1945

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! LA LUTTE DE CLASSES Organe de l'Union Communiste (IVème Internationale).
nº 52 - Troisième année -


LA LUTTE DE CLASSES nº 52

Barta

27 septembre 1945


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POURQUOI ET POUR QUI LES OUVRIERS REVENDIQUENT-ILS ?

Comme au mois de mai dernier, dans tout le pays les ouvriers et les ouvrières tentent à nouveau d'alléger le fardeau de plus en plus écrasant qui pèse sur eux. Partout ont lieu des grèves et des manifestations.

Grève des imprimeurs à Grenoble et à Limoges, des ouvriers du bâtiment à Lorient, des employés municipaux à Lille, des ouvriers charbonniers à Saint-Malo, des mineurs de Lens et de Valenciennes ; manifestations des dockers à Rouen, des cheminots à Lille et à Lyon, des ménagères à Bayonne, à Toulouse, à Lyon, à Toulon, à Paris, etc...

Les ouvriers protestent contre la baisse de leurs salaires par l'augmentation accélérée des prix, et les ménagères contre l'affamement des familles ouvrières et les scandales du marché noir.

Après la dernière hausse des prix du beurre, du lait, du vin, etc..., le pouvoir d'achat des ouvriers a subi à nouveau une chute.

Mais pour empêcher de nouvelles revendications ouvrières, le gouvernement a pris les devants en annonçant que cette hausse des prix était la dernière. Il promet pour l'avenir de stimuler la production agricole et de maintenir les prix, grâce à des subventions accordées par l'Etat.

Procédé démagogique. La bourgeoisie elle-même le reconnaît, qui dit que ce n'est là qu'un expédient destiné à gagner du temps, le temps nécessaire à la reprise économique, dont on parle depuis de longs mois, et que les événements viennent toujours contrecarrer" (Combat , 15-9).

Mais qu'est-ce donc que ces événements, sinon les contradictions du régime capitaliste lui-même, le déséquilibre croissant entre les dépenses de l'Etat, l'orientation de la production, le pouvoir d'achat des masses ?

On nous dit : "Pour stimuler la production, il faut que l'Etat accorde des subventions". Mais les subventions, c'est un accroissement du budget, donc de l'inflation.

Mais si l'Etat en augmentant ses dépenses augmente l'inflation, les prix ne pourront pas être stabilisés, comme le prétend le gouvernement.

"On fera la stabilisation grâce aux importations, qui nous procureront des marchandises." Mais pour importer il faut une monnaie stable, une couverture or. Or, la Banque de France fait savoir que son "fonds de stabilisation des changes" ayant été tari par les importations, leur financement se fera désormais en entamant la réserve or. La dévaluation est ainsi mise à l'ordre du jour. Faisant baisser la valeur de la monnaie, la dévaluation serait une nouvelle façon de diminuer le pouvoir d'achat et d'augmenter l'inflation. Chassée par la porte, celle-ci, comme on le voit, revient par la fenêtre.

"Il nous faut une armée pour prélever des matières premières aux colonies et en Allemagne." Et dans ce but on crée une immense bureaucratie militaire parasite et on finance l'armement, qui détourne entièrement l'économie française des buts productifs au bénéfice de la population. L'armée n'est ainsi elle-même que le plus terrible faux-frais de la production capitaliste. Avec son budget de 140 milliards pour 1946, elle est le principal facteur d'inflation.

La "collaboration" capitaliste avec les colonies et les pays occupés, qui s'exerce par le pillage, les exactions, les tueries et les assassinats, si elle apporte des richesses aux monopoleurs capitalistes, est pour le peuple français la principale source de misère.


Le mot d'ordre "reconstruction" n'apparaît ainsi que comme une énorme offensive contre les masses : on ne voit pas, en dernier lieu, d'autre solution que de faire mourir prématurément les travailleurs par l'épuisement et la faim.

Avec les impôts soutirés aux ouvriers et aux petites gens, l'Etat accorde des subventions "à la production". Est-ce vraiment à la production ?

Un tracteur acheté 42.000 francs à l'étranger est revendu 70.000 francs au paysan, nous informe L'Humanité ; la différence va aux intermédiaires.

"Trop souvent l'écart entre le coût de production et le prix à la consommation est largement supérieur à celui que justifierait la baisse de production. C'est ainsi que pour le charbon, une subvention d'environ 50% correspond à une baisse de production de 21% seulement", écrit Le Monde le 19-9. Où va la différence ? L'Etat la verse gracieusement aux capitalistes...


Dans ces conditions, les "événements" ne pourront que continuer à contrecarrer le relèvement du pays.

Qui peut nous tirer de là ?

N'est-ce pas la classe ouvrière, au nom de laquelle, depuis des dizaines d'années, les socialistes et les communistes ont revendiqué le gouvernement à la place de la bourgeoisie ayant fait faillite ?

Pourquoi alors les chefs staliniens viennent-ils nous dire, comme ce député du Nord, "qu'une grève des mineurs en ce moment ne peut servir nos revendications ; qu'on n'obtient rien d'un pays désorganisé, d'une économie éteinte" ? (Huma, 16-9).

Si la lutte ouvrière n'est pas limitée à des intérêts locaux et corporatifs, elle est le premier pas vers la refonte de l'organisme économique, pour arracher les moyens de production à leurs propriétaires parasites, pour donner du travail à tous et le répartir équitablement, pour abolir les intermédiaires et les spéculateurs, pour faire rendre gorge aux exploiteurs et appliquer enfin le mot d'ordre : "faire payer les riches" !

L'économie est "éteinte" et ne supporte pas les revendications ouvrières ?

POURQUOI alors supporte-t-on qu'elle soit pillée par une poignée de gros capitalistes ?


POUR QUI revendiquent les ouvriers ? Pour toute la nation travailleuse, contre la poignée de parasites et d'oppresseurs !

QUE REVENDIQUENT les ouvriers et les ouvrières ?

1° L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES pour briser l'arbitrage du gouvernement en faveur des capitalistes. Les demandes d'augmentation des salaires sont une conséquence de la hausse des prix et non pas sa cause. Si la classe ouvrière impose l'échelle mobile des salaires, les capitalistes seront obligés de prélever une partie des faux-frais de leur système de production sur leurs propres bénéfices.

2° L'ECHELLE MOBILE DES HEURES DE TRAVAIL, afin d'empêcher l'utilisation irrationnelle de la main-d'œuvre par le patronat. Considéré sous l'angle de l'intérêt général, le principal facteur du relèvement économique c'est la main-d'œuvre. Il n'y a pas de reconstruction possible si on ne commence pas par "reconstruire" la main-d'œuvre détériorée par des années de surexploitation patronale.

3° LE CONTROLE OUVRIER SUR LA PRODUCTION et l'application sous ce contrôle d'un plan de production établi par les Syndicats ouvriers ; car seules les classes productrices peuvent mettre de l'ordre dans la production et orienter celle-ci suivant les besoins du pays (reconstruction, machines agricoles, outillage, etc...).

4° LA NATIONALISATION SANS INDEMNITE NI RACHAT des monopoles de fait et des grandes banques, afin de mettre fin aux spéculations financières et dresser un plan unique et général de production et de financement.


Toute la population travailleuse appuiera dans cette voie la classe ouvrière, unique champion de leur cause.

LA LUTTE DE CLASSES.


Comment les ouvriers doivent-ils répondre au mot d'ordre : "PRODUIRE"

L'Humanité vante l'enthousiasme des ouvriers pour le mot d'ordre "produire" : ceux-ci renoncent aux vacances, acceptent de travailler 12 heures par jour, etc...

L'Humanité laisse ainsi croire qu'à l'heure actuelle la production est fonction de l'effort des ouvriers, et déforme la réalité que tout ouvrier connaît du reste : à savoir qu'à l'abri du mot d'ordre produire; lancé par nos social-chauvins, le patronat sape et sabote la production à travers son principal élément : la main d'œuvre. Le régime de surveillance et de surexploitation instauré (on nous signale des cas d'ouvriers s'effondrant sur leur machine au milieu du travail) ramène la classe ouvrière, malgré l'existence de "lois sociales" et de la C.G.T., au moins 100 ans en arrière. A une conférence syndicale des usines Citroën du 15-9, un délégué ouvrier s'est exprimé ainsi : "Produire ? Aux ouvriers qui avaient fait le maximum, la direction a fait descendre le chronométreur, et a diminué les temps (c'est-à-dire le prix du temps nécessaire à la fabrication d'une pièce) ; produire cela nous laisse sceptiques." Un autre déclare : "Il n'y a pas de production à cause du nombre de parasites". Et encore : "Tout en travaillant honnêtement, il est impossible de gagner sa vie".

C'est en tenant compte de cette situation que les ouvriers de l'opposition syndicale (Citroën), avec l'approbation de tous les ouvriers du rang, ont posé de la manière suivante, la seule réaliste et conforme aux intérêts du pays, le problème de la production :

"1° Le journal de la section syndicale officielle affirme que nous travaillons pour produire des ambulances, des cars pour le transport, des camions pour le ravitaillement. Qu'on nous dise : combien d'ambulances sont sorties de chez Citroën dans le dernier exercice, combien de cars et quelles lignes ont été rétablies grâce à l'effort de notre usine ? Dans quelle mesure avons-nous contribué à l'amélioration du ravitaillement, et en particulier au ravitaillement de la C.A.P.U.C. qui nous intéresse directement ? Quel est le plan de production de la firme Citroën ?

"Car nous savons que jusqu'à ce jour, nous avons surtout travaillé à rénover des moteurs américains et que les autres commandes sont destinées à l'armée. La Vie Ouvrière nous indique que 850 camions et 400 tractions-avant pour militaires sont prévus pour septembre. D'autre part le programme de fabrication de Citroën porte sur la voiture touriste dont on étudie les prototypes actuellement. Nous voudrions connaître exactement le rôle de cette voiture dans le relèvement national.

"2° Le journal syndical prétend que nous ne travaillons pas pour les profits de M. Boulanger. Nous demandons à la section syndicale, qui par l'intermédiaire du comité d'entreprise nous dit avoir contact avec tous les groupements de l'automobile, qu'elle nous donne une statistique, ne fût-ce qu'officielle, des bénéfices de la firme Citroën. Qu'elle nous prouve que l'augmentation de notre rendement ne se fera pas au profit de Boulanger !...

"Car si les bénéfices des capitalistes n'augmentent pas, comment expliquer la baisse du standard de vie des ouvriers, l'augmentation des prix du lait, du beurre, du vin, de l'électricité, etc...

"3° Puisqu'on reproche aux ouvriers les 5+5+5 minutes de perdues dans la journée, nous demandons pourquoi il existe dans la région parisienne 75% d'improductifs pour 25% d'ouvriers productifs ? Comment est faite entre les ouvriers existants, la répartition des heures de travail, et pourquoi demande-t-on aux ouvriers de faire 54 heures pendant qu'il y a encore des chômeurs ?"

Ce sont là des questions précises que les ouvriers peuvent poser pour toutes les branches de production, dans toutes les usines. C'est le meilleur moyen de mettre au pied du mur les fonctionnaires syndicaux bureaucratisés, les socialo-staliniens, et de démasquer leur politique anti-ouvrière.


On croit mourir pour la patrie...
L'INDOCHINE AUX INDOCHINOIS !

L'ouvrier français ne sait en fait rien de l'Indochine. Ce n'est pas de sa faute. "L'Empire" indochinois n'est qu'une "chasse gardée" réservée aux directeurs de banque, aux grands planteurs de caoutchouc, aux gros colons possédant des mines et aux fonctionnaires coloniaux qui y mènent une vie de seigneurs féodaux.

Cependant, l'ouvrier indochinois est soumis depuis fort longtemps à un régime dont seule l'attitude de l'état-major allemand en Pologne et en U.R.S.S. peut nous donner une idée.

En 1929-30, c'était les massacres de Yên-Bai, de Co-Am dans le Tonkin parce que les paysans réclamaient l'indépendance de leur pays. En 1933, c'était la terreur et la répression sanglante dans le nord de l'Annam parce que les paysans affamés par la sécheresse demandaient la suppression de l'impôt personnel. En 1937, répression sur la classe ouvrière, par la condamnation arbitraire des militants syndicalistes et des leaders des partis politiques indochinois. En 1939, suppression de tous les avantages que les tra-vailleurs indochinois avaient acquis en 1936 : liberté de presse, liberté d'association et de réunion (les droits syndicaux n'ont jamais existé en Indochine).

Depuis que les colons français accueillirent l'armée japonaise pour protéger leurs rapines (la métropole française occupée elle-même n'étant plus assez forte pour les défendre à la fois contre les Indochinois et s'opposer à la main-mise japonaise) la lutte devint très dure du fait de la coalition franco-japonaise. En octobre 1940 soulèvement à Bac-Son ; en novembre 1940, insurrection à Caolanh dans la Cochinchine ; en janvier 1941, manifestation à Dô-Luon dans l'Annam. La répression fut terrible : en 1940, des dizaines de milliers d'Indochinois, femmes et enfants, furent mitraillés à Caolanh. Les survivants de cette localité furent raflés, attachés ensemble par un fil de fer passé à travers la paume de leurs mains et précipités dans le Mékong.

Après les défaites sanglantes de 1940-41, les ouvriers et les paysans indochinois s'organisèrent clandestinement en attendant le jour de l'écroulement nippon pour se libérer du joug colonialiste. Ainsi fut créée la Ligue de l'Indépendance du peuple indochinois – le Viêt-minh – dont le nom nous a été révélé ces temps derniers par la presse bourgeoise.

Le Viêt-minh groupe les partis nationalistes révolutionnaires (anti-impérialistes) poussés en avant par les partis communistes (Trotskistes, et la fraction du P.C. ayant rompu avec la IIIème Internationale), ainsi que des organisations nationales de paysans, d'ouvriers, de soldats, de femmes et de jeunes. Au lendemain de la capitulation nippone, il renversa le gouvernement indochinois créé par les Japonais (Bao-Daï et Tran-Trong-Kin) et prit le pouvoir en mains.

Voici son programme :

1° Election d'une assemblée représentative de toutes les classes de la population dont la tâche serait de dresser une constitution de l'Etat indochinois et d'un gouvernement fondé sur des principes démocratiques

2° Promulgation des droits et privilèges démocratiques pour l'individu ; droit de propriété, liberté d'organisation, liberté de presse, droit d'association, liberté de pensée, etc...

3° Organisation d'une armée nationale

4° Confiscation des biens appartenant aux Japonais, Français et Indochinois fascistes

5° Amnistie générale pour les prisonniers

6° Droits égaux entre les femmes et les hommes 

7° Respect des droits des minorités nationales.

Comme on le voit, ce programme reprend les principes de la "déclaration des droits de l'homme" dont tout petit-bourgeois français est sensé être le défenseur. Mais quoique cherchant sa voie en avant dans les traditions du passé révolutionnaire du peuple français, le peuple indochinois se voit attaqué avec le matériel fabriqué par M. Tillon et par M. Diéthelm. C'est que les "droits de l'homme indochinois" excluent la domination des banques françaises et autres sur l'Indochine dont ces ministres défendent les intérêts.Diéthelm demande partout des volontaires pour le corps expéditionnaire en Extrême-Orient. Mais les travailleurs se montrant peu enthousiastes, il fit appel aux prisonniers de droit commun. A Marseille, ces troupes pillaient dans les boîtes de nuit, raflaient les caisses du quartier du port avant de s'embarquer. C'est avec des hommes de cette trempe que Diéthelm et Giaccobi envisagent le rétablissement du "prestige" de la France.

Leclerc voulut obliger les troupes indochinoises retirées d'Allemagne à aller combattre leurs propres frères ; ayant refusé, elles ont été internées dans le Vaucluse.

Pour mener à bien la répression une campagne de calomnies fut lancée par la bourgeoisie contre le peuple indochinois. On a prétendu entre autres qu'il avait reçu des armes des Japonais, mais les journaux annoncèrent eux-mêmes par la suite que c'est tout le contraire qui s'est passé. A Saïgon le commandement anglais avait chargé les Japonais de maintenir l'ordre, de même que Tchang-Kaï-Chek en Chine leur avait intimé l'ordre de garder les armes plutôt que de les rendre aux armées communistes.

Malgré la "paix" qui devait suivre l'effondrement du Japon, M. Diéthelm mobilise. Il est en train de verser le sang en Indochine comme il l'a fait en Afrique du Nord et en Syrie. Les travailleurs indochinois sont cependant décidés à lutter jusqu'au bout avec comme mot d'ordre : "l'Indépendance ou la Mort" ! Pour les secourir les travailleurs français doivent, dans leurs syndicats et leurs partis, faire voter des motions de solidarité avec la révolution indochinoise :

Pour l'indépendance de l'Indochine.

Contre l'envoi du corps expéditionnaire.

Pour l'union entre les travailleurs français et indochinois dans le cadre des Etats-Unis socialistes soviétiques du monde.


Les DEFENSEURS DE LA CIVILISATION

Le colonel Massu du 2° régiment de marche du Tchad, sitôt arrivé en Allemagne, a réuni ses officiers et leur a donné l'ordre "de détruire, de violer, d'incendier". Il se glorifie de n'avoir pas quitté une maison allemande, sans avoir vidé lui-même une nourrice d'essence, sans y avoir jeté l'allumette.

Actuellement ce bourreau, accompagné de ses semblables, fait route pour l'Indochine...


Pour une Assemblée Constituante Souveraine :
BOYCOTTAGE DU REFERENDUM PETAINISTE !

Beaucoup de bruit pour rien !

Il faut à nouveau répéter cette vérité :

Tandis que dans le camp de la bourgeoisie on sonne le ralliement autour de De Gaulle, dans le camp du prolétariat on ne fait rien (sinon des phrases) pour arracher les masses au nœud coulant du référendum plébiscitaire.

Après la brutale réponse de De Gaulle à la C.G.T. , les soi-disant démocrates enflèrent au maximum leur voix pour s'indigner. Des journaux purent annoncer "la plus grande crise depuis la libération". Mais quand il s'est agi de passer aux actes, leur montagne d'indignation accoucha d'une souris.

Le Conseil Central de la Renaissance française (élu par les Etats Généraux), d'inspiration stalinienne, décide, le 5 septembre par 26 voix contre 7 abstentions, d'engager une campagne pour démontrer au corps électoral "l'inanité (l'inutilité) et les dangers pour la démocratie de cette consultation", et qu'il ne se sentira pas lié par le résultat du référendum. Voilà qui n'était pas mal puisqu'en fait cela signifiait le rejet et le boycottage du référendum.

Mais "la nuit porte conseil" ; sous prétexte de rallier les 7 voix abstentionnistes, ces Messieurs revinrent à leur sagesse naturelle en remplaçant la première résolution par une deuxième dans laquelle il n'est plus question du référendum, mais seulement du mode de scrutin.

C'est ainsi que pour faire l'unanimité des politiciens, nos "démocrates" renoncent à dénoncer au pays les dangers du plébiscite bonapartiste.

Comment faut-il appeler ces gens autrement que des démagogues ?

En effet, voici comment s'exprime en date du 11-9-45 Le Monde, organe des 200 familles, au sujet du mémorandum remis à De Gaulle au nom de la C.G.T., du P.S. et des Radicaux : "Le texte contraste singulièrement avec les déclamations que l'on nous avait fait entendre... de toute manière, il est bon que le mémorandum ne s'élève pas contre le référendum. Aux discours virulents prononcés ces temps derniers on aurait pu croire le contraire." Le mémorandum aussi ne s'élève que contre le découpage électoral, comme si le sort du pays pouvait dépendre de quelques députés de plus ou de moins. Ces Messieurs croient-ils que les masses ont oublié le sort de la Chambre élue en 1936 ? Ils trouvent humiliant que De Gaulle ait répondu à leur mémorandum par une offre de quelques sièges de plus : "C'est pour nous une question de principe", disent-ils. Et le référendum n'est-il pas une question de principe ? Pourquoi n'appelez-vous pas les masses à boycotter le référendum actuel, qui n'est pas un moyen démocratique, mais un attentat bonapartiste contre la démocratie.

Un référendum pétainiste

En effet, la démocratie parlementaire, quelles que soient ses formes – deux chambres ou une seule – repose sur le principe unique de la responsabilité de l'Exécutif devant les élus du suffrage universel (que l'on doit exiger le plus démocratique possible, comme la R.P. intégrale, droit de vote des femmes, jeunes, soldats, etc...).

Les élections ont pour but de dégager une majorité parlementaire qui donnera le ton au gouvernement.

Pour gagner la sympathie des masses françaises auxquelles le régime instauré par Pétain s'était révélé pire que le régime parlementaire, De Gaulle avait promis le retour à la "légalité républicaine". Il avait promis une Assemblée constituante, puisque la Chambre et le Sénat, issus de la Constitution de 1875 , avaient remis leur pouvoir constitutionnel à Pétain.

Mais cela n'était que de la démagogie. Car tout le gouvernement bourgeois est aujourd'hui obligé, pour protéger les privilèges des capitalistes, de continuer le système d'irresponsabilité gouvernementale inauguré après les événements de février 1934  et développé au maximum sous Pétain.

Comme ses prédécesseurs bourgeois, De Gaulle montre qu'il ne veut pas s'accomoder même du pâle contrôle parlementaire. Au lieu de procéder aux élections pour dégager la majorité politique d'une As-semblée chargée de l'élaborer, sous le prétexte d'une Constitution, il en appelle "au peuple" pour mettre en question la démocratie parlementaire.

Mais ce système rejoint celui de Pétain. Fermer la voie à la responsabilité gouvernementale devant les députés, c'est ouvrir automatiquement la voie à l'arbitraire du "chef" totalitaire... quelles que soient les étapes de transition destinées à tromper les masses.

Pétain avait posé le revolver sur la tempe du Parlement apeuré en l'obligeant à s'abolir lui-même. Pour la forme, De Gaulle s'adresse, lui, "au pays".

Mais "le pays" électoral est en fait dirigé par l'arc-en-ciel des partis bourgeois, des Socialistes à la droite, tous partisans de De Gaulle, qui lui servent de paravent et qui, apeurés eux-mêmes par la situation générale, l'aident à exercer sur le corps électoral par des moyens plus variés, une aussi grande pression que Pétain avait exercée sur le Parlement en juillet 1940.

Sous la protection des bandes fascistes, des G.M.R. , de la super-police (D.G.E.R.), de la presse orchestrée, utilisant le chantage matériel ("ravitaillement"), diplomatique ("les importations dépendent de la stabilité gouvernementale"), et surtout moral ("ce sera pire sans De Gaulle", que tout le monde soutient, y compris les Staliniens, par leur collaboration ministérielle), De Gaulle met le revolver sur la tempe de l'électeur, qui, même s'il n'est pas enthousiaste pour le "Oui", ne voit pas à l'aide de quels moyens une Constituante souveraine sera capable de vaincre les obstacles.

Voilà ce qui, de temps en temps, fait pousser de hauts cris aux "Démocrates" et Staliniens, bien qu'ils n'osent bouger d'un pouce, de crainte que l'action prolétarienne ne les emporte ensuite eux-mêmes.

Ils donnent le change en faisant du tapage sur la R.P. intégrale, soi-disant garantie de la démocratie.

Comme si Hitler par exemple, devant la carence du P.C. et P.S. allemands, n'avait pas contraint les masses, avant et après sa prise du pouvoir, à voter pour lui suivant les règles arithmétiques les plus "démocratiques", par la pression de ses bandes fascistes et de l'Etat ! Avant tout, il aurait fallu l'empêcher de pouvoir "questionner" les masses !

Mais où a-t-on jamais vu des bureaucrates gorgés se changer en des Marat et des Blanqui ? – "Pourvu que ça dure... notre farce de défenseurs du peuple. Quand celui-ci se trouvera ligoté, nous dirons, comme en Allemagne, que c'est lui qui n'avait pas répondu à nos appels".

Que signifie le Boycottage du Référendum ?

Le référendum de De Gaulle n'étant donc qu'un attentat légal (bonapartiste) contre la liberté, nous devons non pas y participer, mais le rejeter pour entacher d'avance son résultat de nullité.

Quand les dés sont pipés, il ne faut pas accepter le jeu.

Les deux questions posées sont nulles de plein droit. Le retour à la Constitution de 1875 ne peut pas se poser, le Parlement ayant légalement délégué ses pouvoirs à Pétain. Quant à la deuxième question, si on la traduisait en langage clair, elle ressemblerait à la question suivante : "Voulez-vous être mangés au beurre noir ?"

Car la liberté, c'est-à-dire la souveraineté du peuple, étant inaliénable, aucune majorité au monde ne peut légalement la transférer au chef du gouvernement, même pas pour une durée limitée dans le temps. Même si je le voulais, pourrais-je aller me déclarer légalement l'esclave de quelqu'un ?

En déposant dans l'urne un bulletin blanc, nous signifions donc à la bourgeoisie que nous ne voulons pas être liés par le résultat d'un référendum, dont une des questions demande aux électeurs – comme Pétain l'avait demandé directement au Parlement en juillet 194O – d'enlever le pouvoir à leurs représentants, en faveur du "chef".

Cependant, nous dit-on, les Partis communiste et socialiste ayant pris l'attitude que l'on sait, la lutte ayant été engagée sur ce terrain : voter oui-non, oui-oui, non-oui, non-non, voter blanc, boycotter le vote, c'est autant de gagné pour De Gaulle qui verrait ses adversaires les plus décidés ne pas dire "non" à la deuxième question.

Cependant, étant donné la signification réelle du référendum, ce raisonnement n'est que du crétinisme électoral.

Pour la classe ouvrière, participer au référendum signifie s'exposer inutilement au danger d'être légalement muselée par le chef du gouvernement, qui se prévaudrait du vote "populaire" dans ses actes contre la classe ouvrière.

Mais même si par extraordinaire il pouvait y avoir une majorité de "non" à la deuxième question, la classe ouvrière ne serait avancée d'un pouce ; puisque pour la bourgeoisie le référendum n'est qu'une formalité par laquelle De Gaulle veut couvrir son pouvoir irresponsable, une majorité de "non" ne changerait rien au fait que la bourgeoisie, par la pression de ses moyens matériels, possède en réalité un gouvernement tout-puissant, en dépit des chiffons de papier qui réclameraient tel ou tel système de gouvernement.

Dans ces conditions, il est mille fois préférable, en partant du caractère de complot du référendum, de ne pas le couvrir en y participant, mais de le démasquer aux yeux des masses, en mobilisant sur ce terrain, ne fût-ce qu'une minorité contre la dictature militaire et policière, plutôt que d'amasser des chiffons de papier.

Car ce n'est pas dans les élections, mais dans une lutte intransigeante contre la bourgeoisie, que le prolétariat gagne la majorité du peuple.


Pour une Constituante Souveraine,
BOYCOTTAGE DU REFERENDUM PLEBISCITAIRE !

Seule l'élection d'une Assemblée Constituante souveraine serait conforme aux promesses démocratiques faites par De Gaulle à Alger. La classe ouvrière veut et doit participer à l'élection d'une telle Assemblée pour, en attendant mieux, mettre fin à l'irresponsabilité gouvernementale.

La classe ouvrière sait qu'au point de vue de la souveraineté du peuple, le parlementarisme bourgeois, même sous forme de "Constituante" ne signifie autre chose qu'un "régime sous lequel les classes opprimées recouvrent le droit de décider en un seul jour pour une période de plusieurs années qui sera le représentant des classes possédantes qui représentera et opprimera le peuple au Parlement" (Lénine).

Cependant, en régime bourgeois, seul le contrôle parlementaire sur le gouvernement rend possible l'existence de certains droits pour les exploités, tels que la liberté de presse, le droit d'association et de réunion, des garanties juridiques, etc., quoique ces droits soient strictement limités par la situation économique des exploités en face d'une bourgeoisie exploiteuse détenant le pouvoir.

Mais quand il s'agit de défendre vis-à-vis de la bourgeoisie ces droits réels – (où il ne s'agit pas d'étiquette mais de contenu) – seule la force ouvrière est décisive, c'est-à-dire la puissance matérielle, la mobilisation, la cohésion politique, l'intelligence des événements, la méfiance de la classe ouvrière vis-à-vis de la bourgeoisie.

Pour avoir un appui dans cette lutte où il s'agit d'un rapport de forces, d'un heurt direct avec la bourgeoisie (comme en juin 36), la classe ouvrière doit gagner la sympathie de toutes les masses travailleuses. Dans ce but, il faut engager la lutte, non pas sur le terrain choisi par De Gaulle, mais en mettant celui-ci au pied du mur : démasquer sa volonté réactionnaire et dictatoriale qu'exprime son attitude à propos du référendum, le sommer d'accomplir ses promesses.

Si, mis au pied du mur, il persistait dans sa volonté pétainiste de s'attribuer "légalement" le pouvoir incon-trôlé, l'enjeu de la lutte prolétarienne apparaîtrait clairement aux yeux de tous (ce qui n'est pas le cas avec le référendum), et elle bénéficierait de l'appui ou tout au moins de la sympathie de la majorité écrasante des masses travailleuses.

Les objectifs de la lutte prolétarienne sont les suivants :

1° Les députés qui seront élus le 21 octobre ne peuvent former – par le rejet du référendum – qu'une Assemblée constituante souveraine, seule légale.

2° Représentation proportionnelle intégrale, mode d'élection qui falsifie le moins la volonté populaire ; droit de vote aux jeunes, aux soldats.

3° Le retour à la responsabilité gouvernementale et au contrôle parlementaire doit se faire sur la base suivante :

Amnistie (et non pas grâce) pour tous les militants condamnés depuis 1938

Abolition pour les ouvriers de toute restriction aux droits de presse, d'association, de réunion, de grève, d'armement.

A travail égal, salaire égal.

Echelle mobile des salaires et des heures de travail.

Contrôle ouvrier sur la production.

Nationalisation sans indemnité ni rachat des monopoles de fait et des grandes banques.

C'est pour ces objectifs que le 21 octobre les travailleurs déposeront un bulletin blanc dans l'urne du référendum et éliront des candidats se réclamant de la classe ouvrière à l'exclusion de tout candidat bourgeois.


LE BLOC OCCIDENTAL

L'Angleterre, qui s'est endettée au prêt-bail, la France ruinée, se trouvent, à la suite de la guerre, dans une situation précaire. Ne trouvant chez elles, pas plus que lorsqu'il s'agissait de détruire, les moyens de reconstruire, ces deux nations dépendent de l'"aide" américaine.

Mais, d'une part le soutien des banquiers de New-York s'accompagne d'une immixtion chaque fois plus poussée dans les marchés de l'Europe et des colonies, d'autre part le secours du prêt-bail n'existe plus : les marchandises doivent être payées en dollars qu'elles n'ont pas. Alors, il faut comme l'Angleterre "réduire de 59% les achats aux Etats-Unis" (Combat, 22-9-45) ou implorer des crédits comme la France.

A l'Est, l'U.R.S.S. les met en danger, non pas en tant que tremplin révolutionnaire, qu'elle n'est plus, mais en s'emparant économiquement de leurs "chasses gardées" d'Europe Centrale et Orientale.

Alors l'Angleterre dont les restes de grande puissance lui permettent de s'assurer la part du lion, propose à la France capitaliste, qui ne cherche plus qu'un maître accommodant, de former, avec les petites nations de l'ouest du continent une "Fédération... basée sur la propriété commune des grandes sources d'énergie et des grands moyens de production" (Cité-Soir, 11-9-45), "une grande puissance d'Europe occidentale supra-nationale" (Observer, 17-9-45). Elle espère qu'elles pourront, ensemble, "devenir une entité capable d'égaler l'Amérique, la Russie et la Chine" (Observer, 17-9-45), parce que dans un monde de brigands, seule la force permet de subsister. Mais, comme il faut gagner l'opinion publique à ce système, on essaie d'allécher les populations par la promesse d'une prospérité... future.

Cette prospérité est-elle possible, alors que les systèmes économiques de l'Angleterre et de la France ne sont pas complémentaires, alors qu'elles souffrent des mêmes maux ? La "concordance" de leurs objectifs colonialistes, on l'a vu en Syrie et au Liban. Industriellement, elles doivent produire pour exporter (afin d'équilibrer leurs balances) et elles ne sont pas des débouchés réciproques. Croit-on, au point de vue ravitaillement, alors que l'Angleterre réduit ses importations de 5O%, qu'elle pourra distribuer à ses voisins ce qui lui manque à elle. L'union anglo-française n'ayant pour but qu'une politique de grandes puissances, de prestige, le fardeau des deux peuples sera encore alourdi, car elles devront accroître leur puissance militaire et consacrer toujours plus leur reste de richesse aux besoins de l'armée.

La "grande puissance occidentale", système forcément autarcique en face du capital américain, unifiant les mêmes infirmités au nom des banquiers de Londres, ne pourra résister à l'isolement, ne pourra se soustraire à l'interdépendance économique de toutes les nations qu'au prix de sacrifices nouveaux. Manœuvre d'impérialismes distancés pour reconquérir leurs places au partage du butin, le bloc occidental ne peut se faire que sur le dos des travailleurs d'Europe et des Colonies.

Quand le prolétariat se réclamait de l'internationalisme, la bourgeoisie traquait les révolutionnaires au nom de la patrie, du "drapeau", de la "nation". C'est en leur nom qu'elle menait les esclaves du capital au carnage.

Aujourd'hui, quand ses intérêts le lui dictent, elle fait bon marché de ces notions "sacrées", et essaie de se montrer progressive en recourant à la démagogie de l'Etat "supra-national" pour faire accepter sa politique de brigand.
Mais en réalité, elle reste le défenseur du "féodalisme" capitaliste, c'est-à-dire des barrières nationales (système de frontières et de douanes correspondant au rapport de forces changeant entre les groupes financiers) et de la propriété privée, obstacles du relèvement des forces productives et du bien-être des nations.

Si le particularisme capitaliste et la misère qu'il engendre ont été vaincus sur un point du globe, c'est seulement en octobre 1917, dans la Russie tsariste, par les forces du prolétariat.

Seul celui-ci s'est montré capable, en abolissant le capitalisme, de porter au premier rang l'économie d'un pays arriéré.

Bloc occidental capitaliste ? Non ! Etats-Unis Socialistes Soviétiques d'Europe et du Monde – création du prolétariat.


CONSTRUCTION...
DESTRUCTION...

Comme un gamin qui, après avoir gagné toutes les billes de ses partenaires voudrait jouer encore et, pour cela, leur en prêterait d'autres, Truman propose de renoncer aux dettes du prêt-bail, afin que les nations ruinées puissent recommencer à acheter à l'Amérique.

Les Américains se sont battus, pendant des années, pour conquérir de nouveaux marchés, pour soi-disant éviter le chômage, la crise. Ils ont vaincu, mais si largement qu'ils n'ont plus d'acheteurs à qui vendre leurs produits et qu'ils sont acculés à la faillite. Et, cette crise, ils ne peuvent la surmonter qu'en redonnant des billes, c'est-à-dire qu'en reconstituant la force des pays concurrents qu'ils ont détruits ou affaiblis et revenir ainsi... au point de départ : une nouvelle concurrence acharnée entre tous les pays capitalistes, finissant à nouveau par la guerre.

Quoi qu'ils fassent, nos "grands" hommes d'Etat ne peuvent pas arracher l'humanité au cycle infernal du capitalisme : construction... destruction... construction... destruction...

Pour que la presse révolutionnaire puisse remplir son rôle dans les événements exceptionnels que nous vivons, pour qu'elle pénètre plus largement dans la classe ouvrière et touche tous les éléments avancés de la société, pour qu'elle augmente son tirage et ses moyens, camarades, nous vous demandons :

d'organiser des souscriptions ;
de recueillir de l'argent ;
de verser les collectes aux camarades diffuseurs.

Camarades, intensifiez votre effort !


LA BONNE VOIE

Rendant compte des manifestations de ménagères, L'Humanité admet que le mécontentement de celles-ci est légitime, mais prétend que le passage à l'action directe est l'œuvre de provocateurs.

L'Humanité ne se souvient plus de la rue de Buci par exemple, où les militants du P.C. jouaient le même rôle qu'elle attribue actuellement à des "provocateurs". L'explication de ceci c'est que, loin d'être les soutiens sans conditions et jusqu'au bout des masses populaires qui souffrent, nos "grands camarades" staliniens se guident seulement d'après les intérêts de la politique extérieure du "grand" Staline.

Le devoir des révolutionnaires c'est d'appuyer toute manifestation révolutionnaire de masse contre le régime bourgeois d'affamement et de spoliation, et avant tout l'action directe des ménagères contre les affameurs. Leurs efforts doivent être de transformer ces manifestations sporadiques en une action cohérente pour la recherche et la découverte des dépôts clandestins, l'inventaire des stocks chez les grossistes, le contrôle de la répartition par les comités de ménagères. L'action des ménagères ne doit pas se limiter à forcer la vente de certains produits, mais doit avoir pour objectif : leur contrôle sur le ravitaillement.


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