quelques commanditaires. Les haines nationales se retournent maintenant contre les colonialistes et les dirigeants du monde se trouvent dépassés par les forces qu'ils ont fait naître.


QUEL JEU FONT DONC LES CENTRALES ?

Le 17 du mois dernier, les postiers manifestaient devant le Ministère des Finances. Le 20 c'était au tour des travailleurs de l'Etat. Le 21 un ordre de grève était donné dans les P.T.T. Mais alors qu'elle était prévue de 48 heures dans les bureaux-gares, les bureaux de poste ne faisaient grève que 24 heures. Le 22, l' E.D.F. faisait "sa" grève de 24 heures. Et ce mois-ci, alors que ces mouvements sont terminés on annonce des arrêts de travail dans les Ministères et les syndicats C.G.T. et CFTC de cheminots prévoient une journée revendicative pour le 15 mars tandis que la Fédération des mineurs en envisage l'éventualité pour le 11.

Si chaque secteur a son jour de grève bien à lui, il a aussi "ses" revendications bien particulières. Au Gaz et Électricité de France, on lutte pour le maintien des avantages d'ancienneté. Les mouvements des postiers sont presque uniquement centrés sur une modification indiciaire et sur un changement d'appellation. Bien sûr il est partout question d'augmentation de salaire mais toujours formulée de telle façon qu'elle n'apparaît pas au premier plan, alors que c'est justement sur cette question que le mécontentement grandit parmi les travailleurs.

Le public, que gêne ces grèves, n'en comprend pas les objectifs et les grévistes s'en trouvent d'autant plus isolés dans l'opinion que les syndicats n'engagent pas les autres catégories à la solidarité. Face à cette agitation le gouvernement a nettement affirmé son désir de ne pas céder et de s'opposer à toute augmentation particulière ou générale des salaires, mais les Centrales n'en continuent pas moins a faire débrayer les différentes catégories de travailleurs les unes après les autres.

Cependant l'ensemble des salariés est touché par la hausse continue du coût de la vie. Un relèvement général des salaires est nécessaire pour toutes les catégories professionnelles. Ce n'est que face à un mouvement d'ensemble que le gouvernement et les patrons devront céder. Les Centrales ne peuvent pas ne pas le savoir. Leur attitude a permis à Thomas, Ministre des P,T.T. de se louer que la grève des facteurs fasse gagner de l'argent à son administration, les timbres continuant à être vendus tandis que les P.T.T. économisaient une journée de salaire. Dans les luttes qui viennent les syndicats vont tenter d'enfermer les mouvements grévistes dans des revendications particulières. Les grèves récentes le confirment. Mais les travailleurs, les syndiqués du rang qui sont capables, tant leur mécontentement est grand, de sacrifier inutilement une ou plusieurs journées de salaire, les travailleurs sauront bien faire en sorte que les Centrales syndicales se résignent à élargir les luttes de demain.


[a] Cette série de La Lutte de Classe, bulletin ronéotypé, a été éditée par le groupe Voix Ouvrière.
Barta collabora à sa rédaction. Les articles qui lui sont attribués avec certitude sont signalés par un [*].


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