� A cette date, un autre �v�nement s'est
produit, auquel il n'est pas possible d'imaginer que Trotsky ait pu
�tre �tranger : la naissance de ce qu'il appellera plus tard �
l'Opposition de 1923 � et qu'il faut sans doute consid�rer comme une
initiative des premiers de ceux � qui il fait conna�tre � le v�ritable
�tat de choses �. C'est en effet le 15 octobre que quarante-six
vieux-bolcheviks ont remis au bureau politique une d�claration commune
qui critique s�v�rement la politique �conomique et plus encore le
r�gime du parti [18]. Sign�e de deux anciens secr�taires du parti –
Pr�obrajensky et S�r�briakov –, de vieux camarades d'id�es de Trotsky
comme eux – I.N. Smirnov, Mouralov, Piatakov – et d'anciens d�cistes –
Sapronov, V.M. Smirnov, V.V. Kossior –, elle met en garde contre ce
qu'elle appelle l'absence de direction �conomique et le risque d'une
s�rieuse crise �conomique. � Pierre Brou�, Trotsky. |
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Au Bureau Politique du Comit� Central du Parti
Communiste de Russie
(D�claration des 46)
L'extr�me gravit� de la situation
nous oblige (dans l'int�r�t de notre parti, dans l'int�r�t de la
classe ouvri�re) � vous dire ouvertement que la continuation de la
politique de la majorit� du Bureau Politique menace tout le parti de
troubles graves. La crise �conomique et financi�re qui a d�but� �
la fin de juillet cette ann�e avec ses cons�quences politiques y
compris au sein du parti a r�v�l� de mani�re impitoyable les
insuffisances de la direction du parti dans le domaine �conomique
mais aussi et surtout dans celui des relations � l'int�rieur du
parti. L'�tourderie, le manque de r�flexion, le manque de m�thode
dans la d�cision du Comit� Central - qui n’arrive pas � joindre
les deux bouts dans le domaine de l’�conomie - ont conduit � ce
qu'en pr�sence d'incontestables progr�s majeurs dans l'industrie,
l'agriculture, les finances et les transports - progr�s obtenus
spontan�ment par l'�conomie du pays, non pas gr�ce, mais en d�pit
d’une direction d�faillante ou plut�t en l’absence de toute
direction - nous nous trouvions devant la perspective non seulement
de l'arr�t de ces progr�s, mais m�me devant une grave crise
�conomique g�n�rale. Nous sommes confront�s � l’imminence d’un
effondrement du tchervonets, spontan�ment devenu une devise de base
avant la liquidation du d�ficit budg�taire, � une crise du cr�dit
dans laquelle la Banque d'�tat ne peut pas sans risque de chocs
s�v�res financer non seulement l'industrie et le commerce des biens
industriels, mais aussi l'achat de c�r�ales pour l'exportation, �
l'arr�t de la commercialisation de produits manufactur�s en raison
de prix �lev�s qui sont expliqu�es d'une part par l'absence totale
de direction planifi�e de l'industrie, d'autre part par la mauvaise
politique de cr�dit, � l’impossibilit� de r�aliser le programme
d’exportations de c�r�ales car il est impossible d'acheter des
c�r�ales, � des prix tr�s bas pour les produits alimentaires qui
ruinent la paysannerie et menacent d’une contraction de la
production agricole, � des interruptions dans le paiement des
salaires qui provoquent le m�contentement naturel des travailleurs,
� un chaos budg�taire qui provoque � son tour le chaos dans
l’appareil d’�tat - les techniques r�volutionnaires de
compression � fin de r�duction du budget et de nouvelles
compressions secr�tes lors de sa r�alisation se transforment de
mesures transitoires en ph�nom�nes constants qui perturbent
l'appareil d'Etat et, du fait de l'absence de plan, le perturbent de
fa�on al�atoire, spontan�e. Ce sont l� quelques-uns des �l�ments
de la crise qui a d�j� commenc� dans le cr�dit et la finance. Si
des mesures importantes,r�fl�chies, syst�matiques et �nergiques
ne sont pas prises imm�diatement, si le manque actuel de direction
se poursuit, nous serons confront�s � la possibilit� d'un choc
�conomique exceptionnellement s�v�re, in�vitablement li� � des
complications politiques int�rieures et � l'ext�rieur � la
paralysie totale de notre activit� et de notre capacit� d’agir.
Tout le monde comprendra que nous avons besoin plus que jamais de
cette derni�re - d'elle d�pend le sort de la r�volution mondiale
et de la classe ouvri�re de tous les pays.
De la m�me fa�on, dans le domaine de la vie interne du parti, nous voyons la m�me d�faillance de la direction, paralyser et diviser le parti, ce qui appara�t particuli�rement clairement dans la p�riode de crise actuelle. Nous n'attribuons pas cela � l'incapacit� politique des dirigeants actuels du parti ; au contraire, quels que soient nos d�saccords avec eux dans l'�valuation de la situation et dans le choix des mesures � prendre en vue de la changer, nous consid�rons que les dirigeants actuels ne peuvent pas ne pas �tre mis par le parti aux avant-postes de la dictature ouvri�re dans toutes les circonstances. Nous l’expliquons par le fait que derri�re la forme ext�rieure de l’unit� formelle, nous avons en fait un recrutement et une orientation de l'activit� unilat�rales et adapt�es aux id�es et sympathies d’un cercle �troit. La direction du parti �tant corrompue par de si �troites consid�rations, elle cesse dans une grande mesure d'�tre un collectif vivant, s'autor�gulant, et qui capte avec sensibilit� la r�alit� vivante, �tant li� par des milliers de fils � cette r�alit�. Au contraire, nous voyons une division du parti qui progresse de plus en plus, que presque rien ne cache, entre la hi�rarchie du secr�tariat et les la�cs, entre les fonctionnaires professionnels du parti, choisis par en haut, et le reste de la masse du parti, qui ne participe pas � la vie publique. C’est un fait connu de chaque membre du parti. Les membres du parti qui n’approuvent pas telle ou telle d�cision du Comit� Central ou m�me d’un Comit� R�gional, ayant tel ou tel doute, notant telle ou telle erreur, vicissitude ou irr�gularit�, ont peur d'en parler aux r�unions du parti, et surtout ont peur d'en parler entre eux sauf si leur interlocuteur s'av�re �tre une personne absolument fiable, c'est � dire discr�te : la libre discussion au sein du parti a pratiquement disparu, l'opinion publique du parti s'est enlis�e. Aujourd’hui ce n’est pas le parti, ce ne sont pas ses larges masses qui proposent des candidats et �lisent les comit�s r�gionaux et le comit� central du PCR. Au contraire, la hi�rarchie du secr�tariat du parti s�lectionne de plus en plus la composition des conf�rences et des congr�s, qui sont de plus en plus des r�unions administratives de cette hi�rarchie. Le r�gime �tabli � l’int�rieur du parti est absolument intol�rable, il tue l'auto-activit� du parti, rempla�ant celui-ci par un appareil bureaucratique tri� sur le volet qui fonctionne sans encombre en temps normal, mais qui fait in�vitablement des rat�s dans les moments de crise, et qui risque d'�tre enti�rement incapable d'action autonome lorsqu’il se trouvera en pr�sence des graves d�veloppements qui menacent. Cette situation s'explique par le fait que, le r�gime de dictature fractionnelle � l'int�rieur du parti qui s'est objectivement form� apr�s le Xe congr�s s'est perp�tu�. Beaucoup d'entre nous ont consciemment d�cid� de ne pas r�sister � ce r�gime. Le tournant de 1921, puis la maladie du camarade L�nine, exigeaient, de l'avis de beaucoup d'entre nous, la dictature au sein du parti comme mesure provisoire. D'autres camarades ont �t� d�s le d�but sceptiques ou n�gatifs. Quoi qu'il en soit, au XIIe Congr�s du parti, ce r�gime �tait devenu obsol�te. Il commen�ait � montrer son revers. Les liens dans le parti faiblissaient. Le parti commen�ait � s’�teindre.
Dans le parti des mouvements
d'opposition extr�me, et m�me clairement malsains, ont commenc� �
acqu�rir un caract�re anti-parti, car il n'y avait pas de
discussion fraternelle � l'int�rieur du parti sur les questions les
plus br�lantes. Pourtant une telle discussion aurait facilement
r�v�l� le caract�re malsain de ces tendances � la masse du parti
comme � la majorit� de leurs partisans. Le r�sultat a �t� la
formation de groupes ill�gaux attirant des membres du parti en
dehors de celui-ci, et le d�crochage entre le parti et la masse des
travailleurs. La crise �conomique en Russie sovi�tique et la crise
de la dictature fractionnelle au sein du parti ass�neront des coups
s�v�res � la dictature ouvri�re en Russie et au Parti Communiste
Russe si la situation ne change pas radicalement dans l'avenir
imm�diat. Avec un tel fardeau sur les �paules, la dictature du
prol�tariat en Russie et son h�g�mon le PCR ne peuvent pas ne pas
entrer dans la p�riode des nouveaux chocs mondiaux qui s'annoncent
autrement qu'avec la perspective d'un �chec sur tous les fronts de
la lutte prol�tarienne. Bien s�r, ce serait � premi�re vue la
chose la plus simple du monde que de r�soudre le probl�me en disant
qu'� pr�sent, du fait de la situation dans son ensemble, il n'y a
pas lieu et il ne peut y avoir lieu de soulever la question d'un
changement d'orientation du parti, de mettre � l'ordre du jour des
t�ches nouvelles et complexes, etc. Mais il est �vident qu'une
telle conception reviendrait � fermer officiellement les yeux sur la
situation r�elle, puisque tout le danger r�side dans le fait qu'il
n'y a pas de r�elle unit� de pens�e et d’action face � une
situation int�rieure et ext�rieure extr�mement complexe. Plus la
lutte dans le parti se fait en sourdine et dans le secret, plus elle
est f�roce. Si nous mettons cette question devant le Comit�
Central, c'est pr�cis�ment afin de fournir le moyen le plus rapide
et le moins douloureux pour r�soudre les contradictions qui
d�chirent le parti et le mettre sans tarder sur des fondations
saines. Nous avons besoin d'une unit� r�elle dans l'analyse et dans
l'action. Les �preuves qui viennent n�cessitent une action unie,
fraternelle, tout � fait consciente, extr�mement �nergique,
extr�mement coh�rente de tous les membres de notre parti. Le r�gime
fractionnel doit �tre �limin�, et cela devrait �tre fait en
premier lieu par ses artisans : il doit �tre remplac� par un
r�gime d'unit� fraternelle et de d�mocratie interne. Afin de
r�aliser tout ce qui pr�c�de et de prendre les mesures n�cessaires
pour surmonter la crise �conomique, la crise politique et la crise
du parti, nous proposons au CC comme t�che premi�re et urgente de
convoquer une r�union des membres du Comit� Central avec les cadres
les plus importants et actifs, de sorte que la liste des invit�s
comprenne un certain nombre de camarades qui ont des opinions sur la
situation diff�rente de l'opinion de la majorit� du CC.
Signatures de la D�claration au
Politburo du Comit� central du PCR sur la situation int�rieure dans
le parti du 15 octobre 1923
E. Pr�obrajensky, B. Breslav, L.
Serebriakov
N'�tant pas d’accord avec certains points de cette lettre sur les causes de la situation actuelle, consid�rant que le parti est confront� � des probl�mes qui ne peuvent �tre r�gl�s enti�rement par les m�thodes utilis�es jusqu'� pr�sent, je souscris pleinement � la conclusion finale de cette lettre.
A. Beloborodov
Enti�rement d'accord avec les propositions, quoique je diverge sur certains consid�rants.
A. M. Rosengoltz, M. Alsky
Je suis d'accord avec le sens fondamental de cet appel. Le besoin d’aborder directement et franchement tous nos maux est devenu si urgent que je soutiens pleinement la proposition de convoquer la r�union mentionn�e afin d'identifier les moyens pratiques qui peuvent nous tirer hors des difficult�s accumul�es.
Antonov-Ovse�enko, A. Benediktov, I.N. Smirnov, Y. Piatakov, B. Obolensky (Ossinsky), N. T. Mouralov, T. Sapronov
La situation dans le parti tout comme la situation internationale sont telles qu'elles n�cessitent plus que jamais un effort extraordinaire et l'unit� des forces du parti. Tout en m'associant � la d�claration, je la consid�re uniquement comme une tentative de reconstituer la coh�sion du parti et de le pr�parer pour les �v�nements � venir. Il est �vident qu'� l'heure actuelle il ne peut �tre question de lutte au sein du parti, sous quelque forme que ce soit. Il est n�cessaire que le Comit� central �value sobrement la situation et adopte des mesures urgentes afin de rem�dier au m�contentement au sein du parti ainsi qu'� celui des masses sans-parti.
A. Holtzman, V. Maximovsky, D. Sosnovsky, Danichevsky, P Mesyatsev, T. Khorechko
Pas d'accord avec un certain nombre d'appr�ciations dans la premi�re partie de la d�claration, pas d'accord avec certaines caract�risations sur la situation au sein du parti. En m�me temps profond�ment convaincu que l'�tat du parti n�cessite des mesures radicales, parce que les choses ne sont pas bonnes dans le parti actuellement. Je suis enti�rement d'accord avec la proposition pratique.
A. Boubnov, A.Voronsky, B. Smirnov, E. Bosch, V. Kossior, F. Lokatskov
Absolument d'accord avec l'�valuation de la situation �conomique. Je consid�re l'affaiblissement de la dictature politique � l'heure actuelle comme dangereuse mais une r�g�n�ration est n�cessaire. Je trouve que la conf�rence est absolument indispensable.
Kaganovitch, Drobnis, P. A. Kovalenko, A. E. Minekine, V. Yakovleva
Enti�rement d'accord avec la proposition pratique.
B. Eltsine
Je signe avec la m�me r�serve que le camarade Boubnov.
M. Levitine
Je signe avec les m�mes r�serves que Boubnov, sans partager ni la forme ni le ton, ce qui me convainc d'autant plus d'�tre d'accord avec la partie pratique de la d�claration pr�sente.
I. Palioudov, O. Chmidel, N. Vaganian, I. Stoukov, A. Lobanov, Rafa�l S. Vassiltchenko, Mikh. Jakov, A. M. Pousakov, N. Nikolaev
�tant donn� que je me suis tenu un peu � l'�cart des travaux du centre du parti ces derniers temps, je m'abstiens de porter un jugement sur les deux premiers paragraphes de la partie introductive ; je suis d'accord avec le reste.
Averine
Je suis d'accord avec avec la partie sur la situation �conomique et politique du pays. Je pense que dans la partie o� est d�crite la situation dans le parti, le trait a pu �tre forc�. Il est imp�ratif de prendre des mesures imm�diates pour pr�server l'unit� du parti.
I. Bogouslavsky
Pas tout � fait d'accord avec la premi�re partie, qui traite de la situation �conomique du pays, cette derni�re est tr�s grave et exige une attention extr�me, mais jusqu'� maintenant, le parti n'a pas mis en avant des personnes plus capables de diriger que celles qui ont dirig� jusqu'� pr�sent. Sur la question de la situation interne du parti je crois que dans tout ce qui a �t� dit il y a une part importante de v�rit�,et je consid�re qu'il est n�cessaire de prendre des mesures urgentes.
F. Soudnik
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