1940 |
L'OUVRIER
nº 2- 15 janvier 1940
ORGANE MARXISTE LÉNINISTE
Travailleur ! Souviens-toi de LIEBKNECHT, LUXEMBOURG, (Lénine)
Des nouvelles reçues du Mans (Sarthe) nous apprennent que les ouvriers de chez «Gnome et Rhône» se sont mis en grève. Malgré que la vie soit plus chère dans cette ville, les ouvriers envoyés au Mans sont payés de quelques francs au-dessous du taux normal et couchent sur la paille par suite du manque de logements. Des ouvriers belges, auxquels on a promis des salaires convenables, se sont vu payés à un tarif dérisoire. Ils se sont solidarisés avec le reste des travailleurs.
Nous n'en savons pas plus ! La presse organise la conspiration du silence autour de cette grève. La censure étouffe la classe ouvrière en isolant les travailleurs. A BAS LA CENSURE ! Que se passe-t-il (ou s'est passé) au Mans ?
Travailleurs ! Brisez par votre action l'isolement que la bourgeoisie vous impose.
Les menaces contre la classe ouvrière se multiplient et se précisent. On n'ouvre pas un journal, on ne lit pas un discours sans y trouver des appels, des résolutions pour briser ceux qui s'opposent à la guerre. De la «gauche» à la «droite» ce n'est qu'un cri sauvage qui démontre la peur qu'ont ces MM. des masses populaires. Le «P.J.» du colonel réclame ouvertement pendaisons et exécutions ; le «Temps» du Comité des Forges exige que le gouvernement combatte «par tous les moyens» le «bolchevisme» ; Herriot, obèse politicien au service des trusts, en appelle à ses ancêtres jacobins et voudrait réincarner la Terreur... contre les ouvriers et les paysans ! Le «Populaire» les couvre tous, en se taisant hypocritement.
Comme il l'a expliqué à la Chambre le 15 Décembre, Sarraut procède par degrés dans la répression «par politique». En effet, les milliers d'emprisonnements, les camps de concentration, ne sont qu'un début. La destruction complète des cadres de la classe ouvrière (hormis ceux qui se vautrent dans l'union sacrée) est poursuivie «par tous les moyens». Le Temps (16 janvier) avoue que «...l'ennemi intérieur est, pour nous, peut-être le plus redoutable». La bourgeoisie rêve d'une répétition de la «semaine sanglante» de la Commune, réalisée rapidement et sans bruit. Si alors la répression fut garantie par la présence des troupes prussiennes, qui ne quittèrent le pays tant que M. Thiers n'avait rétabli l'«ordre», aujourd'hui c'est à peine différent : on compte évidemment que la menace extérieure empêche les masses de bouger. Et c'est seulement ayant la certitude que les masses laisseront faire que le gouvernement des exploiteurs ira «jusqu'au bout» contre les travailleurs, condition nécessaire pour mener «jusqu'au bout» sa guerre impérialiste.
Quant aux prétextes invoqués, les masses populaires savent à quoi s'en tenir sur «l'intelligence avec l'ennemi», la trahison, l'espionnage, etc... Les bourgeoisies s'espionnent entre elles par les membres de leur classe qui ont entre leurs mains les leviers de commande politiques, économiques, militaires, etc... On n'a qu'à se rappeler toutes les affaires des dernières années, il n'y a que des salonnards qui y sont impliqués (qu'en pense M. Auboin du Temps ?).
Travailleur ! C'est ton sort qui se décide. Défends les tiens ! C'est cela la lutte véritable pour le socialisme, pour le pouvoir ouvrier et paysan. En ouvrant la porte des prisons à ceux que la bourgeoisie a jeté dans ses cachots, la classe ouvrière non seulement libère ceux qui souffrent pour elle, mais affirme par cela son droit à la vie. Une classe ouvrière qui ne sait pas défendre et faire respecter ceux qui se lèvent pour elle est incapable de s'opposer à la guerre impérialiste et de remplacer le régime capitaliste par le régime socialiste.
La lutte pour l'amnistie signifie lutte contre la répression aussi. Cette lutte doit être systématiquement menée, dans les usines, sur le front, sur les navires de guerre et de commerce, partout où l'on sévit ; chez Hispano-Suiza, par exemple, un ouvrier, dont le directeur veut se débarrasser, fait depuis trois mois, de nuit. Ne pas le tolérer, trouver les moyens de faire cesser la brimade, organiser la solidarité, voilà comment se mène la lutte qui doit aboutir à l'élan vigoureux qui ouvrira les prisons. Le prolétariat de Barcelone a récupéré en un jour de juillet 1936, 30.000 de ses meilleurs militants. Nous mènerons la lutte avec les mots d'ordre suivants :
Suppression de la JUSTICE MILITAIRE, de l'autorité des gradés militaires sur les usines, sur les villes, sur les régions ; retour à la JURIDICTION CIVILE !
A BAS les CONSEILS DE GUERRE dans l'armée et dans la marine ! Aux conseils de guerre où siègent nos ennemis de classe opposons dans chaque régiment, bateau de guerre ou de commerce, bref, dans chaque unité, le JURY ÉLU par les soldats et les marins.
Travailleurs ! Formez vos COMITES D'USINE pour lutter : contre les prélèvements (5 % et 15 %) ; pour le paiement des heures supplémentaires au TARIF INTÉGRAL DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES, pour la limitation des heures supplémentaires.
A BAS le gouvernement DALADIER !
Pour sortir de l'impasse : «jusqu'auboutisme» ou
«Munichisme» !
VIVE le gouvernement OUVRIER et PAYSAN, gouvernement
créé par les comités de masse (Comités
d'ouvriers, de paysans, de soldats) par
l'armement du
prolétariat.
La crise actuelle de la civilisation mondiale est la crise de la direction prolétarienne. Les ouvriers avancés réunis autour de la IVème Internationale, montrent à la classe la voie pour sortir de la crise. Ils lui proposent un programme fondé sur l'expression internationale de la lutte émancipatrice du prolétariat et de tous les opprimés en général. ILS LUI PROPOSENT UN DRAPEAU SANS TACHE AUCUNE.
(Programme IVème Internationale, Septembre 38)
Après avoir brisé l'unité syndicale, les chefs réformistes s'attachent à établir les «principes» de leur action. Tous leurs efforts s'appliquent à démontrer à la bourgeoisie que grâce à eux le prolétariat supportera le fardeau de la guerre que la bourgeoisie mène pour son intérêt. Il faut dire qu'une semblable tâche n'est guère facile ; les chefs réformistes sont pris entre le marteau et l'enclume, entre la nécessité de dorer (de mots) la pilule aux masses travailleuses, et les exigences de la guerre impérialiste : cesser toute équivoque, parler le langage brutal de la «paix sociale». Sinon la bourgeoisie saurait se passer d'eux. Forcés de prêcher la paix sociale, ils se sont démasqués.
Chaque ouvrier sait que la suppression du salariat ne peut résulter que de la lutte de classes, c'est-à-dire l'expropriation de la bourgeoisie par le prolétariat. Les réformistes prétendaient se distinguer des révolutionnaires uniquement parce que soi-disant ces derniers étaient contre les réformes partielles et voulaient une révolution violente. (Comme si les réformes de Juin 1936 n'étaient pas sorties justement de la lutte révolutionnaire – grèves, occupations, etc... – et comme si la perte de ces conquêtes partielles n'était pas due précisément à la conciliation pratiquée par les chefs de la CGT de 1936 à 1938, empêchant les ouvriers d'aller jusqu'au bout). Mais jusqu'à présent, renier la lutte de classes, aucun chef réformiste ne l'a osé. Voilà qui est fait. Pour Jouhaux il ne s'agit plus que de trouver les modalités de la collaboration entre les «organismes» gouvernementaux, patronaux et ouvriers !
Dumoulin déclare sans ambages : «il faut défendre les libertés également menacées par le bolchevisme (sic) et par l'hitlérisme, mais les défendre dans la mesure où le permet l'intérêt national». Si quelque ouvrier avait encore eu des doutes, il saurait maintenant qu'entre les libertés et l'«intérêt national» il doit choisir. Merci, M. Dumoulin !
Sur la guerre on nous sert les mêmes balivernes qu'en 14-18 : «responsabilités de la guerre», «intérêt national», etc... Le «responsable» de 1914 soigne en toute tranquillité sa goutte dans un château de Hollande. Mais le prolétariat n'a pas retrouvé ses meilleurs militants tombés dans la guerre que Jouhaux disait la «dernière».
Malgré le dégoût qu'ils ont pour les chefs réformistes, les travailleurs doivent rester dans la CGT. Ils lutteront pour la démocratie syndicale, pour le droit pour tout salarié d'y adhérer, d'y être élu quelque soit sa profession ou ses opinions politiques, ils y briseront le sabotage des chefs réformistes qui déclarent comiquement «veiller jalousement (en effet) à l'indépendance syndicale» et servent servilement l'impérialisme français en exigeant des adhérents ou responsables de la CGT de souscrire à la sainteté ou à la malfaisance des pactes diplomatiques.
La guerre en
Finlande
Pourquoi les ouvriers doivent REJETER la politique de Staline
;
Pourquoi les ouvriers doivent AIDER à la victoire de
l'URSS
L'entrée de l'armée rouge en Pologne, les traités imposés aux États baltes et la guerre contre la Finlande ont provoqué deux courants dans le prolétariat de ce pays. D'un côté, ceux qui voient dans l'attaque soviétique la preuve de l'«impérialisme» de l'URSS. De l'autre, ceux qui voient la preuve du succès de la politique de Staline, du «socialisme dans un seul pays». Entre ces deux courants une masse importante qui flotte, ne sait au juste quoi penser, à quel saint se vouer, entre Hitler, Daladier, Daladier-Chamberlain et Staline.
La IVème Internationale a toujours défini, avec la plus grande précision sa position. Elle n'a jamais identifié l'URSS, État ouvrier, où la propriété privée a été abolie par la révolution bolchevique d'Octobre 1917, avec la clique dirigeante de Staline qui représente la bureaucratie ouvrière de l'Union Soviétique. C'est elle qui a alerté les travailleurs sur cette bureaucratie qui sape les conquêtes d'Octobre à l'intérieur (en augmentant l'inégalité) et affaiblit l'URSS face à l'impérialisme.
Le prolétariat ne constitue point la majorité de la population du globe ; il doit, pour prendre le pouvoir, gagner l'appui des autres classes opprimée par le Capital : la petite-bourgeoisie pauvre et les paysans. D'autre part, les bolcheviks trouvèrent un appui décisif dans la lutte des peuples coloniaux et des nationalités opprimés contre l'impérialisme. Sans ce soutien ils n'auraient pas eu de succès. Ce résultat fut obtenu grâce à la doctrine de Lénine qui inaugura une politique complètement opposée à celle de la bourgeoisie : à la diplomatie et aux pactes secrets de la bourgeoisie sur le dos des peuples, les bolcheviks opposèrent la propagande révolutionnaire (le droit des nationalités opprimées de disposer d'elles-mêmes) et l'abolition de la diplomatie secrète.
Staline restaura les pactes secrets, secrets pour les masses laborieuses. Il a brisé avec la politique bolchevique de la lutte pour le droit des nations à disposer d'elles-mêmes. En 1935, il signe un pacte avec Laval. Lénine aussi signa des pactes avec les impérialistes: mais Lénine accepta «les pommes de terre des brigands impérialistes français contre les brigands impérialistes allemands» ; Lénine soulignait par sa phrase que les ouvriers n'avaient rien à changer à leur attitude vis-à-vis de leur «allié». Staline reconnut publiquement que «la France doit s'armer au niveau de sa sécurité». Il renforçait l'impérialisme français contre les peuples opprimés par celui-ci et contre le prolétariat français, dont Thorez arrêta la grève générale. Aujourd'hui il s'entend avec Hitler sur le partage de la Pologne ; il invoque que celle-ci était réactionnaire. Mais alors pourquoi la couper en deux et laisser à Hitler la moitié au lieu de l'avoir aidé à s'émanciper de ses capitalistes et hobereaux ? Pourquoi Staline présente-t-il un recul comme une victoire, pourquoi ment-il aux travailleurs ?
Les impérialistes anglo-français s'apitoient hypocritement sur la Pologne martyre, les «petits» États baltes, la «vaillante» Finlande (où les Anglais ont des mines et que les Français ont fortifiée). C'est que ceux-ci sont des créations du traité de Versailles pour encercler la révolution prolétarienne. Les ouvriers et en premier lieu les ouvriers de Finlande doivent déjouer les plans impérialistes qui ont pour but de transformer la guerre commencée par Staline en une guerre contre l'URSS. Ils doivent renverser leurs exploiteurs et les ouvriers occidentaux doivent les y aider. Ils aideront ainsi à la véritable victoire des travailleurs soviétiques : non seulement le complot impérialiste sera brisé, mais l'appel révolutionnaire des travailleurs finlandais secouera l'apathie du prolétariat de l'URSS qui pourra empêcher Staline de continuer sa politique de sabotage.
Aider à la victoire de l'URSS signifie pour les ouvriers occidentaux empêcher le transport d'armes et d'avions en Finlande. Aider à la victoire des travailleurs soviétiques signifie lutter pour la Révolution Mondiale. Dans cette voie les ouvriers seront guidés par la IVème Internationale, dont les ouvriers les plus avancés de ce pays formeront la section française.
TRAVAILLEUR ! DISCUTE L'«OUVRIER» AVEC TES CAMARADES !