1946 |
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! LA LUTTE de CLASSES – Organe de l'Union Communiste (Trotskyste) n° 70 – 4ème année – Hebdomadaire (B.I.) le n° 3 francs |
LA LUTTE DE CLASSES nº 70
11 octobre 1946
Le discours de De Gaulle à Epinal a été le discours classique du factieux qui, derrière les formules constitutionnelles changeantes, ne vise qu'un seul but : museler les partis et finalement les détruire au profit d'un seul : LE SIEN.
Le fait qu'il veut procéder légalement ne change rien à l'affaire. Mussolini, Hitler et Pétain ont, eux aussi, agi sous une couverture légale pour instaurer le pouvoir personnel et un parti totalitaire. Mussolini a dû même s'accommoder, un certain temps, d'un Parlement où son parti n'avait pas la majorité ; Hitler conquit au préalable une majorité électorale ; et Pétain, comme chacun sait, reçut l'investiture du Parlement "démocratique" élu en mai 36.
Le pouvoir exécutif de la bourgeoisie, appuyé sur plusieurs partis, a toujours représenté une dictature sur les masses travailleuses pour toutes les questions décisives (comme par exemple la guerre), un pouvoir pour les pressurer, pour les affamer et pour rejeter sur elles tous les fardeaux. Mais la concurrence entre les différents partis qui luttent pour le pouvoir, les oblige à tenir compte tant soit peu de la volonté des électeurs sur les questions secondaires. Grâce à cette concurrence, les ouvriers peuvent conquérir, malgré l'exploitation capitaliste, le droit de s'organiser, de faire grève, d'avoir une presse. La destruction des partis au profit d'un seul rendrait ILLIMITE, dans tous les domaines et en tout temps, le pouvoir de la bourgeoisie et de son système totalitaire. C'est en ceci que De Gaulle et ses acolytes sont LES ENNEMIS N°1 de la classe ouvrière.
Le ton de son discours, "mépris de fer", etc... rappelait un air connu. A L'Humanité, quelqu'un compléta : "mépris de fer, sabre de bois, culotte de peau".
Ce n'est pas la première fois qu'à L'Humanité on compare De Gaulle à Badinguet (Napoléon III), à Boulanger, à Salazar, etc..., sans que cela engage une ligne de conduite déterminée. Des qualificatifs de cet ordre à l'adresse de De Gaulle qui leur refusait des porte-feuilles, pendant la crise gouvernementale de novembre 45, n'ont pas empêché les dirigeants staliniens d'entrer dans le même gouvernement De Gaulle quelques jours plus tard.
Mais cette fois il s'est produit un incident révélateur. Le Secrétariat du P.C.F., dans un communiqué spécial inséré dans L'Humanité, souligne expressément que la manchette en question ne correspond pas "à la ligne du Parti" et que c'est là une faute qui sera punie.
Que révèle cet incident ? Il nous fournit la preuve MATERIELLE du complot D'UNION SACREE CONSTITUTIONNELLE, dont nous parlions dans notre précédent numéro [*] .
La bourgeoisie, constations-nous, qui auparavant menait, par la grande majorité des Partis et des journaux, une grande agitation au sujet des dangers du gouvernement d'Assemblée, de la dictature des partis, fauteurs d'anarchie, s'est trouvée satisfaite de la nouvelle Constitution anti-démocratique, genre IIIème République, votée par le tripartisme au pouvoir. (En effet, il ne faut pas oublier que c'est dans le cadre de la Constitution de la IIIème République que Daladier a pu gouverner par des décrets-lois, détenir cinq portefeuilles à la fois et chasser du Parlement en 1939 les députés staliniens, en un mot faire prévaloir l'omnipotence du pouvoir gouvernemental).
Sur la bourgeoisie se sont alignés la majorité des politiciens à son service ; et alors que De Gaulle se réserve l'avenir, en prenant position démagogiquement contre une Constitution qui est la consécration de la misère et du manque de liberté réelle pour les masses travailleuses, pour faire prévaloir le pouvoir personnel, alors que le M.R.P. déclare au sujet de De Gaulle que "nos routes momentanément divergentes concourront finalement au même but", les gens qui prétendent agir au nom des travailleurs sont eux aussi à plat ventre devant le Pétain N° 2.
Si à L'Humanité on punit ceux qui manquent de respect au Général, – et peut-on lutter contre le pouvoir personnel, contre la dictature, en témoignant des égards et en surveillant son langage vis-à-vis de la personne qui nourrit des plans aussi bas et aussi criminels vis-à-vis de toute une nation ? – chez les Socialistes on se jette carrément à ses pieds.
Un Daniel Mayer déclare au sujet de De Gaulle : "Plus un homme est grand, plus il se doit d'être discret". Par voie de conséquence, Daniel Mayer, un des principaux dirigeants du P.S., justifie ainsi son droit à la parole par sa médiocrité. En ceci il n'a pas tort.
Mais pourquoi le peuple doit-il entendre seulement des médiocrités ? Plus la situation est difficile, et plus un homme est grand, plus il a le droit à la parole. Mais en réalité, pour les médiocres à la Daniel Mayer, la grandeur est fonction de la hiérarchie au service du Capital.
Car en quoi De Gaulle est-il "grand" ? Ce dont on lui fait mérite, a été accompli à une bien plus grande échelle par... Pétain. De Gaulle a "libéré" la France au micro de Londres, mais Pétain, lui, a été le "grand vainqueur républicain" de 1918, il avait "gagné" (en sacrifiant les soldats) sept, et non pas deux étoiles.
C'est précisément une "grandeur" de cet ordre-là, qui nous a valu LE PIRE REGIME QUE LA FRANCE MODERNE AIT CONNU.
La peur qu'ont nos "démocrates" de l'homme qu'ils ont contribué à élever et à consacrer par leur collaboration et leur propre trahison, leur fait continuer le même travail, leur fait prendre des attitudes et prononcer des paroles qui, loin de barrer la route à De Gaulle, lui ouvrent la voie : ils forgent eux-mêmes les chaînes que Pétain n° 2 se prépare à passer au peuple.
[*] Qui tient la queue de le poêle
Le "scandale du vin" prend à peine sa place dans une suite de scandales ininterrompus que déjà la presse nous annonce le "scandale des légumes secs". Tandis que les gouvernements se succèdent, la continuité de la vie politique de l'Etat bourgeois est assurée par les scandales et la corruption. "A bas les voleurs !", criaient les 6-févriéristes. "Honnêteté et moralité !", proclamait Pétain. "Epuration", certifiaient les hommes de la IVème République. Chaque régime dénonce, à juste titre, celui qu'il remplace comme le régime de la canaillerie et du scandale -et se hâte de marcher sur ses traces. Le monde des "affaires", c'est-à-dire de la spéculation et du trafic, et le monde "de la politique" ne font définitivement plus qu'un. Scandale et spéculation forment désormais le milieu vital de la domination bourgeoise, comme l'eau est le milieu vital des poissons. La presse bourgeoise elle-même, pourrie jusqu'à la moelle, étale complaisamment la chose et feint de s'en indigner. "Aujourd'hui, c'est à la porte même de l'administration qu'il faut frapper. C'est dans les cadres mêmes de l'Etat, qui forment sa force et sa continuité, qu'il faut s'introduire. L'administration s'est du même coup politisée et commercialisée. Les affaires risquent, si l'on n'y prend garde, de s'installer au cœur de l'Etat et de le dévorer." (Le Monde).
Tandis que vivre devient chaque jour un problème plus angoissant pour des millions de petites gens et de travailleurs, les fêtes officielles succèdent aux fêtes. Les sans-logis en sont réduits à souhaiter un logement dans les îlots insalubres réaffectés -et les grandes eaux de Versailles fonctionnent lorsque M. Bidault y reçoit. Les fêtes face aux angoisses de la vie journalière, le gaspillage devant la pénurie, ce fut déjà le caractère du régime pourri des Thermidoriens et des Versaillais.
Mais que penser des "représentants" des ouvriers qui, sanglés dans leurs beaux habits de larbins, se produisent sans honte dans des spectacles qui marquent la dégénérescence de nos classes dirigeantes et défient la misère du peuple ? Les travailleurs leur avaient fait confiance, mais ce sont les spéculateurs qui leur ont transmis le pouvoir, et qui cohabitent avec eux dans tout l'appareil gouvernemental. "Dis-moi qui tu hantes, et je te dirai qui tu es". Dans un pareil foyer de corruption, le caractère le mieux trempé et l'honnêteté la plus sincère finissent par se corrompre. "Il nous faut bien fréquenter ces gens, puisque nos électeurs nous ont envoyés au pouvoir". Mais comment donc vivait Robespierre, représentant des petites gens, pendant la Grande Révolution ? Chez un simple menuisier, dans l'atmosphère d'une famille de travailleurs qui furent jusqu'à la fin ses compagnons de lutte. C'est pour cela qu'il fut et put rester "l'incorruptible".
Le pouvoir de la bourgeoisie est devenu aujourd'hui le foyer principal de la corruption. Il alimente et suscite les autres foyers. D'une façon ou d'une autre, tôt ou tard, les hommes qui acceptent de participer à ce pouvoir se retournent contre les travailleurs, d'autant plus acharnés contre eux qu'ils les ont plus trahis. L'exemple des Thorez et Duclos ne fait que confirmer celui des Millerand, Briand, etc...
C'est ce foyer de corruption que les travailleurs doivent détruire, pour bâtir un pouvoir du peuple, incompatible avec l'existence des milliardaires, des fêtes somptueuses, des bureaucrates engraissés et des spéculations. Seul, le pouvoir aux mains des ouvriers et des paysans peut être un pouvoir honnête, (comme le fut la Commune), qui, en faisant participer à la vie politique et au gouvernement les larges couches travailleuses, sélectionnera et trempera leurs délégués au lieu de les pourrir.
Une ère nouvelle devait s'ouvrir dans l'histoire des peuples asservis des colonies, en même temps que se "libérait" le peuple français : c'est ainsi que s'exprimait la propagande officielle, et sous le nom d'"Union française", les classes dirigeantes devaient entreprendre de leur apporter la démocratie et le bien-être, dans la collaboration et l'union.
Cependant, même le citoyen le moins informé des choses coloniales pourrait être édifié, par la scène qui se déroula le 30 septembre à la Chambre, de ce que vaut en réalité cette propagande.
Sous le titre "violents incidents", les journaux relatent que Ferhat Abbas, essayant d'intervenir au nom du groupe parlementaire algérien sur le projet de Constitution concernant "l'Union française", fut chassé de la tribune sous les huées des députés M.R.P., P.R.L., Radicaux, etc., déchaînés, hurlant des injures, brandissant leurs poings, sortant de leurs bancs, pendant que les députés de "gauche" et d'"extrême-gauche" se tenaient coi. A la reprise de la séance, le "socialiste" Vincent Auriol, qui présidait, déclarait : "...j'avais prévenu M. Ferhat Abbas qu'il tenait des propos inadmissibles, mais la nervosité de l'Assemblée l'a empêché de m'entendre. ...Si M. Ferhat Abbas tient encore de tels propos, je lui retirerai la parole."
Edifiant spectacle de ce que vaut "notre Parlement démocratique" ! Quelles sont les choses admises ? Quelles sont celles qui ne le sont pas ?
Il est admis de faire de la démagogie sur la nouvelle "Communauté française" et sur les droits démocratiques qui seront accordés, dans l'avenir, aux peuples opprimés. Il n'est pas admis qu'un représentant des peuples opprimés vienne affirmer, comme il l'a fait, que "le projet de Constitution codifie un néo-colonialisme aussi dangereux que le colonialisme d'hier".
Mais les députés "démocrates" et de "gauche" nous ont déjà donné à maintes reprises de semblables spectacles : ils ont voté en faveur des fonctionnaires, mais ont désavoué leur vote le lendemain sur les injonctions de M. Bidault ; ils ont critiqué le ministre des Finances et sa politique dictée par le grand Capital, mais ont voté le lendemain son budget d'inflation et de ruine du peuple ; ils ont préconisé une politique de "douceur" et de démocratisation aux colonies, mais ont voté les crédits pour les expéditions militaires. C'est de cette façon qu'ils établissent l'unanimité et la bonne entente entre "républicains".
Tant qu'il s'agit d'exprimer vis-à-vis des peuples coloniaux des promesses vides de sens et de voter en même temps des crédits pour la répression, les choses vont très bien. Mais quand un représentant nord-africain vient dire timidement ce qu'il peut dire, étant lui-même partisan de la "loyauté" et de la "collaboration" avec l'Etat français, ses remarques suffisent pour déchaîner la rage, la fureur, les cris rauques, les grincements de dents, les claquements de pupitres, d'une Assemblée "démocratique". Ces messieurs civilisés et cultivés parlent d'accorder la démocratie aux peuples des colonies, mais ils ne peuvent même pas la supporter dans leur propre Parlement. Comment croire qu'ils préparent la démocratie pour les peuples des colonies, quand ils l'étranglent dans la métropole même ?
Et c'est là le point final des bavardages et des trom-peries sur "l'Union française" et le "nouveau régime" dans les colonies. Le bavardage sur "l'Union française", qui devait servir à donner une couleur nouvelle au brigandage colonialiste, a fini aussi lamentablement que "le neuf et le raisonnable" en France, qui devaient donner une couleur nouvelle à l'ancien régime pourri du daladiérisme et du pétainisme. La véritable politique des esclavagistes des colonies, c'est la répression sauvage, les expéditions militaires, l'étranglement du peuple, comme l'a montré encore l'exemple de l'Indochine. De quel droit les esclavagistes pourraient-ils encore demander aux peuples coloniaux de faire confiance à leurs paroles ?
Tout le monde commente l'acquittement des trois d'entre les accusés du procès de Nuremberg , représentants de la banque et de la bourgeoisie conservatrice allemande. Mais le principal aspect de ce procès est laissé dans l'ombre, à savoir que le procès de Nuremberg n'a été qu'un procès mensonger.
Après un an de débats entre défense, accusation, témoins, après des recherches et une publicité qui ont nécessité des dépenses considérables, des tonnes de papier, une armée de bureaucrates, de juges, d'avocats, d'interprètes, etc., gardés par une autre armée de "Military police" et de troupes, CE PROCES N'A RIEN APPRIS AUX PEUPLES QU'ILS N'AIENT DEJA SU AVANT ; les crimes des dirigeants nazis ils les connaissaient pour les avoir subis. Le rôle d'un procès, quand le crime est connu et l'assassin pris en flagrant délit, n'est pas de dévoiler celui-ci, mais de découvrir dans quelles circonstances le crime a été rendu possible et qui l'y a aidé. Le rôle d'un procès contre les chefs nazis eût été de démasquer les complices du fascisme et de démontrer comment son avènement a été rendu possible ; comment une bande de criminels ennemis de l'humanité est-elle arrivée à la tête d'un grand pays qui a donné à l'humanité, dans le domaine de la culture et des sciences, ses meilleurs représentants ? Dans quelles circonstances, à l'aide de quelles complicités, en liaison avec qui ?
Mais c'est précisément cela que les juges entendaient obscurcir. Ils ne pouvaient pas poser les questions qui auraient seules dévoilé les complices des chefs nazis :
Quelles étaient les liaisons des gouvernements anglais et français avec les nazis jusqu'à Munich ?
Quels ont été les rapports de Staline avec Hitler jusqu'à ce que celui-ci attaque l'U.R.S.S. ? Les accusations de Staline contre Trotsky étaient-elles vraies, ou ne servaient-elles qu'à masquer ses propres tractations ?
Si Staline n'avait rien à se reprocher de ses liaisons avec les chefs nazis avant et pendant la guerre germano-soviétique, le procureur soviétique ne se serait pas gêné pour essayer de dévoiler les liaisons des capitalistes anglais avec les nazis, l'affaire de Munich, celle de la fuite de Hess en Angleterre. Si les Anglo-Saxons ne portaient pas la principale responsabilité de la montée et de la victoire du fascisme, ils n'auraient pas craint de parler du découpage de la Pologne et de la politique d'occupation en Europe. Si Trotsky avait été au service de Hitler, juges anglo-saxons et procureur soviétique n'auraient pas eu peur d'aborder ce sujet.
La complicité des juges et des accusés sur tous ces points a fait de leur procès une duperie. Ayant caché les responsabilités des complices des dirigeants nazis, Nuremberg leur laisse le champ libre pour recommencer.
L'acquittement de Schacht et de von Papen, représentants des maîtres des nazis (les capitalistes allemands et internationaux), n'est en réalité que la conclusion naturelle de ce pseudo-procès du nazisme. En leur personne, les capitalistes anglo-américains se sont acquittés eux-mêmes.
A leur exemple, Eisenhower ne demandait-il pas l'acquittement des représentants de l'Etat-major allemand ?
Quand le peuple poussé à bout par ses souffrances, abattra la puissance du Capital, lui seul pourra faire le véritable procès des capitalistes, fauteurs de guerre et de fascisme.
(Reproduit de The militant du 21-9-46)
Un réveil grandiose du mouvement ouvrier japonais, englobant presque un million de travailleurs, - un tiers des forces ouvrières organisées – a commencé le 10 septembre à Tokyo par une grève générale totale du Syndicat des Marins japonais. Ceci fut suivi peu de jours après par une grève de 556.000 travailleurs de la C.G.T. japonaise et de 330.000 ouvriers agricoles organisés dans le Syndicat National Agraire du Japon.
Cette grève puissante eut lieu face au décret dictatorial promulgué par le général Mac Arthur il y a deux semaines, décret soutenu par le gouvernement marionnette, interdisant "les grèves, abandons de travail et autres formes d'arrêt de travail".
Ce décret de style hitlérien et la menace faite par Mac Arthur d'utiliser les troupes d'occupation comme briseurs de grèves servirent à écraser une grève de trois jours des marins à Sasebo.
Cette semaine, d'après les rapports syndicaux, 3.899 bateaux sont immobilisés, paralysant virtuellement la marine marchande japonaise. Des grèves de sympathie du Syndicat des Travailleurs des ports japonais et du Syndicat des Marins côtiers ajoutèrent 60.000 grévistes aux 54.000 marins de la marine marchande qui avaient quitté les bateaux. Les équipages japonais de huit Liberty Ships qui devaient retourner aux U.S.A., se sont joints à la grève, et six autres équipages se préparent à en faire autant.
LES REVENDICATIONS DES MARINS
Le Syndicat des marins japonais exige une augmentation de 100% des salaires. Et, plus important, ils sont déterminés à empêcher le gouvernement de réaliser sa menace de licenciement de 80% des marins, sans consultations avec les Syndicats.
Le Syndicat déclare que ces licenciements massifs non seulement ne sont pas nécessaires, mais d'après le Christian Science Monitor du 12 septembre, "peuvent être à l'heure actuelle un effort pour arrêter la croissance du mouvement ouvrier sous prétexte de nécessités économiques".
La grève des marins s'étend parce que le mouvement syndical japonais est déterminé à faire échec aux tentatives des impérialistes américains et de leur gouvernement marionnette d'écraser leur force organisée et de faire retourner les ouvriers aux formes de servitude semi-féodale.
Le Congrès des syndicats ouvriers (équivalent du C.I.O. américain) a ordonné aux simples centrales affiliées de se mettre en grève et de tenir bon jusqu'à ce "que le gouvernement réactionnaire de Yoshida s'effondre".
L'ordre de grève a été donné chez les mineurs, métallos, industries chimiques, imprimeurs, électriciens et d'autres corporations. La grève des travailleurs agricoles suivit l'ordre de grève de la C.G.T. japonaise de près, étant donné l'impossibilité d'arriver à un accord entre le Syndicat et les grands propriétaires fonciers sur l'augmentation des salaires et les conventions collectives.
La C.G.T. japonaise a 1 600 000 membres, comprenant 600 000 cheminots. La Fédération Générale des Cheminots a aussi lancé l'ordre de grève après que le gouvernement eut menacé de licencier 75 000 cheminots sous prétexte d'"économies", le même prétexte qui fut utilisé pour menacer les marins de licenciements massifs.
LE GOUVERNEMENT MIS EN ACCUSATION
Les cheminots accusent le gouvernement de s'occuper seulement de réunions au sujet du paiement des bons de défense nationale, émis pendant la guerre, aux dépens des ouvriers. Ces paiements vont aux mêmes profiteurs capitalistes japonais qui firent massacrer les travailleurs durant la guerre impérialiste et qui sont maintenant protégés par Mac Arthur. Le Syndicat se prépare à la grève parce qu'on fait supporter aux travailleurs les "déficits" qui furent faits "dans le but de mener la guerre".
Le gouvernement a reculé devant cette menace de grève et le Ministère des Transports a retiré ses ordres de licenciements. On rapporte que le Syndicat des Cheminots a une attitude de trêve temporaire.
La C.G.T. vient d'éditer un tract au titre ronflant : "Un succès des travailleurs". Ce tract dit :
"La production a augmenté de 100%.
"Les salaires des ouvriers ont augmenté de 17.30% à 35%.
"Les fonctionnaires ont été augmentés de 25%.
"Les ouvriers agricoles de 25%, etc..."
Ces chiffres sont déjà suffisamment éloquents. Mais nous serions curieux que la C.G.T. nous dise à combien se sont montés les profits des capitalistes et de combien se sont élevés les prix des articles de consommation.
Parler de "succès des travailleurs", quand ceux-ci voient chaque jour leur standard de vie diminuer et avancer publiquement des chiffres qui prouvent la disproportion grandissante entre les salaires et les prix, n'est-ce pas le comble de l'hypocrisie ?
Parlant du Salon de l'Automobile 46, L'Humanité du 4 octobre 46 s'exprime en ces termes : "Le prix raisonnable de 35 francs d'entrée permet à ceux qui sont les artisans de notre renaissance nationale de venir admirer les chefs-d'œuvre qui sont sortis de leurs mains."
Après avoir sué toute une année à construire des voitures, les prolétaires auront le droit, moyennant 35 francs, de venir contempler les superbes voitures dans lesquelles ceux qui les exploitent (capitalistes, haut fonctionnaires de l'Etat bourgeois et politiciens de tout poil, larbins de la bourgeoisie) pourront se pavaner sur les grands boulevards avec leurs maîtresses ou fuir de Paris vers la mer ou la montagne. Les ouvriers pourront admirer (sic), mais c'est tout. Pour que des parasites puissent s'asseoir sur les coussins moelleux d'une voiture, des dizaines de milliers d'ouvriers travaillent
9 et 10 heures debout devant une machine. Mais, eux, n'ont pas la possibilité de rouler en voiture. Pourront-ils, avec leurs 40 francs de l'heure, s'acheter ne serait-ce qu'une 4 CV Renault qui, prétend-on est la voiture à la portée de toutes les bourses, mais qui coûtera plus de 100.000 francs ?
Ils ne pourront même pas s'offrir le luxe d'un taxi de temps en temps. La grosse majorité ne pourra même pas circuler en autobus et pour aller construire des voitures, c'est dans le métro qu'ils s'entasseront deux fois par jour.
Gnome-Kellermann
La grève des manœuvres
Nos camarades manœuvres, qui depuis trois mois recevaient provisoirement 500 fr. d'acompte en attendant que le taux de leur augmentation soit fixé par la direction, viennent de voir, maintenant que le calcul est fait, descendre cette augmentation à 380 fr. De ce calcul, la direction, qui sait bien mener ses intérêts, en a fait une véritable provocation. Avant l'augmentation, nos camarades avaient le taux d'affûtage + 20%, maintenant avec l'augmentation ils recevront en tout 25%.
Devant l'annonce par la section syndicale du taux exact de leur augmentation, les manœuvres se sont mis en grève pour maintenir les 500 francs. Mais la direction, certaine que la section syndicale ne bougera pas et les abandonnera à leur sort, a été intransigeante et leur a proposé ou d'accepter ou de quitter l'usine. Nos camarades ont été forcés de faire marche arrière.
Que la carence syndicale ait permis que nous, les autres ouvriers, ne soyons pas solidaires, cela n'est déjà pas très brillant. Mais ce qui l'est encore moins, c'est d'entendre des ouvriers qualifiés dire que l'augmentation de 380 francs est normale, puisque les manœuvres chez nous sont favorisés auprès de ceux de certaines autres boîtes.
D'après les conventions de 1936, qui n'ont jamais été dénoncées, ce qui est acquis est acquis et pour une augmentation générale des salaires, les directions ne peuvent faire valoir les salaires qui, avant l'augmentation décidée, étaient plus élevés.
ANDRE
Hispano
salaires et catégories professionnelles
Après la création d'une catégorie intermédiaire entre les P2 et les P3, voici maintenant qu'il est question de créer une catégorie entre les P1 et les P2. Cela devient coutumier dans les boîtes que si les ouvriers veulent demander de la rallonge pour compenser dans une bien faible mesure les méfaits de la hausse des prix, il faut qu'ils augmentent leurs capacités professionnelles. On ne réclame plus une augmentation, on demande à passer dans la catégorie supérieure pour gagner plus. Dans ces conditions, les patrons acquièrent de la main d'œuvre qualifiée à bon marché. Quant à celui qui n'a pas la possibilité de monter de catégorie, il n' a qu'à crever. Les ouvriers sont nettement hostiles à ce procédé qui tend à les diviser encore davantage. La section syndicale, elle, approuve. Frachon n'a-t-il pas dit qu'il fallait maintenir les catégories professionnelles, alors, pourquoi ne pas en créer de nouvelles ?
Aux catégories OS1, OS2, P1, P2, P3, on ajoute les P1 1/2 et les P2 1/2. Voilà qui nous rapproche des 8 catégories de Vichy. Est-ce ainsi que la C.G.T. entend l'Unité ?
Manque de travail
– Au boulevard Brune, il n'y a presque plus de travail. Une partie des ouvriers a été mutée à Colombes et le reste est quasiment inactif, tandis que quelques-uns se crèvent, en faisant équipe avec la maîtrise constamment sur le dos, sur deux moteurs de la livraison desquels dépend une prochaine commande.
La section syndicale fait pression pour que l'on commence, malgré le manque d'outillage, une commande de moteurs à réaction.
Voilà où mène l'anarchie capitaliste. Dans certaines usines, on impose des heures supplémentaires aux travailleurs, et dans d'autres il n'y a pas de travail. Pour ne pas en arriver à la mise à pied d'une grosse partie d'ouvriers, la section syndicale "presse" les commandes d'armement. Produire... des moteurs à réaction, c'est certainement cela qui "relèvera la France".
Notre appel pour le soutien de la lutte a déjà donné ses premiers résultats.
La campagne d'abonnements est, jusqu'à présent, satisfaisante. Nos camarades se sont mis sérieusement au travail et nous pouvons dire que, dans ce domaine, nous recevons l'aide qui nous est nécessaire.
Mais il faut encore intensifier cet effort.
Nous avions demandé une attribution de 200 kg de papier par mois. Mais alors que tous les jours de nouvelles publications paraissent légalement, que certaines feuilles réactionnaires reçoivent des attributions supérieures de loin à leurs besoins, la bureaucratie de l'Etat bourgeois "démocratique" n'a pas encore trouvé la possibilité de nous accorder ces 200 kg de "démocratie". Sans doute est-ce par crainte de faire fondre ses stocks...
Les faits, une fois de plus, nous prouvent que les règlements comme l'autorisation préalable sont destinés à assurer, non pas une répartition équitable pour tous, mais simplement à empêcher les organisations révolutionnaires de s'exprimer.
Voilà pourquoi il nous faut une aide spéciale, un fonds mensuel de cotisations extraordinaires.
Nous commencerons, dans le prochain numéro, à publier les premières listes de souscription rentrées. Nous insistons auprès de tous nos lecteurs pour qu'ils nous les fassent parvenir dans le plus bref délai, en envoyant les fonds par mandat-lettre au camarade Jacques Ramboz
7, impasse du Rouet, Paris, (14ème)
Trotsky : Le Marxisme et notre Epoque ; Le Drame du Prolétariat ; Qu'est-ce que le National-Socialisme ; La Leçon d'Espagne, dernier avertissement ; Lettre ouverte aux ouvriers français.
Lénine : La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer ; l'Impérialisme, dernier stade du Capitalisme ; l'Etat et la Révolution.
L'Œuvre de la Ière, IIème et IIIème Internationale.